Impact des projets agricoles cofinancés par les partenaires d’aide au développement sur la pauvreté de ménages du Territoire d’Isangi, en RD Congo: Facteur prédictif et construction de trajectoire
Résumé
Les projets agricoles co-financés par les partenaires au développement de la RDC ont permis d’améliorer le revenu de ménages de Territoire d’Isangi de 22,9%, mais cette amélioration a impacté très faiblement les conditions socio-économiques et humaines de ménages. L’analyse de résultats ont montré qu’il n’y a aucune différence significative entre les ménages bénéficiaires et non bénéficiaires de projets en terme du niveau de pauvreté sanitaire, de pauvreté scolaire, d’IDH et de pauvreté alimentaire tandis qu’on observe de différence significative pour le cas de pauvreté monétaire, en termes d’accès à l’eau potable, en termes de patrimoine et pauvreté nutritionnelle en termes d’insuffisance pondérale des enfants de 6 à 59 mois. L’insuffisance pondérale des enfants de 6 à 59 mois est l’indicateur-clé, tangible, intrinsèque et simple d’appréciation de l’impact de projets agricoles sur l’extrême pauvreté de ménages car la pauvreté nutritionnelle que nous appelons « nutro-pauvreté » est réellement l’expression tangible et intrinsèque de la persistance et de la durabilité de la pauvreté de ménage en milieu rural. La trajectoire déterminante de l’impact de projets agricoles dans le Territoire d’Isangi passe par la consommation alimentaire de ménage qui représente 65,7% de la production agricole, principale source de revenu.
Mots clés: évaluation, projet, impact, insuffisance pondérale, pauvreté
INTRODUCTION
La grande majorité de la population congolaise est pauvre. En 1960, le revenu moyen de la population était de 480 $US et régressé à 80 $ en 2000, puis remonté jusqu’à atteindre 200 $ en 2009 (Musito, 2010). En 2014, la RD Congo était parmi les pays caractérisés par des indicateurs de développement humain les plus faibles du monde avec un IDH de 0,338 (Banque Centrale du Congo, 2014) et classée 186ème sur 187 pays (PNUD, 2015). L’incidence de la pauvreté, selon les simulations faites dans le cadre du DSCRP-2 en 2011, a été estimée à 70% (Ministère du Plan et Suivi de la Mise en Œuvre de la Révolution de la Modernité et al, 2014).
En RD Congo, la pauvreté est caractérisée par une disparité entre milieu rural et milieu urbain. L’insécurité alimentaire et la sous-alimentation affectent plus de 70 % de la population de surcroît fragilisée par les pandémies du paludisme et du VIH/SIDA. Cette situation s’avère préoccupante et entraîne l’exode rural (Ministère de l’Agriculture, Pêche et Élevage-RD Congo, 2009).
La République Démocratique du Congo fait face à un déficit alimentaire de plus en plus aigu. En dehors des autres causes, ce déficit s’explique aussi par le manque d’investissement dans le secteur agricole, le manque d’intrants agricoles, presque pas de voies de communication et d’évacuation des produits agricoles et la faiblesse de la capacité technique des différents acteurs. Cet état de fait a entraîné des importations massives de produits agricoles tels que les céréales, les poissons congelés, les poulets et les abats congelés… (Ministère du Plan de la RDC, 2011).
Depuis plus de quatre décennies, la RD Congo a mené diverses actions très suivies en vue de développer le secteur agricole et rural. Tous ces efforts ont produit, au regard des potentiels du pays et des besoins des populations, des résultats moins satisfaisants (Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural de la RDC, 2007).
En 2002, avec la reprise de la coopération structurelle avec les partenaires bilatéraux et multilatéraux, la RD Congo avait bénéficié de dons et des prêts pour financer ses programmes de développement et de lutte contre la pauvreté. Sur base des certains critères, le Territoire d’Isangi a été parmi les territoires bénéficiaires de ces financements. Plus de cinq projets ont été réalisés et la plupart de ces projets avaient de durée allant de deux à six ans.
Trois ans après la clôture de dernier projet agricole retenu dans le cadre de cette étude, nous nous posons les questions de savoir si les interventions de projets agricoles ont-ils produit d’impact socio-économique et humain au niveau de ménages. En d’autres termes les projets ont-ils contribué à réduire la pauvreté de ménages du territoire d’Isangi ? si oui, que peut être l’indicateur-clé, intrinsèque et simple d’évaluation de l’impact durable de projets agricoles sur la pauvreté de ménages en milieu rural et quelle est la trajectoire de l’impact ?
Au regard de la problématique, nous formulons les hypothèses selon lesquelles: (i) les projets agricoles réalisés dans le territoire d’Isangi n’auraient pas produit d’impact sur le plan socio-économique et humain (pauvreté) au niveau de ménages bénéficiaires; (ii) à l’instar d’autres indicateurs d’impact de projets agricoles, l’état nutritionnel de l’insuffisance pondérale des enfants de 6 à 59 mois pourrait-être l’indicateur-clé, tangible, intrinsèque et simple d’appréciation de seuil de pauvreté de ménages en milieu rural, car les dimensions du corps, surtout des enfants, témoignent visiblement et tangiblement le niveau de misère ou de précarité des ménages. En d’autres termes, la pauvreté nutritionnelle serait l’expression de l’extrême pauvreté de ménage en milieu rural d’Isangi et sa trajectoire serait déterminée par la proportion de la production allouée à l’alimentation de ménage; (iii) la trajectoire serait celle dont la proportion des allocations est grande.
MILIEU, MATÉRIEL ET MÉTHODES DE TRAVAIL
Situé à l’ouest de la ville de Kisangani avec une superficie de 15 770 km², le Territoire d’Isangi est subdivisé administrativement à 13 Secteurs/Chefferies ruraux, trois cités, trois postes d’encadrement administratif, 54 groupements et 430 villages. Le chef-lieu du Territoire est la cité d’Isangi (Administration du territoire d’Isangi, 2015). Le Territoire d’Isangi comptait 703 550 habitants en 2015 avec 140 531 ménages agricoles et 340 274 actifs agricoles (Inspection territoriale de l’agriculture-Isangi, 2017). La population est composée de tribus suivantes: le Lokélé, le Turumbu, le Foma et le Soo/Topoké (Université de Kisangani – Coopération Technique Belge, 2009).
