Qualité de l’eau de boisson en élevage avicole au Maroc: Mise au point bibliographique

Auteurs-es

  • Abdelaziz EL HRAIKI Département des Sciences Biologiques et Pharmaceutiques Vétérinaires, IAV Hassan II, Rabat, Maroc
  • Abdellatif MAROUANE Département des Sciences Biologiques et Pharmaceutiques Vétérinaires, IAV Hassan II, Rabat, Maroc
  • Mustapha AKCHOUR Office National de Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires, ONSSA, Rabat, Maroc
  • Tarik ABDELMOUTALEB Office National de Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires, ONSSA, Rabat, Maroc
  • Driss BENGOUMI Cabinet Vétérinaire, 481 Rue 42-Hay Al Amane III, Meknès, Maroc
  • Imane TAHA Cabinet Vétérinaire, 481 Rue 42-Hay Al Amane III, Meknès, Maroc
  • Mohammed BENGOUMI Département des Sciences Biologiques et Pharmaceutiques Vétérinaires, IAV Hassan II, Rabat, Maroc

Résumé

La présente synthèse a pour objectif de compiler et d’analyser les données sur la surveillance de la qualité de l’eau de boisson dans les élevages avicoles, dans la plupart des régions à vocation d’élevage avicole (Zone 1: Nord, Zone 2 : Sud ; Zone 3: Centre), effectuées sur plusieurs années (2000 -2015). Au total, 205 élevages avicoles ont été suivis pour le contrôle de la qualité physico-chimique de l’eau (Zone 1 et 2) et 172 élevages ont fait l’objet d’analyses de la qualité bactériologique de ses eaux de boisson. Les fermes ayant fait l’objet de contrôle de qualité de l’eau de boisson ont été retenues pour assurer une représentativité régionale. La qualité physico-chimique a été déterminée par l’analyse de la dureté, les teneurs en sodium, chlorures, nitrates ainsi que la mesure de la conductivité et le pH. La qualité bactériologique a concerné l’évaluation de la contamination totale par le dénombrement de la flore mésophile aérobie totale (FMAT), l’appréciation de la contamination d’origine fécale par le dénombrement des coliformes totaux (CT), des coliformes fécaux (CT) et des streptocoques fécaux (SF) ainsi que le dénombrement des Clostridium anaérobies sulfito-réducteurs (ASR).  Les résultats des paramètres physico-chimiques, des régions nord  du Maroc (Zone 1) montrent que l’eau est d’une assez bonne qualité sauf au niveau de la dureté où trois régions sur cinq ont des valeurs supérieures à 50°f (limite acceptable). De même, des teneurs en sodium et en chlorures sont très élevées et dépassent les limites acceptables, surtout dans les régions de Casablanca, Rabat et Tétouan. Pour les régions sud (Zone 3), l'eau présente une qualité satisfaisante de point de vue teneurs en nitrates (8,0± mg/l) et pH (7,30 ± 0,23) alors que la dureté dépasse largement la limite de 50°f pour toutes les régions avec une moyenne de 70 ± 28 °f. Les teneurs  en sodium (505 ± 412 mg/l) et en chlorures (832 ± 731 mg/l) sont très élevées surtout pour les régions  d'EI Kalaa et Tiznit. Les résultats des paramètres bactériologiques montrent une variation de la qualité de l’eau en fonction des régions et de la microflore. En zone 1, la qualité bactériologique est satisfaisante pour  65,5% des échantillons conformes aux normes préconisées pour la FMAT, 56,4% pour les CF, 43,6% pour les SF, 80% pour les CT et 83,6% pour les ASR.  En zone 3 (moyen Atlas et Gharb), la qualité bactériologique est plutôt mauvaise avec des teneurs moyenne de FMAT de 995 UFC/ml avec valeur maximale de 4800 UFC/mL. Cette pollution se manifeste aussi par des teneurs élevées des CF, des CT des SF et des ASR dépassant largement les normes de qualité de l’eau de boisson à usage avicoles. 

