Résumé

Le poisson est l’une des principales sources de protéines animales en Côte d’Ivoire. Il est commercialisé à l’état frais ou sous la forme transformée. Des risques sanitaires voire nutritionnels, en dépit de l’existence des systèmes d’autocontrôles et de contrôles officiels en place, existent au niveau du circuit de distribution. L’objectif de cette étude est de déterminer les causes de l’insécurité sanitaire et évaluer la qualité microbiologique des poissons vendus dans les circuits de distribution d’Abidjan. La méthode d’Ishikawa a permis d’identifier les causes de l’insécurité sanitaire. Les résultats des analyses microbiologiques effectuées sur des poissons congelés (trachurus trachurus, scombers combrus) et frais (Chrysichthys nigrodigitafus) montrent que les charges en coliformes sont élevées (7,1 102 et 8,1 101) au niveau des poissons frais. Cependant, une charge en Staphylococcus aureus inférieure à 10 UFC/g de produits et une absence de Salmonella spp ont été relevées. La main d’œuvre demeure la source majeure de germes et le «maillon faible» le plus important. Une action corrective adéquate réduira d’environ 90 % l’insécurité sanitaire des poissons vendus dans le circuit de distribution.


Mots-clés: Poisson, insécurité sanitaire, circuit de distribution, contamination, diagramme d’Ishikawa.

INTRODUCTION

Le poisson et les produits de la pêche sont des sources de protéines et d’oligoéléments essentiels très précieuses pour l’équilibre nutritionnel et la santé (Vanga et al., 2000; FAO, 2008). Le poisson est la principale source de protéines animales du consommateur ivoirien. La consommation per capita se situe entre 11 et 14 kg/habitant/an. La demande nationale en produits halieutiques reste donc forte et soutenue (FAO, 2008). Ce sont les importations de poisson qui assurent, à l’échelle nationale, l’essentiel de l’approvisionnement. En effet, en 2011, la Côte d’Ivoire a dépensé 165,534 milliards de FCFA pour importer des produits de pêche d’une quantité de 278.246 tonnes. Plus de la moitié du volume des importations (tous produits confondus) provient de la Mauritanie (53,8%) (MIPRAH, 2012).Cependant, la production nationale des produits de pêche n’est pas aussi négligeable. Elle est majoritairement fournie par la production artisanale. En 2011, cette production artisanale a contribué à hauteur de 84,7% à la production nationale selon les statistiques du ministère de la production animale et des ressources halieutiques. Les opérateurs économiques du secteur commercialisent les produits halieutiques sous la forme brute ou transformée.

Cependant, les poissons sont des denrées alimentaires très périssables, avec une vitesse d’altération relativement élevée après la pêche (Gram et al., 1987; Liston, 1992). En effet, avec des températures entre 25-30°C dans les pays tropicaux, les poissons s’altèrent en moins de 12 heures (Gram, 1990; FAO, 2006). Dès lors, la salubrité des produits de pêche constitue une préoccupation majeure pour la santé de la population.

Ce travail a pour objectif, d’une part, de rechercher les principales sources de contamination par le diagramme d’Ishikawa ou méthode des «5M» (matières premières, milieu, matériel, main d’œuvre et méthodes) qui est un outil de gestion de qualité, et d’autre part, d’identifier et quantifier quelques potentiels micro-organismes suceptibles de contaminer ces produits le long du circuit de distribution sur les marchés de la ville d’Abidjan, Côte d’Ivoire.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Sites de l’étude et échantillonnage

Cette étude a été faite dans la ville d’Abidjan et plus précisément dans les marchés de vente des poissons des communes de Treichville (grand marché), d’Adjamé (forum), d’Abobo (mairie),au port de pêche situé dans la commune de Treichville et le débarcadère d’Abobo-doumé situé dans la commune d’Attécoubé.

