Résumé

Le Maroc a déployé d’immenses efforts en matière d’irrigation. Cependant, le manque d’informations concernant la localisation et la délimitation précise des zones irriguées affecte de plus en plus le suivi et le contrôle des agriculteurs. L’objectif principal de cette étude est d’évaluer l’apport de l’approche d’analyse d’image basée-objets pour l’extraction automatique des zones irriguées, parti-culièrement celles hors périmètre irrigué. Nous avons travaillé sur deux images Landsat 8 de la région du Gharb. Trois méthodes de classification ont été réalisées et évaluées selon l’approche basée-objets. Pour les deux premières méthodes, nous avons créé et mis en place une série de règles d’appartenance qui visent, à travers différents attributs (NDVI et température), à discriminer les objets d’intérêt. La troisième méthode est celle du plus proche voisin que nous avons utilisée pour établir une carte d’occupation du sol de la zone d’étude. Les résultats obtenus suite à cette étude sont très prometteurs. Les zones irriguées ont pu être extraites avec succès à 88,5 %. La superposition des zones extraites avec la limite du périmètre irrigué a permis de détecter et localiser les zones irriguées hors périmètres irrigués dans la région du Gharb. Ceci contribuera à un meilleur suivi et contrôle des méthodes d’irrigation et des consommations en eau des agriculteurs dans cette zone.


Mots clés: Zones irriguées, extraction automatique, analyse d’image basée-objets, image Landsat 8, NDVI, température.

INTRODUCTION 

Le développement de l’irrigation et le mode de gestion intégré des périmètres irrigués au Maroc nécessitent pour une gestion rigoureuse et optimale des cultures, des réseaux d’irrigation et de drainage, ainsi que des volumes d’eau lâchés par les barrages, l’acquisition de données fiables et précises. L’identification des parcelles irriguées devient donc essentielle et le besoin en informations exactes, localisées, instantanées et répétitives sur l’irrigation devient de plus en plus important pour l’évaluation et le suivi de la consommation et l’efficience de l’eau par les cultures, la surveillance des cultures, l’estimation du rendement ainsi que la gestion de l’eau principalement dans les zones arides (Vidal, 1989).

Dans ce sens, la télédétection s’avère être un outil efficace qui peut contribuer à la cartographie et au suivi des cultures irriguées en raison de la nature synoptique des données (Thenkabail et al., 2009). Elle peut ainsi aider à résoudre partiellement ou totalement ces problèmes et plus généralement ceux se posant aux gestionnaires des grands périmètres irrigués du Royaume.

L’objectif de cet article est de proposer une méthodologie pour l’extraction des zones irriguées dans la région du Gharb à partir des images satellitaires LANDSAT 8 en exploitant l’analyse d’image basée-objets. A travers ce travail, nous avons cherché à évaluer trois méthodes de classification différentes selon l’approche basée-objets afin de localiser les zones irriguées et détecter celles hors du périmètre irrigué officiel.

Notre recours à l’approche basée-objets est justifié par le fait qu’elle essaie d’appréhender la pensée humaine dans l’analyse d’image (Blashke et Hay, 2001). En effet, elle est basée sur des approches automatisées ou semi-automatisées intégrant les connaissances humaines. Elle utilise différents critères et attributs (spectraux, géométriques et contextuels). Plusieurs chercheurs et analystes ont montré que l’approche basée-objets appliquée à des images à haute résolution spatiale donne des résultats plus précis et homogènes que l’approche basée-pixels, ce qui la rend très prometteuse (Sebari et He, 2013).

La suite de l’article est organisée comme suit: la section 1 relate quelques études antérieures qui se sont intéressées à la cartographie des zones irriguées à partir des images satellitaires. La section II décrie la méthodologie suivie lors de cette étude. La section III présente l’expérimentation réalisée, les résultats relatifs à l’extraction des zones irriguées ainsi que leur évaluation. Nous réservons la section IV à une discussion générale sur la détection des zones irriguées et la gestion de l’eau dans la région du Gharb.

