Variation du poids vif et relation avec les mensurations corporelles chez les bovins N'dama et Goudali élevés en ranching au Gabon
DOI :
https://doi.org/10.5281/zenodo.11505737Résumé
Le taurin N’dama et le zébu Goudali ont été introduits et sont élevés au Gabon depuis plusieurs décennies, mais leur évolution pondérale et morphologique dans l’environnement de ce pays d’Afrique équatoriale n’est pas documentée. L’influence du sexe et de la saison sur leur poids vif (PV) puis les relations entre leur PV et quelques mensurations corporelles ont été déterminées au ranch Nyanga au sud-ouest du Gabon. Avant un an d’âge, le sexe n’influence pas le PV chez ces deux races. Après un an d’âge, les mâles entiers des deux races sont plus lourds que les femelles. Les mâles castrés sont plus lourds que les mâles entiers, seulement à un et deux ans d’âge et chez le N’dama. La saison sèche n’a d’effet négatif sur le PV que sur les jeunes N’dama de moins d’un an d’âge. Le PV du N’dama est fortement corrélé avec le périmètre thoracique (PT) (r=0,93), puis la longueur scapulo-ischiale (LSI) (r=0,88) et la hauteur au garrot (HG) (r=0,82), alors que celui du Goudali est plutôt corrélé avec la LSI (r=0,85), puis la HG (r=0,83) et le PT (r=0,82). Ces résultats montrent une adaptation de ces races à l’environnement équatorial du ranch Nyanga au Gabon.
Mots clés : Bovins indigènes, N'dama, Goudali, Gabon méridional, Performances
INTRODUCTION
Les phénotypes de bovins rencontrés en Afrique sont le taurin (Bos taurus), le zébu (Bos indicus), le sanga (croisé stabilisé taurin x zébu) et le zenga (croisé stabilisé sanga x zébu) (Rege, 1999). Le taurin est rencontré principalement dans les zones humides d’Afrique occidentale et centrale, où il s’est adapté en développant la rusticité et la résistance aux maladies endémiques au détriment de la productivité. Le zébu par contre s’est acclimaté aux zones plus arides et moins parasitées d’Afrique occidentale et orientale. Il est plus productif que le taurin africain, raison pour laquelle il est préféré par les éleveurs et est plus largement répandu sur le continent (Rege, 1999, Mwai et al., 2015). Le type sanga quant à lui est rencontré en Afrique orientale et australe et le type zenga principalement en Afrique orientale.
En Afrique occidentale et centrale, la race de taurin la plus répandue est de loin le N’Dama. Les races de zébu majoritaires sont le Fulani, et le Goudali (Rege, 1999). Les performances morpho-métriques de ces races, en particulier le N’dama et le Goudali, dans leur berceau et leurs zones d’expansion sont documentées. Des auteurs ont étudié dans différents pays comme la Côte d’Ivoire (Joshi et al., 1957; Coulomb, 1976; Charray et al., 1977), le Nigeria (Mgbere and Olutogun, 2003; Mgbere et al., 2005), le Ghana (Tuah and Danso, 1985), le Mali (Pagot and Delaine, 1959; Planchenault et al., 1984), le Bénin (Youssao et al., 2000); la Guinée Conakry (Kamga Waladjo, 2003) et le Congo (Akouango et al., 2014), les variations du poids vif (PV), de la hauteur au garrot (HG), du périmètre thoracique (PT) et de la longueur scapulo-ischiale (LSI) selon le sexe et l’âge chez le taurin N’dama. Ces mêmes mensurations ont été étudiées chez le zébu Goudali au Nigeria et au Cameroun (Joshi et al., 1957), au Burkina Faso (Marichatou et al., 2005), au Cameroun (Dumas and Lhoste, 1966; Lhoste, 1967; 1968; 1977; Ebangi et al., 2002) et au Bénin (Alassan, 2013). Les relations entre le PV et ces mensurations corporelles ont également fait l'objet d'études chez le taurin N’dama (Coulomb, 1976, Planchenault et al., 1984; Mgbere et al., 2005; Akouango et al., 2014) et le zébu Goudali (Assana et al., 2018).
