Résumé

Les viroïdes sont des agents transmissible mécaniquement et par greffage, et disséminés à  longue distance par le matériel végétal. Des prospections ont été menées, durant Juillet 2013, dans la région du Gharb à  la recherche des viroïdes des agrumes. Un total de 53 échantillons a été collecté et utilisé pour l'inoculation du cédratier 'Etrog' avant d'être testé par RT-PCR pour la détection de l'exocotris (Citrus exocortis viroid, CEVd). Les résultats obtenus ont montré que le CEVd a été très répandu dans la région avec un pourcentage d'infection de 84,9 % des échantillons analysés. Après le séquençage génomique, une étude de la diversité génétique a été réalisée sur trois isolats locaux représentatifs du CEVd. La comparaison entre les séquences nucléotidiques marocaines du CEVd a montré une diversité génétique inférieure à  3 %.


Mots-clés: Agrumes, Citrus exocortis viroid, RT-PCR, séquençage, Gharb.

INTRODUCTION

L’exocortis est une maladie à viroïde causant des écaillements de l’écorce de Poncirus trifoliata et de certains de ses hybrides, notamment les citranges (P. trifoliata x Citrus sinensis), mais aussi le limettier Rangpur. L’écaillement sur un porte-greffe commence généralement par le bas et la partie interne de l’écorce reste vivante. Des enroulements foliaires ainsi que des nécroses des veines sont observés chez le cédratier (Citrus medica). Les symptômes peuvent être plus ou moins sévères en fonction de la présence d’autres viroïdes d’espèces différentes. Les variétés greffées sur des porte-greffes sensibles peuvent montrer des pertes considérables de production allant jusqu’à 50% chez les arbres d’environ 10 ans (Roistacher, 1991).

L’agent causal de l’exocortis est un viroïde sous forme d’une séquence circulaire d’ARN simple brin de 370 à 375 nucléotides (Citrus exocortis viroid, CEVd). Cet ARN, nu sans capside protéique, ne code aucune protéine et se retrouve naturellement en mélange avec d’autres viroïdes dans les agrumes infectés (Gross et al., 1982).

Le viroïde de l’exocortis est présent dans le phloème des agrumes infectés et transmis par greffage, principalement à partir de plants infectés d’apparence saine. CEVd est aussi transmis mécaniquement par les outils de taille ou d’entretien. Le matériel végétal peut être infecté dès sa production en pépinière et être ainsi propagé en vergers commerciaux. Des cas de transmission par greffage naturel des racines d’arbres voisins ont été observés. Cependant, aucune transmission par vecteur ou par la graine n’a été démontrée chez les agrumes (Roistacher, 1991).

La plupart des espèces et variétés d’agrumes (genres Citrus, Fortunella et Poncirus) ainsi que quelques rutacées peuvent être infectées par le viroïde de l’exocortis. D’autres hôtes non rutacées ont également été signalés comme la vigne et quelques plantes maraîchères comme la tomate, l’aubergine, la carotte et le navet (Roistacher, 1991).

L’indexation de Poncirus trifoliata utilisée auparavant pour la détection de l’exocortis ne l’est plus car les symptômes spécifiques apparaissent après plus de trois ans. Actuellement, le cédratier est la plante indicatrice la plus utilisée pour la détection de l’exocortis. Les symptômes s’observent après environ 3 à 4 mois d’incubation à 32°C (Roistacher, 1991). Les symptômes observés sur cédratier ne sont pas typiques du viroïde de l’exocortis et une extraction des ARNs suivie de deux électrophorèses en gel de polyacrylamide sont nécessaires pour visualiser le CEVd. La détection de CEVd peut se faire par hybridation moléculaire à l’aide de sondes spécifiques mais des réactions croisées faibles peuvent être observées entre CEVd et Citrus viroid IV (CVd-IV). L’amplification par RT-PCR permet également de détecter le CEVd (Yang et al., 1992). La détection à l’aide de techniques moléculaires est grandement améliorée après une incubation prolongée de la plante à 32°C pour permettre une bonne réplication des viroïdes.

A notre connaissance, à part les rapports de Nhami et Kissi (1978), Nhami et Bourge (1979), Nhami et Zidane, (1984), très peu d’études ont été réalisées sur la maladie de l’exocortis à l’échelle nationale; d’où la présente étude qui a eu comme principal objectif la détection, la caractérisation moléculaire et l’évaluation de l’incidence de l’exocortis dans la région du Gharb.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Matériel végétal

Durant des prospections qui ont été effectuées en Juillet 2013 dans la région du Gharb, 3 échantillons de feuilles de clémentine commune greffée sur Citrange Carrizo ont été collectés à partir de 3 arbres présentant des symptômes d’écaillement de l’écorce sur le porte-greffe, et ce afin d’être testés pour la présence de l’exocortis. Cinquante autres échantillons ont été prélevés d’une manière aléatoire à partir de 10 vergers de différentes variétés d’agrumes dans la région du Gharb en vue de les analyser au laboratoire (Tableau 1).