Études antérieures sur la cartographie des zones irriguées

Parmi les études précédemment réalisées sur la cartographie des zones irriguées, nous pouvons citer celle conduite par Merdas et al., (2015) qui a concerné la cartographie des cultures irriguées et le suivi de leur évolution à partir des images satellitaires au Maroc. Cette étude a démontré que l’utilisation des données basse résolution (images MODIS) en archive et une série temporelle des NDVI a permis d’établir des cartes de cultures irriguées sur plusieurs périodes (de 2001 à 2012) en utilisant l’approche basée pixel. La combinaison de ces cartes offre la possibilité de produire et d’analyser les changements au cours du temps. L’évaluation des résultats a montré que 86,3 % des pixels ont été bien classés en zones irriguées.

Nous trouvons aussi l’étude de Toomanian et al., (2004) qui ont exploré la possibilité d’identifier, de cartographier et d’estimer la superficie irriguée dans le bassin versant de Zayandeh Rud, Iran, en analysant des séries temporelles d’images NOAA, et en intégrant un arbre de décision basé sur la classification supervisé avec un indice «potentiel irrigation efficace». Les résultats de cette étude on pu démontrer une augmentation de 6 % de la superficie irriguée entre 1995 et 1999.

De plus, Au Burkina Fasso, une étude a été réalisée pour estimer les zones agricoles irriguées du bassin versant du Kou à l’aide de la télédétection en utilisant des images Landsat (Traoré et al., 2004). Comme la végétation naturelle et les cultures peuvent souvent réagir dans des intervalles de spectres similaires, une classification par maximum de vraisemblance ainsi qu’une classification supplémentaire par arbre de décision utilisant l’indice de végétation normalisé (NDVI) comme variable ont été choisis pour cette étude. Les précisions globales des classifications sont comprises entre 70 % et 90 %, avec des coefficients Kappa compris entre 0,4 et 0,8. Ces coefficients Kappa classent ces résultats entre «passables» et «bons».

MÉTHODOLOGIE PROPOSÉE 

Afin d’extraire automatiquement les zones irriguées à partir des images satellitaires, nous avons adopté l’approche méthodologique présentée à la figure 1. Nous y décrivons les différentes étapes réalisées tout le long de notre étude. Nous avons opté pour trois méthodes pour la détection des zones irriguées adoptant l’approche basée-objets:

• Pour la première méthode, nous avons utilisé uniquement l’image d’août et réalisé une classification par base de règles basée sur les statistiques du NDVI annuel;

• Pour la deuxième méthode, nous avons aussi réalisé une classification par base de règles mais basée sur les températures et la différence du NDVI entre l’image de mai et l’image d’août;

• Pour la troisième méthode, nous avons utilisé une classification par plus proche voisin (PPV) afin d’établir une carte d’occupation du sol à partir de l’image d’août.

A la fin, nous évaluons les résultats obtenus par rapport à des sites de référence. Dans ce qui suit, nous présentons en détails chacune des différentes étapes de notre approche adoptée.

Figure 1: Organigramme de la méthodologie générale suivie pour la cartographie des zones irriguées

Pré traitements

La méthodologie commence par l’application d’une série de pré-traitements aux images de travail. Les différentes opérations réalisées sont:

Conversion de l’image brute en image des luminances;

Calcul de l’indice NDVI (Normalized Difference Vegetation Index) qui permet de mettre en exergue la végétation (Equation 1):

NDVI = (PIR- R)/ (PIR+R) (Équation 1)

Avec,

R: Bande rouge.

PIR: Bande proche infrarouge.

Calcul de l’indice NDWI (Normalized Difference Water Index) qui permet d’identifier les surfaces ayant une forte teneur en eau (Equation 2):

NDWI = (MIR – PIR)/ (MIR+ PIR) (Équation 2)

Avec,

PIR: Bande proche infrarouge.