Au Gabon, des taurins N’dama sont élevés dans divers ranchs depuis les années 1980 sans que leurs PV et mensurations corporelles dans cet environnement équatorial ne soient documentés. Vers la fin des années 2000, des zébus Goudali ont été introduits dans le sud-ouest du pays, au ranch Nyanga, dans la province de la Nyanga. Ces Goudali sont protégés contre les maladies endémiques comme la trypanosomose, mais l’évolution de leur PV et leur morphologie dans ce nouvel environnement n’a pas été étudiée. Ce travail vise à identifier les facteurs influençant le PV du taurin N’dama et du zébu Goudali élevés au ranch Nyanga, puis à déterminer les relations existantes entre le PV et les mensurations corporelles dans l’environnement équatorial du Ranch Nyanga.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Milieu d’étude et collecte des données
Les données ont été collectées sur des bovins N’dama et Goudali élevés au Nyanga ranch, dans la province de la Nyanga, au sud-ouest du Gabon. Le ranch Nyanga s’étend sur 100 000 ha entre les latitudes 3⁰08’S et 3⁰31’S et les longitudes 11⁰13’E et 11⁰46’E. Le climat y est de type équatorial, chaud et humide. La pluviométrie moyenne annuelle du ranch est de 1584 mm avec une humidité moyenne relative de 80%, une insolation moyenne de 1400 heures par an et une évaporation de 1000 mm par an. On y distingue quatre saisons: une grande saison de pluie de février à mai, une grande saison sèche de juin à septembre, une petite saison de pluie d’octobre à novembre et une petite saison sèche de décembre à janvier. La température moyenne au ranch Nyanga est de 27°C avec un minimum de 25°C en juillet et un maximum de 32°C en mars. Avec ce climat, Il y a une période d’abondance de pâturage d’environ 245 jours, de mi-octobre à mai et une période d’insuffisance de pâturage d’environ 120 jours de juin à mi-octobre. La végétation, composée de forêts sempervirentes et de vastes plaines, est dominée par des graminées (Panicum phragmitoides, Bracharia brizantha, Beckerio cuniseta, Eriosema geomerata, Desmodium sp. et surtout Hyparrhenia diplandra) et quelques arbustes (Descoings, 1961).
Le bétail est élevé en des troupeau de 200 Unité Bétail Tropical (UBT) sur pâturage naturel dans des parcs de 1 000 ha entièrement clôturés au fil barbelé. Chaque parc comporte cinq parcelles. Une parcelle reste en défens et quatre sont mises à feu de façon rotative au cours de l’année par un feu de contre saison en petite saison sèche (janvier), deux feux précoces en début de grande saison sèche (juin) et un feu tardif en fin de grande saison sèche (septembre).Le bétail reçoit un complément minéral ad libitum. Le programme de suivi sanitaire comprend un soin hebdomadaire des troupeaux, un bain détiqueur bimensuel et une prophylaxie médicale semestrielle avant et après la grande saison sèche. La prophylaxie médicale consiste en des vaccinations semestrielle contre la septicémie hémorragique bovine et annuelle contre la Péripneumonie contagieuse bovine, un traitement anthelminthique semestriel au Lévamisole et une trypano-prévention semestrielle à l’acéturate de Diminazène et au chlorure d’Isométhamidium. Les zébus Goudali reçoivent une trypano-prévention supplémentaire au milieu de la grande saison sèche.
Un dixième des effectifs des bovins N’dama et Goudali présentes au ranch a été aléatoirement échantillonné au mois de septembre en saisons sèches 2015 (316 N’dama et 32 Goudali) et 2016 (390 N’dama et 19 Goudali) puis au mois de mars en saison pluvieuse 2016 (361 N’dama et 42 Goudali), soit au total 1067 Ndama et 93 Goudali. Sur chaque bovin échantillonné, le périmètre thoracique (PT), la longueur scapulo-ischiale (LSI), la hauteur au garrot (HG) et le poids vif (PV) ont été mesurés puis la race, le sexe et l’âge ont été enregistrés.