Indexage biologique

Étant donné que tous les viroïdes des agrumes s’accumulent à des titres détectables dans le cédratier ‘Etrog’, cette espèce a été utilisée comme un hôte de bio-amplification secondaire, qui, lorsqu’il est couplé avec l’analyse moléculaire, est une procédure très sensible et spécifique à des fins d’indexation (Palacio et al., 2000; Duran-Vila et al., 1993). Six greffons ont été utilisés pour inoculer deux plantes indicatrices du cédratier ‘Etrog’ pour chaque échantillon (Durán-Vila et al., 1991). Ces plantes indicatrices ont été placées par la suite en serre vitrée à une température de 24°C durant deux semaines afin d’assurer la réussite du greffage. Elles ont été ensuite placées à 32 °C pendant au moins 4 semaines pour permettre l’amplification des viroïdes et l’extériorisation d’éventuels symptômes.

Extraction des acides nucléiques totaux

Le protocole utilisé pour l’extraction des acides nucléiques totaux (TNAs) a été décrit par Flores et al., (1985). Après l’homogénéisation de 200 mg de tissus végétaux (phloème de plantes indicatrices inoculées) dans 700 μl de tampon d’extraction (0,1 M glycine-NaOH, 2% SDS, 1% sodium de lauroyl sarcosine), l’homogénat a été transféré dans un microtube eppendorf contenant 700 μl de phenol. Après mélange par inversion et vortex, centrifugation à 4 °C pendant 2 min à une vitesse de 14.000 rotations par minute (rpm), la phase aqueuse supérieure a été transférée dans un nouveau eppendorf contenant 200 μl de phenol et 200 μl de chloroforme-alcool isoamyl (24:1). Le surnageant a été transféré dans un nouveau eppendorf contenant 400 μl de chloroforme-alcool isoamyl avant centrifugation (4°C, 2 min, 14.000 rpm). La phase aqueuse supérieure a été récupérée dans un nouveau eppendorf à laquelle 1ml d’ethanol (100%) a été ajouté puis incubée à -20 °C pendant 2 h. Les TNAs ont été précipités par une centrifugation à 4°C pendant 30 min à une vitesse de 14.000 rpm et le surnageant a été éliminé. Le culot a été lavé par une solution d’ethanol 70% par une centrifugation à 4°C pendant 2 min à une vitesse de 14.000 rpm, avant d’être dissous dans 30 µl d’eau RNase free. La concentration des TNAs a été déterminée par analyse spectrophotométrique à 260 nm et la qualité de ces extractions a été vérifiée par le rapport A260/A280 et par électrophorèse sur gel d’agarose. Les TNAs extraits ont été dilués à 10 ng/µl et ont été conservés à -20°C jusqu’au début des analyses.

Reverse Transcriptase - Réaction en Chaîne polymérase (RT-PCR)

Pour la transcription inverse (RT), l’ADN complémentaire (ADNc) de l’ARN viroïdal a été synthétisé à partir de 0,5 μg d’ARN total dans un volume final de 20 µl du mélange réactionnel contenant 4 µl du tampon RT (5X), 2 µl de dithiothréitol (0,1 M), 3 µl de chaque désoxy-nucleotidetriphosphate (dNTPs) (10 mM), 1 µl d’amorces aléatoires (0,5 μg/µl) et 0,8 µl d’enzyme de la transcription inverse Moloney Murine Leukemia Virus (200 U) (MMLV-RT) (Invitrogen, USA). Le mélange obtenu a été incubé à 37°C pendant 1 h avant d’être stocké à -20 °C.

Un volume de 5 µl de CEVd ADNc a été utilisé dans une solution final de 25 µl contenant 5 µl du tampon GoTaq (5X), 0,2 µl de dNTPs (10 mM), et 0,1 μl de GoTaq polymérase (5U/µl) et 0,2 μM de chaque amorce sens et anti-sens (Wang et al., 2009) (Tableau 2). Le profil d’amplification PCR a été initié par une dénaturation à 95 °C pendant 5 min, suivi de 40 cycles de dénaturation de l’ADN double brin à 95 °C pendant 30 s, l’hybridation des amorces à 58 °C pendant 30 s et l’extension à 72 °C pendant 45 s. Les amplicons ont été incubés pendant 7 min supplémentaires à 72 °C pour l’extension finale de l’ADN. Les produits PCR ont été soumis à une électrophorèse en gel d’agarose à 1,2% dans le tampon TAE (tris, acétate, EDTA), colorés avec du bromure d’éthidium (25 ng/ml) et visualisés sur UV trans-illuminateur. La taille moléculaire attendue des produits de PCR (371 paires de bases, bp) a été déterminée par comparaison de l’échelle 100 bp de l’ADN GeneRuler Plus (Fermentas, Royaume-Uni).

