Réponse de la betterave sucrière (Beta vulgaris L.) à l'eau d'irrigation saline sous le système de nano-irrigation
Résumé
La salinité des sols et de l'eau est une menace majeure dans les régions arides et semi-arides irriguées des pays en développement. De nouvelles technologies ont été développées pour maximiser la production agricole avec une utilisation rationnelle des ressources en eau, en particulier l'eau salée. Nous avons mené des expériences sur le terrain en utilisant soit le système de nano-irrigation, soit le système d'irrigation goutte à goutte sur un sol sableux limoneux pour étudier la réponse de la betterave sucrière à différents niveaux d'eau d'irrigation saline. Des réplicats (n = 4) de parcelles élémentaires sur terrain, de 4 m de large x 5 m de long, avec deux traitements de salinité de l'eau d'irrigation (S1 = 1,6 dS m-1, S2 = 6,3 dS m-1), ont été établies dans un plan factoriel sous nano-irrigation. Les propriétés chimiques du sol et les paramètres morphologiques et physiologiques de la betterave sucrière ont été mesurés sur deux périodes d'échantillonnage. Nos résultats montrent un pH et une teneur en matière organique du sol similaires sous les différents traitements de salinité et de système d'irrigation tandis que la salinité du sol a considérablement augmenté au début de l’experience puis, a diminué surtout dans les 5 cm de la surface du sol. A la fin de l'expérience, l'irrigation avec de l'eau salée a particulièrement causé l’accumulation de la proline dans les feuilles, et la réduction des teneurs en chlorophylle, la surface foliaire et le rendement racinaire. Nos résultats suggèrent que le système de nano-irrigation serait approprié pour cultiver la betterave à sucre pourvu que le bon emplacement des rampes soit choisi. Ils indiquent également qu'à court terme, une salinité de l'eau d'irrigation de 6 dS m-1 pourrait être utilisée pour l'irrigation afin d'obtenir un rendement de biomasse racinaire acceptable sans impacts significatifs sur le sol cultivé.
Mots clés: Stress salin, Qualité de l'eau, NaCl, Proline, Agriculture biosaline
Introduction
Le sol salin est de qualité médiocre et peut provoquer une sécheresse ou une toxicité ionique au niveau de la plante, ce qui entrave sa croissance et son développement (Litalien and Zeeb, 2020). Au Maroc, la superficie des sols affectée par la salinité est estimée à 700.000 ha dont la moitié est localisée dans les périmètres irrigués, soit un peu plus d’un cinquième des surfaces irriguées (Singh, 2021). Cependant, sans gestion appropriée, la salinisation des sols induite par l’irrigation peut entraîner des problèmes environnementaux et une menace additionnelle pour la sécurité alimentaire en réduisant les rendements des cultures et en rendant éventuellement les terres salinisés, irréversibles (Motib et al., 2020). Des techniques d'élimination du sel peuvent être utilisées pour surmonter cette limitation environnementale, mais ces méthodes sont généralement très coûteuses et nécessitent de grandes quantités d'eau pour lessiver ces sels (Rhoades and Loveday, 1990). Pour cette raison, l'introduction d'espèces végétales résistantes au stress salin et ayant une valeur socio-économique élevée est l'une des méthodes de restauration et d’adaptation aux sols salins. En effet, selon la famille, le genre et l'espèce, la quantité de sel dans le sol que les plantes peuvent tolérer varie (Robert, 1992). À ce stade, la sélection d’une végétation idéale est le point de départ du développement d'une stratégie pour faire face à la salinité. Les plantes halophytes présentent un potentiel tolérant au sel grâce à leur pouvoir d'empêcher le lessivage des sels dans les eaux de surface et souterraines (Zhu, 2001). La sélection des espèces et des variétés adaptées à la salinité combinée à la gestion appropriée de l'irrigation avec des eaux de moindre qualité, offre une bonne alternative pour une agriculture durable.