L’échantillon d’étude était constitué des ménages agricoles ruraux bénéficiaires et non des projets agricoles. La procédure de constitution d’échantillon de ménages à enquêter était la méthode d’échantillonnage simple en deux phases: (i) la première phase était la sélection des villages tirés au hasard dans les treize Secteurs et Chefferies qui composent le Territoire d’Isangi et la seconde sélection concernait les ménages tirés aléatoirement dans les villages. La taille de l’échantillon était la même pour les différentes périodes d’enquête, soit 470 chacune dont 235 ménages bénéficiaires et 235 non bénéficiaires.
Pour évaluer la prévalence de malnutrition chronique, nous avons prélevé les données anthropométriques de 1018 enfants de 6 à 59 mois dont 484 enfants en 2013 et 534 enfants en 2016.
Pour apprécier l’impact des projets agricoles, nous avons fait recours à deux types de variables: technico-agricoles et socio-économiques.
Pour la variable technico-agricole, les indicateurs suivants ont été retenus: la superficie moyenne emblavée par ménage exprimée en ha, les rendements des principales cultures vulgarisées par les différents projets (riz et maïs) exprimés en kg/ha, le taux d’utilisation des semences améliorées. Pour la variable socio-économique, nous avons les indicateurs suivants : revenus, actifs du ménage, l’habitat de ménages, le taux net de scolarisation primaire, le taux d’abandon scolaire, le taux d’accès de ménages aux soins de santé primaire, le taux d’accès à l’eau potable, la sécurité alimentaire de ménages et les données anthropométriques des enfants de 6 à 59 mois, l’Indice de Développement Humain, les taux de malnutrition exprimé en seuil de pauvreté non monétaire.
Le recours aux données anthropométriques nous a permis à apprécier l’état nutritionnel des enfants. Behrman et Deolikar, (1988), Strauss et Thomas, (1995), la mesure anthropométrique des enfants de moins de 5 ans est l’un d’indicateurs d’appréciation de l’état nutritionnel de l’enfant (Ambapour et Moussana, 2008).
Pour collecter l’information sur le terrain, nous avons recouru aux techniques documentaires, l’observation directe, l’enquête par questionnaire et le mesurage (champs et prélèvement des données anthropométriques auprès des enfants de 6 à 59 mois).
L’évaluation de l’impact s’est faite sur base de l’analyse de la situation contrefactuelle, c’est-à-dire déterminer ce qui serait produit dans la population cible en l’absence de projet.
• Méthode de diagramme de l’impact: l’objectif de cette méthode était de comprendre les raisons contribuant aux effets ou aux impacts d’un changement (Fonds International de Développement Agricole, 2009). L’idée fondamentale est de rechercher à séparer la cause de l’effet. Trois liens de causalité ont été observés : (i) lien entre les activités et les produits, (ii) lien entre les produits et les résultats et (iii) lien entre les résultats et l’impact final (FAO, 2008). De ce fait, cette méthode nous a permis de mieux comprendre la trajectoire de l’impact des projets agricoles sur la production agricole et sur la sécurité nutritionnelle des enfants de 6 à 59 mois.
• Analyse technico-économique: cette analyse nous a servi à analyser des techniques culturales pratiquées par des ménages, l’utilisation des semences, les rendements de cultures et les productions agricoles obtenues et d’analyser les comptes d’exploitation agricole familiale pour déterminer le revenu et son affectation.
• Analyse contrefactuelle: cette analyse nous a permis de comparer les données de référence (avant-projet, de 2005 -2008, ∆1) et celles d’après-projet (2016, ∆2) de bénéficiaires et non bénéficiaires des projets agricoles. L’estimation de l’impact contrefactuel (∆c) était faite par l’analyse de la double différence calculée par la formule suivante : ∆c = ∆2 - ∆1 (Commission européenne, 2012).
• Analyse statistique: des analyses suivantes ont été réalisées: analyse univariée des variables qualitatives (distribution de fréquences, médiane, moyenne et écart-type), analyse bivariée (Khi-deux).
RÉSULTATS
Dans ce point, nous présentons et analysons les résultats de notre étude en rapport avec les nos hypothèses en appréciant les aspects technico-agricoles et socio-économique et humains des bénéficiaires ou non des projets agricoles réalisés dans le Territoire d’Isangi.
RÉSULTATS
Production agricole de ménages
L’enquête menée par le projet PRODAT/CTB a montré que le riz, le manioc et le maïs sont les principales cultures pratiquées et sources premières de revenu de ménages. Le riz représente 73,3% suivi du manioc (13,3%) et du maïs (4,2%) (Coopération Technique Belge, 2016). Le tableau 1 ci-dessous présente les résultats des effets de projets agricoles sur la production du riz de ménages bénéficiaires.
• Utilisation de semences améliorées: Il ressort du tableau 1 que 13,5% de ménages agricoles du territoire d’Isangi utilisaient de semences améliorées dans leurs champs en 2010. Mais, en 2013, les taux d’utilisation de semences améliorées au niveau de ménages bénéficiaires des projets ou non sont respectivement de 45,1% et de 14,9%. Mais en 2016, ces taux sont respectivement de 57,9% et de 17,0%.
En 2016, le taux d’utilisation de semences s’est considérablement amélioré pour les bénéficiaires de l’ordre différentiel de 44,4%. Mais celui de non bénéficiaires de l’ordre différentiel de 3,5% (taux de pénétration).
De la fin des projets (en 2013) à 2016, nous constatons une amélioration positive d’utilisation de semences de l’ordre différentiel de 1,4% pour les non bénéficiaires et de 31,6% pour les bénéficiaires des projets.