Pour les analyses microbiologiques, un plan d’échantillonnage à 2 classes a été utilisé pour les germes pathogènes tels que Salmonella et un plan à 3 classes pour les autres germes. L’étude a porté sur trois types de poisson dont deux (02) provenant des chambres froides (poissons congelés) du port de pêche et le troisième de la pêche fraîche (poisson frais) d’Abobo-Doumée. Il s’agit de Trachurus trachurus communément appelé «chinchard»; de Scombers combrus communément appelé «Maquereau» et de Chrysichthys nigrodigitafus communément appelé «Mâchoiron». Le choix a porté sur ces espèces de poissons du fait de leur accessibilité à toutes les classes sociales et pour leur grande consommation en Côte d’Ivoire.

Sur deux (02) différents endroits de l’espace de vente des poissons des marchés d’Abobo et d’Adjamé, des prélèvements pour chaque espèce de poissons ont été effectués et conservés dans des sacs stériles à échantillonnage. Les poissons prélevés de façon aléatoire ont été regroupés par espèce pour ne constituer qu’un seul échantillon par espèce et par marché. Les échantillons composés de neuf (9) poissons chacun ont ensuite été transportés dans une glacière au laboratoire ENVAL pour analyses. Les échantillonnages n’ont porté que sur les poissons frais et congelés.

Détermination des sources de contamination

Une enquête de terrain a été précédée par une phase d’élaboration d’un questionnaire en nous appuyant sur la documentation. Les principaux documents utilisés sont les principes généraux d’hygiène du Codex alimentarius et la référence d’Harmonisation de la Gestion de l’Hygiène Alimentaire en Afrique (Meilleure Formation Pour Des Aliments Plus Sains).

Le questionnaire porte sur l’environnement, la conception et l’entretien du milieu de travail, la lutte contre les nuisibles, l’évacuation des déchets, la qualité et l’entretien du matériel utilisé, les conditions et l’hygiène du transport, du stockage et de la conservation des poissons et l’hygiène du personnel.

Le questionnaire a été administré tout le long du circuit à cinquante personnes (50) dont six (6) importateurs de produits de pêche (au port de pêche), quatorze (14) mareyeurs (7 au port et 7 à Abobo-doumé), trois (3) pêcheurs et cinq (05) fumeuses (Abobo-doumé), douze (12) vendeurs de poissons (6 à Adjamé et 6 à Abobo) et dix (10) employés (5 au port et 5 à Abobo-doumé).

A la suite de l’enquête, les observations et informations recueillies ont permis de construire le diagramme d’Ishikawa à l’aide du logiciel Microsoft PowerPoint 2016 dans sa version Windows.

Analyses microbiologiques

La présence de coliformes et E. coli, de Staphylococcus aureus et de salmonelles a été étudiée.

Une quantité de 25 g de chaque échantillon ont été broyés ou solubilisés dans 90 ml de Tryticase Soja (TS) dans un stomacher. Des séries de dilutions décimales en cascade ont été faites dans les conditions aseptiques à partir de 1 ml de chaque suspension mère et utilisées pour l’énumération des micro-organismes.

Les coliformes fécaux ont été recherchés sur milieu VRBL par incubation à 37°C pendant 24 heures. Le dénombrement de toutes les colonies caractéristiques ont été faites selon la norme ISO 4832 (Février, 2006).

Pour la détermination des Escherichia coli, les milieux de culture ont été incubés à 37°C pendant 24 heures. Le dénombrement de toutes les colonies caractéristiques a été fait selon la norme ISO 16649-2 (Avril, 2001).

Le dénombrement de Staphylococcus aureus a été effectué selon la norme ISO 6888-1: Juillet 2003. Le dénombrement des colonies de S. aureus a été fait sur milieu solide (milieu de Baird-Parker) après incubation à 37°C pendant 48 heures. Les résultats obtenus ont été exprimés en unité formant colonies (UFC) par boite.

La recherche de salmonelles s’est effectuée selon la norme NF EN ISO 6579 (Décembre 2002).

Les valeurs de N ont été calculées pour chaque flore étudiée en fonction des échantillons de chaque quartier, puis comparées à la référence normative des critères microbiologiques des aliments de l’homme (Règlement CE N° 2073/2005).