MIR: Bande moyen infrarouge.

Calcul de l’image des températures de surface à partir de la bande de l’infrarouge thermique de l’image d’été.

Segmentation

L’analyse d’image basée-objets débute par la création des objets image qui représentent des groupes de pixels adjacents et homogènes. Elle est généralement réalisée par application d’une technique de segmentation d’image. Celle adoptée dans notre étude est la segmentation multi-échelle par croissance de région. Elle est contrôlée par trois principaux paramètres: le facteur échelle, le paramètre de forme et le paramètre de compacité. Plusieurs tests sont nécessaires pour choisir les valeurs de ces paramètres afin d’aboutir à des segments représentatifs des objets d’étude. Des extraits des images segmentées sont représentés à la figure 2.

Figure 2: Résultats de la segmentation des images (les limites bleues correspondent aux limites des segments)

Classification

Lors de cette étape, les objets image, créés lors de l’étape précédente, sont affectés aux classes d’intérêt. Selon l’approche basée-objets, différentes méthodes de classifications peuvent être appliquées et divers types d’attributs (spectral, géométrique ou contextuel) peuvent être utilisés. Dans notre étude, nous avons eu recours à la classification par règles de décision ainsi qu’à la classification par plus proche voisin (PPV). La classification selon les règles de décision consiste à appliquer un ensemble de règles qui décrivent les classes d’intérêt. Ces règles sont de type «Si Condition (s) Alors Action». Nous l’avons expérimenté de deux façons différentes en appliquant à chaque fois différentes règles pour extraire les zones irriguées à partir de l’image d’étude. Quant à la méthode du PPV, nous l’avons appliquée afin d’établir la carte d’occupation du sol de l’image d’août. Elle servira lors de la comparaison des résultats des classifications par règles de décision. Ainsi, nous avons réalisé trois méthodes classification:

Classification basée-objets par règles de décision sur les statistiques du NDVI annuel (CBO_NDVIan);

Classification basée-objets par règles de décision sur les températures de surface et les différences des NDVI (CBO_Temp_NDVI);

Classification basée-objets par méthode du plus proche voisin (CBO_PPV).

Première méthode: classification par règles de décision sur les statistiques du NDVI annuel

La classe «zones irriguées» est définie dans ce cas par une règle de classification qui met en jeu les statistiques du NDVI annuel. Nous avons d’abord séparé la classe «Eau» de celle «Non Eau» en se basant sur l’indice NDVI. En deuxième lieu, nous avons défini la règle relative aux « zones agricoles » pour les séparer des zones non agricoles en se basant sur la variation du NDVI entre les mois de l’année. En effet, les zones agricoles passent par différents stades tout au long de l’année (semis, jeunes pousses, maturité, récolte) contrairement aux zones non agricoles qui ne subissent pas de changements aussi importants. De ce fait, l’écart type des NDVI mensuels des zones agricoles sera supérieur à l’écart type des NDVI mensuels des zones non agricoles. Enfin, l’extraction finale des zones irriguées utilise la moyenne calculée à partir du NDVI annuel, vu que les parcelles irriguées, contrairement à celles bour (pluviale), ont une moyenne supérieure. Cela est principalement dû à la présence de cultures annuelles et des cultures de printemps dont le temps de coupe ou de récolte se fait plus tard dans l’année (généralement en été). La règle d‘extraction des zones irriguées adoptée est la suivante:

Si {(NDVI >0.06) AND (σNDVI > 0.07) AND (meanNDVI > 0.18)} Alors Classe = «Zones irriguées»

Deuxième méthode: classification par règles de décision sur les températures et les différences des NDVI

