Analyse du potentiel productif et déterminants de l’efficacité technique des productrices de chou dans la ville de Korhogo en Côte d’Ivoire
Résumé
Cette étude évalue la capacité de production et les déterminants de l’efficacité technique des productrices du chou dans la commune de Korhogo. Pour y parvenir, un modèle de frontière stochastique de production a été spécifié afin d’estimer les scores d’efficacité des exploitantes et de dégager les facteurs explicatifs de l’inefficacité technique des productrices. Au regard des résultats, il ressort que l’écart entre la production observée et celle potentielle est en partie dû à l’inefficacité. En outre, selon cette étude, l’augmentation de la superficie entraîne un accroissement des temps de travaux d’entretien et par ricochet la diminution de la productivité. Néanmoins, l’application de l’engrais impacte significativement et positivement la productivité des agricultrices au seuil de 10%. La main d’œuvre a également un effet positif et significatif au seuil de 5%. Toutefois, le niveau d’efficacité technique moyen est faible sur l’ensemble des sites étudiés, même si quelques fortes performances sont signalées dans certaines localités. Par ailleurs, certaines variables socio-démographiques sont susceptibles d’influencer positivement ces scores d’efficacité. Il s’agit des variables «appartenance à une organisation paysanne», «formation agricole» et «nombre d’année d’expérience».
Mots clés: Chou, efficacité technique, frontière stochastique, Côte d’Ivoire
INTRODUCTION
En Côte d’Ivoire, comme dans bien d’autres pays d’Afrique subsaharienne, l’agriculture est le secteur dominant de l’économie. Elle génère en moyenne 30 à 35 % du PIB et constitue la principale source de revenu et d’emploi pour plus de 60 % de la population active (Banque mondiale, 2003). La population active et urbaine enregistre une croissance régulière sans précédent. Le nombre d’urbains a atteint sa vitesse de croisière en 2013 avec 53,3 % (INS, 2014), inversant, ainsi, la tendance par rapport au milieu rural (Koffié-Bikpo et Adayé, 2014). Cette forte croissance démographique urbaine a induit un accroissement des besoins en termes de nourriture et d’emploi. Ces deux besoins ont favorisé un développement rapide de l’agriculture urbaine et périurbaine (Kouakou et al., 2008). De plus, l’agriculture urbaine et périurbaine est reconnue aujourd’hui comme ayant une importance vitale pour la sécurité alimentaire du fait de son rôle dans l’approvisionnement des villes en produits agricoles et aussi comme source de revenus (Dongmo et al., 2005). Elle contribue, aussi, à l’intégration et à la réduction de la pauvreté des populations venues des campagnes (Olanrewaju et al., 2004). L’accroissement des populations dans les villes et ses périphéries s’accompagne d’une demande en produits maraîchers (chou, tomates, oignon, gombo…). Alors, plus le processus d’urbanisation s’accélère plus le problème d’insécurité alimentaire persiste. Cette persistance est liée à la faible productivité liée aux modes de production caractérisés par une quasi-absence de la mécanisation, de l’irrigation, ainsi qu’une faible intensification des pratiques culturales (BCEAO, 2012). Cette situation ne permet pas aux populations de faire face aux incidences des aléas climatiques (sécheresses, inondation, tempête) sur leurs productions et leurs revenus (BCEAO, 2012).
Néanmoins, les maraîchers font vivre des milliers d’individus dans les villes. Le maraîchage qui est l’un des sous-secteurs de l’agriculture, demeure ainsi une source importante de revenu et d’autosuffisance alimentaire des populations rurales et périurbaines (Banque mondiale, 2018). Les cultures maraîchères sont centrées essentiellement sur la production de légumes. De nos jours, elles prennent de plus en plus d’importance tant sur le plan nutritionnel, économique et social que sur le plan des superficies exploitées. Elles jouent un rôle important en améliorant le régime alimentaire des populations mais surtout en réduisant de façon significative le chômage (Olanrewaju et al., 2004). Parmi les cultures maraîchères, les légumes feuilles comme le chou sont mieux représentés par rapport aux légumes produits pour leurs fruits, racines, bulbes ou tubercules (Muzingu, 2007). Ainsi, depuis les années 90, la production de légumes frais s’est développée dans la zone nord de la Côte d’Ivoire où, auparavant, cette activité n’était possible que seulement en saison pluvieuse. Cette activité maraîchère revêt une importance capitale car elle participe à l’autonomisation de la gent féminine, à la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté dans cette partie de la Côte d’Ivoire. Parmi les cultures pratiquées, le chou occupe la première place (Tuo et al., 2017), d’où sa production, sa disponibilité en quantité suffisante deviennent donc une nécessité. Cela suscite donc, des interrogations sur les capacités et les performances des systèmes de production actuels. De plus, face à la rareté des ressources et la pression foncière auxquelles font face les productrices urbaines, l’allocation des intrants devient un impératif. La notion d’efficacité prend alors une place de plus en plus importante dans les débats et les recherches scientifiques.