En comparant synchroniquement (avant-après) les taux d’utilisation de semences améliorées par les ménages bénéficiaires de projets en 2016 par rapport à la situation de référence (2010), nous constatons une différence très significative. Cette différence montre que l’utilisation de semences améliorées s’est améliorée auprès de bénéficiaires. Par contre, pour les ménages non bénéficiaires, il n’y a pas de différence significative
• Superficie de culture: En 2010, la superficie moyenne emblavée par ménage bénéficiaire ou non bénéficiaire était de 0,6 ha. Avec les projets, la superficie a atteint une moyenne de 0,7 ha pour les bénéficiaires et 0,6 ha pour les non bénéficiaires. De 2013 à 2016, nous constatons que les ménages ont maintenu la même superficie de culture après la clôture de projets.
De 2010 à 2016, nous constatons la superficie emblavée par les ménages agricoles bénéficiaires s’était améliorée. Le test de Mann Whitney confirme que cet écart est très significatif. Mais, pour les non bénéficiaires de projets, il n’y a pas d’écart significatif
• Rendement de culture du riz paddy et du maïs grain: En 2010, les rendements de culture du riz étaient respectivement de 591,7 kg/ha pour les non bénéficiaires de projets et 699,5 kg pour les bénéficiaires. Il était passé à 1292,3 kg/ha en 2013 pour atteindre 1301,9 kg/ha pour les bénéficiaires. Par rapport à la situation de référence, on enregistre des accroissements de l’ordre différentiel très significatif de 835,0 kg/ha pour les bénéficiaires et léger de l’ordre différentiel de 26,6 kg/ha pour les non bénéficiaires
En comparant les données de référence (2010) à celles d’après projet (2016), on constate une forte amélioration de 86,2% de rendement du riz de ménages bénéficiaires. Le test statistique révèle qu’il y a une différence très significative. Par contre, il n’y a pas de différence significative pour les ménages non bénéficiaires.
Les ménages bénéficiaires ont amélioré aussi leurs rendements du maïs. En 2010, il était de 553,0 kg/ha et atteint 1388,0 kg/ha en 2016, soit un accroissement de l’ordre différentiel de 835 kg/ha. Mais pour les non bénéficiaires, il atteint 600 kg/ha, soit un accroissement de 47 kg/ha. Synchroniquement (avant et après), le test statistique confirme qu’il y a une différence très significative pour les bénéficiaires et les non bénéficiaires.
Conditions socio-économiques et humaines de ménages
Le tableau 2 ci-dessous présente les résultats de l’impact de projets agricoles sur les conditions socio-économiques de ménages du territoire d’Isangi.
• Revenu agricole de ménages: Il est fortement tributaire de la production agricole obtenue par le ménage agricole. Les résultats montrent qu’à 2010, le revenu de ménages agricoles était de 259,3 $US pour les non bénéficiaires de projets et de 273,0 $US pour les bénéficiaires. En 2016, les ménages bénéficiaires ont amélioré leur revenu à 347,0 $US, soit un accroissement moyen de 27,1% par rapport à la situation de référence. De 2013 à 2016, nous constatons une diminution de revenu de ménages bénéficiaires de l’ordre différentiel de 25,1 $US, soit 6,7% de réduction et celui de non bénéficiaires de 41,9 $US, soit 13,4%.
En comparant les moyennes de revenu de ménages bénéficiaires en 2016 à celui de l’année de référence, nous constatons qu’il y a une différence très significative.
• Patrimoine de ménages: Exprimé en Indice d’Accumulation des Biens (IAB), les informations recueillies sur le terrain ont révélé que 6,48% de revenu sont affectés à l’acquisition de certains biens immobilisés à usage courant que les ménages ont listé lors de notre pré-enquête. Il s’agit de lit/éponge, chaises/table, radio, télévision/décodeur, téléphone, vélo, moto, groupe électrogène/panneau solaire et ustensiles de cuisine et à l’amélioration de cadre de vie.
Par rapport à la valeur de 2010, les résultats révèlent que l’indice d’accumulation de biens (IAB) s’est amélioré de 0,39 à 0,57, soit un accroissement différentiel de l’ordre de 0,18 pour les deux cibles. Mais en 2013, l’indice de ménages bénéficiaires était supérieur à celui de non bénéficiaires.
En comparant de façon synchronique les résultats obtenus en 2016 par rapport aux données de référence, nous constatons qu’il y a un écart très significatif pour les deux cibles.
L’objectif principal de tous les projets/programmes agricoles réalisés dans le territoire d’Isangi était d’accroître le revenu de ménages agricoles en vue d’améliorer leur accès aux services sociaux de base, principalement la scolarisation des enfants, l’accès aux soins de santé primaire, l’accès à l’eau potable et éventuellement l’amélioration de cadre de vie.
• Accès de ménages aux soins de santé primaire: L’accès de ménages aux soins de santé primaire est l’indicateur retenu pour évaluer le niveau de la pauvreté sanitaire de ménages en milieu rural. Les résultats du tableau 3 révèlent qu’à 2010, le taux d’accès de ménages aux soins de santé primaire était de 51,7%. En 2013, il était de 61,3% pour atteindre 65,1% en 2016, ce taux s’est amélioré et a atteint 65,1% pour les bénéficiaires des projets et 64,3% pour les non bénéficiaires.
De 2010 à 2016, le taux d’accès aux soins de santé s’est amélioré de l’ordre différentiel de 13,4% pour les ménages bénéficiaires et de 12,6% de non bénéficiaires. En observant l’écart entre le taux en 2010 et celui en 2016, nous constatons qu’il y a une différence très significative pour les deux cibles.
• Scolarisation des enfants: Parmi les objectifs retenus des projets exécutés dans le territoire d’Isangi figuraient aussi l’amélioration de la scolarisation nette à l’école primaire. En 2010, le taux net de scolarisation était de 65,0%. A la fin de projets (2013), il avait atteint 74,9% et trois ans après, en 2016, il a atteint 77,12%.