RÉSULTATS

Constats de l’enquête

Les résultats de l’enquête mettent en évidence deux catégories de poissons. Ainsi, l’étude montre une recherche des causes probables de contamination d’une part des poissons dits frais et d’autre part de ceux dits congelés vendus sur les marchés d’Abidjan. Les lieux d’approvisionnement sont le port de pêche (poissons frais de pêches moderne et poissons congelés) et le débarcadère d’Abobo-Doumé (poissons frais de pêche traditionnelle). La méthode utilisée est celle d’Ishikawa qui a permis de faire une évaluation en suivant les éléments tels que la matière, la méthode, la main-d’œuvre, le milieu et le matériel de l’approvisionnement à la vente.

Le tableau 1 présente le circuit d’approvisionnement, les acteurs et les lieux de vente en fonction des catégories de poissons et de pêche.

Le circuit de distribution est fonction de l’origine de l’approvisionnement et de la catégorie du poisson (Figure 1).

Matière

Poissons frais

Les poissons frais font l’objet d’un contrôle organoleptique par les services techniques du ministère des ressources animales et halieutiques au port de pêche et au débarcadère d’Abobo-Doumé. En cas de suspicion, des prélèvements sont effectués pour des analyses de laboratoire.

Cependant, des poissons ne sont pas fermes, pas de «poids», avec des odeurs d’ammoniac.

Poissons congelés

Les poissons congelés importés sont accompagnés de certificat sanitaire. A l’arrivée au port de pêche et après la vérification du certificat sanitaire, le service compétent du ministère des ressources animales et halieutiques effectue des prélèvements pour des tests de conformité afin de confirmer de la salubrité des poissons avant que la douane n’autorise le dépotage. Les poissons congelés font donc l’objet d’un contrôle documentaire et d’un contrôle de laboratoire par les services vétérinaires.

Main d’œuvre

Poissons frais

La main d’œuvre est représentée par les pêcheurs, les mareyeurs et les commerçant(e)s. La majorité des acteurs exercent leur métier depuis leur enfance car l’ont hérité des parents. Elle ne dispose pas de tenues spécifiques adaptées permettant de faire une différence avec la clientèle. La main d’œuvre est majoritairement dominée par les femmes. La propreté des tenues de ville utilisées ne fait l’objet d’aucune attention particulière. Environ 80% de la main d’œuvre interrogée n’ont reçu de formation ou de sensibilisation sur les bonnes pratiques d’hygiène. La main d’œuvre ne fait pas systématiquement de contrôle médical dans le cadre de leur activité.

Poissons congelés

Nous notons une absence de tenue vestimentaire adaptée. Des tenues de villes et des blousons de protection contre le froid sont utilisés. Un manque d’hygiène au niveau de la main d’œuvre.

A l’exception des importateurs, de leurs employés et de rares grossistes agréés conformément au décret 93-312, le reste de la main d’œuvre ne fait pas systématiquement de contrôle médical dans le cadre de leur activité.

Matériel

Poissons frais

Plus de la moitié du matériel utilisé est conçu en bois (Figure 2). Il est très souvent rugueux et difficile à nettoyer et à désinfecter. Il est putrescible et peut dissimuler des germes pathogènes. La plupart des véhicules et autre matériel de transport ne sont ni frigorifiques ni isothermes. La majorité des carcasses de réfrigérateurs utilisées pour le stockage (Figure 3) et la vente des poissons au niveau du débarcadère d’Abobo-Doumé entament la rouille. Plus de la moitié du matériel utilisé manque d’hygiène.

Figure 2: Matériel de vente (a) Pirogue, (b) Étable de vente posée au sol

Figure 3: Matériel de conservation des poissons frais

Poissons congelés

Les véhicules couverts de bâche, les véhicules de transport en commun qui ne sont ni frigorifiques ni isothermes sont utilisés pour acheminer les poissons vers les marchés terminaux. Des tables en bois à surfaces non lisses, putrescibles, difficiles à nettoyer et à désinfecter servent à la distribution des poissons au marché. En général, ces tables sont couvertes par les cartons d’emballage. Des couteaux ou de petites machettes à manches en bois putrescibles sont utilisés par les vendeurs détaillants pour séparer et traiter les poissons à la demande des clients sur les marchés.