Analyses statistiques
Dans un premier temps, les moyennes et les écarts types du PV par sexe et par saison ont été déterminées pour chaque race et classe d’âge. Un modèle linéaire de prédiction du PV à partir de l’âge, du sexe, de la saison, du PT, de la LSI et de la HG a ensuite été ajusté pour chacune des deux races de bovins, afin de vérifier les conditions de validation des tests paramétriques, à savoir l’indépendance, la normalité et l’homoscédasticité des résidus. Ces conditions n’étant pas remplies, des tests non paramétriques ont été utilisées notamment le test de Kruskal-Wallis pour comparer les moyennes du PV par sexe puis par saison pour chaque catégorie d’âge. En cas de rejet de l’hypothèse d’égalité des moyennes, des comparaisons par paire ont été faites par des tests de Wilcoxon. Enfin, les relations entre le PV, le PT, la LSI et la HG ont été évaluées par la corrélation de Spearman. Les résultats ont été représentés sur des graphes en utilisant les packages «tidyverse» (Wickham et al., 2019) et «ggpubr» (Kassambara, 2023) du logiciel R version 4.2.2 (R Core Team, 2022).
RÉSULTATS ET DISCUSSION
Poids à âge type
Les PV moyens par race, sexe et classe d’âge des bovins échantillonnés au ranch Nyanga (1067 N’dama et 93 Goudali) sont présentés dans les tableaux 1 et 2. Les PV à la naissance n’ont pas pu être déterminés parce que les bovins étudiés sont élevés en système extensif sur parcours naturel, avec un passage hebdomadaire au couloir pour le comptage et des soins éventuels. Les PV moyens obtenus pour les bovins de moins d’un an sont naturellement supérieurs aux PV à la naissance rapportés par d’autres auteurs, notamment 15 à 20 kg pour les veaux et 15 à 19 kg pour les velles N’dama (Coulomb, 1976,; Planchenault et al., 1984; Tuah and Danso, 1985; Youssao et al., 2000; Kamga Waladjo, 2003; Mgbere et al., 2005), puis 22 à 27 kg pour les veaux et 20 à 25 pour les velles Goudali (Joshi et al., 1957; Lhoste, 1968; Ebangi et al., 2002; Marichatou et al., 2005; Alassan, 2013).
Les PV obtenus au ranch Nyanga chez les N’dama d’un an d’âge et plus sont inclus dans les intervalles de PV rapportés par d’autres auteurs, notamment 82 à 145 kg pour les taurillons et 80 à 138 kg pour les génisses N’dama d’un an (Joshi et al., 1957; Pagot and Delaine, 1959; Coulomb, 1976; Planchenault et al., 1984; Tuah and Danso, 1985; Youssao et al., 2000; Kamga Waladjo, 2003; Mgbere et al., 2005); 124 à 300 kg pour les taurillons et 123 à 238 kg pour les génisses N’dama de deux ans (Joshi et al., 1957; Pagot and Delaine, 1959; Coulomb, 1976; Planchenault et al., 1984; Mgbere et al., 2005); 188 à 311 kg pour les jeunes taureaux et 188 à 260 pour les génisses au taureau N’dama de trois ans (Pagot and Delaine, 1959; Coulomb, 1976; Planchenault et al., 1984); 255 à 419 kg pour les taureaux, 207 à 353 kg pour les vaches et 260 à 319 kg pour les bœufs N’dama (Joshi et al., 1957; Coulomb, 1976; Charray et al., 1977, Planchenault et al., 1984; Kamga Waladjo, 2003; Mgbere et al., 2005; Akouango et al., 2014).