Cette méthode est inspirée du travail de Weicheng Wu et Eddy de Pauw (2010) pour l’extraction des zones irriguées à partir de deux images satellitaires, prises à deux dates différentes, printemps (mai) et été (août). L’algorithme utilise deux attributs : la différence du NDVI entre les deux dates et la température de surface calculée au mois d’août. Le premier attribut permet de discriminer entre végétation permanente et non permanente, tandis que le deuxième est utilisé pour différencier entre zones irriguées et zones non irriguées. En effet, en ce mois, les zones irriguées présentent généralement une température inférieure à celle des zones non irriguées car cettes dernières sont plus humides. Pour discriminer entre végétation permanente (forêts) et la végétation non permanente (parcelles irriguées et Bour), nous avons appliqué un masque de la forêt. La règle de classification adoptée est la suivante:

Si { (NDVI > 0.16) AND (∆NDVI ≤ - 0.09 ou ∆NDVI ≥ 0.09) and (T° ≤ 36.5°C° } Alors Classe = «Zones irriguées»

Troisième méthode: Classification par méthode du «Plus Proche Voisin»

Comme nous l’avons signalé, nous avons utilisé cette méthode pour établir une carte d’occupation du sol à partir de l’image d’août 2014. Cinq grandes classes thématiques à savoir: «Eau», «sol nu et bâtis», «parcelles labourées», «forêts et plantations» et «zones irriguées» sont concernées. La classification par PPV classifie les différents segments en se basant sur le principe du plus proche voisin dans un espace «attributs». Les attributs adoptés lors de cette classification sont l’indice NDVI, l’indice NDWI, l’indice de brillance ainsi que le maximum de différence du PIR. L’indice NDVI permet d’identifier les états de surface à savoir sol nu, végétation couvrante, végétation rase, ou l’évolution temporelle des surfaces. L’indice NDWI est utilisé afin d’isoler les surfaces en fonction de leur teneur en eau. Quant aux indices de brillance et de maximum de différence du PIR, ils permettent d’isoler plus ponctuellement certaines classes telles que «sols nus et bâtis» que les indices précédents. Les sites d’entraînement nécessaires pour conduire cette classification ont été choisis manuellement de manière à être représentatifs et bien répartis sur la totalité de la zone d’étude.

EXPÉRIMENTATION 

Zone d’étude

Notre étude a concerné la Région du Gharb-Chrarda-Beni Hssen (Figure 3). Elle est située à 40 Km au Nord de la capitale Rabat. Elle est caractérisée par un climat de type méditerranéen avec une influence atlantique favorable au développement d’une large gamme de culture et une pluviométrie relativement élevée. La région du Gharb constitue le périmètre d’irrigation le plus étendu du pays avec 114 000 ha en grande Hydraulique, et près de 54 000 ha en pompage privé, soit 21% de la superficie nationale irriguée en grande hydraulique (Source: Centre régional d’investissement Région Gharb Chrarda Beni Hssen, 2014).

Figure 3: Image représentant la limite de la région du Gharb (en rouge) et la limite de l’image satellitaire utilisée (en jaune) (Source: Google Earth)

Données de travail

La méthodologie proposée a été testée en utilisant deux images Landsat-8 de la zone d’étude acquises toutes les deux en 2014 mais à des mois différents, mai et août. Le tableau 1 résume les caractéristiques des images de travail. Nous avons aussi utilisé des couches thématiques relatives à la limite du périmètre irrigué «plaine du Gharb». Nous avons eu recours aussi à des images de l’indice NDVI calculé tout le long de l’année 2014.

Pour implémenter et appliquer les trois méthodes proposées, nous avons utilisé le logiciel eCognition pour l’analyse d’image basée-objets et ENVI pour la classification basée-pixels. La superposition des différentes cartes a été réalisée sous ArcGIS.