Dans ce travail, nous avons étudié la betterave sucrière (Beta vulgaris L., GARROT, FLORIMOND DESPRE et IBERATA ) qui, parmi les cultures à forte valeur ajoutée, a la réputation de tolérer le stress salin. Bien que des études antérieures aient étudié l'effet de la salinité sur la betterave sucrière (Khattak and Jarrell, 1989; Gzik, 1996; Moreno et al., 2001), jusqu'à présent, aucune étude n'a été réalisée sur l'effet sous le système de nano-irrigation. De telles études sont vitales pour bien comprendre comment la betterave sucrière (à grosse racine pivotante charnue qui grossit avec la croissance) fonctionne sous un système de nano-irrigation et comment elle réagit à la salinité de l'eau sous le system. Le système « nano » utilisé dans cette étude est un système d'irrigation à tubes poreux enterrés d'une technologie relativement nouvelle (Moistube) composée de membranes semi-perméables dont les pores sont de l'ordre du nanomètre (Kanda et al., 2020). Cette étude fait suite à deux précédentes expériences de terrain (Hallam et al., 2021) qui ont examiné l'économie d'eau et les performances de deux cultures alternatives (à racine fasciculée) sous nano-irrigation. Notre expérience offre une vision objective de l’agriculture biosaline pour mieux favoriser la croissance des cultures à haute valeur ajoutée en engageant les connaissances cumulées et à utiliser des technologies développées pour la valorisation des eaux et les sols salées dans les régions arides et semi arides. Sur la base des lacunes dans les connaissances identifiées, nous avons suivi l'effet de valeurs élevées de chlorure de sodium dans l'eau d'irrigation sur l'évolution de la salinité de la solution du sol et d'autre part sur la croissance de la betterave sucrière. Nous avons également essayé de comparer la croissance et la tolérance de la betterave sucrière sous le système de nano-irrigation et le système de goutte à goutte. Nous avons émis l'hypothèse que (i) l'emplacement choisi pour les rampes du nano système permettra une croissance normale de la betterave sucrière sans aucun effet de compression des tubes enterrés avec la croissance des racines, ii) la distribution de la salinité avec la profondeur du sol sera homogène sous nano irrigation et une accumulation en surface sous irrigation goutte à goutte, et iii) le stress salin induira un effet dépressif et réduira ainsi la croissance de la betterave sucrière en termes de rendement racinaire et de surface foliaire.
Matériels et méthodes
Site et conception expérimentale L'essai a été installé en plein champ sur un sable limoneux au domaine expérimental Melk Zhar dans la commune rurale de Belfaa (30°2'33"N ; 9°33'4"W). Les propriétés physico-chimiques du sol sont présentées dans le tableau 1. L’ étude a porté sur la culture de la betterave à sucre (B. vulgaris L.) sous un stress salin durant la période de 03/12/2020 au 25/05/2021. Les variétés des graines utilisées sont: les semences monogermes bleu de la variété GARROT fournie par FLORIMOND DESPRE (France) et les semences monogermes rouge de la variété IBERATA fournie par KWS SAAT (Allemagne). Les parcelles expérimentales (5m de longueur x 4m de largeur) ont été sarclées et désherbées avant l'installation de la culture. La betterave sucrière a d'abord été cultivée en pépinière pendant 12 jours avant d'être installée au champ. Les plantes ont ensuite été transplantées au milieu de deux rangées de rampes pour le système de nano-irrigation (à 25 cm de la rampe du tube poreux de type Moistube) et tout au long de la même rangée de rampe pour le système de goutte à goutte. Contrairement au système de goutte à goutte de surface, les rampes du système nano ont été placées à 20 cm de profondeur et l'espacement entre deux rampes était de 50 cm pour les systèmes nano et goutte à goutte.
Un plan factoriel a été établi pour produire 11 parcelles élémentaires de 20 m2 chacune avec deux traitements de salinité (S1 = 1,6 dS m-1, S2 = 6,35 dS m-1) répartis comme suit: i) Nano irrigation avec la salinité S1 (NS1, n =4), ii) Nano irrigation avec la salinité S2 (NS2, n =4), irrigation goutte à goutte avec avec la salinité S1 (GS1, n =1) et iv) irrigation goutte à goutte avec avec la salinité S2 (GS2, n =2). Idéalement, nous aurions eu quatre répétitions pour chaque traitement de salinité dans le système goutte à goutte. Cependant, en raison de limitations logistiques, nous n'en avons eu que deux répétitionspar le traitement S2 et un seule répétitionpour le traitement S1. Cette conception déséquilibrée a été prise en compte dans l'analyse ANOVA (voir la section analyse statistique pour plus de détails).