De 2010 à 2016, le taux net de scolarisation s’est amélioré de l’ordre différentiel de 12,1% pour les ménages bénéficiaires et de 10,9% de non bénéficiaires. En observant l’écart entre le taux en 2010 et celui en 2016, nous constatons qu’il y a une différence très significative pour les ménages bénéficiaires et significative pour les non bénéficiaires.
Ce taux est significativement supérieur à la moyenne de la Province Orientale démembrée qui est de 61,0% (Institut National des Statistiques - RDC, 2016) et significativement inférieur à la moyenne nationale qui est de 83,4% (MEPSIC de la RDC, 2016).
• Accès à l’eau potable: Un bon nombre de projets avait comme objectif l’amélioration de bien-être de ménage par l’accent sur l’accès à l’eau potable. De ce fait, ils avaient construit ou aménagé un bon nombre des ouvrages hydrauliques en milieu rurale. Avant leurs interventions, le taux d’accès à l’eau potable était de 5%. En 2013, il a atteint 18,2% pour chuter trois ans après la clôture des projets à 16,6%. Ce taux demeure toujours faible par rapport à la moyenne nationale qui est de 32,6% (Ministère du Plan et Suivi de la Mise en Œuvre de la Révolution de la Modernité et al, 2014).
Le point d’eau aménagé ou construit avait un débit moyen de 25 litres/min, soit 18 000 litres par 10 heures de la journée (de 6 à 18 heures). La population du territoire d’Isangi est estimée à 703 550 habitants en 2015. Sur les 120 points d’eau opérationnels que comptait le territoire d’Isangi en 2016, le débit était de 2 160 000 litres/jour.
• Cadre de vie: Les ménages ruraux considèrent une maison construite en brique à dobe plus argile avec de toitures en tôles galvanisées comme une maison descente, les résultats du tableau 3 présentent qu’à 2010, le taux de ménages ayant un cadre de vie décent était de 1,6% pour les ménages bénéficiaires et 1,7% pour les non bénéficiaires de projets agricoles. En 2016, ces taux ont atteint 8,9% et 2,55% respectivement pour les ménages bénéficiaires et non bénéficiaires.
De 2013 à 2016, on observe une réduction de 1,4%. Cette diminution se justifie par la destruction de certaines maisons à dobe observées lors des inondations récurrentes de 2013 et 2014. Les maisons construites avec les matériaux de briques à dobe ne peuvent pas être considérées comme décentes car elles ne résistent pas aux inondations. Il serait souhaitable que les projets encouragent la construction de maisons en briques cuites fabriquées sur place.
Bien qu’il y a réduction de nombre de maisons décentes dans le territoire d’Isangi, les données de 2016 montrent que une augmentation de proportions de l’ordre différentiel de 7,3% pour les ménages bénéficiaires et 0,9% pour les non bénéficiaires et l’écart est très significatif. Par contre pour les ménages non bénéficiaires, l’écart n’est pas significatif.
Sécurité alimentaire et sécurité nutritionnelle de ménages
Du concept « pauvreté alimentaire », nous attendons de la combinaison de l’insécurité alimentaire et de l’insécurité nutritionnelle. La sécurité alimentaire est un indicateur très important pour apprécier le niveau de développement agricole en milieu rural.
On peut parler de sécurité alimentaire lorsque tous les ménages ont accès, à tout moment, à des aliments sains, nutritifs et culturellement appropriés, qui sont produits de façon durable et obtenus par des moyens autres que l’aide d’urgence leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active. Il se fait malheureusement que les ménages aux revenus insuffisants ont du mal à accéder aux sources alimentaires de qualité et aux services sociaux de base.
• Sécurité alimentaire: Les résultats du tableau 4 montrent qu’en 2010, sur base de la disponibilité alimentaire, 55,5% de ménages bénéficiaires des projets agricoles étaient en sécurité alimentaire contre 56,1% de non bénéficiaires. En 2013, ces taux se sont améliorés et atteints 60,0% et 58,3% respectivement pour les bénéficiaires et non bénéficiaires de projets. En 2016, ils ont atteint 67,2% pour les ménages bénéficiaires et 65,1% pour les non bénéficiaires. Par rapport aux données de base (de 2010), le niveau de sécurité alimentaire, en 2016, s’est améliorée à 67,2%, soit un accroissement différentiel de 11,7% pour les bénéficiaires et à 65,1%, soit un accroissement différentiel de 9,0% pour les non bénéficiaires.
De 2010 à 2016, le taux net de ménages en sécurité alimentaire s’est amélioré de l’ordre différentiel de 13,3% pour les ménages bénéficiaires et de 9,0% pour les non bénéficiaires. En observant l’écart entre le taux en 2010 et celui en 2016, nous constatons qu’il y a une différence très significative pour les deux cibles de ménages bénéficiaires.
• État nutritionnel: Les résultats montrent qu’en 2010 le taux d’enfants de 6 à 59 mois de ménages bénéficiaires et non bénéficiaires souffrant de malnutrition aiguë était de 7,7%. Mais en 2016, on constate que le taux des bénéficiaires avait baissé à 6,8% et celui de non bénéficiaires est de 7,2%. Par contre, le taux de malnutrition aiguë sévère était de 19,0 % en 2010 pour toutes les cibles. Mais, en 2016, ce taux avait atteint 15,3% pour les bénéficiaires et 17,4% pour les non bénéficiaires.
Concernant la malnutrition chronique modérée, les résultats montrent qu’à 2010 le taux était de 34,5% pour les deux cibles. En 2016, ces taux étaient réduits à 24,5% et 24,9% respectivement pour les bénéficiaires et les non bénéficiaires. Tandis que pour la malnutrition chronique sévère, elle était 35,0% pour les deux cibles en 2010. Mais en 2016, ces taux se sont réduits à 22,3% et à 27,3% respectivement pour les bénéficiaires et les non bénéficiaires.