Par contre, les PV obtenus chez les Goudali de plus d’un an d’âge sont pour la plupart supérieurs aux PV rapportés par d’autres auteurs, à savoir 110 à 167 kg pour les taurillons et 90 à 152 kg pour les génisses Goudali d’un an (Joshi et al., 1957; Ebangi et al., 2002); 180 à 190 kg pour les taurillons et 160 à 190 kg pour les génisses Goudali de deux ans (Joshi et al., 1957); 351 à 450 kg pour les taureaux de trois ans et plus, 336 à 400 kg pour les génisses au taureau et les vaches de trois ans et plus puis 450 à 500 kg pour les bœufs Goudali (Joshi et al., 1957; Dumas and Lhoste, 1966; Lhoste, 1967; 1977). Ces résultats pourraient suggérer une adaptation du N’dama, mais surtout du Goudali à l’environnement de type équatorial du ranch Nyanga. Ce serait aussi un indicateur de l’efficacité du programme de prophylaxie mis en place au ranch pour ces bovins.
Effet sexe
Chez le N’dama comme chez le Goudali du ranch Nyanga (Figures 1 et 2), le sexe n’a pas d’effet sur le PV avant l’âge d’un an.
Ce résultat contredit la différence de poids observée selon le sexe chez les veaux N’dama au Nigéria et en Gambie (Adeyanju et al., 1976; Njie and Agyemang, 1991) et Goudali au Cameroun et au Burkina Faso (Lhoste, 1968; Marichatou et al., 2005). Cette différence pourrait s’expliquer par le mode d’échantillonnage dans la présente étude, fait selon la classe d’âge et non l’âge exact. Cela a pu entraîner une sur-représentation de veaux femelles plus âgés.
Le nombre de femelles et de mâles castrés Goudali âgés de deux et trois ans ne permettait pas de faire des comparaisons statistiques. Ainsi, à partir d’un an d’âge, les mâles entiers des deux races sont plus lourds que les femelles, excepté le cas des N’dama de deux ans. Ces résultats confirment ceux de Joshi et al. (1957) au Mali, en Sierra Leone et en Côte d’Ivoire puis d’Akouango et al. (2014) au Congo. Les mâles castrés N’dama sont plus lourds que les mâles entiers à un et deux ans d’âge. Ces observations contredisent Lhoste (1973) et Dibanzilua et al. (1993) dont les résultats montrent que la castration n’améliore pas la croissance chez les bovins. Toutefois, il est probable que les mâles d’un à deux ans sélectionnés pour la castration au moment de l’étude soient les plus âgés de leur classe d’âge. L’absence de différence de PV entre les mâles entiers et les castrés dès la classe d’âge de 3 ans confirmerait cette hypothèse.
Effet saison
Chez le N’dama (Figure 3), l’effet de la saison sur le PV ne s’observe que sur les jeunes et ce jusqu’à l’âge d’un an. Les PV en saison sèche chez ces veaux sont plus faibles, mais l’effet de la saison sèche est plus marqué en 2015 qu’en 2016 pour les veaux et plus marqué en 2016 qu’en 2015 pour les taurillons et génisses d’un an d’âge. Toutefois, cet effet de la saison sèche sur le PV des jeunes N’dama doit être nuancé puisque les PV ont été pris pour la saison sèche au mois de septembre et pour la saison des pluies au mois de mars. Or, septembre correspond au début des naissances de la saison de monte principale qui dure de mi-décembre à mi-février, et mars à la fin des naissances de la saison de monte complémentaire et du premier service des génisses qui durent de mi-mars à mi-juin. Les veaux présents au mois de septembre devraient donc pour la majorité être moins âgés et moins lourds que ceux présents au mois de mars.
Le nombre de sujets Goudali âgés de deux et trois ans (Tableau 2) ne permettait pas pour ces classes d’âge de comparer statistiquement le PV selon la saison. Pour les autres classes d’âge, notamment moins d’un an, un an et quatre et plus, la saison n’a aucun effet sur le PV.