Figure 1. Les parcelles expérimentale de la betterave à sucre (B. vulgaris L.) sous différentes traitement d’eau salins et systèmes d’irrigation (Domaine expérimental Melk Zhar Belfaa, 2021).
Tableau 1. caractéristiques chimiques du sol des parcelles expérimentales au domaine expérimental Melk Zhar. 736,7 ±
1Conductivité électrique sur 1:5 (sol: eau)
2Déterminé par le rapport de 1: 2.5 (sol: eau).
3L'analyse granulométrique par la méthode de l'hydromètre.
4Teneur en matière organique du sol déterminée par la méthode Walkley-Black d'oxydation humide à l'acide chromique
5Le carbonate total à l'aide des analyses du test du calcimètre Bernard.
6Les bases échangeables avec l'extrait d'acétate d'ammonium
Mesures effectuées
Le suivi de l'évolution des propriétés chimiques du sol et la croissance de la matière végétale vis-à-vis au stress salin repose sur des analyses effectuées pendant la croissance végétale jusqu' à la fin du cycle de la culture. Les échantillons du sol et de la plante sont prélevés après 2 mois de traitement (Prélèvement I) et à la fin de cycle de culture (Prélèvement II) et sont analysés au laboratoire Sol-Eau-Plante du Centre Régional de la Recherche Agronomique de Agadir.
Analyses du sol
Les Prélèvement I et Prélèvement II des échantillons du sol a été réalisée à différentes profondeurs du sol, 0-5 cm, 5-10 cm et 10-30 cm. Au laboratoire, les échantillons ont été séchés à l'air libre et passé à travers un tamis de 2 mm pour procéder aux analyses de pH, conductivité électrique et matière organique.
Paramètres morphologiques et biochimiques de la plante
Surface foliaire
La surface foliaire (en cm²) a été mesurée à l’aide d’un planimètre électronique (Area Meter AM350, ADC BioScientific Ltd, Royaume-Uni) et par calcul numérique selon la formule de Camp et al., (2000):
Avec :
• L= longueur de la feuille
• l = largeur de la partie médiane
• K = 0.72
Biomasse racinaire
Nous avons séparée de la partie aérienne des racines et à l'aide d'une balance (Kg), nous avons estimée les rendements par la mesure des poids des racines collectées de chaque parcelle élémentaire.
Détermination de la teneur en proline
La proline est dosée par la méthode de Troll and Lindsley, (1955), simplifiée et mise au point par Dreir et Goring (1974) et citée par Monneveux et Nemmar (1986). Cette méthode se base sur la coloration rouge produite par l’interaction de la proline avec de la ninhydrine dans un tampon acide (Carillo et al., 2011).
Détermination de la teneur en pigments photosynthétiques (chlorophylle)
La teneur en chlorophylle a été estimée à partir de feuilles vertes selon la méthode de Lichtenthaler and Wellburn, (1983). Des feuilles fraîches (100 mg) ont été extraites dans 100 % d'acétone et incubées dans de la glace pendant 15 minutes. L'extrait a été centrifugé à 3000 tr/min pendant 5 min à 4°C. En utilisant le spectrophotomètre UV-Visible (Optizen 3220UV, Daejeon, Corée du sud), l'absorption des surnageants a été mesurée à a = 645 nm, λb = 662 nm pour la chlorophylle a et b. Les valeurs sont données en μg.ml-1 de matière fraîche (Lichtenthaler et Wellburn, 1985).
Analyses statistiques des données
Les données collectées ont été analysées à l'aide d'un modèle linéaire général d’analyse de variance (ANOVA) et du logiciel SPSS (IBM Corp, Version 22) pour estimer la signification statistique des différentes moyennes entre les traitements de la salinité. Les données ont été transformées pour obtenir l'homogénéité des variances si nécessaire. Des valeurs de p <0,05 ont été utilisées comme seuil de signification.
