Étude phyto-chimique et activité glucophage in vitro de Laportea aestuans (l.) Chew. (Urticaceae)
Résumé
Dans cette étude, nous avons procédé à l’analyse phytochimique et à l’évaluation de l’activité glucophage des feuilles de Laportea astuans. Plusieurs paramètres ont été étudiés, tels que les caractéristiques physiques, le screening chimique et l’activité glucophage. Les résultats obtenus montrent que les feuilles sèches de Laportea aestuan ont une teneur d’humidité de 1,6 %, un taux de cendres de 14,9 % et une teneur en matière sèche de 98,4 %. Ces feuilles sont riches en polyphénols, flavonoïdes, quinones liés, anthocyanes, leuco-anthocyanes, alcaloïdes, saponines et stéroïdes, et pauvres en triterpènes, quinones libres et tannins. En outre, les feuilles de Laportea aestuans sont glucophages.
Mots clés: Laportea aestuans, Screening phytochimique, hyperglycémie, Kinshasa, RD Congo
Introduction
La République démocratique du Congo (RDC) est un réservoir de la biodiversité tant animale que végétale. Dans ce dernier, les plantes alimentaires traditionnelles jouent un rôle important dans l’alimentation humaine et génèrent des revenus non négligeables aussi bien dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Elles constituent une meilleure source des nutriments et de ce fait, contribuent à l’amélioration de l’état nutritionnel des populations des milieux tant ruraux qu’urbains. Ces plantes sont généralement douées des propriétés médicinales et sont utilisées pour soigner diverses maladies d’où le terme «alicaments» qu’on leur attribue. A cet effet, les aliments et denrées alimentaires traditionnels peuvent constituer une piste importante dans la recherche des solutions à la lutte contre les maladies chroniques mais aussi contre la malnutrition dans le contexte de la crise qui frappe la RDC.
Riche ou pauvre, quelles que soient les conditions de vie, nous voulons avoir une santé saine, afin de vivre le plus longtemps possible. Pour maintenir, améliorer ou recouvrer la santé, il nous faut recourir à la médecine ou à la phytothérapie.
Face à cette situation, nous sommes contraints de nous organiser sans relâche, en cherchant dans notre propre environnement, le remède nécessaire à notre survie ; cet environnement est extrêmement riche en plantes médicinales constamment disponibles, mais insuffisamment répertoriées ou étudiées (Gunawan et al., 2018).
La forte croissance démographique et l’insuffisance des infrastructures médicales constituent des problèmes majeurs auxquels se heurtent les africains. Et actuellement, les médicaments utilisés dans le monde sont synthétiques et meilleurs, ils proviennent pour beaucoup aussi de l’origine végétale, car le domaine végétal a été le premier et le plus abondamment exploité ; les plantes ont été de tout temps utilisées, soit dans leur état naturel, soit sous forme d’extraits ou de principes actifs que les chimistes extraient et isolent (Pierre et al., 2012).
La médication par les plantes connaît depuis quelques années un regain de faveur chez les chercheurs. Il y a, en effet, un mouvement général vers le recours aux traitements par des substances d’origine biologique notamment d’origine végétale (Wome, 1985).
Il est reconnu que le traitement par les plantes médicinales demeure jusqu’ici le système de soin de santé le plus facilement accessible et plus abordable pour la plupart de populations. Et dans le souci de valider scientifiquement la richesse phyto-thérapeutique et/ou d’apporter une contribution pragmatique dans l’étude phyto-thérapeutique des plantes de la République Démocratique du Congo, nous avons porté notre choix sur Laportea astuans (L.) Chew., une plante utilisée en pharmacopée traditionnelle pour soigner certaines maladies. Un problème majeur de santé publique selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 2015), le diabète est une maladie métabolique chronique caractérisée par une hyper-glycémie chronique ou permanente, suite à une carence absolue ou relative en insuline ou anomalie de l’action de l’insuline (Muzusangabo, 2015).