Le matériel utilisé ne fait pour la plupart l’objet d’aucun nettoyage préalable.

Méthode

Poisons frais

Les observations de l’enquête montrent que les poissons de pêche artisanale sont conservés dans des récipients non conventionnels avec de la glace d’origine inconnue pour obtenir une basse température. Ces glaces sont directement posées sur les poissons et sont souvent réutilisées. Il existe une difficulté d’accès à de l’eau potable pour le lavage régulier des mains, le traitement des poissons et le nettoyage du matériel. La vente se fait à mains nues et à l’air libre dans des environnements mal entretenus ou non (Figure 4). La distribution se fait à la criée exposant les poissons à l’ambiance.

Figure 4: Méthodes de vente et de stockage des poissons frais

(a) Poissons frais manipulés sans hygiène (b) Glace posée directement sur les poissons

Poissons congelés

Le matériel utilisé ne fait pour la plupart l’objet d’aucun nettoyage préalable. L’application des bonnes pratiques hygiéniques n’est pas toujours observée dans la manipulation des poissons (Figure 5). Il n’existe aucune source d’approvisionnement en eau pour le lavage des mains et des matériels avant et après toutes manipulations des poissons. Ces observations ont été relevées sur les marchés terminaux. Le transport est pas toujours isotherme. Le mode de transport déchire souvent les emballages d’origine et sont souvent remplacés par des emballages sans protection efficace.

Figure 5: Table en bois de vente de poissons congelés couverte par un carton d’emballage

Milieu

Poissons frais

Le milieu est représenté par la criée du port de pêche, le débarcadère d’Abobo-Doumé et les marchés terminaux. Les espaces de vente des poissons dans les marchés sont souillées et dégagent par endroit des odeurs nauséabondes. Le débarcadère d’Abobo-doumé n’est pas aménagé pour une vente en sécurité sanitaire car se trouve en bordure de lagune polluée et dégageant des odeurs pestilentielles. Les observations montrent une quasi-absence de sources d’eau potable pour le lavage des mains, le nettoyage etc. et de toilettes. Au niveau des marchés, les toilettes sont communes. L’éclairage est insuffisant au niveau des marchés de poissons aménagés (marché d’Adjamé) (Figure 6). Les sols sont humides et glissants par endroit avec la présence de souillures, de boues noirâtres, de crasses, d’ordures etc. Les sites sont difficiles à nettoyer et à désinfecter.

Poissons congelés

Le milieu est représenté par les locaux de stockage et de commercialisation des poissons (chambres froides) et les conteneurs frigorifiques au port de pêche et les marchés.

Figure 6: État hygiénique du marché de poissons d’Adjamé

Les vendeurs de poissons congelés et ceux de poissons frais se partagent les mêmes sites de vente dans les marchés. Cela implique les mêmes observations que ci-dessus.

Analyse microbiologique des poissons étudiés

Les résultats de l’analyse de la qualité sanitaire des poissons vendus sur le marché d’Abobo et d’Adjamé montrent que les charges en coliformes sont très élevées au niveau du poisson frais. Tous les poissons frais et congelés ont une charge en Staphylococcus aureus inférieure à 10 UFC/g de produits (Tableau 2).

Diagramme d’Ishikawa

L’analyse des fiches d’enquête par la méthode d’Ishikawa est représentée par le diagramme (Figure 7) montrant toutes les éventuelles causes qui ont contribué à la contamination du produit. Selon les commentaires ci-dessus, les origines sont diverses à savoir la main d’œuvre, le milieu de travail, les méthodes d’approvisionnement, de distribution et de vente, le matériel et la matière première constituée par les fruits et légumes frais.