Il était prévu d’effectuer 4 répétitionsdans chacun des traitements GS1 et GS2 du dispositif d'irrigation goutte à goutte, comme ce fut dans le cas du système de Nano-irrigation, mais en raison de variétés inadaptées aux conditions climatiques de la région nous avons perdu la plupart des cultivars des deux traitements (GS1 et GS2), de sorte qu'il ne reste qu’une répétitionpour le traitement GS1 et deux répétitionspour le traitement GS2. Cela ne nous a pas empêché de poursuivre nos recherches. En conséquence les traitements déséquilibré avec un nombre limité de répétitions ont été inclue dans l’analyse de la variance pour vérifier l’effet principal des facteurs traitements de salinités (5 parcelles élémentaires en total de S1 vs 6 parcelles élémentaires en total de S2) et des systèmes d’irrigation (3 parcelles en total de goutte à goutte vs 8 parcelles en total de Nano-irrigation) mais pas à leurs interactions, puisque la conception est une ANOVA déséquilibrée. La conception déséquilibrée a entraîné des variances inégales pour certains paramètres, nous avons donc répété notre analyse ANOVA en excluant le système d’irrigation goutte à goutte pour étudier l’effet des doses de salinités dans le système Nano-irrigation. Le système de goutte à goutte était utilisé comme contrôle et n'était pas impliqué dans l'analyse.
Résultats
Évolution des paramètres du sol
La figure 2 montre l’évolution du pH (A), la conductivité électrique (B) et le taux de la matière organique (C) dans le sol en fonction de la profondeur, système d’irrigation et traitement de salinité entre prélèvement I et II. Les deux prélèvements I et II, présentent un pH modérément alcalin et pour les deux traitement de salinité, la variation de pH est pratiquement de même ordre. La salinité moyenne dans le prélèvement I est plus élevée en surface du sol (0-5 cm) qu’en profondeur dans le traitement S2 (Figure 2 B). La conductivité électrique des premiers 5 cm du sol est plus importante dans le cas de système goutte à goutte. Les conductivités électriques dans le prélèvement II a approximativement diminuée par rapport prélèvement I. La figure 2 C, montre que la matière organique diminue avec la profondeur du sol. Cependant, aucune tendance n'a été observée pour l'effet des deux modes d'irrigation et des traitements de salinité sur la teneur en matière organique du sol.
Figure 2. La moyenne du potentiel d’hydrogène (A), la conductivité électrique (B), et le taux de la matière organique (C) du sol, de deux périodes de prélèvement sous diffrentes traitments de la salinité. Prélèvement I = échantillons de sol prélevés après 2 mois de traitement d'eau saline, Prélèvement II = échantillons de sol prélevés à la fin de cycle de culture. N S1= salinité 1 sous le système nano (n= 4, moyenne ± écart type), NS2= salinité 2 sous le système nano (n=4, moyenne ± écart type) G S1= salinité 1 sous le système goutte à goutte (n=2, moyenne ± écart type). G S2= salinité 2 sous le système goutte à goutte salinité 2 (n=1).
Effet de la salinité sur les paramètres physiologiques et morphologiques de la plante
Proline
Le suivi de l’évolution de la proline dans les feuilles de la plante, présenté sur la figure 3, montre son augmentation pour les traitements de salinité S2 pour les deux systèmes d’irrigation. L’analyse de la variance (ANOVA) montre que l’augmentation de la teneur en proline est significative pour le traitement NS2 chez les parcelles avec le système nano (p= 0,041) et pour le prélèvement II.
Le suivi des prélèvements montre que pour les traitements S2, la plus forte accumulation de proline foliaire a été enregistrée pour le système goutte à goutte. En effet, la teneur en proline est respectivement de 8,87 mg g-1 MF et 4,15 mg g-1 MF dans le deuxième prélèvement par rapport au premier prélèvement. Pour la même concentration en sel, l'augmentation de la teneur en proline dans le cas du système de nano-irrigation était de l'ordre de 6,41 mg g-1 MF et 3,46 mg g-1 MF, respectivement, dans le deuxième prélèvement par rapport au premier prélèvement.