Cette étude a pour objectif d’évaluer l’efficacité technique des productrices du chou. Spécifiquement, elle a pour but (1) d'estimer les niveaux d’efficacités techniques des productrices du chou dans la commune de Korhogo et (2) d'identifier les déterminants de l’efficacité technique des productrices.
REVUE DE LITTÉRATURE
Plusieurs études ont examiné l’efficacité technique des exploitations agricoles à l’aide du modèle de Frontière stochastique. Kouakou (2014) a évalué la performance de la culture du coton en Côte d’Ivoire à partir d’une frontière stochastique de production et d’une frontière de coût. Il ressort de son analyse qu’aucune zone de production n’a le monopole de performance. L’inefficience constatée s’explique par le faible niveau d’encadrement et les fluctuations des prix bords-champs.
Kouakou (2017) a utilisé l’approche stochastique proposée par Aigner et al. (1977) pour déterminer l’efficacité technique de la production maraîchère urbaine en Côte d’Ivoire. Selon son étude, l’application d’insecticides et de pesticides est positive mais pas significative. De plus, la superficie totale en hectare a un effet négatif et significatif au seuil de 5% sur l’efficacité technique des agriculteurs urbains. Il s’en suit que plus il existe d’emblavures en production agricole urbaine, moins le producteur est techniquement efficace dans la production. La main d’œuvre a un effet positif et significatif sur l’efficacité technique. En outre, l’analyse des indices d’efficacité technique indique que le plus faible niveau d’efficacité technique observée (21%) est dans les communes de Cocody et de Yopougon. Cependant, les valeurs maximums d’efficacité technique de plus de 90%, obtenues principalement à Marcory (97%) et à Port-Bouët (95%), montrent qu’il existe également des producteurs très performants car étant proches de la frontière de production.
Gniza (2022) a analysé l’efficacité des producteurs de riz dans l’allocation des ressources dont ils disposent pour la production en recueillant des données transversales auprès de 255 producteurs dans le Centre-Ouest de la Côte d’Ivoire à partir d’une fonction de type Cobb-Douglas. Les résultats indiquent que la semence a un effet positif sur la production mais est sous-utilisée tandis que la main d’œuvre a un effet positif sur la production mais est surutilisée par les producteurs. Le matériel agricole quant à lui, a un effet négatif et non significatif sur la production car il est surutilisé par les producteurs.
Ndiaye (2018) a déterminé l’efficacité technique des exploitations agricoles familiales à Maurice à l’aide de la technique d’Analyse par Enveloppement de Données (DEA). Les résultats montrent que 46,5 % de l’échantillon sont techniquement efficaces sous rendement d’échelle variable. Il en résulte aussi que la productivité est significativement influencée par le sexe du chef d’exploitation, la superficie cultivée et le salaire.
Ndiaye et Diallo (2022) ont mesuré l’efficacité technique des exploitations agricoles familiales de mil dans le Bassin arachidier du Sénégal. L’étude a porté sur un échantillon de 2115 exploitations familiales couvrant 21 départements du Bassin arachidier y compris Tambacounda. Les techniques d’analyse par enveloppement des données (DEA) et des frontières stochastique (SFA) sont utilisées pour mesurer le niveau d’efficacité technique. Le modèle Tobit est appliqué pour identifier les facteurs influençant l’efficacité technique de ces exploitations. Les résultats ont montré que l’efficacité technique moyenne est estimée à 69 % pour le SFA et 60 % pour le DEA. La régression Tobit a révélé aussi que l’efficacité technique de ces exploitations est influencée par l’âge, le sexe, le régime foncier, la durée de vie des matériaux, l’utilisation de la fumure organique et des produits phytosanitaires et le relief.
