Résumé

L’objectif de cet article est de présenter une méthodologie de dimensionnement des cuiseurs solaires directs, faire l’analyse économique et évaluer l’impact environnemental de la cuisson solaire directe au Maroc. Pour satisfaire les besoins énergétiques d’un ménage de 5 personnes consommant 3 kg de repas à midi pour une durée de cuisson de 2,5 heures, un concentrateur parabolique de 1,4 m de diamètre (surface utile de 1,6 m²) est nécessaire. A l’échelle du ménage, l’analyse financière a révélé que le temps de retour d’un cuiseur solaire direct par rapport au butane varie de 4 à 10 années selon le taux de la subvention publique. Par rapport au bois de feu, le temps de retour varie de 0,6 à 10 années selon le rendement du four et le prix du bois. A l’échelle nationale, pour subventionner à hauteur de 50% les cuiseurs solaires directs avec un taux de pénétration de 50 % en milieu rural, l’État doit consentir un budget de 1,61 milliard de dirhams (1$US=10 Dirhams). Cet investissement permettrait de réaliser des économies annuelles sur la subvention du butane d’environ 185 millions de dirhams, ce qui correspond à un temps de retour de 8,7 années et un bénéfice de 1,45 milliard de dirhams sur la durée de vie des cuiseurs estimée à 15 ans. Sur le plan écologique, la surface de forêt épargnée serait d’environ 10.000 ha/an et la quantité de CO2 non émise serait de 1,08 Mt/an.


Mots clés: Cuisson solaire directe, évaluation économique, impact environnemental, subvention, butane, bois de feu, Maroc.


 

INTRODUCTION

Le bois de feu et le butane sont les principales sources d’énergie utilisées pour la cuisson par les ménages dans de nombreux pays en développement, notamment au Maroc. En raison de sa facture élevée, ces nations ont de plus en plus du mal à maintenir la subvention publique des énergies fossiles.

Dans le monde, près de 3 milliards de personnes n’ont que le bois de feu pour cuire leurs aliments, alors que la quasi-totalité d’entre eux vivent dans les régions ensoleillées. L’organisation mondiale de la santé (OMS) rapporte que chaque année 1,6 millions de personnes meurent de maladies respiratoires provoquées par la pollution de l’air intérieur due à l’utilisation de combustibles solides pour la cuisson (ASDER, 2012). Six cents kilogrammes de bois sont nécessaires par personne et par année, ce qui est équivalent à environ 4 tonnes par famille. Sur un carré de 4 m de côté, le soleil donne plus d’énergie en un an que ces 4 tonnes de bois (ASDER, 2012). Un cuiseur solaire domestique sauve 100 arbres en 15 ans de durée de vie, évite le dégagement de 1,5 tonne de dioxyde de carbone (CO2), donne plus de temps aux femmes et aux enfants qui dépensent 15 heures par semaine pour la corvée des bois (ASDER, 2012) et permet également d’augmenter le pouvoir d’achat. En effet, le budget alloué à la cuisson en bois de feu des ménages à faible revenu à la campagne absorbe une part importante du revenu familial, entre 10-30% selon le pays (Schwarzer, 2004). En ville, le prix de l’énergie de cuisson représente un tiers du revenu familial (ASDER, 2012).