Plusieurs caractéristiques illustrent l’importance du diabète en termes de santé publique. La fréquence de cette affection chronique, en particulier celle du diabète de type 2, est considérable et en constante augmentation dans nos sociétés industrialisées (mais aussi dans les pays en voie de développement) compte tenu des modifications du mode de vie (hygiéno-diététique) et de l’augmentation de l’espérance de vie. La prévalence du diabète augmente avec l’âge. De plus, l’âge de début du diabète de type 2 est de plus en plus jeune du fait notamment de l’augmentation de prévalence de l’obésité, contribuant également à l’augmentation du nombre absolu de diabétiques. Mais certaines interrogations demeurent et les questions suivantes peuvent être posées.
Laportea aestuans, espèce sauvage rudérale, possède-t-elle des propriétés médicinales pour qu’elle soit utilisée dans le traitement d’un certain nombre de maladies ? Quels sont les principes actifs ou métabolites secondaires qu’on pourrait trouver dans cette plante sauvage rudérale ?
Cette étude veut participer à la valorisation des espèces sauvages dans le traitement de maladies en RD. Congo, notamment en évaluant la composition phyto-chimique des extraits aqueux et organiques de Laportea aestuans et l’activité anti-hyperglycémiante in vitro des extraits aqueux de cette plante médicinale.
Milieu, Matériel et Méthodes
Milieu
Cette étude a été réalisée au Département des Sciences de la Vie, de la Faculté des Sciences et Technologies de l’Université de Kinshasa. Les analyses phyto-chimiques ont été réalisées au Laboratoire de Nutrition de l’Institut des Sciences et Techniques Médicales (ISTM) à Kinshasa.
Matériel biologique
Le matériel végétal est constitué des organes de Laportea aestuans, récoltée au village Kinduku, à l’Université de Kinshasa, près du Home 10 des étudiants.
Laportea aestuans est originaire de l’Afrique tropicale, bien qu’il soit maintenant répandu en tant qu’espèce introduite dans les autres régions tropicales du monde, (Adjanohoun et al., 1985). Cette espèce est largement répartie en Afrique tropicale, du Sénégal jusqu’en Erythrée et vers le Sud jusqu’en Angola, au Zimbabwe et au Mozambique, ainsi qu’au Madagascar. Elle est également présente au Yémen, en Asie tropicale et en Amérique tropicale, (Adjanohoun et al., 1985). La figure 1 illustre la plante et les feuilles de Laportea aestuans.
Données ethno-botaniques
Le décocté des feuilles, en association avec celles de pppermint (Mentha x piperita L.) et de plantain (Plantago major L.) est employé per os dans le traitement des épigastralgies. L’infusé de la plante entière est utilisé per os contre l’anxiété, le nervosisme et pour faciliter le travail (Adjanohoun et al., 1985) Il est aussi couramment utilisé en médecine traditionnelle africaine. La bouillie de plante entière écrasée ou le jus de la plante s’ingèrent comme vermifuge et pour le traitement de la hernie. Il est utilisé comme abortif antimicrobien, laxatif, dans les traitements des yeux et analgésiques. Il est également utilisé dans le traitement des troubles pulmonaires et gastriques, de la diarrhée et de la dysenterie (Sahabi, 2009).
La plante peut être utilisée pour guérir les ulcères internes, le diabète, la bronchite et la filariose. Les feuilles légèrement brûlées ou fumées s’appliquent sur les brûlures et s’emploient contre la migraine. Pour traiter la gonorrhée et la leucorrhée, on enroule la feuille, on la grille et on la broie dans l’eau, puis on boit le liquide (Sahabi, 2009).
La macération de feuilles fraîches s’emploie en massage sur le corps pour le traitement des douleurs intercostales et des points de côté. La décoction de feuilles est utilisée contre les maux d’estomac, comme embrocation pour fortifier les enfants rachitiques et soulager la fièvre. L’infusion de feuilles se prend dans le traitement de la filariose, des rhumatismes et des troubles de la ménopause. La décoction de feuilles et de racine se boit comme antidote dans tous les cas d’empoisonnements.
