Problématique de gestion du climat en serres horticoles au Maroc

Auteurs-es

  • Ahmed WIFAYA Institut National de la Recherche Agronomique, Agadir, Maroc
  • Fouad MOKRINI Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), Agadir, Maroc
  • Rachid BOUHARROUD Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), Agadir, Maroc
  • Fouad ELAME Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), Agadir, Maroc
  • Lahcen BOUIRDEN Laboratoire de Thermodynamique et Énergétique, Faculté des Sciences, Agadir, Maroc
  • Youssef KARRA Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), Agadir, Maroc

Résumé

Au Maroc, l’évolution de l’industrie horticole est étroitement liée à la modernisation et l’optimisation des facteurs de production. Cependant, la serre horticole est un élément indispensable pour la production des primeurs en agriculture protégée. En effet, la connaissance des types de serres, leurs composantes, la distribution de leurs microclimat intérieur en relation avec l’évolution du climat à l’extérieur et son impact sur la productivité et la dynamique des maladies et ravageurs sous serre est indispensable. Les serristes peuvent ainsi exploiter ces informations pour améliorer leur conduite technique et climatique des cultures sous un microclimat fluctuant et adopter les solutions techniques efficaces pour gérer l’impact du climat sur la production des cultures abritées (lumière, aération, ombrage, chauffage, climatisation et injection de CO2...).

Mots clés: Serre horticole, Microclimat, production de primeurs, conduite climatique.

INTRODUCTION

Une serre est conçue à l’origine comme un simple abri, ou une enceinte destinée à la culture et à la protection des plantes en exploitant le rayonnement solaire. Elle est devenue un local industriel de production de la matière végétale où l’on tente d’adapter l’environnement immédiat de la plante de façon à améliorer sa productivité et sa qualité, en l’affranchissant du climat extérieur, du sol local et même des saisons.

Les facteurs climatiques qui influencent le climat intérieur de la serre sont la température, l’humidité, le rayonnement solaire, le vent et le couvert végétal. En réalité, chacun de ces facteurs engendre une combinaison d’effets qui peuvent être favorables ou non au fonctionnement de la serre selon les conditions locales qui prévalent. La température intervient de façon prépondérante dans la croissance et le développement de la végétation; les concentrations de CO2 et de vapeur d’eau jouent un rôle déterminant dans la transpiration et dans la photosynthèse des plantes ainsi que dans le développement des maladies fongiques. Le rayonnement solaire intervient également dans la photosynthèse. Certains matériaux de couverture transparents au rayonnement de courtes longueurs d’ondes et opaques au rayonnement infrarouge, créent un effet de serre qui provoque lui-même une augmentation de la température sous l’abri. Le vent génère des différences de pression sur la serre qui peuvent l’endommager dans les cas extrêmes. Il provoque également des pertes par convection et contribue de façon déterminante à l’aération naturelle. Un contrôle bien maîtrisé du bilan énergétique du climat permet donc de gérer ces paramètres et d’améliorer le fonctionnement physiologique des plantes.

DESCRIPTION DE LA SERRE

Les différents types de serres

La serriculture regroupe différents types de production ou culture sous serre, dont la production de plantes horticoles (légumes et plantes ornementales arbres fruitiers ou d’ornements) entre autres. Selon le type de culture considéré, différents types de serre sont utilisés. Une grande variété de serre existe mais deux grands types se distinguent: les serres «lourdes», souvent des serres multi-chapelles en verre et les simples abris plastiques, souvent des serres tunnels.

Au Maroc, on trouve:

• Le tunnel bas: tunnel nantais et bâche à plat; le plastique de couverture peut être perforé, à perforation progressive avec l’avancement du cycle de la culture. Il peut être à simple feuillet ou à double feuillet plastique.

• Le grand tunnel: exemples delta 9, Socodam, Bastana, Massa, Filclair, Chaabi, Horti-serre, Inter-serre...etc.

• La serre canarienne: 3 à 4 m de haut (5-6 m pour la canarienne améliorée) et de dimensions différentes afin de couvrir des superficies d’environ 1 ha et de diverses formes de terrains.

• La serre multichapelles métallique: type Tombarello, Staim, Richel, Delta...etc.