Au Maroc, selon l’agence internationale de l’énergie (IEA) en 2014, l’approvisionnement extérieur des besoins en énergie représente 91%, avec une facture annuelle évaluée entre 90 à 100 milliards de dirham marocain (MMDh). Le Maroc place les énergies renouvelables et particulièrement l’énergie solaire au rang des priorités. Avec un rayonnement solaire incident moyen compris entre 4,5 et 7,2 kWh par jour et par m2, le Maroc a pour objectif d’arriver à une puissance électrique installée en énergies renouvelables dans le mix énergétique de 42% d’ici 2020, dont 14% en énergie solaire, et de 52% d’ici l’horizon 2030. La consommation annuelle du gaz de pétrole liquéfié (GPL) est estimée à 2,4 mégatonnes (Mt), dont le butane et le propane représentent respectivement 90% et 10% (Atouk, 2013). Le butane est utilisé quasi en totalité dans le secteur résidentiel, mais son prix très faible fait que son usage se répand progressivement à d’autres secteurs plus inattendus, comme le pompage de l’eau d’irrigation et le chauffage des serres (IEA, 2014). La subvention publique du butane par l’État coûte actuellement aux alentours de 15 MMDh (IEA, 2014). L’évolution du prix du butane sur le marché international affecte considérablement la part de couverture de subvention de l’État qui a connu une montée vertigineuse entre les années 2009 et 2012 passant de 91 à 224% (Ministère de l’économie, 2014). Le cours moyen de 4 000 Dh la tonne en 2015 représente son plus bas niveau depuis près de 10 ans (Ministère de l’économie, 2015). Toutefois, la contribution de l’État est de 110% et demeure supérieure au prix supporté par le consommateur. La consommation annuelle du bois de feu est évaluée à 11,3 Mt, dont 89% en milieu rural et 11% en milieu urbain (CDER, 2008; Lavieeco, 2012; Atouk, 2013). La moitié du bois de feu consommé (53% ou 6 Mt) provient de la forêt alors que la capacité de production est de 3,25 Mt (Atouk, 2013). Le reste est fourni par les vergers fruitiers (19% ou 2,15 Mt) et les résidus agricoles (28% ou 3,15 Mt) (Atouk, 2013). Les formations forestières boisées (non compris l’alfa) couvrent une superficie d’environ 5,7 millions d’hectares, et sont constituées à 66% d’essences feuillues, 18% d’essences résineuses, 9% de plantations artificielles et 7% de mattorals (Ministère chargé des eaux et forêts, 2000). La déforestation est estimée entre 30 000 à 50 000 ha par année en raison de la sur-consommation de bois de feu et son renouvellement (reboisement) est insuffisant 8% (Atouk, 2013). La collecte s’effectue en moyenne 3 à 4 fois par semaine et dure de 3 à 8 h suivant la disponibilité en bois (CDER, 2008). Le budget énergétique représente 20% des dépenses des ménages liées au logement selon Lahlou (2011) et 24,2% selon Lahlimi (2016).

Toutefois, l’adoption en masse des énergies renouvelables dans le mix énergétique au Maroc n’a pas eu d’impact sur l’utilisation du gaz et du bois de feu, vu la faible part de la cuisson électrique au Maroc. Dans ce sens, une attention particulière est portée sur l’utilisation de l’énergie solaire, en particulier à des fins de cuisson. Son utilisation pourrait être une alternative très intéressante et une solution viable de nature à augmenter le pouvoir d’achat des ménages, à diminuer considérablement l’émission de dioxyde de carbone, la déforestation, et l’érosion des sols, à baisser les mortalités causées par les maladies respiratoires et à participer à la création d’emplois.

La cuisson solaire permet de cuire les aliments grâce à l’énergie solaire ou d’assurer des procédés tels que la pasteurisation et la stérilisation. Les cuiseurs capturent les rayons solaires au moyen de surfaces brillantes qui réfléchissent les rayons du soleil et les concentrent sur des récepteurs qui transfèrent la chaleur aux aliments. Les cuiseurs solaires peuvent être internes ou externes avec des tailles différentes: petite (3-4 personnes), moyenne (5 à 2000 personnes) ou grande (2000 à 50000 personnes). Ils peuvent être moins chers (55 à 270 Dh), moyennement chers (960 à 4325 Dh) ou coûteux (5400 à 10800 Dh) l’unité (Götz, 2005; Nandwani, 2005; Loos, 2012). La cuisson peut être classifiée en 4 catégories selon les plages de températures requises: cuisson (85 à 90 °C), ébullition (100 à 130 °C), friture (200 à 250 °C) et grillade (plus de 300 °C) (Mbodji et Hajji, 2016). Cependant, la classification la plus commune distingue les cuiseurs directs et les cuiseurs indirects (Mbodji et Hajji, 2016). Dans les cuiseurs directs, l’énergie solaire est transférée directement du collecteur vers l’ustensile de cuisson qui contient les aliments et leur rendement varie de 2 à 55% (Yettou, 2015; Mbodji et Hajji, 2016). Dans les cuiseurs indirects, l’ustensile de cuisson est physiquement dissocié du collecteur, et ces systèmes utilisent des capteurs plans ou des capteurs à tubes sous vide ou un récepteur qui transfère l’énergie captée à un fluide intermédiaire qui va chauffer l’ustensile de cuisson et possèdent un rendement variant de 20% à 73% (Mawire et al., 2008; Prasanna, 2011). Les deux modèles peuvent intégrer ou non un support de stockage qui sont sous forme de chaleur sensible ou de chaleur latente ou thermochimique ou parfois une combinaison des différents modes (Muthusivagami et al., 2010).