S’agissant de l’insuffisance pondérale, le résultat du tableau 4 révèle que 22,4% d’enfants de 6 à 59 mois du territoire d’Isangi soufraient de l’insuffisance pondérale modérée en 2010. Et en 2016, ce taux a baissé à 7,2% et à 12,2% respectivement pour les bénéficiaires et les non bénéficiaires. Concernant l’insuffisance pondérale sévère, le taux était à 7,9% en 2010 pour les deux cibles, mais en 2016, il a régressé à 2,6% pour les bénéficiaires et à 5,1% pour les non bénéficiaires.
Des résultats de 2010 et ceux de 2016, on constate qu’il n’y a pas de différence significative entre les taux de malnutrition aiguë modérée et sévère des enfants de deux cibles de ménages. Même constat est observé pour l’insuffisance pondérale des enfants de ménages non bénéficiaires de projets agricoles. Par contre, nous constatons des écarts significatifs et très significatifs pour les cas de malnutrition chronique et insuffisance pondérale.
Indices de pauvreté
Le tableau 4 présente l’impact des interventions de projets agricoles sur les indices de la pauvreté retenus dans le cadre de cette étude.
• Seuil de pauvreté monétaire: En 2010, le seuil moyen de pauvreté monétaire dans le territoire d’Isangi était de 0,080 $US/personne/jour (Fonds International de Développement Agricole, 2014). En 2016, ce seuil a atteint 0,158 $US/personne/jour pour les bénéficiaires contre 0,147 $US/personne/jour pour les non bénéficiaires. De 2010 à 2016, la quasi-totalité de ménages (bénéficiaires et non bénéficiaires de projets) vivaient en dessous de seuil de pauvreté monétaire fixé à 1,25 $US/personne/jour. Mais seulement 0,4% de ménages bénéficiaires, en 2013, vivait au-dessus de seuil.
L’évolution de résultats de seuil de pauvreté de 2010 à 2016 de ménages bénéficiaires montre qu’il y a tendance positive pour atteindre le pic en 2013 et redescend en 2016. Mais en comparant les seuils moyens de 2010 et celui de 2016, on constate que la différence est très significative. Même constat est observé pour les ménages non bénéficiaires. Mais, par rapport à la proportion de ménages vivant un revenu en dessous du seuil de pauvreté monétaire, on constate qu’il n’y a pas de différence significative.
• Indice de Développement Humain (IDH): Les résultats du tableau 5 montrent que les ménages du territoire d’Isangi avaient, en 2010, un IDH moyen de l’ordre de 0,324 pour les bénéficiaires et 0,321 pour les non bénéficiaires. En 2013, cet indice s’est amélioré à 0,347 et à 0,335 respectivement pour les bénéficiaires et non bénéficiaires pour atteindre 0,424 et 0,421 en 2016.
Contrairement au revenu, l’IDH s’est amélioré après la clôture de projets réalisés dans le territoire d’Isangi. Bien que faible, en comparant le résultat de 2010 et celui de 2016, on constate que l’écart est très significatif. Mais, nous constatons qu’il n’y a pas de différence significative en termes de proportion de ménages ayant un IDH au-dessus de la moyenne.
• Indice poids âge des enfants de 6 à 59 mois: La proportion de cet indice (-2σ) permet d’exprimer le niveau de pauvreté extrême de ménage. Les résultats du tableau 5 révèlent que 22,2% de ménages du territoire d’Isangi avaient, en 2010, l’indice d’insuffisance pondérale des enfants de 6 à 59 mois inférieur à -2σ. Cette proportion s’était améliorée à 21,3% et à 21,7% respectivement pour les bénéficiaires et non bénéficiaires en 2013 pour atteindre, en 2016, le taux de 9,8% pour les bénéficiaires et de 15,3% pour les non bénéficiaires. En d’autres termes, en 2016, les ménages qui souffraient d’extrême pauvreté représentaient 9,8% pour les bénéficiaires et 15,3% pour les non bénéficiaires.
De 2010 à 2016, nous constatons un progrès. Les proportions des enfants souffrant de l’insuffisance pondérale au seuil de -2 écart-type avaient baissé pour les deux cibles de ménages mais les résultats de 2016 sont significativement différents de ceux de 2010.
DISCUSSION
Nous référant à nos trois hypothèses, il était question de savoir si les projets agricoles réalisés dans le territoire d’Isangi ont produit d’impact socio-économique et humain durable sur les ménages tout en identifiant l’indicateur-clé de cet impact et sa trajectoire en milieu rural d’Isangi.
Impact des projets sur les conditions socio-économiques et humaines
En analysant les résultats, nous sommes arrivés aux estimateurs contrefactuels de l’impact de projets agricoles obtenus en 2016 par rapport à la situation de référence entre les ménages bénéficiaires et non bénéficiaires (Tableau 5).
L’augmentation substantielle de la superficie emblavée, de l’utilisation de semences améliorées, de bonnes pratiques culturales ont eu d’effets positifs sur la production agricole et par conséquence sur le revenu.
Bien que d’autres paramètres puissent jouer, le revenu agricole de ménage est grandement tributaire de la production agricole et de son prix sur le marché. Les résultats ont montré les interventions de projets agricoles ont contribué à améliorer contrefactuellement le revenu de ménages bénéficiaires de l’ordre de 63,2 $US par rapport à la situation de référence. Cette valeur contrefactuelle est justifiée par le test statistique de Mann Whitney révélant qu’il y a différence très significative entre le revenu de ménages bénéficiaires et celui de non bénéficiaires.
En comparant le revenu en fonction du genre, on se rend compte qu’il n’y a pas de différence significative entre le revenu de ménage dirigé par un homme et celui dirigé par une femme
(p = 0,171 > 0,05). Par contre, en ce qui concerne le niveau d’études de chefs de ménages, le résultat montre que le niveau d’instruction influe significativement sur le revenu de ménage (p = 0,02 < 0,05). Plus le niveau est élevé, plus le revenu est supérieur. La taille du ménage a donné le signe habituel en milieu rural dans son ensemble. De manière très significative, une augmentation de la taille des ménages fait diminuer le niveau de consommation des ménages. Cela révèle que les revenus des ménages ruraux et donc leurs niveaux de revenu relatif baissent ou évoluent inversement à la taille du ménage (y = 357,3 - x ; p = 0,000), avec y = revenu et x = taille de ménage.