D’autres travaux ont pourtant montré une influence de l’année, du mois et de la saison de naissance sur le poids des veaux à la naissance et au sevrage aussi bien chez le N’dama (Adeyanju et al., 1976; Njie and Agyemang, 1991) que le Goudali (Lhoste, 1968; Ebangi et al., 2002). L’absence d’effet de la saison et de l’année sur le PV des veaux Goudali du ranch Nyanga pourraient être liée à une bonne gestion des pâturages. En effet, durant les périodes de mise à feux, la rotation et la charge des parcelles sont bien respectées, la qualité et la disponibilité du fourrage sont assurées, même en saison sèche. D’autres auteurs ont rapporté des pertes de poids en saison sèche sur des vaches N’dama en Gambie (Dwinger et al., 1994) et Goudali au Cameroun (Lhoste, 1967), de même que sur des bœufs Goudali au Cameroun (Dumas and Lhoste, 1966). L’effet de la saison sur le PV des bovins peut s’expliquer aussi par l’espèce et la race. Historiquement, les zébus se sont adaptés aux zones arides et semi-arides d’Afrique occidentale, centrale et orientale, alors que les taurins sont restés dans les régions subhumides et humides d’Afrique occidentale et centrale (Kim et al., 2017). Cela justifierait ainsi l’absence d’effet de la saison sèche sur le PV des veaux Goudali, contrairement aux veaux N’dama.
Relations poids vif et mensurations corporelles
L’objectif de cette étude n’était pas la détermination de formules barymétriques. Le modèle linéaire de prédiction du PV à partir de l’âge, du sexe, de la saison et des mensurations corporelles a été ajusté pour vérifier les conditions de validation des tests paramétriques à savoir l’indépendance, la normalité et l’homoscédasticité des résidus. Ces conditions n’étant pas réunis, des tests non paramétriques ont été utilisés pour évaluer les effets sexe et saison sur le PV puis les relations entre le PV et les mensurations corporelles ont été déterminées par des corrélations de Spearman. C’est la raison pour laquelle des modèles non-linéaires n’ont pas étés explorés pour expliquer les relations entre le PV et les mensurations corporelles.
Les corrélations entre le PV, le PT, la LSI et la HG des bovins du ranch Nyanga sont positives et fortes pour les deux races étudiées. Chez le N’dama du ranch Nyanga, le PV est plus fortement corrélé avec le PT (r=0,93), puis la LSI (r=0,88) et la HG (r=0,82). Les résultats de Akouango et al. (2014) sur des N’dama adultes suivent la même tendance avec des coefficients de corrélations de 0,93; 0,92 et 0,90 respectivement entre le PV et le PT, la LSI puis la HG. Par contre, Mgbere et al. (2005) rapportent chez des N’dama des corrélations plus faibles à la naissance (0,33≤r≤0,50 pour le PT, 0,46≤r≤0,49 pour la HG et 0,27≤r≤0,33 pour la LSI), voir négatives entre 6 mois et 24 mois (-0,63≤r≤0,24) (-0,63≤r≤0,16 pour le PT, -0,41≤r≤0,21 pour la HG et -0,58≤r≤0,17 pour la LSI). Chez le Goudali du ranch Nyanga, le PV est plus fortement corrélé avec la LSI (r=0,85) que la HG (r=0,83) et le PT (r=0,82). Cela est contraire aux observations faites sur d’autres races de zébu, notamment le Gobra du Sénégal où le PV est fortement corrélé (r=0,97) avec le PT (Chollou et al., 1978); l’Azawak du Niger où le PV est plus fortement corrélé avec le PT (r=0,97) que la LSI (r=0,96) et le HG (r=0,92) (Dodo et al., 2001) et l’Azawak du Mali où le PV est aussi plus fortement corrélé avec le PT (r=0,95) que le HG (r=0,94) (Touré et al., 2017).