Moustafa et al. (2022) ont estimé le niveau d’efficacité technique des producteurs de maïs participants et non participants au warrantage dans une région du Bénin. L’approche d’estimation en une seule étape de la frontière stochastique de production et du modèle qui détermine les facteurs d’inefficacité technique a été appliquée à un échantillon aléatoire stratifié de 314 producteurs de maïs dont 157 producteurs participants au warrantage. Les résultats ont montré que les producteurs n’opèrent pas tous sur la frontière de production. Le niveau moyen d’efficacité technique a été de 74 % avec 78 % pour les bénéficiaires et 70 % pour les non bénéficiaires. Le niveau actuel moyen de leur production annuelle qui est de 16 014 kg pourrait être encore amélioré de 33 % avec les mêmes ressources productives. L’accès au warrantage, le sexe, l’utilisation de la semence améliorée de maïs, l’appartenance à un groupement de producteurs hors warrantage et la possession d’un moyen d’information sont les facteurs qui influencent positivement l’efficacité technique des producteurs.
Chogou et al. (2017) ont analysé l’efficacité technique des producteurs d’ananas à partir de la méthode des frontières de production stochastiques appliquée à un échantillon représentatif de 135 exploitants membres du Réseau de producteurs d’ananas du Bénin (RéPAB). Les résultats montrent que, dans l’ensemble, les producteurs d’ananas ne sont pas efficaces techniquement. Le niveau moyen d’efficacité est de 67 %, montrant ainsi qu’il existe des possibilités d’amélioration de la production en utilisant les mêmes quantités de ressources que celles disponibles actuellement. Les producteurs les plus efficaces se trouvent parmi les producteurs qui respectent l’itinéraire technique recommandé. Les résultats montrent également que la vulgarisation de l’information technique doit être complétée par des appuis pouvant amener les producteurs à mettre en œuvre convenablement l’itinéraire technique recommandé, notamment l’accès aux intrants de bonne qualité.
Abikou (2023) a étudié l’efficacité économique des systèmes de production du riz en bas-fonds à partir de l’approche stochastique des frontières de production et de coût. Les résultats montrent que les efficacités diffèrent d’un cycle de production à l’autre d’une part et d’un système de production à l’autre. Ainsi, le système de production GSP2 est plus efficace en production pluviale 0,39 (±0,01) et en décrue 0,41 (±0,07) alors que le système GSP1 est plus efficace en production de contre saison 0,68 (±0,09) face aux autres systèmes.
Mamam et al. (2016) ont estimé l’efficacité technique d’un échantillon de 411 exploitations maïzicoles dans les principales zones de production au Bénin selon le modèle de la frontière stochastique de production de type Cobb-Douglas. Les résultats montrent que l’indice d’efficacité technique varie de 37,4 à 96,2% pour tous les systèmes, et celui de l’efficacité technique moyenne en est de 80,3%. La valeur maximale d’efficacité technique d’au moins 92,7% obtenue, montre qu’il existe des producteurs très performants dans l’échantillon d’étude car étant proches de la frontière de production. Les mêmes résultats indiquent également que les variables telles que l’accès aux engrais et aux herbicides, l’utilisation de la traction animale et du tracteur, l’encadrement technique et l’accès au crédit influencent significativement l’efficacité technique des exploitations de maïs enquêtées.
Waigalo (2023) a évalué la performance productive des producteurs de variétés améliorées de mangues du bassin de production de la région de Sikasso (Mali). Les résultats de la fonction de production stochastique montrent que les coefficients des variables «superficie exploitée», dépenses en équipements et en entretien des vergers sont respectivement significatifs au seuil de 1% et affectent positivement la production de mangues des producteurs. La variable main d’œuvre salariée employée affecte négativement et au seuil de 1% le rendement des producteurs. Les rendements d’échelle sont décroissants. Les producteurs ont un score d’efficacité technique moyen de 95,4%. Le coefficient de la variable sexe est significatif au seuil de 5% et réduit l’inefficacité technique des producteurs. En revanche, les coefficients des variables liées à la taille du ménage et au niveau d’instruction sont significatifs au seuil de 10% et accroissent l’inefficacité technique des producteurs. Les résultats obtenus indiquent que la fonction de production des producteurs de variétés améliorées de mangues est de nature déterministe. La présence d’effets liés à l’inefficacité technique l’emporte sur celle de phénomènes aléatoires.