Figure 3: La moyenne de la proline produit chez la betterave à sucre, de deux périodes de prélèvement sous différents traitements de la salinité. Prélèvement I = échantillons des feuilles prélevés après 2 mois de traitement d'eau saline, Prélèvement II = échantillons des feuilles prélevés à la fin de cycle de culture. N S1= salinité 1 sous le système nano (n= 4, moyenne ± écart type), NS2= salinité 2 sous le système nano (n=4, moyenne ± écart type) G S1= salinité 1 sous le système goutte à goutte (n=2, moyenne ± écart type). G S2= salinité 2 sous le système goutte à goutte salinité 2 (n=1).
Pigments photosynthétiques
La figure 4 montre la teneur des pigments photosynthétiques chez la betterave à sucre, de deux périodes de prélèvement sous différents traitements de la salinité. L'analyse statistique a montré une diminution significative de la teneur en chlorophylle a avec la salinité de l'eau d'irrigation dans les parcelles du nano-système (p= 0,03). Cette réduction est d'autant plus importante dans le deuxième prélèvement, où l'on constate qu’une concentration de 6,3= dS m-1 entraine respectivement une réduction de 1 μg.ml-1 à 0,3 μg.ml-1 entre prélèvement I et prélèvement II.
L'analyse de la variance a montré également une diminution de la chlorophylle b avec la salinité de l’eau d’irrigation (S2=6,3 dS.m-1) dans le cas de l'irrigation goutte à goutte (p= 0,025). Le stress salin à S2 a induit une baisse de 0,5 μg.ml-1 à 0,4 μg.ml-1 respectivement entre le début de l’expérience et à la fin de cycle végétatif.
L’augmentation de la salinité de l’eau d’irrigation avait un effet très significatif sur la teneur en chlorophylle totale (Chl.t = Chl. a + Chl. b) dans les parcelles avec le système goutte à goutte (p= 0,006) ainsi que pour le nano-système (p= 0,024). Dans les parcelles avec le système goutte à goutte, la teneur en Chl.t est passée de 2,4 μg.ml-1 pour les témoins à 1,6 μg.ml-1 chez les plantes stressées (S2), et pour le système nano la réduction est passée de 1,4 μg.ml-1 à 0,5 μg.ml-1.
Figure 4. La moyenne des teneures en pigments photosynthétiques chez la betterave à sucre, de deux périodes de prélèvement sous différents traitements de la salinité. Prélèvement I = échantillons des feuilles prélevés après 2 mois de traitement d'eau saline, Prélèvement II = échantillons des feuilles prélevés à la fin de cycle de culture. N S1= salinité 1 sous le système nano (n= 4, moyenne ± écart type), NS2= salinité 2 sous le système nano (n=4, moyenne ± écart type) G S1= salinité 1 sous le système goutte à goutte (n=2, moyenne ± écart type). G S2= salinité 2 sous le système goutte à goutte salinité 2 (n=1).
Surface foliaire
La mesure de la surface foliaire des feuilles de la betterave à sucre pour les différents traitements a donné les résultats présentés à la figure 5. L’examen des résultats de premier prélèvement montre que la surface foliaire a significativement augmentée sous traitement S2 dans les deux systèmes d’irrigation. Cette augmentation été de l’ordre de 17% pour les parcelles avec le système nano et 70% dans le cas de goutte à goutte. Les résultats du prélèvement II, montrent que la surface foliaire a considérablement diminuée avec le temps en fonction de la concentration saline d’irrigation. Bien que cette réduction soit non significative pour les deux systèmes d’irrigation, elle correspondait à une diminution de 15% chez les parcelles avec le système nano et 23% dans le cas de goutte à goutte.