Mots clés : Elevages avicoles, Eau, Qualité bactériologique, Qualité physico–chimique

INTRODUCTION

L’élevage avicole au Maroc a connu ces quatre dernières décennies un développement considérable avec un taux de croissance de production d'environ 6% de la viande de volaille et 6,2% d’œufs destinés à la consommation. Avec une production en 2018 de 670 000 tonnes de viande de volaille et 5,8 milliards d’œufs pour la consommation. Ce secteur couvre actuellement environ 100% des besoins en viande de volaille, représentant 55% de la viande totale de consommation et 100% des besoins en œufs des consommateurs (FISA, 2018).

Toutefois, la productivité reste faible avec un indice de consommation moyen de 1,8 et une faible rentabilité. Plusieurs facteurs concourent à cette situation, notamment la qualité des poussins et de l’alimentation, mais surtout la gestion des unités et la maîtrise des techniques d’élevage. Parmi les facteurs qui entrent en ligne de compte, il y a la consommation et la qualité de l’eau de boisson.

En effet, l’eau de boisson revêt une importance capitale dans toute spéculation d’élevage. Elle est indispensable à la vie des volailles. Elle représente 70 % du poids d’un œuf à couver, 85 % du poids d’un poussin d’un jour et 60% du poids d’un poulet de 60 jours (ITAVI, 2016). L’eau est utilisée à plusieurs fins en aviculture : (i) abreuvement, (ii) vecteur thérapeutique (médicaments et vaccins) (iii) véhicule des désinfectants. Sa qualité prend ainsi une place de choix et constitue un point critique dans l’assurance de la qualité du produit et de la productivité de l’élevage.

Une eau de mauvaise qualité bactériologique pourrait véhiculer des maladies et une eau de qualité physico-chimique défaillante peut affecter la productivité et induire des échecs thérapeutiques. De ce fait, il s’avère primordial d’assurer une surveillance régulière de la qualité de l’eau de chaque élevage avicole par des analyses physico-chimiques et bactériologiques.

L’analyse et le suivi de l’eau de boisson des volailles sont une préoccupation relativement récente dans notre pays et l’éleveur manque de sensibilisation et de données sur la qualité de son eau d’élevage et n’y prête pas suffisamment d’attention à sa qualité.

Plusieurs travaux ont été réalisés à l’IAV Hassan II depuis les années 2000 dans le but d’étudier la qualité physico- chimique et microbiologique de l’eau de boisson des volailles et d’en évaluer l’impact sur la solubilité et la stabilité de certains médicaments vétérinaires utilisés en aviculture via l’eau de boisson (Traouré, 2000 ; Coulibaly, 2000 ; Bengoumi et al., 2004; Akchour, 2003; El Hraiki, 2004 ; Abdelmoutaleb, 2005; El Hraiki et Bengoumi 2015).

Cette synthèse constitue une compilation des résultats d’analyse physico-chimiques et bactériologiques de l’eau de boisson des volailles réalisées sur plusieurs années et dans pratiquement toutes les régions à vocation avicole du Maroc (2000 à 2015). Ces études de qualité ont été réalisées dans pratiquement toutes les régions à vocation avicole du Maroc.

MATERIEL et METHODES

Zones d'étude

Cette étude a été réalisée dans trois zones géographiques connues pour leurs intenses activités d’élevage avicole (Figure 1) :

- Zone 1 : Régions du Nord: Tanger, Tétouan Fès, Meknès, Rabat et Casablanca-El Jadida (55 élevages).

- Zone 2. Régions du Sud : Marrakech, El Kalaa, Chtouka Ait Baha et Tiznit (150 élevages)

- Zone 3. Régions du Moyen Atlas : El Hajeb, Ifrane, Khénifra, Midelt (172 élevages)

L’étude de la qualité physico-chimique a été effectuée au niveau des zones 1 et 2 et a concerné un total de 205 élevages.

L’étude de la qualité bactériologique a été réalisée dans les zones 1 et 3 et a concerné 172 élevages.

Figure 1 : zones géographiques des prélèvements

Prélèvements

Les échantillons destinés à l'analyse physico-chimique ont été prélevés dans des bouteilles en plastique rincées et lavées à l'eau distillée, fraîchement préparée, puis séchées à l'étuve.