Selon Konda ku Mbuta et al. (2012), la plante de Laportea aestuans est utilisée dans le traitement de beaucoup de maladies.
Céphalées: En application locale, après scarification au-dessus des sourcils: la poudre du calcinât des feuilles associées à la tête du poisson Mukenge et au sel végétal;
Splénomégalie, par voie anale: Le macéré des feuilles, 2 poires 2 fois par jour pendant 7 jours;
Ocytocique par voie anale: Le macéré des feuilles, 2 poires en prise unique;
Troubles psychosomatiques comme légume du malade : Le pilât des feuilles fraîches et celles de Mondia whitei (Hook.f.) Skuls et de Colocasia esculenta (L.) Schott. cuit;
Ictère, par voie anale: L’extrait aqueux des feuilles associées aux noix de palme. Adulte: 1 poire 2 fois par jour. Enfant: 1 petite poire 2 fois par jour;
Eléphantiasis en cataplasme: Le pilât des feuilles fraîches associées au rhizome de Anchomanes giganteus Engl.;
Antitussif, comme nourriture du malade: Les jeunes feuilles cuites avec la pâte d’arachides grillées, un peu d’huile de palme et d’eau ou comme boisson: la soupe de jeunes feuilles cuites avec la pâte d’arachides grillées, un peu d’huile de palme et d’eau;
Stérilité et avortements répétés, comme boisson: La soupe aux feuilles associées aux poissons et aux bananes plantain, ou par voie orale: le décocté des feuilles, ou par voie anale: le décocté des feuilles.
Méthodes
Détermination des paramètres physico-chimiques
Détermination de l’humidité
Le taux d’humidité a été déterminé par la méthode décrite par Kifuani (2012). A cet effet, 2 g de poudre ont été placé dans une étuve (de marque Heraeus) à 105°C pendant 24 heures. La masse étuvée a été pesée après refroidissement dans un dessiccateur et le taux d’humidité est alors déterminé par la relation suivante:
Avec: HR (%): teneur d’humidité; m1: masse initiale de l’échantillon; m2: masse de l’échantillon après séchage
Détermination des cendres totales
Le pourcentage des cendres a été déterminé par calcination de 2 g de l’échantillon. A cet effet, la masse de l’échantillon a été placée dans un four à moufles (Naber, model N7/H) à 500 °C pendant 6 h. Le taux de cendres est calculé selon la relation:
Avec: m1: Masse initiale de l’échantillon; m2: Masse obtenue après calcination
Teneur en matières sèches (MS)
La teneur en matière sèche est déterminée en déduisant la masse d’eau de la masse totale de l’échantillon.
Méthodes de Screening chimique
Le screening chimique est une technique d’analyse chimique, ayant pour but, la mise en évidence des différents groupes chimiques contenus dans une plante ou un animal donné. Ces différents groupes chimiques constituent les principes actifs (Sofowora, 1996; Tiwar et al., 2011). Le tableau 1 reprend les différentes méthodes utilisées pour la recherche des grands groupes des métabolites secondaires.
Complexification de glucose in vitro
Le but de ce test est d’estimer la capacité des extraits totaux de Laporrtea aestuans à complexer le glucose libre in vitro. Donc, démontrer leur rôle de glycophages bien que les conditions in vivo et in vitro soient différentes. Ce test pourra nous renseigner sur un des mécanismes hypoglycemiants par extraits totaux de Laporrtea aestuans.
Mode opératoire
Prélever 20 µL d’une solution de glucose mère (0,25 mg/ml) et mélanger avec 20 µL de chaque extrait aqueux à différentes concentrations allant de 0,8 mg/mL à 4 mg/mL.
Le témoin positif (0,25 mg/mL) est constitué par 20 µL d’eau distillée, le mélange ainsi obtenu est incubé à 37°C pendant 15 minutes. Le dosage du glucose non lié aux extraits aqueux est mesuré selon la méthode de glucose oxydase (Sahabi, 2009).