Sawadogo et al. (2022) ont déterminé l’effet de la culture associée sur l’efficacité technique des ménages agricoles au Burkina Faso, par l’approche fonction distance directionnelle. Il ressort que l’intensification de la culture associée améliore l’efficacité technique, de même que l’éducation et la traction animale. L’âge du chef de ménage et le ratio de dépendance réduisent en revanche l’efficacité technique.
Au Bénin, Chogou et al. (2018) ont utilisé la méthode des frontières stochastiques de production sur un échantillon aléatoire de 93 producteurs de soja. Les résultats ont montré que les indices d’efficacité technique ont varié entre 5 % et 92 % avec une moyenne de 61 %, ce qui montre que la production pourrait être nettement améliorée avec les mêmes quantités de ressources productives utilisées actuellement. Aussi, les résultats révèlent que les producteurs les plus efficaces (29 % de l’échantillon) ont obtenu un score d’efficacité technique compris entre 0,80 et 0,92 avec un rendement moyen de 1410 kg/ha. L’étude conclut que l’utilisation de semences de soja de bonne qualité, l’application d’insecticides chimiques pour réduire la pression parasitaire et le sexe ont été les facteurs qui influencent positivement l’efficacité technique des producteurs.
MÉTHODOLOGIE
Présentation de la zone d’étude
Situé entre le 8°26 et le 10°27 de latitude Nord et le 5°17 et le 6°19 de longitude Ouest, la ville de Korhogo, chef-lieu de la région du Poro se trouve à 600 km de la ville d’Abidjan au nord de la Côte d’Ivoire (Figure 1).
Korhogo possède un climat de type soudanais marqué par une alternance de saisons à savoir, la saison sèche marquée par l’harmattan entre décembre et janvier et des pointes de chaleurs en mars et avril et la saison des pluies qui s’étend de mai à octobre avec des pluviométries maximales en juillet et Août. Sur le plan géologique, les sols sont ferralitiques et typiques à granites. La population de Korhogo est estimée à 748 393 habitants et est majoritairement agricole selon le Recensement Général de la Population et de l’Habitat de 2021.
Collecte des données
Le choix des sites vise à assurer le recoupement des contrastes internes à la zone d’étude en tenant compte du gradient de diffusion de la culture du chou, ainsi que les aspects socio-économiques et démographiques de la zone. Le choix des ménages enquêtés a été fait de manière raisonnée suivant le critère «parcelle de cultures de chou dirigée par une femme».
A priori, tous les espaces portant des cultures maraîchères à l’intérieur et aux abords de la ville de Korhogo sont concernés par l’enquête. De plus, les bas-fonds de la ville de Korhogo font partie des lieux les plus exploités pour le maraîchage. Selon la distribution géographique des sites prédéfinis, six (6) grands sites ont été choisis dans le cadre de cette étude. Dans la zone urbaine, il s’agit des sites de Natiokobadara, du barrage de Koko, Nanguin, de Teguere et Petit-Paris. Dans la zone périurbaine, il s’agit du site de Mongaha. L’enquête par questionnaire a été administrée à cent quatre-vingt-dix-huit (198) productrices échantillonnées de façon aléatoire sur la base du dixième du nombre des productrices de chou au regard du nombre total des productrices recensées (Tableau 1).
Choix des variables
Pour estimer les niveaux d’efficacité, les variables quantitatives telles que la production du cou (en kilogramme), la superficie des exploitations (en hectare), les quantités d’herbicides (en Litre) et d’engrais (en kilogramme), les semences (en kilogramme) et le capital rudimentaire (Montant de l’amortissement en FCFA) ont été choisies.
Pour mesurer les déterminants des inefficacités techniques des exploitations de chou, les variables telles que l’âge du chef d’exploitation, le statut foncier, le niveau d’instruction, l’appartenance à un groupement d’intérêt économique, la formation agricole et le nombre d’années d’expérience dans la production du chou ont été prises en compte.
Spécification du modèle
L’approche stochastique proposée par Aigner et al. (1977) a été utilisée pour cette étude. Cette approche suppose que l’erreur est composite d’un terme résiduel prenant en compte les risques liés aux effets aléatoires et d’une composante qui représente l’inefficacité des exploitations de canne à sucre.
De plus, l’approche de la frontière stochastique a été choisie pour tenir compte du fait qu’elle permet de différencier l’inefficacité liée aux producteurs et celle due aux effets aléatoires non contrôlables par les exploitants agricoles. La forme fonctionnelle Cobb-douglas a été également utilisée pour l’estimation de la frontière de production du chou afin d’éviter les problèmes d’itération et de corrélation entre variables indépendantes.