Plusieurs cuiseurs solaires de type boîte ont été conçus, développés et évalués économiquement dans le contexte indien. Kandpal et Mathur (1986) ont constaté que le prix des carburants classiques utilisés pour la cuisson joue un rôle décisif dans leur utilisation. La cause principale de la mauvaise capacité de leur adaptation en milieu rural est l’utilisation des ressources disponibles localement et gratuites (bois de feu, bouse de vache, déchets agricoles etc.). Nahar et al., (1994) ont construit un cuiseur destiné à la cuisson des aliments pour animaux. Le coût de fabrication du cuiseur est d’environ 200 Dh, et le temps de retour est de 0,45 à 1,36 années, selon le combustible qu’il remplace. Panwar et al., (2013) ont développé un cuiseur solaire destiné à l’alimentation animale dans les zones rurales dans l’état de Rajasthan et contribue ainsi à l’amélioration du niveau de vie des agriculteurs ruraux et aussi à la réduction des émissions de CO2. Le cuiseur peut remplacer la biomasse à 100% et économiser environ 424,8 kg de CO2 par année et 3,6 Dh par jour. Al-Saad et Jubran (1991) ont développé en Jordanie un cuiseur à faible coût en utilisant un matériau disponible localement (argile). Le prix du cuiseur est réduit de 56% passant de 530 Dh à 235 Dh. Beaumont et al., (1997) ont rapporté qu’un cuiseur solaire capable de fournir de la nourriture à 10-12 personnes par temps clair avec des repas autour de midi et au crépuscule a été conçu et construit en Tanzanie avec un coût d’environ 100 Dh.

De nombreuses études scientifiques ont montré que le taux de CO2 dans l’atmosphère a augmenté de 31% au cours des 20 dernières décennies (Sims, 2004). Depuis 1800, 20 Gt de CO2 sont rejetés dans l’environnement, du seul fait de la déforestation, engendrant ainsi la concentration du gaz de méthane dans l’atmosphère, responsable de la destruction de la couche d’ozone. La température moyenne de la surface du globe a augmenté de 0,4-0,8 °C au siècle dernier, au-dessus de la ligne de base de 14 °C à cause des rejets de gaz (Sims, 2004). La promotion de technologies propres avec les énergies renouvelables est devenue une nécessité afin de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Nandwani (1996) a mené une étude comparative au Costa Rica et dans le monde sur les avantages écologiques des cuiseurs solaires par rapport aux cuiseurs conventionnels en bois et électrique. Il a conclu, en considérant un usage du dispositif de 6-8 mois par an, que le temps de retour d’un cuiseur solaire de type boîte est d’environ 12-14 mois. L’utilisation des cuiseurs solaires peut épargner environ 16,8 millions de tonnes de bois chaque année et éviter l’émission de 38,4 millions de tonnes de CO2 par an dans l’atmosphère. Dans le même sens, Escobar (1996), visant à réduire la consommation de bois comme source d’énergie, a proposé 3 modèles de cuiseurs solaires de type boîte à faible coût, conçus et développés à l’école de physique au Salvador. Selon les statistiques nationales du Salvador, cette source d’énergie représente 53% de l’énergie primaire consommée dans le pays. Pour cuisiner le déjeuner et le dîner, une famille typique dépensera seulement 0,18 Dh pour le cuiseur solaire, 8,3 Dh pour le bois de feu, et 2,0 Dh pour le cuiseur électrique. Hernandez-Luna et Huelsz (2008) ont présenté l’optimisation de la conception optogéométriques d’un cuiseur solaire de type boîte pour la zone intertropicale (Mexique). Il ont estimé que le cuiseur peut sauver une quantité potentielle de bois 850 kg par an. Alozie et al., (2010) ont indiqué que le potentiel annuel d’économie de bois est de 346 millions de tonnes. Le marché total de cuiseurs solaires à usage domestique, à petite échelle et l’utilisation à grande échelle, se traduira par plus de 921 MMDh d’économies. Panwar et al., (2011) ont indiqué que sur la période 1971-1995, les émissions de CO2 ont augmenté à un taux moyen de 1,7% par an. Les scénarios prévoient un taux de croissance plus rapide des émissions de CO2 jusqu’à 2,2% par an, pour la période allant jusqu’à 2020. Andrianaivo et Ramasiarinoro (2014) ont comparé le cuiseur solaire de type parabolique SK14 par rapport à deux alternatives: le bois de feu et le charbon de bois à Madagascar. Les résultats de l’étude ont montré que le cuiseur solaire est moins utilisable par temps nuageux ou pluvieux et l’impact environnemental est réduit d’environ de moitié. Par contre, une source d’appoint est obligatoire pour cuire les repas à ces moments. Garba et Danmallam (2014) ont étudié un cuiseur solaire passif de type boîte dans le contexte nigérian pour une application durable dans les pays en développement dont le temps de retour est estimé entre 4 et 12 mois selon le nombre d’utilisations. L’utilisation d’un cuiseur solaire assurant 100% des besoins journaliers permet d’économiser annuellement dans le monde 1281 Mt de bois et 346 Mt de CO2. Par ailleurs, des études sont menées durant plusieurs années sur différents modèles de cuiseurs solaires dans les conditions climatiques de l’Inde avec une évaluation du potentiel d’émission de CO2 par Nahar (1998, 2009) et ont estimé que le temps de retour varie entre 1,58 et 4,89 années suivant la source d’énergie primaire à remplacer. Pour les différents cuiseurs expérimentés, l’énergie économisée est estimée à 5 175 MJ par an.