Tableau 1: Caractéristiques techniques des images Landsat 8 (source: www. nasa.gov)

Bande Intervalle spectrale (µm) Résolution spatiale

1 0,433-0,453 30 m

2 0,450-0,515 30 m

3 0,525-0,600 30 m

4 0,630-0,680 30 m

5 0,845-0,885 30 m

6 1,560-1,660 30 m

7 2,100-2,300 30 m

8 0,500-0,680 15 m

9 1,360-1,390 30 m

10 10,6-11,2 100 m

11 11,5-12,5 100 m

Résultats et analyse

Les résultats obtenus par application des méthodes de classification adoptées sont présentés dans la figure 4. Pour l’évaluation des résultats obtenus, nous avons utilisé 252 sites de références définis selon les connaissances des experts, dont 122 sont des zones irriguées. A travers les matrices de confusion établies, nous avons pu déterminer le taux de bonne classification, le coefficient Kappa, la précision du producteur ainsi que celle de l’utilisateur (Tableaux 2, 3 et 4).

A travers cette évaluation, nous constatons que les taux de bonne classification sont satisfaisants (entre 74,3 % et 86,3%). En ce qui concerne la classe d’intérêt, celle des zones irriguées, 100 des 122 sites de référence pour les zones irriguées sont classifiés comme zones irriguées avec la méthode basée sur le NDVI annuel, soit un pourcentage de 82 %. Pour la deuxième méthode, 91 parmi les 122 sites de référence pour les zones irriguées sont bien classés soit un pourcentage de 74 %. Quant à la dernière méthode, 80 des 122 sites de référence sont correctement classifiés ce qui correspond à un pourcentage de 66 %.

Tableau 2: Résultats de l’évaluation - Taux de bonne classification

Méthode 1 Méthode 2 Méthode 3

Taux de bonne classification (%) 85,1 74,3 86,3

Coefficient Kappa 0,7 0,6 0,8

Tableau 3: Résultats de l’évaluation - Précision du producteur

Méthode 1 Méthode 2 Méthode 3

%

Eau 98,6 97,8 99,8

Zones non agricoles 95,4 16,7 83,4

Zones irriguées 81,1 65,7 74,0

Parcelles labourées 77,5 98,0 93,9

Sol nu - - 94,8

Ces résultats tendent à démontrer que la première méthode de classification donne de meilleurs résultats par rapport aux deux autres méthodes. Ce résultat est tout à fait satisfaisant, si l’on pense que cette détection se base uniquement sur des règles de reconnaissances établies de manière aussi objectives que possible et sans zone échantillon.

Tableau 4: Résultats de l’évaluation - Précision de l’utilisateur

Méthode 1 Méthode 2 Méthode 3

%

Eau 100,0 99,2 99,3

Zones non agricoles 65,8 27,7 74,6

Zones irriguées 86,3 88,7 94,3

Parcelles labourées 89,4 79,2 82,1

Sol nu - - 29,6

De plus, pour montrer l’apport de l’approche basée-objets dans l’extraction des zones irriguées, nous avons réalisé une comparaison entre l’approche par pixels et l’approche par objets. Ainsi, nous avons réalisé une classification de la même image par base de règles mais cette fois appliquée directement sur les pixels de l’image sans passer par une segmentation. Nous avons utilisé les mêmes règles de la première méthode de classification (Méthode du NDVI annuel). La figure 5 montre les résultats obtenus des deux classifications.

La première et la plus importante remarque pouvant être faite est qu’en utilisant l’approche basée-objets, la segmentation préalable de l’image améliore significativement les résultats. L’effet ‘poivre et sel’ causé par la classification des pixels individuels est inexistant. Quant à la qualité de la classification, les zones irriguées n’ont pas été correctement classées essentiellement aux zones côtières (Ellipse sur la classification basée-pixels dans la figure 5). Cela peut être expliqué par la différence des valeurs des indices spectraux utilisés pour la classification entre le pixel et l’objet.