La forme globale du modèle de production Cobb Douglas se présente comme suit:
(1)
Dans le cas précis de cette étude, la forme linéaire du modèle est:
Où: i: représente la productrice de chou i, Yi: Production totale de chou récolté (Kg), X1: Superficie totale (hectare), X2: Quantité totale de semence (en Kg), X3: Quantité totale d’engrais (en kg), X4: Quantité totale de pesticide (en litre), X5: Main d’œuvre (HJ/Ha),
Avec, Yi l’output de l’exploitation du chou i, β0 la constante exprimant la valeur de la productivité qui n’est pas influencée par les facteurs de production, βi l’élasticité de la production par rapport à chaque facteur, εi la variable purement aléatoire hors du contrôle, ti mesure l’inefficacité technique de l’exploitation i et i représente une agricultrice de chou. X1 représente les variables dépendantes qui se présentent dans le tableau 2 avec les signes attendus.
Les paramètres de la frontière de même que les fonctions de densité sont estimées par la méthode du maximum de vraisemblance. Les indices d’efficacité technique sont déterminés par la formule définie par Coelli et al. (1998): , soit ETi l’efficacité technique.
En milieu urbain ivoirien, les facteurs susceptibles d’affecter le niveau d’efficacité technique des exploitations sont les suivants: l’âge de l’exploitante (variable continue); l’expérience dans la production du chou (variable continue); le niveau d’instruction (variable binaire: 0=non et 1=oui); le statut foncier (variable binaire: 0=non et 1=oui); la formation technique agricole (variable binaire: 0=non et 1= oui) et l’appartenance à une organisation d’intérêt économique (variable binaire: 0=non et 1=oui). Pour la détermination des sources de l’inefficacité des exploitations du chou, le modèle de régression Tobit a été utilisé compte tenu du caractère tronqué des indices d’efficacité qui sont compris entre 0 et 1.
Les effets de l’efficacité technique sont exprimés par l’équation suivante:
(3)
Avec:
TE= Efficacité Technique, b0= Constante, Z1= Age de l’exploitante, Z2= Statut foncier, Z3= Niveau d’instruction, Z4= Appartenance à une organisation, Z5= Formation technique agricole, Z6= Expérience dans la production du chou,ωi=Terme usuel d’erreur.
Les estimations ont été effectuées à l’aide du logiciel STATA 15. Les variables susceptibles d’influencer les efficacités des exploitations de chou sont consignées dans le tableau 3.
RÉSULTATS
Caractéristiques socio-démographiques des exploitations de chou
Les productrices de chou de la commune de Korhogo sont en majorité analphabètes (78,9%) et ont pour la plupart un âge compris entre 32 et 55 ans (67,0%). Elles ont en moyenne 20 années d’expérience dans la culture du chou. Ce sont des ménages dont la taille varie de 7 à 8 membres. Les principaux modes d’accès à la terre sont le fermage (73,6%) et l’héritage (26,4%). La superficie moyenne exploitée est de 0,020 ha, avec un écart-type de 0,014. Elles sont en général mariées selon coutume (53,1%). Par ailleurs, les productrices ne sont pas dans leur entièreté membres de groupement d’intérêt économique (82%) et ne bénéficient pas dans leur large majorité de formation technique agricole (92%).
Analyse du niveau de l’efficacité technique des productrices du chou
Estimation de la frontière de production
Les résultats issus du tableau 4 suggèrent que le modèle est globalement significatif au seuil de 10%. Ce résultat porte sur l’ensemble des sites étudiés. L’hypothèse nulle est rejetée car le coefficient est égal à zéro, de même que celle stipulant d’absence d’inefficacité et d’effet aléatoire. Sur cinq (5) variables explicatives dans le modèle, trois (3) permettent d’expliquer l’efficacité technique des productrices de chou. Il s’agit des variables «superficies», «engrais» et «main d’œuvre». Le coefficient de la variable «superficie» est négatif et significatif au seuil de 1%. Cela signifie que l’augmentation de la superficie d’une unité entraîne la chute du rendement de 5,93 kg. La variable «engrais» s’est révélée être positive et significative au seuil de 10%. Cela renseigne qu’une augmentation de la quantité d’engrais entraîne une amélioration de 2,88 kg de la production de chou. La variable «main d’œuvre» est positive et significative au seuil de 5%. Cela signifie qu’une meilleure allocation de la main d’œuvre augmente la production du chou. L’utilisation de semence et l’application de pesticide influencent positivement sans toutefois être significatives. Il va sans dire que ces deux variables ne sont pas utilisées de manière rationnelle.