Les ressources énergétiques renouvelables joueront un rôle important dans l’avenir de la planète, le développement de systèmes à cuisson solaire permettra de répondre aux besoins en matière d’énergie de cuisson et de résoudre certains problèmes liés aux cuissons traditionnelles, notamment dans les pays en développement (Panwar et al., 2011).

L’objectif global de cette étude est de présenter une méthodologie de dimensionnement des cuiseurs solaires directs, faire l’analyse économique et évaluer l’impact environnemental de la cuisson solaire directe. La première partie décrit la méthodologie de dimensionnement des cuiseurs solaires directs, les grandeurs de performance utilisées dans l’analyse économique et l’évaluation de l’impact environnemental. La deuxième partie présente les différents résultats obtenus.

MÉTHODOLOGIE

La méthodologie ci-dessous décrite en 8 étapes présente l’approche de dimensionnement des cuiseurs solaires directs, les hypothèses faites sur le mixte énergétique, l’analyse économique et l’évaluation de l’impact environnemental.

Étape 1: Analyse des besoins énergétiques

Les besoins énergétiques sont déterminés en appliquant le premier principe de la thermodynamique entre les instants t et t + Δt, en tenant compte du coefficient global des pertes de chaleur qui inclut la conduction, la convection, la radiation, et l’évaporation. Cette dernière est souvent négligée dans beaucoup d’études.

Étape 2: Calcul de l’énergie primaire

L’énergie primaire consommée est calculée selon l’équation (3):

Étape 3: Calcul de la surface d’ouverture et de captation

La surface utile ou la surface d’ouverture dépend du type de cuiseurs solaires directs, et est déterminée selon l’équation (4):

La surface utile peut être corrigée selon Dawange et Thosar (2012) pour obtenir la surface de captation qui dépend de la déclinaison solaire variant de 23.5° à +23.5°. Les signes positif et négatif seront affectés respectivement aux hémisphères nord et sud.

Étape 4: Détermination du mixte énergétique

Afin de déterminer l’impact économique des cuiseurs solaires directs, il est important de connaître le mix énergétique qui diffère d’un pays à l’autre. L’hypothèse que la consommation de butane en milieu urbain est 2,5 fois plus élevée qu’en milieu rural, a été faite. La répartition des pourcentages de consommation selon les applications vient d’une compilation de données (Administration des eaux et forêts, 1988; Berdai, 2007).

Étape 5: Analyse économique à l’échelle du ménage

Deux évaluations économique sont été faites, la première en utilisant le coût spécifique d’un repas cuit sur une durée d’exploitation de 5 ans, et la seconde en utilisant les coûts cumulés afin de déterminer le temps de retour. Nous avons supposé que le cuiseur solaire ne fonctionne que 330 jours dans l’année. Le taux d’actualisation et le taux d’augmentation des différents combustibles sont de 8 % et de 3%. Les frais annuels de maintenance sont fixés à 5% du coût d’investissement du cuiseur (Nahar, 2009; Panwar et al., 2013).