Séquençage et étude de la variabilité génétique

Après purification de l’ADN, les amplicons ont été envoyées au séquençage génomique (Primm, Italie). Les séquences obtenues à partir des ADNs représentatifs ont été alignées en utilisant la version du logiciel de BioEdit 7.0.9 (Hall, 1999) et la version du logiciel MEGA 6 (Tamura et al., 2013). Ces séquences ont été ensuite confrontées à la séquence australienne de référence disponible dans la base de données NCBI sous le numéro d’accession K00964.1.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

L’indexage biologique a permis de visualiser des symptômes de courbures de feuilles vers le bas (epinasty) sur 37 échantillons y compris ceux qui ont été prélevés sur des arbres dont le porte-greffe présentait des symptômes d’écaillement de l’écorce sur le terrain (Tableau 3).

Les analyses par RT-PCR ont montré par contre que 45 échantillons ont été positifs au CEVd (Figure 1). Tous les échantillons qui ont donné des symptômes de courbures de feuilles sur le cédratier ‘Etrog’ ont été testés positifs au CEVd montrant un pourcentage d’infection de 84,9% (Tableau 3). La bio-amplification de l’exocortis sur ‘Etrog’ couplée à la RT-PCR, est une procédure très sensible et spécifique pour la détection de l’exocortis (Palacio et al., 2000; Duran-Vila et al., 1993).

Deux variantes locales de CEVd obtenues à partir de deux arbres de clémentinier greffés sur Citrange Carrizo présentant des écaillements sur l’écorce, en plus d’une variante obtenue à partir d’un arbre de Valencia Late/bigaradier qui n’a pas montré de symptômes de courbure de feuilles sur ‘Etrog’, ont été sélectionnées pour l’étude de la diversité génétique en comparaison avec la souche australienne de référence K00964.1 (souche de 25) (Visvader et Symons, 1985). Le séquençage génomique a révélé la présence d’une teneur élevée en G + C, une caractéristique de la structure du viroïde. Le génome du viroïde étudié était de 371 nucléotides (nt), similaire à la taille du génome (370-375 nt) de la plupart des variantes du CEVd (Visvader et Symons, 1985). L’alignement multiple des séquences par Bio-Edit a démontré une similarité nucléotidique oscillant entre 94,0% et 98,5% (Tableau 4). La comparaison entre les séquences marocaines a montré une diversité génétique inférieure à 3% alors que cette diversité a été de 6% quand on les compare à la souche australienne avec 25 nouvelles positions polymorphiques (Tableau 4 et Figure 2).

CONCLUSION

Les citranges sont particulièrement sensibles vis-à-vis de l’exocortis, mais sont souvent employés comme un porte-greffe de substitution au bigaradier qui est, à son tour, extrêmement sensible vis-à-vis de la tristeza; d’où l’importance d’utiliser un matériel végétal de propagation certifié indemne de virus et viroïdes. Les résultats obtenus à travers cette étude ont monté que le CEVd est très répandu dans la région du Gharb avec un pourcentage d’infection de 84,9%. Le CEVd a été détecté dans 84% des échantillons qui ne présentaient pas de symptômes au champ, ce qui confirme le caractère latent du viroïde. En plus de sa transmission par les outils de taille, l’exocortis est plus souvent non reconnu par les agriculteurs, ce qui expliquerait ce taux élevé d’infection par le viroïde. La comparaison des séquences marocaines a montré une diversité génétique inférieure à 3% alors que cette diversité a été de 6% quand on les compare à la souche australienne de référence. Les symptômes de courbure de feuilles sur le cédratier ‘Etrog’ sont un bon indicateur de la présence du CEVd mais ne sont pas spécifiques, d’où l’importance de coupler l’inoculation de ‘Etrog’ pour la bioamplification des viroïdes est une technique moléculaire comme la RT-PCR pour une détection très sensible et spécifique au niveau des pépinières. L’indexage biologique par inculcation sur le cédratier ‘Etrog’, couplé à la RT-PCR, devraient être employés et étendus pour évaluer l’incidence et la distribution de l’exocortis dans les principales régions agrumicoles du Maroc.

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