Au niveau mondial, on retrouve ces types d’abris serres et d’autres types de serres, à couverture en verre, à différentes chapelles, symétriques ou asymétriques, fixes ou mobiles. Ils peuvent être des bichapelles hémicylindriques, de forme Immeuble à différents étages ....

L’abri doit dans tous les cas respecter deux contraintes principales: permettre de créer un climat plus favorable aux cultures que le climat extérieur et être suffisamment robuste. Il doit être capable de résister aux vents forts, aux surcharges externes (neige, grêle) ou interne (poids des cultures palissées portées par la charpente, poids des équipements de chauffage, irrigation), le tout en répondant aux considérations économiques (prix de revient, longévité).

Le choix du type de serre dépend du coût d’investissement et du type de culture mais aussi et surtout du climat de la région considérée. En Europe, on distingue deux grands types de conditions climatiques: le climat tempéré dans le nord (Danemark, Pays Bas, Allemagne, Suède,...) et le climat méditerranéen dans le sud (Espagne, Italie, Grèce, Portugal, sud de la France,...).

Les contraintes climatiques auxquelles sont soumises les serres sont de divers ordres:

• Les faibles températures extérieures en hiver, engendrant des températures intérieures en dessous de l’optimum biologique, durant les nuits notamment, et rendant nécessaire le chauffage,

• Les vents importants, les chutes de neiges et de grêle pouvant endommager la structure de la serre,

• L’éclairement insuffisant en hiver qui réduit considérablement la photosynthèse,

• Les températures intérieures trop élevées en été et même parfois au printemps qui peuvent être néfastes au végétal,

• Les taux élevés d’humidité nocturne à l’intérieur de la serre qui augmentent les risques de développement de maladies fongiques.

Ces contraintes, plus ou moins fortes selon la région, ont un impact important sur le choix du type de serre utilisée.

Composants d’un abri serre

D’une manière générale, la serre est composée de deux structures: une armature (ossature) qui constitue le squelette de l’abri, et une couverture (enveloppe) qui réalise l’écran nécessaire à la création d’un microclimat spécifique à la serre.

L’ossature (armature): C’est un assemblage de cadres porteurs reliés par des pannes et des pièces de liaison. Les éléments porteurs peuvent être constitués par des profils différents, plus ou moins lourds, suivant le type de serre. Ils sont généralement constitués de matériaux résistants aux intempéries notamment aux vents forts. Les matériaux utilisés pour l’ossature sont l’acier, l’aluminium, le béton et le bois. Ceux-ci ne doivent constituer le moindre obstacle à la lumière solaire.

L’acier: Il est largement utilisé dans l’ossature de la serre: poteaux, fermes, arceaux, poutres, pannes et chéneaux. Les caractéristiques mécaniques avantageuses de l’acier sont très favorables à ce type de construction où on emploie surtout l’acier doux ordinaire et des aciers mi-durs. En revanche, l’utilisation de l’acier peut présenter les inconvénients suivants: la conductivité thermique élevée et la continuité des liaisons entre la charpente et les éléments métalliques de la couverture qui favorisent les pertes de chaleur par «ponts thermiques».

L’aluminium: Les alliages d’aluminium sont très utilisés aujourd’hui dans la construction des serres. Cependant, dans la pratique, l’aluminium est surtout utilisé en association avec une ossature à base d’acier. Les alliages d’aluminium ont différents avantages: Ils résistent à la corrosion grâce à la formation, par oxydation de l’aluminium, d’une fine couche superficielle d’alumine. Il y a donc peu ou pas d’entretien. Les éléments ou profils même de dimensions réduites ont une bonne résistance mécanique. Ils sont légers et donc très maniables lors de la construction et des réparations. L’inconvénient majeur que peut présenter ce matériau est sa forte conductivité thermique supérieure à celle de l’acier.

Le béton: Le béton est utilisé dans la réalisation des fondations des murets situés à la base des parois. Il est aussi utilisé pour recouvrir des allées et pour maintenir les poteaux.

Le bois: Il ne sert plus que pour quelques constructions artisanales de serres canariennes. Ses avantages peuvent être résumés en sa bonne qualité d’isolation thermique, son prix modéré et sa facilité d’emploi. Ses inconvénients sont une mauvaise adaptation à des structures étanches et un entretien non négligeable.