Étape 6: Analyse économique à l’échelle du pays

L’investissement nécessaire à l’État pour accompagner la mise en place des cuiseurs solaires, le temps de retour et le bénéfice susceptible d’être réalisé après 10 ou 15 ans d’exploitation sont déterminés. Cette partie n’inclut pas les frais de maintenance.

Étape 7: Évaluation de l’impact environnemental

La quantité de CO2 évitée et la surface de forêts épargnée sont calculées. L’analyse ne prend pas en compte la quantité de CO2 issue du transport et de la fabrication du matériel utilisé.

Étape 8: Analyse du crédit carbone

Avec l’implantation des cuiseurs solaires, l’État pourra bénéficier via le mécanisme de développement propre des Nations Unies un crédit carbone rapportant 160 Dh la tonne, comme tout marché boursier ce prix fluctue énormément selon les événements.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Les besoins énergétiques avec un ménage de 5 personnes (moyenne au Maroc) consommant 3 kg de repas au déjeuner pour une durée de 2,5 hr s’élèvent à 1,3 kWh, comme détaillé dans le tableau 1. La température ambiante et le coefficient global des pertes sont des valeurs expérimentales (Mbodji et Hajji, 2016).

Avec un cuiseur solaire direct parabolique ayant un rendement de 40%, l’énergie nécessaire est de 3,2 kWh. Les rendements des cuiseurs à butane varient de 48 à 70% (Khan et al., 2015). Un rendement moyen de 60% est pris dans notre calcul. La part de subvention accordée par l’État marocain représente 110% du prix chez le consommateur (42 Dh la bouteille de 12 kg), et est fortement influencée par le prix du butane sur le marché international. Par contre, pour les fours à bois, les rendements se situent entre 5 et 25% (Berdai, 2007; Atouk, 2013; Khan et al., 2015). Un four à poterie ayant un rendement de 12,5% est considéré, et le prix du bois de feu est fixé à 0,8 Dh kg-1, et dépend du lieu géographique. Au niveau des centres de consommation, les prix du bois de feu sont compris dans une fourchette de 600 à 1600 Dh la tonne.

Tableau 1: Synthèse des besoins énergétiques

Avec un DNI de 0,82 kW m-2 (valeur moyenne mesurée à Rabat durant l’été 2014), la surface utile permettant d’assurer les besoins avec un cuiseur solaire direct parabolique est de 1,6 m2, comme indiqué dans le tableau 2.

Tableau 2: Calcul de la surface utile

La répartition du mix énergétique selon les applications est consignée dans le tableau 3.

Un cuiseur solaire avec un 1,4 m de diamètre coûte 2000 Dh. L’évaluation économique du cuiseur solaire en utilisant le coût spécifique d’un repas cuit sur une durée d’exploitation de 5 ans (Tableau 4) a montré, en comparant divers combustibles (solaire, butane subventionné, et bois de feu), que la dépense annuelle d’un ménage de 5 personnes s’élève à 172 Dh avec le butane subventionné, et à 361 Dh quand celui-ci est non subventionné, en tenant en compte de l’actualisation et de la maintenance, et du taux d’augmentation. Les coûts spécifiques du butane subventionné (BS) et du butane non subventionné (BNS) représentent respectivement -67% et -30% par rapport au coût du solaire. Par contre, avec le bois de feu, la dépense annuelle s’élève à 671 Dh, avec un coût spécifique du repas cuit plus cher de +31% par rapport au coût du solaire.

L’évaluation économique avec les coûts cumulés (Figure 1) a montré que malgré un coût d’investissement très important au début du cuiseur solaire, son utilisation génère un temps de retour sur investissement par rapport au BNS et au bois de feu de 6,7 et de 3,4 années, respectivement.

Figure 1: Coûts cumulés avec divers combustibles par ménage pour le repas de midi

Le Tableau 5 montre que le temps de retour est étroitement lié à la part de couverture de subvention supportée par l’État qui dépend du prix du butane sur le marché international. Nous constatons que plus le taux de la subvention publique est important plus le temps de retour est court.