Figure 5. La moyenne de la surface foliaire chez la betterave à sucre, de deux périodes de prélèvement sous différents traitements de la salinité. Prélèvement I = échantillons des feuilles prélevés après 2 mois de traitement d'eau saline, Prélèvement II = échantillons des feuilles prélevés à la fin de cycle de culture. N S1= salinité 1 sous le système nano (n= 4, moyenne ± écart type), NS2= salinité 2 sous le système nano (n=4, moyenne ± écart type) G S1= salinité 1 sous le système goutte à goutte (n=2, moyenne ± écart type). G S2= salinité 2 sous le système goutte à goutte salinité 2 (n=1).
Rendement racinaire
La figure 6 représente les résultats de l’effet de chlorure de sodium sur le rendement en terme de poids de la biomasse racinaire. Les résultats montrent que le traitement S2 a significativement diminué le rendement racinaire sous les deux système d’irrigation étudiés.
Figure 6. La moyenne du poids des racines de la betterave à sucre, sous différents traitements de la salinité à la fin de cycle de culture. N S1= salinité 1 sous le système nano (n= 4, moyenne ± écart type), NS2= salinité 2 sous le système nano (n=4, moyenne ± écart type) G S1= salinité 1 sous le système goutte à goutte (n=2, moyenne ± écart type). G S2= salinité 2 sous le système goutte à goutte salinité 2 (n=1).
Discussion
Effet de la salinité de l’eau d’irrigation sur la solution du sol
Les résultats de notre étude ont montré que les propriétés du sol étudié restaient moins influencées par la salinité de l'eau d'irrigation en termes de pH et de taux de matière organique. Probablement le sol étudié présente un pouvoir tampon et par conséquent la durée de la surveillance est partiellement courte pour révéler des différences de pH (Wang et al., 2015). Il est également à noter que la teneur en matière organique du sol étant initialement faible, la salinité de l'eau utilisée dans notre étude n'a eu aucun effet sur la teneur en matière organique. D'autre part, la conductivité électrique de la solution du sol a augmenté avec la salinité de l’eau d’irrigation. La salinité dans le prélèvement I est plus élevée en surface du sol qu’en profondeur dans le traitement S2 puis a diminué au prélèvement II. Cette concentration en surface, serait due à la forte évaporation conjuguée à la quantité insuffisante d'eau d'irrigation pour permettre le lessivage de ces sels vers la profondeur du sol (Fujimaki et al., 2006; Wang et al., 2011; Zhang et al., 2013), et sa diminution dans le prélèvement II pourrait être due à l'effet tampon du sol qui a pris le relais (Darwish et al., 2005). Cette salinité observée en surface et encore plus importante dans le cas du système goutte à goutte. Nous pouvons expliquer cette augmentation par le fait que le nano-système est différent du système goutte à goutte en ce qu'il est enfoui dans le sol, alors il diffuse la salinité de manière homogène dans le profil du sol et n’accumule pas de niveaux élevés à la surface comme pour le système goutte à goutte. Il a été observé cependant que les effets dépressifs du chlorure de sodium observés dans la plante peuvent être atténués en ajoutant de la matière organique au sol (Hannachi et al., 2004). En effet pour le compost comme amendement organique, a démontré son efficacité par la capacité inégale de ses acides humiques à chélater le sodium sur leurs sites carboxyliques (El Hasini et al., 2020). Comme on s’y attendait, la salinité dans le prélèvement II a diminué en raison des précipitations pendant cette période qui ont provoqué le lessivage des sels.