Résultats et Discussion
Caractéristiques physiques
Les résultats sur les caractéristiques physiques des feuilles de Laportea aestuans sont présentés dans le tableau 2.
D’après les résultats du tableau 2, les feuilles de Laportea. aestuans présentent une teneur d’humidité de 1,63 %, un taux de cendre de 14,9 % et la teneur en matière sèche de 98,4%.
Screening phytochimique
Le tableau 3 présente les résultats du screening phytochimique des extraits aqueux et organiques des feuilles de Laportea aestuans.
Ces résultats montrent que les feuilles de Laportea aestuans ont une forte teneur en Polyphénols, Flavonoïdes, Alcaloïdes, Saponines et Stéroïdes ; une teneur moyenne en Quinones liés, Anthocyanes, Leuco-anthocyanes et Triterpènes, et une absence de Tanins et de Quinones libres.
Le tableau 4 présente les résultats obtenus après l’activité glycophage des extraits totaux de Laportea aestuans.
Il ressort de ce tableau que l’extrait éthanolique des feuilles de Laportea. aestuans présente un effet glucophage plus élevé à la concentration de 4 mg/mL. En effet, on observe que cette activité croit avec l’augmentation de la concentration (Figure 2).
Cette figure nous montre que le % de glucose résiduel varie baisse avec l’augmentation du % de l’effet glycophage.
Conclusion
Les résultats de cette étude permettent de dire que les feuilles de Laportea aestuans (L.) Chew. présentent une teneur d’humidité de 1,63 %, un taux de cendre de 14,88 % et une teneur en matière sèche de 98,37 %; les feuilles de Laportea aestuans possèdent les grands groupes des métabolites secondaires tels que les polyphénols, les flavonoïdes, les quinones liés, les anthocyanes, les leuco- anthocyanes, les alcaloïdes, les saponines et les stéroïdes et, il y a absence des triterpènes, des quinones libre et des tannins; les feuilles de Laportea aestuans ont une dense activité glycophagique.
Rappelons que les composés ici révélés, sont en gros de groupes fonctionnels qui peuvent à leur tour par des tests spécifiques, donner des composés simples et actifs (principes actifs). La présence des métabolites secondaires tels que les flavonoïdes, les anthocyanes pourrait se justifier par les rôles physiologiques que ces derniers assurent chez la plante notamment la protection contre les rayons solaires et les prédateurs ainsi que la coloration des végétaux (Bruneton, 2009). Les terpénoïdes provoquent un large éventail d’actions thérapeutiques sur la perturbation membranaire et l’inhibition des cellules bactériennes ou des champignons, d’où ils ont de bonnes activités antibactériennes et antifongiques. En outre, la présence des polyphénols dans les feuilles de L. aestuans justifierait les diverses activités thérapeutiques et, en plus les flavonoïdes trouvés seraient d’après la littérature, doués des propriétés antihelminthiques. Cependant, il faut noter l’absence des triterpènes, des quinones libres et des tanins. Les feuilles de Laportea aestuan ont une dense activité glycophagique. De par leurs propriétés fonctionnelles intéressantes, cette plante pourrait servir dans la formulation d’un alicament à fort pouvoir anti oxydant pour améliorer le statut antioxydant des consommateurs, mais aussi dans la prise en charge des diabétiques. La présence de taux élevés de certains métabolites secondaires tels que les alcaloïdes, les polyphénols, les flavonoïdes, les saponines, les stéroïdes, ainsi que la présence en concentration modérée des triterpènes, leuco-anthocyanes, anthocyanes et quinones libres, pourrait justifier aussi ses potentialités thérapeutiques reconnues en médecine traditionnelle telles que les usages dans le traitement de l’éléphantiasis, de la splénomégalie, de l’ictère, des troubles psychosomatiques, de la stérilité et des avortements répétés. Cette plante est aussi utilisée comme ocytocique. Mais, il convient de souligner aussi l’activité glycophage des extraits totaux des feuilles de L. aestuans qui serait à la base de propriétés anti-hyperglycemiantes utiles dans le traitement du diabète.
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