Les équations de régression proposées par différents auteurs pour déterminer des formules barymétriques pour le taurin N’dama et des zébus d’Afrique occidentale et centrale identifient aussi le PT comme un bon estimateur du PV. Les régressions utilisées sont de type linéaire, exponentiel, logarithmique, polynomial ou de moyenne mobile. Dans ces équations, le PT est utilisé soit seul (Coulomb, 1976; Touré et al., 2017; Assana et al., 2018), soit associé à la LSI et/ou la HG (Pagot and Delaine, 1959; Planchenault et al., 1984; Dodo et al., 2001; Youssao et al., 2013). Les mensurations retenues comme meilleurs estimateurs du PV varient toutefois selon la race de bovin, la catégorie d’âge et le sexe. Ainsi, chez le Borgou, une race Zébu x Taurin stabilisée du Bénin, les meilleurs estimateurs du PV sont: entre 6 et 12 mois d’âge, le PT seul pour les femelles ou le PT associé à la LSI pour les mâles; entre 12 et 24 mois d’âge, le PT associé à la HG pour les mâles et la LSI pour les femelles; puis après 24 mois, la HG associée à la LSI pour les mâles et le PT associé à la HG pour les femelles (Youssao et al., 2013). Chez le N’dama au Mali, les estimations les plus précises du PV sont obtenues quel que soit l’âge avec le PT, suivi de la HG pour les mâles de tout âge et les femelles jusqu’à l’âge de 24 mois, ou la LSI pour les femelles à partir l’âge de 34 mois (Planchenault et al., 1984). Chez le Goudali au Cameroun, les meilleurs estimateurs du PV sont plutôt la HG pour les mâles jusqu’à 12 mois d’âge et le PT pour les autres catégories d’âge et de sexe (Assana et al., 2018). Chez l’Azawak au Niger, les meilleures estimations du PV sont obtenues avec des équations incluant le PT et la LSI pour les mâles et le PT seul pour les femelles (Dodo et al., 2001).
Les différences observées pourraient dépendre des conditions d’élevage, puisque le PT et la LSI semblent être des indicateurs de l’état corporel du bovin alors que la HG est essentiellement liée au format du squelette. Cela se justifie dans cette étude par une corrélation meilleure entre le PT et la LSI comparée à la HG, aussi bien pour le N’dama (r=0,82 contre 0,80) que la Goudali (r=0,81 contre 0,79). Coulomb (1976) a d’ailleurs observé sur des veaux N’dama des rythmes de croissance semblables pour le PT et la LSI et plus rapides que celui de la HG. Des erreurs de mesures pourraient aussi expliquer ces écarts, puisque dans les travaux de Pagot and Delaine (1959), la LSI par exemple, était la mensuration sur laquelle les erreurs ont été les plus fréquentes. De même, la mesure correcte de la HG nécessite une bonne contention du bovin, l’absence de stress et une surface plane (Planchenault et al., 1984). Cela expliquerait pourquoi le PT, plus facile à mesurer, est plus fiable et plus utilisée pour la prédiction du PV aussi bien chez le N’dama que le Goudali (Mgbere et al., 2005; Assana et al., 2018). Les différences morphologiques liées aux sous types de N’dama ou de Goudali (Joshi et al., 1957) et les différences de composition des échantillons d’une étude à l’autre pourraient aussi justifier les écarts observés.
CONCLUSION
Comparés aux données publiées, les PV à âge type des bovins du ranch Nyanga sont comparables pour le N’dama et meilleurs pour le Goudali. Les différences de poids entre les sexes ne s’observent pas avant un an d’âge chez ces deux races au ranch Nyanga. Au-delà d’un an d’âge, les mâles entiers des deux races sont plus lourds que les femelles. Entre un et deux ans d’âge, les mâles castrés N’dama sont plus lourds que les mâles entiers. La saison n’affecte le PV que sur les jeunes N’dama de moins d’un an d’âge et avec des PV plus faibles en saison sèche. La saison n’affecte pas le PV du Goudali quel que soit l’âge. Le PV chez le N’dama du ranch Nyanga est corrélé avec le PT, puis la LSI et la HG, alors que celui du Goudali est plutôt corrélé avec la LSI, puis la HG et le PT.
Cette première étude sur les variations du poids vif et des mensurations corporelles du N’dama et du Goudali introduits au Gabon montre une adaptation à cet environnement de type équatoriale. Les races bovines africaines devraient mieux être étudiées et leur potentiel génétique mieux valorisé dans les programmes d’amélioration génétique sur le continent.
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