Pour la bactériologie, nous avons utilisé des flacons stériles en verre. Après lavage et rinçage à l'eau distillée, les flacons sont séchés à l'étuve puis autoclavés à 121°C pendant 25 min.

Pour les analyses physico-chimiques, les échantillons ont été prélevés au niveau du réservoir d’eau. Avant le prélèvement, on laisse l’eau couler pendant 1 à 2 minutes puis on rince le flacon abondamment avec l’eau à prélever avant de le remplir de sorte qu’il n’y ait pas de bulles d’air.

Le prélèvement destiné à la bactériologie est plus délicat : il est effectué à l’endroit le plus éloigné du point d’injection du désinfectant, en bout de ligne des abreuvoirs. Les opérations se succédant sont : (i) flamber le robinet à l’aide d’un chalumeau (ii) laisser couler l’eau pendant 1 à 2 minutes avant de prélever (iii) ouvrir le flacon sans toucher le col avec les mains ou autres objets (iv) remplir correctement le flacon sans agiter au contact de l’air.

En dépit des précautions prises, l’échantillonnage est plus représentatif dans la zone 3 (172 échantillons) que dans la zone 1 (55 échantillons). Par ailleurs, la qualité de l’eau subit des variations spatio-temporelles et revêt un aspect ponctuel. Le choix des paramètres analysés est lié à leur importance hygiénique et sanitaire.

Méthodes d’analyse physico-chimiques

Le pH et la conductivité, étant des paramètres susceptibles d’évoluer très rapidement pendant le transport et le stockage des échantillons, sont mesurés directement sur le terrain à l’aide d’appareils portatifs. Les autres paramètres sont dosés au laboratoire.

Potentiel d’hydrogène (pH)

Le pH est mesuré in situ à l’aide d’un pH-mètre portatif avec électrode à capteur de température intégré (WTW pH 330i). L’appareil est préalablement étalonné en utilisant des solutions tampon pH 7 puis 4 et 10.

Conductivité électrique (CE)

La CE a été également mesurée in situ avec un conductimètre portatif avec compensation automatique de température (HI 933100) qui est également étalonné avant utilisation.

Dureté totale de l’eau

La dureté ou titre hydrotimétrique (TH) a été déterminée par complexation des ions Ca2+ et Mg2+ avec une solution titrée d’EDTA selon la méthode décrite par Rodier (1984). La dureté s'exprime normalement en équivalent de carbonate de calcium (CaCO3), de calcium (Ca) ou encore de magnésium (Mg). Elle s'exprime aussi en degré hydrotimétrique français (°f). Un degré français équivaut à 10 mg/l de CaCO3, à 4mg/l de Ca2+ ou à 2,43mg/l de Mg2+. Il existe aussi des degrés allemands (1°f = 0,56°allemand) et des degrés anglais (1°f = 0,70°anglais) (Morette, 1964 et Potelon, 1993).

La dureté a été déterminée par la complexation des ions Ca2+ et Mg2+ avec une solution titrée d’EDTA (Rodier, 1984).

Détermination des nitrates

Les nitrates, ont été déterminés par spectrophotométrie au salicylate de sodium. Un volume de 10 ml d'eau à analyser est introduit dans une fiole de 50 ml puis alcaliniser faiblement avec la solution d'hydroxyde de sodium. Puis, 1 ml de solution de salicylate de sodium est ajouté avant de de poursuivre le dosage par spectrophotomètre UV-Visible (Jenway Model 6300).à une longueur d’onde à l’aide d’une courbe d’étalonnage préalablement établie.

Détermination du fer

Le dosage du fer a été réalisé par spectrophotométrie d’absorption atomique avec flamme à l’aide d’un spectrophotomètre d’absorption atomique à flamme (Perkin-Elmer model 5100).

Détermination des chlorures

Les chlorures ont été déterminés par dosage volumétrique. En présence de nitrate d’argent (AgNO3), les chlorures précipitent sous forme de chlorure d’argent. L’excès d’AgNO3 réagit avec le chromate de potassium utilisé comme indicateur coloré pour donner un précipité rouge brique qui indique la fin de la réaction.