DISCUSSION

La charge élevée de coliformes fécaux favorise une altération du produit et constitue un risque de présence de germes pathogènes (Babadjide et al., 2015). En effet, ces auteurs ont montré que la qualité des poissons se détériore de la barque des pêcheurs aux consommateurs. Les acteurs contribueraient à la pollution des poissons vendus. Ainsi, la présence de coliformes fécaux dans les échantillons témoigne d’une hygiène défectueuse dans la distribution, pouvant découler des opérateurs, du matériel en contact et/ou de l’environnement immédiat du produit. Le nombre élevé enregistré dans ces marchés des différents quartiers de la ville d’Abidjan pourrait être attribué à des facteurs tels que l’insuffisance des installations de stockage, l’hygiène personnelle des vendeurs, le manque d’installations d’élimination des déchets et d’assainissement adéquates (Steele et Odumeru, 2004; Babadjide et al., 2015).

L’absence des salmonelles dans les échantillons analysés peut s’expliquer par le fait qu’il y existe une compétition entre ce germe et les autres retrouvés au niveau des poissons testés. Les salmonelles étant responsables de toxi-infection alimentaire à la suite de l’ingestion des aliments contaminés, une autre raison de leur absence dans les échantillons de poissons analysés serait due aux méthodes de recherches simplifiées. La recherche des salmonelles par la méthode classique peut être négative, alors que l’échantillon en renferme (Degnon et al., 2012).

Le très faible taux des Staphylocoques présumés pathogènes dans les échantillons analysés s’expliquerait par le fait que ces poissons ne sont pas trop manipulés à bord des navires par des ouvriers du fait qu’il s’agit des denrées congelées dans la calle ou mises sous glace dans des caisses isothermes en ce qui concernent les pêches industrielles et dans des chambres frigorifiques pour les poissons congelés importés. De même, selon Bornert (2000), les Staphylococcus aureus sont des germes ubiquistes largement répandus dans la nature, mais la principale source de contamination est l’homme qui héberge les germes au niveau de la peau, des cheveux et les muqueuses. Cet organisme ne fait pas partie de la microflore normale du poisson. Sa présence dans le poisson indique une contamination postérieure à la capture due à de mauvaises mesures d’hygiène. Ce micro-organisme n’est pas compétitif vis-à-vis des autres organismes présents dans le poisson, si bien qu’il ne peut s’y multiplier (Huss, 1988).

En effet, comme le montre le diagramme d’Ishikawa, les sources de contamination sont diverses. Cette méthode dite de «5M», simple à mettre en œuvre, a permis de mettre en évidence des problèmes parfois déjà connus mais pas toujours formalisé ou pris en compte dans leur totalité. Suite à cette méthode structurée et exhaustive des différentes étapes impliquées dans le circuit de distribution, des mesures préventives peuvent être déterminées et mis en place.

Les résultats obtenus dans cette analyse montrent que les non-conformités relevées durant l’étude peuvent être dû aux vendeurs (main d’œuvre) suite à une insuffisance de qualification, de compétence, de formation et/ou de sensibilisation sur les bonnes pratiques d’hygiène et les bonnes pratiques d’hygiène au niveau de l’approvisionnement, du transport et de la commercialisation des poissons frais et congelés. La main d’œuvre est le «maillon faible» et le plus important (Nychas et al., 2008; Babadjide et al., 2015). C’est la source majeure de germes. Il conditionne les autres «M». Il faut du personnel propre et en bonne santé, formé à l’hygiène et pour son poste de travail. Au-delà de la contamination d’origine humaine, le diagramme d’Ishikawa nous a permis de relever des problèmes importants concernant les méthodes, le matériel utilisé, la matière première, l’environnement, le milieu de fabrication et de vente. Les sources de contamination telles que la qualité de l’eau, de la matière première, le manque de sanitaire, etc. sont confirmées car proviennent d’une étude qualitative (Varzakas et al., 2007; Varzakas, 2011).

Les résultats obtenus dans cette analyse montrent que les non-conformités relevées peuvent être dues à plusieurs raisons se situant à deux (2) niveaux, à savoir l’État et les professionnels.