• Les matériaux de couverture ou de l’enveloppe

Les matériaux plastiques: Leurs performances doivent être appréciées à plusieurs niveaux. Au niveau de leurs propriétés optiques, il s’agit de présenter la meilleure transmission au rayonnement visible utile à la photosynthèse pendant le jour et limiter les pertes radiatives, par un affaiblissement de leur émissivité dans l’infrarouge thermique, pendant la nuit. Au niveau de leurs propriétés mécaniques, leur coefficient de dilatation doit être faible pour éviter toute problème d’étanchéité. Concernant leurs durées de vie et leur résistance aux intempéries, il est souvent difficile de porter un jugement sur leurs propriétés optiques et mécaniques au cours et après utilisation, sachant très bien que ces propriétés sont connues à l’état neuf du plastique.

Les filets anti-insectes: On assiste depuis quelques années à une prise de conscience collective sur la qualité de l’environnement. Ce phénomène résulte d’une utilisation extensive de pesticides dans le passé contre des insectes de plus en plus résistants, un problème qui a des répercussions sur la santé publique et animale ainsi que la contamination des sols et des nappes d’eau. Dans plusieurs pays, les besoins sont de plus en plus pressants afin de protéger les cultures contre les ravageurs. C’est pourquoi plusieurs producteurs et chercheurs expérimentent l’installation de filets anti-insectes aux surfaces de ventilation de la serre. Toutefois, l’installation de ces filets peut réduire, dans des cas de figures, la ventilation de la serre et provoquer des surchauffes à son intérieur (Fatnassi et al., 2006).

LE MICROCLIMAT DE LA SERRE

Le déroulement de la croissance et du développement des différents organes d’une plante obéit étroitement aux conditions climatiques. Pour cela, les serristes considèrent le climat comme un facteur de rendement qu’il faut essayer de chiffrer afin d’avoir des rendements optima en assurant des conditions climatiques favorables. La ventilation naturelle est le système le plus économique pour réguler le microclimat interne de la serre. Mais le processus d’aération est complexe. Il participe à l’essentiel des échanges de chaleur et de masse avec l’extérieur et sa maîtrise permet donc de contrôler les paramètres physiques tels que la température, l’humidité et les concentrations de gaz comme le CO2 par exemple.

Ce contrôle est essentiel pour maintenir les plantes dans des conditions métaboliques favorables (respiration, photosynthèse, transpiration) et dans un état sanitaire satisfaisant.

Le climat spontané de la serre

Le climat spontané à l’intérieur de la serre dépend essentiellement du climat extérieur, de la forme de la serre, son orientation et des qualités physico-chimiques des matériaux de la couverture utilisée. Les principaux facteurs du milieu interne à une serre, qui sont modifiés par rapport à l’extérieur, sont la température, la lumière, l’humidité et les concentrations des gaz (CO2 et O2). La meilleure utilisation de ce climat sera liée au choix des matériaux de couverture et aux conditions de leur mise en œuvre (structure, forme et orientation des abris).

L’aération

L’aération ou ventilation est l’échange d’air entre la serre et l’extérieur. Ce mécanisme permet, d’une part, d’évacuer la chaleur en excès et diminuer la température de l’air à l’intérieur de la serre et, d’autre part, de modifier l’humidité en évacuant plus ou moins rapidement l’air intérieur enrichi en eau par la transpiration des plantes. L’importance de l’aération d’une serre peut être exprimée par le débit d’air échangé (volume d’air entrant ou sortant pendant l’unité de temps).

Le problème de refroidissement des serres lorsque la température intérieure dépasse les limites supérieures admissibles pour les cultures, reste entièrement posé pour les abris plastiques. En général, l’aération naturelle est la méthode de ventilation couramment utilisée, car elle est plus pratique, plus économique et elle assure l’aération par ouvertures en toiture et à travers les parois latérales ou par l’écartement des bâches plastiques des côtés de la serre.

La menace des insectes vecteurs de virus sur les cultures sous abris serres nécessite l’utilisation de filets anti-insectes très fins. Malheureusement, la présence de ces filets sur les ouvrants d’aération provoque, dans des cas figures, une chute du taux de renouvellement d’air entraînant une augmentation de la température et de l’humidité de l’air. Ces conditions sont éprouvantes pour la culture car elles pénalisent le rendement et la qualité des produits. Dans ces conditions, les performances en ventilation des serres constituent un facteur majeur de la production.