Tableau 5: Temps de retour d’un cuiseur solaire direct en fonction du taux de la subvention publique

Le temps de retour du cuiseur solaire par rapport au bois de feu est fortement influencé par le rendement du four et le prix du bois de feu. La figure 2 donne le temps de retour en fonction de ces deux paramètres. Un rendement de 25% et un prix du bois de feu de 0,6 Dh kg-1 donnent un temps de retour long (10,3 années). Par contre, un rendement faible de 5% et un prix du bois de feu de 1,6 Dh kg-1 entraînent un temps de retour très court (0,6 année).

Le Maroc compte environ 7 314 000 ménages, selon le dernier recensement de 2014, dont 34% de ruraux. Les proportions des ménages par rapport à l’ensemble en milieux rural et urbain sont respectivement de 70% et de 100% pour le butane, et de 80% et de 30% pour le bois de feu. La consommation annuelle du butane destinée à la cuisson est estimée à environ 1,0 Mt (5,93 MMDh) pour les 3 repas de la journée. Pour le gaz butane, l’État supporte 3,11 MMDh et les consommateurs dépensent 2,82 MMDh. La consommation annuelle de bois de feu, quelle que soit la source, destinée à la cuisson est estimée à environ 3,7 Mt (2,49 MMDh) pour les 3 repas de la journée.

Figure 2: Temps de retour d’un cuiseur solaire direct en fonction du rendement et du prix du bois de feu

Le coût annuel du butane non subventionné et du bois de feu, avec un taux de pénétration de 50% en milieu rural pour le repas de midi, représente 310 MDh (0,05 Mt) dont 110% est supporté par l’État soit 162 millions de dirhams à la première année, et 500 MDh (0,74 Mt), respectivement. La mise en place de subvention de l’investissement des cuiseurs solaires au Maroc pour ces ménages par l’État au profit de la somme cumulée injectée dans la subvention du butane se solderait par les temps de retour et les bénéfices après 15 ans d’exploitation indiqués dans le tableau 6.

Pour subventionner les cuiseurs solaires directs à hauteur de 50%, pour 50% des ménages ruraux marocains, l’État doit disposer d’un budget de 1,61 MMDh. L’État réaliserait des économies annuelles sur la subvention du butane d’environ 185 millions de dirhams, ce qui donne un temps de retour de 8,7 années et un bénéfice de 1,45 MMDh, si l’on considère une durée de vie du cuiseur solaire de 15 ans.

De plus, l’utilisation du solaire diminuera les émissions de gaz à effet de serre tels que le dioxyde de carbone, et le dioxyde de soufre qui polluent l’air et qui causent des maladies respiratoires.

La quantité annuelle de CO2 évitée est estimée à 182 tonnes de CO2 en supposant que chaque kWh de butane consommé rejette 0,27 kg de CO2 pour 50% des ménages en milieu rural pour le repas de midi. La totalité du butane utilisé en cuisson donne 910 tonnes de CO2 par année.

Le contenu carbone (Cca) dépend du type de bois, en supposant un contenu carbone de 35% dans le bois, on peut évaluer les émissions directes de CO2 selon l’équation (6):

C+O2→CO2 (6)

La part de consommation du bois de feu provenant des forêts (Pfo) est de 53%. L’émission directe peut être calculée selon l’équation (7) d’après Nandwani (1996), et était de 0,51 Mt de CO2 an-1 avec 50% des ménages ruraux pour le repas de midi.

Edi=QtoPfoCca 44/12 (7)

Les émissions indirectes viennent du fait que lors que les arbres sont coupés et brûlés, ils ne peuvent plus absorber les quantités de CO2 émises et se calculent selon l’équation (8) d’après Nandwani (1996). En moyenne, chaque arbre coupé fournit une quantité de bois sec (Qbs) de 0,3 tonne, et chaque hectare de forêt a une densité moyenne (dfo) d’environ 130 arbres, a la capacité d’absorber (Cab) 39 tonnes de CO2 par année. La densité moyenne de 130 arbres à l’hectare toute espèce confondue a été prise comme base de calcul et celle diffère fortement selon les espèces et le lieu géographique. Le nombre d’arbres sauvés est d’environ 1,3 millions soit une surface épargnée de 10 115 ha. Les émissions indirectes sont de 0,39 Mt de CO2 an-1, ce qui permet d’éviter globalement 0,90 Mt de CO2 an-1 (Tableau 7).