Au niveau de l’État, les non-conformités relevées peuvent être imputables à l’insuffisance de moyens de contrôles sanitaires, tant humains que matériels, la non maîtrise des méthodes de contrôles sanitaires et aux procédures de contrôle sanitaire non harmonisées, l’absence d’un chronogramme de formation continue des agents techniques de contrôle sanitaire pour le recyclage et le renforcement de capacités et à la mauvaise maîtrise des textes réglementaires en vigueur par les services décentralisés du ministère de tutelle et aux collectivités territoriales décentralisées. Ces résultats sont confirmés par le rapport de EDES (2013) qui révèle la non maîtrise des méthodes de contrôle et de la réglementation en vigueur par les services décentralisés du ministère des ressources animales et halieutiques.

S’agissant des professionnels (la main d’œuvre), les non-conformités peuvent être dues à une insuffisance de qualification, de compétence, de formation et/ou de sensibilisation sur les bonnes pratiques d’hygiène et les bonnes pratiques de fabrication au niveau de la production, le transport, la transformation et la commercialisation des poissons. La main d’œuvre est le «maillon faible» et le plus important. C’est la source majeure de germes. Il conditionne les autres «M » du diagramme d’Ishikawa. Il faut du personnel propre et en bonne santé, formé à l’hygiène et pour son poste de travail (Babadjide et al., 2015).

Les non-conformités peuvent également être dues au fait que les professionnels ignorent ou méconnaissent les textes législatifs et réglementaires qui régissent leur activité. L’absence d’un guide de bonne pratique d’hygiène (GBPH) de tous les maillons de la filière pêche peut également être l’une des causes des non-conformités. Le GBPH est un ouvrage rédigé par les professionnels pour les professionnels. C’est l’initiateur d’une démarche de maîtrise de la qualité qui intègre les moyens de maîtrise des risques du processus de fabrication. Pour les professionnels, il représente un outil de réflexion sur leur activité et une formalisation de leur savoir-faire. Pour l’administration (le ministère de tutelle), le guide de bonnes pratiques d’hygiène (GBPH) représente un outil de dialogue avec les professionnels, un moyen d’évaluer les risques propres à la filière pour mieux appréhender les problèmes spécifiques du secteur concerné. C’est un document qui est validé par le ministère de tutelle et publié au journal officiel. Le GBPH traduit les lignes directrices de l’ANSES.

La méconnaissance ou le non-respect des BPH, BPF et ou de certains textes tels que celui du Codex Alimentarius peut également justifier les non-conformités observées au niveau du matériel, des moyens de transport, de stockage et des techniques de transformations inadéquates utilisées, tout au long du circuit de distribution des poissons. L’absence ou l’insuffisance du nettoyage, de la désinfection et de l’évacuation des déchets des marchés et du site de transformation non aménagé démontre l’absence d’application des mesures d’hygiène.

Ces résultats sont en concordance avec les rapports des missions EDES (2011 et 2013) qui évoque le non-respect des mesures d’hygiènes et parfois des procédures lors de la manipulation des produits par certains acteurs.

Cependant, les résultats obtenus ne sont pas en accord avec les propositions d’équipements améliorés pour la manutention et la conservation du poisson frais élaborés par SMARTFISH avec l’appui de la FAO (2007), aussi avec les dispositions de l’arrêté n°065/MIPARH du 01 Juillet 2010, fixant les règles sanitaires régissant la production et la mise sur le marché des produits de pêche destinés à la consommation humaine.

Ils sont également pour la plupart contraires aux principes des normes du Codex Alimentarius qui est une référence internationale en matière de normes de sécurité alimentaire.

CONCLUSION

Il est à noter que l’application de Ishikawa (Diagramme de causes-effet ou en arête de poisson) conduit à des résultats convergents corroborant ainsi la validité des conclusions tirées par l’analyse microbiologique des échantillons prélevés sur les différents marchés.

La méconnaissance, l’insuffisance ou la mauvaise application des bonnes pratiques d’hygiène et de fabrication par les acteurs du circuit de distribution au niveau des 5M conduit aux altérations de nature biologique, chimique et physique des poissons frais et congelés.

Une prise en charge des différents acteurs de ce secteur et une implication formelle de l’État de Côte d’Ivoire permettrait de réduire considérablement les problèmes de non qualité des produits de pêche qui sont une source importante de nutriments.

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