Pour traiter de l’aéraulique des serres, il convient de considérer d’une part l’intérieur de la serre et d’autre part l’extérieur de la serre. À l’extérieur, la vitesse du vent est de l’ordre de quelques mètres par seconde alors qu’à l’intérieur elle dépasse rarement les 0,5 m.s-1 (Day et Bailey, 1999). Quelle que soit la serre, on constate que la vitesse de l’air à l’intérieur de la serre ne dépasse que rarement 20% de la vitesse à l’extérieur de la serre (Bartzanas et al., 2004; Mistriotis et al., 1997b ; Wang et al., 1999a).

L’aération des serres consiste en un échange d’air entre l’intérieur et l’extérieur de la serre. Pendant la période estivale, la température peut atteindre des valeurs élevées susceptibles d’endommager les cultures. De même, l’humidité dépasse aussi parfois les valeurs acceptables pour les plantes. Une humidité trop faible peut amener les cultures à un état de stress. Une humidité trop importante réduit la croissance des plantes, altère le processus de reproduction et favorise le développement de maladies (Baptista et al., 2008). L’aération de la serre par l’intermédiaire des ouvrants (ou un autre système d’extraction ou d’évacuation de l’humidité) est par conséquent nécessaire afin de ménager un climat optimal à la croissance des végétaux tout en augmentant les échanges de dioxygène et de gaz carbonique (Nebbali, 2008).

Cette aération est étroitement liée aux conditions climatiques externes, notamment à la vitesse du vent et à la différence de pression entre l’intérieur et l’extérieur de la serre, générée par le champ extérieur des vitesses (Boulard et Baille, 1995).

Même dans le cas de serres en verre fermées, des échanges d’air ont lieu entre l’intérieur et l’extérieur de la serre. Ils sont principalement la conséquence de la perméabilité et des fuites plus ou moins importantes de la serre (étanchéité non parfaite). Les avis divergent sur l’influence du vent sur ces fuites. Wang et al., (1999b) ont observé qu’il n’y avait pas d’influence alors que Ruther (1985) a corrélé le taux de renouvellement de l’air dû aux fuites à la vitesse du vent.

Que ce soit pour les serres ouvertes ou fermées, des échanges d’air ont donc lieu entre l’intérieur et l’extérieur de la serre. Ces échanges occasionnent des transferts thermiques et hydriques qu’il est important de contrôler afin de maîtriser les productions sous serre.

Bien qu’en général le vent extérieur constitue le moteur de l’aération de la serre, la différence de température entre l’intérieur et l’extérieur de la serre peut également jouer un rôle important notamment quand le vent extérieur est faible (Baptista et al., 1999) et/ou lorsque la serre est fermée. En effet, l’hétérogénéité des températures induit une hétérogénéité de la distribution des densités de l’air. En fait, il existe des écarts de température entre les différentes surfaces à l’intérieur de la serre (paroi, sol, plantes,...) et l’air. Ces différences induisent un réchauffement (ou refroidissement) de l’air et donc des gradients de masse volumique entre l’air à proximité de ces surfaces et l’air du reste de la serre. Ce phénomène est aussi connu sous le nom «d’effet cheminée» (Roy et al., 2002).

Dans une serre fermée, le vent n’influe que sur les fuites. La vitesse de l’air est alors relativement faible (<0,1m.s-1, Wang et al., 1999a). Les forces de flottabilité deviennent le principal moteur des mouvements internes de l’air. Plus généralement, les forces de flottabilité jouent un rôle important dès que la vitesse de l’air à l’intérieur de la serre est inférieure à 0,5 m.s-1 (Mistriotis et al., 1997a).

Échange thermique

Les trois modes de transfert de chaleur coexistent dans une serre: la convection, la conduction et le rayonnement. Ils interagissent entre eux et de ce fait le climat de la serre est en partie la résultante de ces interactions.