Bien que les productions agricoles, surtout du riz et du maïs, aient augmenté respectivement de 86,2% et 151% en 2016, les prix à l’unité des produits agricoles n’ont pas suivi cette tendance et ont affecté négativement le revenu agricole de ménages et l’a rendu vulnérable.
L’utilisation de revenu généré par les activités agricoles a permis d’améliorer contrefactuellement de 0,8% l’accès de ménages aux soins de santé, de 1,2% à l’accès à l’éducation et de 6,5% à l’amélioration de cadres de vie (habitat). La faible amélioration de l’accès aux soins de santé primaire de ménages se justifie par la dépréciation de leur épargne thésaurisée en monnaie nationale du fait que les coûts d’accès aux soins et aux produits pharmaceutiques sont souvent fixés en devises étrangères (précisément en dollar américain). Même constat est observé pour l’Indice de Développement Humain. En effet, le résultat contrefactuel (0,003) révèle que les projets ont amélioré très légèrement l’indice au niveau de ménages bénéficiaires. En comparant l’IDH (0,424) du territoire d’Isangi en 2016 par rapport à celui de la RDC (0,435) (PNUD, 2017), on constate qu’il y a de différence significative (p = 0,038 ˂ 0,05).
En analysant statistiquement les proportions de deux ménages, on constate ce qui suit : il n’y a aucune différence significative entre les ménages bénéficiaires et non bénéficiaires en terme du niveau de pauvreté sanitaire, pauvreté scolaire, d’IDH et pauvreté alimentaire tandis qu’on observe de différence significative pour le cas de pauvreté monétaire, pauvreté en termes d’accès à l’eau potable, pauvreté en termes de patrimoine et pauvreté nutritionnelle en termes d’insuffisance pondérale des enfants de 6 à 59 mois.
De ce qui précède, 100,0% de ménages bénéficiaires vivent en dessous de seuil de pauvreté monétaire, 34,9% de pauvreté sanitaire, 22,9% de pauvreté scolaire (éducationnelle), 83,4% de pauvreté en termes d’accès d’eau potable et 92,7% de pauvreté en terme de patrimoine (habitat) tandis que pour les ménages non bénéficiaires, on a : 35,7% de pauvreté sanitaire, de 25,9% de pauvreté scolaire, 95,0% d’accès à l’eau potable et 97,4% de patrimoine.
Bien que le revenu de ménages soit affecté par la dépréciation de la monnaie nationale, 37,3% de la production agricole est destinée directement à l’autoconsommation alimentaire de ménages et 27,5% de revenu provenant de la vente des produits sont affectés à l’alimentation de ménage. Donc, les ménages consacrent au moins 64,8% de leurs productions agricoles à la consommation alimentaire car, selon eux, le but premier de leurs activités agricoles est de satisfaire d’abord les besoins alimentaires de ménages. Ces résultats ont été aussi observés en Côte d’Ivoire (Koné, 2007), en Afrique de l’Ouest par la Fondation pour une agriculture durable, en 2011 et par la FAO, en 2015.
L’affectation de 64,8% (production agricole et revenu) a impacté la sécurité alimentaire de ménages bénéficiaires de projets avec un résultat contrefactuel de l’ordre de 3,3%. En 2016, les ménages bénéficiaires vivant en situation de pauvreté alimentaire représentaient 67,8% contre 65,1% de non bénéficiaires. Selon la classification des niveaux de prévalence de la malnutrition utilisée par l’OMS (2007) en termes de santé publique, les données nutritionnelles du territoire d’Isangi ont montré que le niveau de la prévalence est faible (< 20%) pour la malnutrition aiguë et insuffisance pondérale mais moyenne pour la malnutrition chronique (22,3% ≥ 20 %).
La quasi-totalité de projets avait comme objectif d’améliorer le bien-être de ménage par l’amélioration de la sécurité alimentaire tout en mettant aussi l’accent sur l’accéder à l’eau potable. La consommation de l’eau potable contribue à la sécurité sanitaire des enfants. En 2010, les ménages qui accédaient à l’eau potable ne représentaient que 5,0%. Mais en 2013, le taux a atteint 18,2% pour baisser à 16,6%. Ce taux demeure toujours faible par rapport à la moyenne nationale qui est de 32,6% (Ministère du Plan et Suivi de la Mise en Œuvre de la Révolution de la Modernité et al, 2014).
La réduction de taux d’accès à l’eau potable de 2013 à 2016 est justifiée par deux principales raisons, à savoir: (i) la mise hors usage d’un bon nombre d’ouvrages (points d’eau construits avec des pompes manuel ou électrique) due au manque de maintenance et (ii) le Service National d’Hydraulique Rural (SHNR) qui ne joue pas son rôle régalien: pas de suivi des ouvrages, pas de formation des bénéficiaires sur la maintenance d’ouvrage.
Le résultat contrefactuel a montré que les interventions de projets agricoles en termes d’aménagement d’infrastructures hydrauliques ont amélioré très significativement le taux d’accès à l’eau potable de ménages bénéficiaires de 11,6%.
De cette amélioration, nous disons que les ménages vivant en situation de pauvreté en termes d’accès à l’eau potable représentent 83,4% et les non bénéficiaires représentent 95,0%.
S’agissant de l’Indice de Développement Humain, les résultats ont révélé que les interventions de projets n’ont pas produit d’impact. La quasi-totalité de ménages vivent en dessous de la moyenne (99,1%). Contrefactuellement, ces projets ont contribué à améliorer de 0,9% en 2016. Mais en comparant les IDH de deux cibles en 2016, nous constatons qu’il n’y a pas de différence significative.