Par ailleurs, gamma (γ) est significativement diffèrent de zéro et sa valeur (0,80) est comprise entre 0 et 1. Cela implique que la déviation de la frontière de production est due d’une part à l’inefficacité technique des productrices de chou et d’autre part influencée par les facteurs exogènes aléatoires (aléas climatiques, invasions acridiennes, etc.) qui échappent au contrôle des productrices du chou.
Analyse des indices d’efficacité
Les résultats consignés dans le tableau 5 révèlent que les plus faibles niveaux d’efficacité technique sont observés sur les sites de Mongaha (14%) et de Teguere (17%). La valeur maximale de l’efficacité technique (99%) est obtenu à Natio et indique que les productrices de ce site sont très performantes car très proche de la frontière de production. Les agricultrices de chou de Petit-Paris et de Koko enregistrent respectivement un niveau d’efficacité moyen de 57% et 54%.
Répartition des productrices par tranche selon le niveau d’efficacité technique
Le tableau 6 montre que 11 productrices de chou (5,45%) ont un indice d’efficacité compris entre 0 et 0,20; 87 productrices de chou (44,5%) ont un indice d’efficacité variant de 0,20 et 0,40; 56 des productrices de chou (28,2%) ont un indice d’efficacité oscillant entre 0,40 et 0,60; 31 productrices de chou (15,4%) ont un indice d’efficacité compris entre 0,60 et 0,80 et enfin 13 productrices de chou (6,36%) ont un indice d’efficacité évoluant entre 0,80 et 1,00. En effet, selon cette étude, seulement 6,36 % des productrices de chou ont un niveau d’efficacité proche de la frontière de production.
Analyse des facteurs déterminant l’efficacité technique
Selon le Tableau 7, les variables «appartenance à un groupement d’intérêt économique» et «formation technique» sont positives et significatives respectivement au seuil de 10% et 1%. Le nombre d’années d’expérience dans la culture du chou est également positif et significatif au seuil de 1%.
DISCUSSION
Les productrices du chou sont en majorité illettrées (78,90%). Ce faible niveau d’instruction pourrait s’expliquer par le fait que les ménages ruraux instruits se détournent en général de l’activité agricole (Zinmose, 2012).
Par ailleurs, 67,0% des productrices de chou ont un âge compris entre 31 et 55 ans. En effet, la culture du chou est pratiquée par les adultes. Ces résultats coïncident avec ceux d’Abikou et al. (2023) qui stipulent que l’activité maraîchère est une affaire de femmes âgées dans la mesure où elle nécessite beaucoup d’expérience pour la mener à bien.
En outre, 81% des productrices de chou accèdent à la terre par fermage. Les productrices louent la terre au profit d’un quota ou une part des récoltes. Dans cette zone, la location requiert un geste symbolique (récoltes, objets précieux, don etc…) à l’endroit des propriétaires terriens (Coulibaly et al., 2017).
Les productrices ne sont pas en général membres de groupement d’intérêt économique.
La valeur de gamma (γ) renseigne que l’écart par rapport à la frontière est expliqué par l’inefficacité des sites de production du chou à 80%. La valeur de gamma (γ), significativement différente de zéro, indique l’existence des inefficacités productives. Ce résultat signifie que l’écart entre la production observée et la production potentielle des sites étudiés est en partie dû à leur inefficacité. Par ailleurs, (γ) est significativement inférieur à 1, ce qui justifie l’importance du terme d’erreur stochastique v. En effet, dans le cas de cette étude, 20% des écarts entre la production observée et la production potentielle des six (6) sites de production du chou sont liés à des effets aléatoires y compris à des erreurs de mesure.