• Convection

Les mouvements de l’air induisent des échanges de chaleur au niveau des interfaces avec les éléments solides dans la serre. Ces échanges de chaleur associés au déplacement d’un fluide correspondent au mécanisme de convection. Il s’agit donc de transfert de chaleur avec déplacement de matière. La convection joue un rôle essentiel dans les transferts de chaleur qui surviennent à l’échelle de la serre. A l’intérieur de la serre, la convection est responsable d’un transfert de chaleur entre, d’une part, le sol, les tablettes de culture, la végétation et les parois de la serre et d’autre part, l’air environnant. A l’extérieur de la serre, le vent dissipe l’énergie emmagasinée par le toit et les parois de la serre évacuant ainsi une partie de la chaleur accumulée dans la serre.

Selon l’intensité du vent (pour l’extérieur) et de la vitesse d’air (pour l’intérieur), la convection peut être libre (transfert essentiellement associé aux gradients de température), forcée (transfert principalement dû à l’aération de la serre/au vent) ou mixte (intensité des deux phénomènes du même ordre de grandeur). L’intensité des échanges thermiques est proportionnelle à la différence de température et dépend fortement du régime de convection (Roy et al., 2002). Cependant, les échanges de chaleur sont généralement moins importants en convection libre, qu’en convection forcée. En effet, le mouvement du fluide plus important en convection forcée permet d’évacuer la chaleur et de maintenir un gradient thermique important entre l’air et les surfaces en contact avec l’air. L’estimation avec précision des coefficients d’échanges est donc cruciale dans l’évaluation de l’intensité des échanges thermiques et des pertes énergétiques.

• Conduction

Contrairement aux échanges convectifs, les échanges conductifs correspondent à des transferts de chaleur sans déplacement de matière. Il s’agit en réalité de la transmission de proche en proche de l’énergie cinétique des atomes. Les transferts conductifs ont lieu principalement dans les solides et tendent à uniformiser la température du solide dans lequel ils ont lieu. Le transfert de la chaleur s’effectue des parties chaudes vers les parties froides. Le poids de la conduction dans les transferts thermiques dépend de la conductivité thermique (Capacité à conduire la chaleur) du ou des matériaux composant le solide ainsi que de la différence de température dans les matériaux.

Dans une serre, les principaux échanges par conduction ont lieu dans le sol, entre la surface et les couches plus profondes. Des échanges par conduction ont aussi lieu à travers les parois de la serre. Ces derniers sont la plupart du temps considérés comme stationnaires, c’est-à-dire qu’on ne prend en compte ni l’inertie du matériau ni les phénomènes de stockage-restitution de la chaleur car ces parois sont généralement de faible épaisseur et l’équilibre thermique est rapidement atteint (Jolliet, 1988; Kittas, 1994).

Dans le sol, si on considère des durées courtes, il est également possible de négliger l’influence des échanges conductifs sur la température de surface du sol. En revanche, pour des phénomènes observés à l’échelle de la journée, il est important de considérer la conduction. En effet, de jour, la température à la surface du sol est souvent supérieure à celle dans le sol en profondeur du fait du rayonnement solaire reçu et de la température de l’air de la serre plus élevée. Un transfert de chaleur depuis la surface du sol vers ses couches profondes est donc observé. De nuit, les échanges de sens inverse se produisent: la température de la serre est inférieure à celle de la surface du sol, il n’y a pas de rayonnement solaire reçu par le sol si bien que la température du sol en profondeur est plus élevée que celle de sa surface: le sol restitue alors la chaleur qu’il a emmagasinée dans la journée. Cette propension à emmagasiner de la chaleur et à la restituer dépend de la capacité calorifique du sol. Plus elle sera élevée plus la capacité de stockage de chaleur sera importante.

Inversement la nuit, quand les températures sont trop faibles, le recours à divers systèmes de chauffage est alors nécessaire. Cette situation assez paradoxale met en lumière les économies d’énergie qui pourraient être réalisées grâce à une meilleure gestion de l’énergie stockée le jour dans le sol.