Figure 5: Comparaison entre classification par la méthode des statistiques du NDVI annuel selon l’approche basée-objets (à gauche) et selon l’approche basée- pixels (à droite)

DÉTECTION DES ZONES IRRIGUÉES ET GESTION DE L’EAU DANS LA RÉGIONS DU GHARB

Les zones irriguées détectées

Notre zone d’étude comprend essentiellement le périmètre irrigué de la plaine du Gharb qui est constitué de la Première Tranche d’Irrigation (PTI) et la Seconde Tranche d’Irrigation (STI)) qui s’étend sur une superficie totale d’environ 61 600 ha avec un potentiel irrigable de 25 000 ha. Le périmètre comprend aussi la Troisième Tranche d’Irrigation (TTI) et le Beht mais pour notre étude nous nous sommes limités aux PTI et STI. Les modes d’irrigation dans ce périmètre sont principalement : gravitaire, par aspersion et par submersion.

Selon les données de la campagne agricole 2013-2014 de l’ORMVAG (Office Régionale de Mise en Valeur Agricole du Gharb) les principales cultures pratiquées dans notre zone d’étude sont: les céréales, la culture sucrière (betterave, canne à sucre), l’arboriculture (agrumes, olivier, rosacées, avocatier), le maraîchage (tomates, artichaut), les fourrages (bersim, maïs), les oléagineuses (tournesol, arachide), les légumineuses et les cultures sous serre (bananier, fraisier). Ces cultures ont des périodes d’irrigation qui diffèrent selon le cycle de développement de la plante, la pluviométrie et l’humidité du sol.

Vu que l’image satellitaire utilisée dans notre étude a été prise en août, on peut déduire que seule quelques cultures pérennes ou cultures de printemps qui n’ont pas encore été récoltées telle que la canne à sucre, Bersim… ont pu être détectées (représentées en rouge sur la figure 6). Les plantations ont aussi pu être détectées telles que les agrumes, les avocatiers mais nous n’avons pas pu les différencier de la forêt. Nous pouvons cependant dire que les plantations se trouvent majoritairement à l’intérieur du périmètre irrigué et en zone côtière (représentés en vert sur la figure 6).

Pour les parcelles labourées se trouvant à l’intérieur du périmètre irrigué sont aussi des parcelles irriguées mais qui n’ont pas été identifiées. On peut en déduire que ce sont des cultures d’automne ou des cultures annuelles qui ont été déjà récoltées. L’utilisation d’autres images satellitaires prises durant le printemps en utilisant la deuxième méthode auraient pu aider à l’extraction de ces cultures en tant que zones irriguées.

Figure 6: Superposition du résultat de la classification avec la limite du périmètre irrigué «plaine du Gharb»

Nous remarquons aussi que la majorité des zones irriguées détectés se trouve hors périmètre irrigué. Ceci constitue une information importante pour les services de l’ORMVAG dont la zone d’action est justement notre zone d’étude car l’irrigation de ces surfaces agricoles situées à proximité des cours d’eau, spécialement en zone côtière, ne se fait pas toujours sous le contrôle de l’ORMVAG.

Nous discuterons dans les paragraphes suivant comment cette information peut être utile.

Le pompage privé

La Région du Gharb-Chrarda-Beni Hssen dispose d’une Surface Agricole Utile (SAU) de 518 300 ha, avec 114 000 ha équipés en grande hydraulique et environ 54 000 ha de pompage privé. Elle est subdivisée en trois grandes unités territoriales agricoles (UTA) (Figure 7):

• UTA 1: zone côtière caractérisée par des sols dans leur majorité sablonneux, du pompage privé sur la nappe et des conditions climatiques favorables à la filière Fruits et Légumes;

• UTA 2: zone de plaine dont la majorité des sols sont lourds à drainage déficient. Elle dispose d’une superficie importante équipée en Grande Hydraulique et offre des potentialités importantes pour les agrumes, les grandes cultures et l’élevage;

• UTA 3: zone de collines bour à potentiel important pour la céréaliculture et l’olivier.