En ce qui concerne la pauvreté non monétaire en termes d’insuffisance pondérale des enfants de 6 à 59 mois, les résultats ont révélé que 9,8% de bénéficiaires sont pauvres nutritionnellement contre 15,3% de non bénéficiaires. Le résultat contrefactuel montre que les projets agricoles exécutés dans le territoire d’Isangi ont contribué à la réduction de cas d’extrême pauvreté de 5,5%. En comparant statistiquement les deux cibles de ménages, on se rend compte que les projets ont amélioré significativement le cas pauvreté extrême. Par rapport à la valeur nationale de la RDC, on constate que le taux d’insuffisance pondérale du territoire d’Isangi est significativement inférieur à celui du niveau national (PNUD, op cit.).
Nous référant à notre première hypothèse, nous disons que les projets agricoles réalisés dans le territoire d’Isangi ont contribué à réduire légèrement et partiellement les conditions socio-économiques et humaines de ménages bénéficiaires. Bien que l’impact soit positif, on constate que la différence avec les ménages non bénéficiaires n’est pas significative pour certaines variables telles que l’accès aux soins de santé, la scolarisation des enfants, l’Indice de Développement Humain et la sécurité alimentaire. En d’autres termes, les projets n’ont pas contribué à l’amélioration de dimension humaine de ménages mais plutôt ils ont amélioré légèrement les conditions socio-économiques.
Trajectoire d’impact de projets agricoles: de la production à l’état nutritionnel des enfants de 6 à 59 mois
Sur base des données contrefactuelles, l’analyse du modèle montre que, si toute chose étant égale par ailleurs et par rapport à la situation de référence, l’utilisation durable de semences améliorées de 40,9% par les ménages agricoles bénéficiaires combinée avec des pratiques culturales appropriées permettrait d’augmenter le rendement du riz de 81,7% par ricochet le revenu de 22,9%. Du montant de revenu, 72,5% sont «épargné» et 27,5% sont alloués à l’alimentation (produits carnés, sucre, café, huile...). Du montant épargné, 21,4% sont alloués à l’éducation, 21,9% à la santé, 11,3% à l’habitat et 17,9% pour d’autres dépenses (deuil, mariage, habits, loisirs…).
Les différences dépenses alloués ont permis aux ménages d’améliorer de 0,8% l’accès aux soins de santé, de 1,2% à l’éducation et de 6,5% à l’amélioration de cadres de vie (habitat).
Les 37,3% d’autoconsommation alimentaire et 27,5% de revenu alloué à l’alimentation ont permis d’améliorer de 3,3% la sécurité alimentaire de ménages. Amélioration de 11,6% à l’accès à l’eau potable due à l’aménagement ou à la construction d’ouvrages hydrauliques. La combinaison de la sécurité alimentaire, de l’accès aux soins de santé primaire, de l’éducation, de l’amélioration de l’habitat et de l’accès à l’eau potable de façon durable avait impacté positivement l’état nutritionnel des enfants: malnutrition aiguë modérée de 1,4% et sévère de 2,4%, et malnutrition chronique modérée de 0,4% et sévère de 5,0%. Ces améliorations ont permis de réduction le cas d’insuffisance pondérale (inférieure à -2σ) de 5,5%. La figure 3 schématise la trajectoire des effets et de l’impact de projets agricoles sur la malnutrition infantile de 6 à 59 mois de ménages bénéficiaires.
D’après la figure 1, nous constatons que le gros d’allocation de la production est alloué à l’alimentaire de ménages. Ainsi donc, la trajectoire projet agricole- production agricole – consommation alimentaire - état nutritionnel est celle qui est déterminante de l’impact de projets agricoles dans le territoire d’Isangi. Les autres trajectoires constituent celles d’appui.
Analyse de seuil de pauvreté de ménages à partir de l’indice de l’insuffisance pondérale des enfants de 6 à 59 mois
Comparaison de moyennes d’indices à partir de cas de l’insuffisance pondérale observés au niveau de ménages
Pour savoir s’il y a de différence des moyennes d’indices et seuil entre les ménages ayant ou pas de cas d’un enfant malnutri qui souffre d’insuffisance pondérale (P/A< -2σ), nous avions procédé à la comparaison des valeurs moyennes (Tableau 6).
La comparaison de moyennes des différents indices et de seuil révèle que les ménages n’ayant pas enregistré le cas d’insuffisance pondérale d’enfants de 6 à 59 mois ont des moyennes supérieures et très significativement différentes à ceux dont le cas est observé.
Pauvreté nutritionnelle (nutro-pauvreté) des ménages
Plusieurs indices sont utilisés pour apprécier le niveau de la pauvreté. Selon Sen, le bien-être des individus ou des ménages n’est pas directement observable du fait que les préférences varient d’une personne à l’autre. Ce qui amène à dire que les individus sont les seuls à savoir ce qui est véritablement dans leurs intérêts pour apprécier la pauvreté (Sen, 1997). Il s’agit ici de ne plus laisser les populations à l’écart du débat sur la pauvreté mais, plutôt d’intégrer la vision qu’elles ont de celle-ci dans l’étude de ce phénomène. Cette approche fait appel à la construction d’un seuil de pauvreté subjective (Ndremitsara, 2012). De cette affirmation, nous avons constaté que 91,0% de ménages ruraux liaient leur état de pauvreté extrême à leur situation alimentaire. Plus les problèmes alimentaires et nutritionnels persistent dans les ménages, plus ils se sentent plus pauvres. Le bien-être subjectif est fortement dépendant des problèmes alimentaires (Mbaye, 2010). Bien que vivant dans l’extrême pauvreté, la quasi-totalité de ménages ne savent pas quoi faire pour sortir de cette situation presque anormale (Yaaya, 2009).