• Rayonnement

Le rayonnement est un mode de transmission thermique sans transfert de masse. Il est la résultante de la propagation d’ondes électromagnétiques. Les échanges par rayonnement sont des échanges de surface à surface entre deux corps qui émettent, absorbent, réfléchissent et même parfois transmettent du rayonnement. Tout corps émet de l’énergie sous forme d’ondes électromagnétiques d’une manière omnidirectionnelle. La longueur d’onde de cette onde émise est inversement proportionnelle à la température du corps considéré. Ainsi, le rayonnement émis par le soleil, très chaud, est de courte longueur d’onde (0,3-3 µm). Au contraire, le rayonnement émis par la terre ainsi que par tout corps ayant une température comparable (~20°C) est de grande longueur d’onde (3100 µm). Ces deux rayonnements sont à ce titre appelés rayonnement de courte et de grande longueur d’ondes (Guyot, 1999). Il n’existe qu’un très faible recouvrement entre les deux spectres. L’énergie émise par un corps (Énergie rayonnée), à une longueur d’onde donnée se transforme en énergie thermique si elle rencontre un corps absorbant pour la longueur d’onde considérée.

Tout corps peut absorber une onde électromagnétique. Il peut également la réfléchir ou la transmettre (être traversé). La capacité d’un corps à réfléchir, absorber et transmettre une onde dépend des propriétés de ce corps appelées respectivement coefficient de réflexion, d’absorption et de transmission. Ces propriétés sont aussi dépendantes de la longueur d’onde de l’onde incidente. Ainsi le verre est transparent vis-à-vis des courtes longueurs d’onde et transmet donc une grande part du rayonnement de courte longueur d’onde reçu alors qu’il absorbe la quasi-totalité du rayonnement de grande longueur d’onde.

Le rayonnement solaire est de courte longueur d’onde puisque la température du soleil est très élevée (environ 5800 K). En entrant dans l’atmosphère terrestre, ce rayonnement est en partie réfléchi, en partie absorbé. La partie restante est celle reçue à la surface de la Terre. Le rayonnement solaire est perçu sur Terre selon deux composantes:

• L’une directionnelle qui correspond au rayonnement direct,

• L’autre non directionnelle, qui correspond au rayonnement diffus.

La diffusion est plus importante lorsque le ciel est nuageux, voire même totale lorsque le soleil est complètement voilé par les nuages.

De la même manière qu’à la traversée de l’atmosphère, une fraction du rayonnement solaire est transmise à travers les parois de la serre alors qu’une autre fraction est absorbée, la fraction restante est réfléchie. Le couvert végétal utilise alors une part de ce rayonnement pour la photosynthèse. Il s’agit du rayonnement photosynthétique actif (PAR). Le spectre du rayonnement PAR s’étend de 400 à 700 nm; il correspond environ à 44% du rayonnement de courte longueur d’onde. Les éléments de la serre émettent un rayonnement de grande longueur d’onde dans toutes les directions. Ce rayonnement n’est pas transmis par le verre mais est en grande partie absorbé et/ou réfléchi: il contribue à chauffer les parois de la serre et donc, par convection, l’air de la serre. Si on souhaite exploiter au maximum le rayonnement solaire entrant dans la serre, il est préférable d’utiliser des matériaux les plus transparents possibles au rayonnement de courte longueur d’onde et les plus opaques possibles au rayonnement de grande longueur d’onde.

Transfert de masse

A tous les phénomènes précédemment décrits s’ajoutent d’autres échanges qui sont principalement induits par la présence du végétal dans la serre. Il s’agit du transfert d’espèces constituant l’air de la serre: la vapeur d’eau et le dioxyde de carbone sont les espèces considérées en priorité dans ces transferts puisqu’elles influent sur les rendements quantitatifs et qualitatifs des cultures. La quantité d’eau contenue dans l’air sous forme de vapeur d’eau a une influence sur la transpiration des cultures ainsi que sur le risque de condensation. La transpiration des plantes est le phénomène qui permet la circulation de la sève. Plus l’écart de pression de vapeur d’eau (appelé déficit de pression de vapeur d’eau) entre l’air près du végétal et l’air à l’intérieur des feuilles (chambre sous stomatique) est élevé, plus la transpiration est favorisée. Cette transpiration est alors une source de vapeur d’eau dans l’air au voisinage des cultures. Il résulte de ce phénomène une humidité plus élevée à proximité du végétal que dans le reste de la serre. Pour une serre ouverte, les vitesses de l’air sont plus élevées que pour une serre fermée et cette humidité est transférée par convection. L’aération naturelle permet donc de renouveler l’air à proximité du végétal, ce qui maintient un gradient de pression de vapeur d’eau important entre le végétal et l’air. La transpiration étant d’autant plus importante que ce gradient est élevé, ce transfert de vapeur d’eau grâce au mouvement de l’air favorise donc les pertes hydriques du végétal. Ce transport de vapeur d’eau ne peut néanmoins avoir lieu que lorsque la vitesse de l’air est faible du simple fait du gradient de concentration de vapeur d’eau dans l’air. En effet, en présence de différence de concentration de vapeur d’eau, des phénomènes de diffusion tendent à réduire les hétérogénéités. Il s’agit en fait d’un transfert au niveau microscopique des composantes de l’air sans mouvement macroscopique de l’air. Ce transfert a lieu depuis les zones les plus humides (proches du végétal) vers les zones présentant les concentrations de vapeur d’eau les plus faibles; en particulier, vers les parois lorsqu’il y a condensation, puisque le phénomène de condensation «soutire» de la vapeur d’eau à l’air.