Figure 7: Carte des zones de production de la région du Gharb (source ORMVAG)

En se référant à nos résultats, nous remarquons que la majorité des zones irriguées détectés en dehors du périmètre irrigué «plaine du Gharb» (PTI-STI) se trouvent sur la zone côtière (UTA1). On en déduit donc qu’elles sont irriguées par pompage privé.

Le recours au pompage privé peut être expliqué par le fait que la campagne agricole 2013-2014 n’a pas été aussi pluvieuse que la campagne précédente (diminution de 42 % selon les données de l’ORMVAG). Les exploitants utilisant le pompage privé assurent l’irrigation de leurs cultures sans les services de l’ORMVAG en prélevant l’eau dont ils ont besoin directement des cours d’eau ou des eaux souterraines. Cette pratique est majoritairement faite sans autorisation de l’Office.

La détection de ces zones irriguées non contrôlées permettra donc aux autorités de l’ORMVAG de mieux cibler leurs actions concernant:

• Le contrôle des autorisations de pompage;

• L’estimation des volumes d’eau prélevés afin d’améliorer la gestion de l’eau;

• L’adaptation des lâchures aux besoins, en prenant en compte toutes les consommations privées;

• Le contrôle des prélèvements d’eau dans la nappe par forage.

De plus, le pompage privé à partir des deux cours d’eaux: Oued Beht et Sebou se fait par autorisation délivrée par les services compétents de l’ORMVAG. Le recours aux données spatiales et la localisation de ces zones irriguées serait donc d’une grande importance pour contrôler réellement les superficies irriguées.

Impact sur la qualité de l’eau

En plus de l’utilisation intensive des eaux souterraines qui pourrait engendrer leur surexploitation, la majorité des agriculteurs ont commencé à intensifier l’utilisation des engrais et des produits phytosanitaires après l’adoption du pompage sans contrôler leurs quantités exactes. Les agriculteurs utilisent généralement des quantités d’engrais et de pesticides pour ses cultures supérieures à celles qui leur sont conseillées. Cela a eu comme conséquence l’apparition d’effets externes négatifs bien spécifiques sur la quantité d’eau et sa qualité comme l’apparition au moins d’une maladie sur leurs champs irrigués affectant ainsi le rendement, la pollution des terres et des eaux par les nitrates et l’ammoniaque…

La détection des cultures permettra donc de mieux localiser les parcelles permettant ainsi de faciliter le contrôle des quantités d’engrais utilisées afin de mieux préserver la quantité et la qualité de l’eau.

CONCLUSION 

A travers cette étude, nous avons pu localiser et extraire les zones irriguées dans la région du Gharb par analyse basée-objets d’images satellitaires. Nous avons expérimenté trois méthodes de classification et les résultats ont démontré l’apport de cette nouvelle approche quant à notre thématique d’intérêt. L’intérêt de cette extraction automatique est important surtout à travers la localisation de zones irriguées hors périmètre.

Cependant, la principale difficulté de cette étude a été son objet d’étude vue la différence de taille des parcelles et les différents états des cultures pratiqués (récoltées, maturité…). Nous avons pu constater donc durant nos évaluations deux facteurs d’influence jouant sur la qualité des résultats, à savoir des facteurs d’influence objectifs, liés à la limite de résolution spatiale de l’image et à sa qualité radiométrique, ainsi que des facteurs d’influence subjectifs, tels que les paramètres de segmentation, les degré de séparabilité des classes.

Au vu des résultats, cette étude donne des perspectives très encourageantes, concernant l’utilisation des dernières avancées de la télédétection en agriculture. Les résultats pourront être améliorés au moyen d’images satellites à haute résolution pour mieux prendre en charge le parcellaire, et permettre une meilleure reconnaissance des objets individuels «parcelles». Le recours à des séries temporelles d’images satellitaires ou aux données Radar ou Lidar sont des pistes à explorer.

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