Effet de la salinité sur la physiologie de la plante
Des études antérieures, comme celles de Wang et al., (2019) et Abideen et al., (2014) ont évalué l’effet de la salinité sur la physiologie de la plante et ont montrée que l’ajustement osmotique implique l’accumulation de proline. Nos mesures sur les feuilles de la betterave à sucre montrent les mêmes tendances. Les traitements combinés aux systèmes d'irrigation sur la teneur en proline ont montré une augmentation progressivement de la teneur en proline en réponse à la dose élevée de NaCl dans les eaux d’irrigation pour atteindre des teneurs remarquables vers la fin de l’expérience. Lorsque la plante est dans des conditions défavorables, l'accumulation de la proline reflète la résistance au stress car elle agit comme un agent protecteur dans les feuilles (Abideen et al., 2014). Ashraf et Harris, (2004) pensent que la proline joue aussi plusieurs rôles physiologiques chez les plantes exposées au stress salin (tel que : source d'énergie, de carbone et d'azote, etc.). Cependant, les résultats ont montré que l'effet de la salinité entraîne une diminution de la teneur en chlorophylle chez les plantes traitées par rapport aux témoins et cette diminution est d’autant plus importante que le stress est plus élevé. Ces résultats montrent que la salinité influe sur l’activité photosynthétique, ce qui aura un impact sur la croissance des plantes. Il est possible que la réduction de la chlorophylle (a) et de la chlorophylle (b) est liée à la sensibilité de sa biosynthèse au chlorure de sodium. Ce dernier aurait affecté la voie de biosynthèse de la chlorophylle a et dans une moindre mesure la chlorophylle b (Greenway and Munns, 1980).
Effet de la salinité sur la croissance de la biomasse végétale
Conformément à notre première hypothèse, la comparaison des résultats globaux obtenus sur les deux systèmes d'irrigation montre que, la betterave sucrière peut bien pousser sous le système de nano-irrigation et à l'emplacement choisi pour les rampes sans aucun effet de compression importante des tubes enterrées avec la croissance racinaire. Le stress salin a cependant eu un effet dépressif et a ainsi réduit la croissance de la betterave sucrière en termes de rendement racinaire et de surface foliaire.
Habituellement, la tolérance à la salinité est exprimée en termes de croissance (Thouraya et al., 2013). Par rapport aux concentrations élevées de NaCl, la surface foliaire a considérablement été réduite, ces résultats concordent avec les résultats de de Ghoulam et al., (2002). La diminution de la photosynthèse est aussi liée au stade foliaire, de même quant à la réduction de la surface foliaire et cette dernière a été considérée comme un processus d’adaptation à travers une meilleure efficience d’utilisation de l’eau face à une contrainte de salinité (Kirst, 1990). Le chlorure de sodium stimule la croissance de la betterave sucrière en plein champ dans une certaine mesure en accélérant le développement de la surface des feuilles au début de la croissance (Figure 5) mais pendant la période de stress la surface foliaire a été considérablement réduite (Ashraf and Harris, 2004). Les betteraves sucrières peuvent pousser dans des concentrations modérées de sel et peuvent tolérer des niveaux élevés de salinité par rapport à la majorité des plantes cultivées (Ghoulam et al., 2002). La diminution du rendement en racines observé dans nos résultats pourrait s’expliquer par le fait que les plantes étaient exposées à un stresse salin élevé, ce qui a diminué la croissance racinaire. En raison d'effets osmotiques, les plantes tolérantes au sel combattent la salinité au détriment de leur croissance, mais permettent à la plante de survivre et de récupérer à des concentrations élevées au-dessus du sel extérieur (Kirst, 1990).
Conclusion
Cette étude nous a permis de caractériser l'effet de la salinité de l'eau d'irrigation sur la culture de betterave sucrière sous des systèmes de micro irrigation et nano irrigation. Les principaux résultats montrent qu’à court terme, la salinité n’a pas d’effet sur les propriétés physico-chimiques du sol grâce à son pouvoir tampon. En revanche, les paramètres physiologiques et morphologiques (proline, chlorophylle, surface foliaire et biomasse) de la plante étaient plus sensibles et l'effet de la salinité était immédiat. Nos résultats confirment que la betterave sucrière pourrait être cultivée sous le système de nano-irrigation et que dans les zones où la quantité d'eau de bonne qualité est limitée, l'eau salée (à un seuil de 6 dS m-1) peut être utilisé pour l'irrigation afin d’obtenir un rendement de biomasse racinaire satisfaisant, sans impact significatif à court terme sur le sol. Notre expérience a testé les effets de l'eau salée sur la betterave sucrière, mais d'autres essais sont nécessaires pour tester les effets à moyen et à long terme ou dans des conditions de sol salin et/ou sous différents emplacements des rampes du système nano.
Références
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