Dans une serre, il est préférable d’éviter la condensation pour deux raisons principales:

• L’apparition d’eau libre sur les feuilles des plantes favorise le développement de certaines maladies fongiques comme le botrytis par exemple,

• La formation de gouttes d’eau sur les parois de la serre réduit sensiblement la transmission du rayonnement.

La condensation de la vapeur d’eau contenue dans l’air se produit lorsque de l’air humide est refroidi jusqu’à atteindre le point de rosée. En effet, l’eau se condense quand la pression de vapeur d’eau dans l’air atteint la pression de vapeur saturante (courbe de saturation). Cette pression de vapeur saturante augmente avec la température. Ainsi, un air chaud peut présenter une humidité absolue importante sans qu’il y ait de condensation. Par contre, à humidité absolue constante, si cet air est refroidi, alors son humidité relative (Rapport entre la pression de vapeur et la pression de vapeur saturante, usuellement exprimé en pourcentage) augmente jusqu’à atteindre 100% c’est-à-dire le point de rosée: il y a alors condensation.

Influence des paramètres climatiques

Influence de la température

L’élévation de la température à l’intérieur de la serre, obtenue naturellement grâce aux rayons solaires, peut se révéler insuffisante à certaines périodes de l’année et excessive à d’autres moments. Il serait donc préférable, pour une régulation des températures, de prendre en compte l’appréciation des exigences thermiques de jour et de nuit des cultures réalisées sous serre.

Influence de l’humidité

En période nocturne, les serres étant généralement fermées, l’humidité relative de l’air y est élevée. Des condensations se produisent fréquemment au niveau des parois et peuvent tomber sur la végétation créant ainsi des conditions particulièrement favorables au développement des maladies cryptogamiques. En période diurne, l’élévation de la température de l’air peut conduire à un abaissement exagéré de son humidité relative de l’air et peut provoquer un véritable «stress hydrique» au niveau de la végétation. Par ailleurs, lorsque l’humidité relative de l’air est faible, on peut l’augmenter en faisant des nébulisations. Au contraire, lorsqu’il s’agit d’abaisser le degré d’hygrométrie, l’aération où la ventilation s’impose.

Influence de la lumière

Sous abri, les conditions d’éclairement sont sous l’étroite dépendance du climat lumineux naturel (Wifaya et al., 2014). La meilleure utilisation de ce climat naturel sera liée au choix du matériau de couverture. La recherche d’un éclairement maximal est la règle générale pendant la période à faible ensoleillement. Dans le cas contraire, il est souvent nécessaire de réduire les apports lumineux (ombrage) pour éviter les risques d’échauffement excessif de la culture et du déséquilibre dans l’alimentation hydrique sous l’effet d’une forte demande d’évaporation.

D’après la littérature, les filets d’ombrage photo-sélectifs améliorent considérablement la qualité des fruits (Goren et al., 2011; Kong et al., 2013) et réduisent l’infestation des cultures par les parasites et les maladies (Díaz-Pérez, 2014). En outre, les moustiquaires colorées pourraient réduire l’intensité lumineuse d’au moins 50% par rapport à l’extérieur pendant les mois d’été, entraînant des niveaux d’intensité lumineuse similaires à ceux de l’automne et du printemps (Ilic et Fallik, 2017; Ilic et al., 2017a).