De ce fait, nous pouvons dire que l’extrême pauvreté peut alors être exprimée par la pauvreté nutritionnelle que nous appelons la «nutro-pauvreté». Les résultats de l’étude ont révélé que 61,5% de cas de malnutri d’insuffisance pondérale des enfants de 6 à 59 mois (P/A <-2σ) se retrouvaient dans les ménages qui souffraient de pauvreté sanitaire (non accès de membres de ménages, en cas de maladies, aux soins de santé primaire dans une structure médicale), 50,0% dans les ménages qui souffraient de pauvreté scolaire (déperdition ou non accès des enfants à l’école), 67,9% dans les ménages qui souffraient de pauvreté en terme du patrimoine (Maison en pisé), 78,9% dans les ménages qui se sentaient pauvres et très pauvres selon leurs propres opinions et 85,3% dans les ménages qui jugeaient leur pauvreté en fonction de la disponibilité alimentaire.
L’expérience de nombreux pays en développement a montré qu’une réduction importante de la pauvreté a un impact significatif sur le taux de malnutrition dans la plupart des pays ou des communautés. Les efforts déployés pour réduire la pauvreté, augmenter les revenus, diminuer le prix des aliments et redistribuer les richesses, ainsi que bien d’autres politiques économiques, peuvent avoir des effets majeurs sur la nutrition (FAO, 2001).
La méthode d’évaluation systémique d’impact qui s’appuie sur le revenu agricole comme indicateur principal pour évaluer et reconstituer les informations sur l’impact de projet agricole (Delarue, 2007) ne peut être efficace que dans une économie plus ou moins stable où le revenu n’est pas vulnérable. Mais, dans le contexte du Territoire d’Isangi où les ménages vivent dans une instabilité et une vulnérabilité de revenu permanentes, l’évaluation de l’impact des projets agricoles risque d’avoir beaucoup d’incertitude.
Évaluer l’impact de projets agricoles sur l’état nutritionnel des enfants avec les données de malnutrition chronique (Mbaye, op cit.) est aussi incertain du fait que cet indice ne touche pas l’aspect aigu. La combinaison de ces deux aspects (insuffisance pondérale inférieur à - 2 Écart-type) est le meilleur indicateur, simple et tangible pour apprécier le niveau d’extrême pauvreté d’un ménage et permet de prédire avec une certaine certitude l’impact de projets agricoles sur les conditions socio-économique et humain en milieu rural.
La malnutrition n’est pas seulement une question alimentaire mais aussi une question de santé. Si un enfant âgé de 6 mois à 59 ans présente des signes de malnutrition, cela ne signifie pas qu’il avait seulement une ration alimentaire insuffisante (même si cela est vrai pour certaines personnes), mais cela reflète la pauvreté des parents qui ne peuvent pas acheter des aliments spécifiques à une bonne alimentation et faire soigner correctement toutes les pathologies infantiles dans une structure sanitaire.
De ce qui précède, nous disons dire que l’indicateur-clé, tangible et simple pour apprécier l’impact de projets agricoles sur l’extrême pauvreté (ou nutro-pauvreté) de ménages en milieu rural est les données anthropométriques d’insuffisance pondérale des enfants de 6 à 59 mois car cet type de malnutrition est la conséquence de la pauvreté alimentaire (indisponibilité d’aliments de qualité de longue période), de pauvreté monétaire (faible revenu), de pauvreté sanitaire (non accès aux soins santé primaires) et de l’environnement mal sain (non accès à l’eau non potable, manque d’hygiène…).
CONCLUSION
Cette étude avait triple objectifs: évaluer l’impact des projets agricoles co-financés par des partenaires d’aide au développement sur la pauvreté de ménages bénéficiaires, rechercher l’indicateur-clé, tangible, intrinsèque et simple d’appréciation de seuil de pauvreté non monétaire de ménages en milieu rural et repérer la trajectoire de l’impact.
A l’issu de l’enquête, les résultats ont montré que les projets agricoles réalisés dans le territoire d’Isangi ont contribué à améliorer légèrement et partiellement les conditions socio-économiques et humaines de ménages bénéficiaires. Mais, ils n’ont pas contribué à l’amélioration de dimension humaine de ménages. Bien que l’impact de projets agricoles soit plus ou moins positif pour les aspects socio-économiques, mais nous constatons qu’il n’y a pas de différence significative entre les ménages bénéficiaires et non bénéficiaires pour l’accès aux soins de santé, la scolarisation des enfants, l’Indice de Développement Humain et la sécurité alimentaire.
91,0% de ménages ruraux lient leur état de l’extrême pauvreté à leur situation alimentaire : plus les problèmes alimentaires et nutritionnels persistent dans leurs ménages, plus ils se sentent dans l’extrême pauvreté. Et 61,5% de cas de malnutri d’insuffisance pondérale des enfants de 6 à 59 mois se retrouvaient dans les ménages qui souffraient de pauvreté sanitaire, 50,0% dans les ménages qui souffraient de pauvreté scolaire, 67,9% dans les ménages qui souffraient de pauvreté en terme du patrimoine, 78,9% dans les ménages qui se sentaient pauvres et très pauvres selon leurs propres opinions et 85,3% dans les ménages qui jugeaient leur pauvreté en fonction de la disponibilité alimentaire. De ces résultats, nous pouvons dire que la proportion des enfants souffrant d’insuffisance pondérale des enfants de 6 à 59 mois était supérieure dans tous les cas précités (supérieur à 50,0%).
De ce fait, l’état nutritionnel de l’insuffisance pondérale des enfants de 6 à 59 mois est l’indicateur-clé, tangible, intrinsèque et simple d’appréciation de l’impact durable de projets sur l’extrême pauvreté de ménages en milieu rural car les dimensions du corps des enfants ont témoigné visiblement et tangiblement le niveau de misère ou de précarité des ménages. En d’autres termes, la pauvreté nutritionnelle que nous appelons « nutro-pauvreté » est réellement l’expression de la persistance et de la durabilité de l’extrême pauvreté de ménage en milieu rural d’Isangi.
La trajectoire de l’impact de projets agricoles à Isangi passe par l’axe production agricole, consommation alimentaire de ménage et état nutritionnel. Cette trajectoire est déterminante pour suivre l’impact de projets agricoles dans le territoire d’Isangi.
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