Tableau 7 : Synthèse des émissions de CO2 du bois de feu

Le même calcul appliqué à la totalité du bois de feu utilisé annuellement dans la cuisson (3,72 Mt dont 1,97 provenant de la forêt) donne une émission directe de 2,53 Mt de CO2 an-1. Le nombre d’arbres sauvés est d’environ 6,6 millions soit une surface de 50 570 ha. Les émissions indirectes seraient de 1,97 Mt de CO2 an-1, ce qui permet d’éviter globalement 4,5 Mt de CO2 an-1.

Les émissions totales sont évaluées à 1,08 Mt de CO2 par année pour 50% des ménages en milieu rural pour le repas de midi. Avec un crédit carbone de 160 Dh la tonne, les temps de retour pour l’État baisseront entre 0,6 et 0,9 an, comme montré dans le tableau 8.

CONCLUSION

Cet article présente une méthodologie de dimensionnement des cuiseurs solaires directs, fais l’analyse économique et évalue l’impact environnemental de la cuisson solaire directe au Maroc structurée en 8 étapes.

Les résultats ont montré que les besoins énergétiques de cuisson d’un repas de 3 kg pour un ménage de 5 personnes étaient de 1,3 kWh. Avec un rendement de 40%, l’énergie de cuisson pendant 2,5 hr est de 3,2 kWh, et la surface utile nécessaire est de 1,6 m². Le coût spécifique d’un repas cuit avec le butane non subventionné est moins cher de -30% par rapport au solaire, et celui préparé avec du bois de feu plus cher de +31%, engendrant des temps de retour de 6,7 et de 3,4 années, respectivement.

A l’échelle du ménage, le temps de retour est fortement dépendant du taux de subvention de l’État, qui est fixé en fonction du prix du butane sur le marché international, du prix du bois de feu et du rendement du four. Il varie de 4 à 10 années pour le butane et de 0,6 à 10 années pour le bois de feu.

A l’échelle du pays, la mise en place et la subvention des cuiseurs solaires directs à hauteur de 50% avec un taux de pénétration de 50% en milieu rural se solderaient par un temps de retour de 8,7 années et par un bénéfice de 1,45 MMDh pour l’État au terme de 15 ans de durée de vie du cuiseur solaire, moyennant un budget de l’État de 1,61 MMDh. Malgré un coût d’investissement relativement élevé de la cuisson solaire, le coût d’exploitation est pratiquement nul, comparativement à la cuisson au butane ou au bois de feu. A cela s’ajoute d’autres avantages comme la diminution de la dépendance du pays face aux importations pétrolières, le gain de devises et aussi la diminution des émissions de CO2 qui sont évaluées par année à 1,08 Mt.

Il serait utile de réaliser une enquête afin de confirmer certaines hypothèses faites sur le mix énergétique au Maroc et une étude identique pour la cuisson solaire indirecte.

L’utilisation accrue de l’énergie solaire dans la cuisson pourrait être une alternative intéressante, et une solution viable et se traduirait par des avantages globaux sur les plans économique, environnemental, sanitaire et social. Elle permettrait d’augmenter le pouvoir d’achat des familles avec les économies réalisées et de maintenir la durabilité de l’environnement par la conservation des forêts. Elle permet également de réduire les maladies dues à la pollution de l’air et de créer des emplois. Toutefois, la cuisine à base de l’énergie solaire n’a jamais été un candidat sérieux dans le marché commercial ni près d’être une méthode préférée de cuisson à cause de l’intermittence du soleil et de son caractère aléatoire.

NOMENCLATURE

Cal Chaleur massique de l’aliment kJ kg-1°C-1

Cus Chaleur massique de l’ustensile kJ kg-1°C-1

DNI Rayonnement normal direct W m-2

Ecu Énergie de cuisson kWh

Edi Émission directe Mt CO2 an-1

Ein Émission indirecte Mt CO2 an-1

Epr Énergie primaire kWh

mal Masse de l’aliment kg

mus Masse de l’ustensile kg

Qto Quantité totale de bois de feu Mt an-1

Tam Température ambiante °C

Tcu Température de cuisson °C

Tus Température de l’ustensile °C

T0 Température initiale °C

Sca Surface de captation m2

Sus Surface de l’ustensile m2

Sut Surface utile de la parabole m2

tcu Temps de cuisson hr

αgl Coefficient global des pertes W m-2°C-1

β Déclinaison solaire °

η Rendement du cuiseur solaire

RÉFÉRENCES

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