Influence du dioxyde de carbone

La teneur en CO2 est l’un des trois facteurs nécessaires pour la photosynthèse, plus la présence de CO2 est élevée plus la photosynthèse est meilleure. Durant la nuit, par rapport à l’extérieur, l’effet de l’abri va avoir comme conséquence une augmentation de la teneur en CO2. Au cours d’un cycle de 24 heures, les plantes continuent de respirer. Durant la journée, il y a absorption du CO2 par la fonction chlorophyllienne, la teneur en gaz carbonique s’est élevée au petit jour et s’est réduite en fin d’après midi.

Afin de ne pas diminuer l’activité des cultures, il est nécessaire de maintenir un taux de CO2 important. Les phénomènes de diffusion du CO2 vers les zones proches du végétal du fait de leur plus faible concentration en CO2 ne sont pas suffisants pour assurer l’apport nécessaire aux besoins des cultures. Il est alors nécessaire de favoriser le renouvellement de l’air à l’aide de la ventilation (Nicot and Baille, 1996; Jewett and Jarvis, 2001; Tantau and Lange, 2003; Körner and Challa, 2003). On notera que pour certaines cultures, un enrichissement de l’air en CO2 est pratiqué afin d’augmenter les rendements de production.

Orientation de la serre

Le réglage de l’orientation de la serre selon la course du soleil ainsi que selon la direction des vents dominants a causé des difficultés pour éviter l’hétérogénéité de certaines conditions climatiques à l’intérieur de la serre. Dans la région méditerranéenne, où le soleil s’élève sur l’horizon, les recherches ont montré que l’éclairement solaire satisfaisant pouvait s’obtenir par l’adaptation d’une orientation Nord-Sud. La comparaison entre le matin et le soir a montré que cette orientation permet d’avoir une meilleure homogénéité du flux lumineux.

Ainsi, Rosa et al., (1989), ont proposé une orientation N-S pour une distribution plus uniforme des rayonnements productifs tout au long de l’année. En termes d’uniformité de la lumière, la FAO (2013) a proposé une orientation N-S, car les ombres des gouttières et des crêtes changent de position pendant la journée en fonction de la trajectoire du soleil. L’organisation a observé que dans certaines zones méditerranéennes, l’orientation des serres est orientée E-O, tandis que les lignes de culture sont orientées vers le N-S.

RÉFÉRENCES

Baptista, F.J., Bailey, B.J., Randall, J.M., Meneses, J.F., (1999). Greenhouse ventilation rate: theory and measurement with tracer gas techniques. J. Agric. Eng. Res. 72: 363-374.

Baptista FJ, Bailey BJ and Meneses JF. (2008). Comparison of humidity conditions in unheated tomato greenhouses with different natural ventilation management and implications for climate and Botrytis cinerea control. Acta Horticulturae 801:1013-1019.

Bartzanas T., Kittas C. and Boulard T. (2004). Effect of vent arrangement on windward ventilation of a tunnel greenhouse. Biosystems Engineering 88: 479-490.

Boulard T., Baille A. (1995). Modelling of air exchange rate in a greenhouse equipped with continuous roof vents. Journal of Agricultural Engineering Reserch, 61:37–48.

Day W. and Bailey B.J. (1999). Physical principles of microclimate modification. In: Ecosystems in the world, Vol. 20 Greenhouse Ecosystems, Ch 3. G. Stanhill and H.Z Enoch (eds.), Elsevier, Amsterdam, Lausanne, New York, Oxford, Shannon, Singapore, Tokyo. pp. 71-109.

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Publié-e

15-01-2020

Comment citer

WIFAYA, A., MOKRINI, F., BOUHARROUD, R., ELAME, F., BOUIRDEN, L., & KARRA, Y. (2020). Problématique de gestion du climat en serres horticoles au Maroc. Revue Marocaine Des Sciences Agronomiques Et Vétérinaires, 8(1). Consulté à l’adresse https://www.agrimaroc.org/index.php/Actes_IAVH2/article/view/777

Numéro

Rubrique

Production Végétale et Environnement