Les résultats de l’étude ont montré que le signe du coefficient de la variable «superficie» est négatif et significatif au seuil de 1%. Cela s’explique par le fait que l’augmentation de la superficie entraîne un accroissement des temps de travaux d’entretien et la diminution de la production de chou. Les résultats de plusieurs auteurs confirment cette assertion. Selon ces derniers, plus le chef d’unité de production dispose de parcelles à entretenir, plus il fournit d’efforts, moins il devient efficace et impacte la production (Cheikh, 2014; Arouna et al., 2010). L’application de l’engrais impacte significativement et positivement la productivité des agricultrices au seuil de 10%. Ceci signifie que plus le producteur apporte de l’engrais (Urée, NPK), plus il est techniquement efficace dans la production. Cette corrélation positive et significative a également été obtenue par d’autres auteurs et pourrait se justifier par la maîtrise de l’épandage de l’engrais. Une meilleure application de l’engrais dont l’excès serait défavorable à un meilleur cycle végétatif justifie ce résultat (Kouakou, 2014). La main d’œuvre a un effet positif et est significatif au seuil de 5%. Cette corrélation pourrait s’expliquer par le nombre d’année de pratique de cette activité (expérience) et aussi une meilleure allocation de la main d’œuvre. Ce résultat analogue est trouvé par Nuama (2006).
En ce qui concerne le niveau d’efficacité technique moyen, il est quasi-faible sur l’ensemble des sites, même si quelques fortes performances sont signalées dans certaines localités. En effet, la faible productivité des intrants justifie ces bas niveaux d’efficacité. Ce résultat est similaire à celui Savi (2009).
En outre, selon cette même étude, certaines variables socio-démographiques, sont susceptibles d’influencer ces scores d’efficacité. Ainsi, le signe de la variable «appartenance à une organisation paysanne» est positif et significatif. Ce qui implique une influence positive de cette variable sur l’efficacité technique. En fait, le groupement d’intérêt économique a l’avantage de partager des connaissances, des expériences et mieux de favoriser l’entraide. Cela pourrait s’expliquer aussi par le fait qu’une organisation communautaire peut résoudre les problèmes de main-d’œuvre et d’accès aux intrants qui sont des facteurs qui améliorent l’efficacité technique de la paysanne. Cette affirmation est soutenue par Kouakou (2017) qui attestent que l’appartenance à une organisation paysanne constitue un véritable levier pour augmenter l’efficacité individuelle en particulier et celle de l’organisation paysanne.
Par ailleurs, la variable «formation agricole» établit une relation positive et positive avec l’efficacité technique au seuil de 10%. En effet, la grande majorité des programmes de formation concernent les cultures maraîchères. Hanson (2008) suggère que l’efficacité d’une exploitation peut augmenter en mettant l’accent sur le savoir-faire (la connaissance).
Enfin, le nombre d’année d’expérience a un effet positif et significatif sur les niveaux d’efficacité. Ce résultat pourrait s’expliquer par le fait que, plus les producteurs sont expérimentés, plus ils maîtrisent les itinéraires de production liés à la culture du chou. En fait, le nombre d’années de pratique de la culture du chou peut améliorer l’allocation des ressources productives des exploitantes. Ces résultats sont conformes à ceux de Ndiaye (2018).
CONCLUSION
La présente étude a pour objectif d’évaluer l’efficacité technique des productrices du chou dans la ville de Korhogo. Au regard des résultats, il ressort que les productrices du chou sont en majorité illettrées (78,9%). Par ailleurs, la culture du chou est pratiquée par les adultes. Le principal mode d’accès à la terre est le fermage. Les productrices ne sont pas en général membres de groupement d’intérêt économique. L’écart entre la production observée et celle potentielle est en partie dû à leur inefficacité. En outre, selon cette étude, l’augmentation de la superficie entraîne un accroissement des temps de travaux d’entretien et par ricochet la diminution de la productivité. Néanmoins, l’application de l’engrais impacte significativement et positivement la productivité des agricultrices au seuil de 10%. La main d’œuvre a également un effet positif et significatif au seuil de 5%. Toutefois, le niveau d’efficacité technique moyen est faible sur l’ensemble des sites étudiés, même si quelques fortes performances sont signalées dans certaines localités. Enfin, certaines variables socio-démographiques, sont susceptibles d’influencer positivement ces scores d’efficacité. Il s’agit des variables «appartenance à une organisation paysanne», «formation agricole» et «nombre d’année d’expérience».
Alors dans le but d’améliorer la productivité des agricultrices de chou, il est recommandé d’intensifier la formation sur les bonnes pratiques agricoles et d’inciter la création de groupement d’intérêt économique.
RÉFÉRENCES
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© Revue Marocaine des Sciences Agronomiques et Vétérinaires