Détermination du sodium

Le sodium a été déterminé à l’aide d’un photomètre de flamme (Jenway model PFP7). Le photomètre a été étalonné d’abord avec des solutions de concentrations connues de sodium : 1, 3, 5, 7,10 et 15 ppm. Une quantité d’eau de l’échantillon est aspirée puis évaporée dans la flamme du photomètre. Les anions de sodium sont excités par l’émission d’une radiation de 589 nm et dont l’intensité est en fonction de la concentration de l’échantillon d’eau analysé (Bellanger, 1971).

Méthodes d’analyses bactériologiques

Les paramètres microbiologiques des eaux des puits échantillonnées sont déterminés par la méthode de filtration sur membrane. Les germes totaux (FMAT) sont dénombrés après une incubation de 24 h et 48 h à 22°C et 37°C, par la technique d’incorporation. Cette technique, consiste à incorporer 1 ml d’échantillon dans une boite de pétri stérile puis faire couler le milieu PCA.

Les analyses bactériologiques ont concerné la détermination du niveau de contamination globale par le dénombrement de la flore mésophile aérobie totale (FMAT) et du niveau de contamination d’origine fécale par le dénombrement des coliformes fécaux (CF), des coliformes totaux (CT) et des streptocoques fécaux (SF). Elles ont aussi porté sur la recherche des Clostridium anaérobies sulfito-réducteurs (ASR).

La préparation des dilutions et les méthodes de dénombrement ont été conduites selon les méthodes préconisées par l’OMS. Pour le dénombrement des microflores, des dilutions décimales ont été effectuées à l’aide d’une eau peptonée (0,1%).

Dénombrement de la FMAT

Cette microflore a été dénombrée par la méthode d’ensemencement en profondeur utilisant une gélose pour numération (PCA : Plate Count Agar). Cette méthode est basée sur le principe qu’une bactérie donne lieu à une colonie. En prenant soin d’homogénéiser les tubes de dilution, 1 ml de chaque dilution est inoculé aseptiquement dans une boite de Pétri avec 15 ml du milieu de culture maintenu en surfusion à 45°C. Après solidification, une deuxième couche est appliquée pour éviter la croissance des microorganismes en surface. L’incubation a lieu à 30°C pendant 72 heures et le dénombrement se fait par comptage des petites colonies lenticulaires incrustées dans la gélose. Les résultats sont exprimés en unité formant colonie par millilitre (UFC/ml).

Dénombrement de la flore de contamination d’origine fécale

Le niveau de contamination fécale est évalué par le dénombrement des coliformes totaux (CT), des coliformes fécaux (CT) et des streptocoques fécaux (SF). Les CT et les CF ont été dénombrés par la méthode du nombre le plus probable (NPP) et les SF sur milieu solide de Slanetz et Bartley.

La technique du NPP est effectuée sur bouillon de Mc Conkey. Elle consiste à ensemencer 3 tubes contenant 9 ml du milieu préalablement stérilisé avec 1 ml de chaque dilution. L’incubation a lieu à 30°C pour les CT et à 44°C pour les CF pendant 24 à 48 heures. La présence de coliformes est décelée par un changement de couleur et la présence d’un trouble bactérien. Les résultats ont été déterminés à l’aide de la table préconisée par Oblinger et Kobinger (1984) et exprimés en nombre le plus probable de coliformes par ml d’échantillon. Les streptocoques fécaux sont dénombrés sur milieu solide de Slanetz et Bartley, la technique d’ensemencement est identique à celle utilisée pour la FMAT. L’incubation a lieu à 37°C pendant 24 à 48 heures et le dénombrement se fait par comptage des colonies rouges violacées ou marrons avec ou sans auréoles blanches.

Clostridium anaérobies sulfito-réducteurs

Ces germes, moins importants que les précédents, sont des indicateurs de l’efficacité de la désinfection et du maintien de la qualité de l'eau durant le transport. Le milieu utilisé dans ce cas est la gélose viande foie (GVF) qui permet le dénombrement des bactéries sulfito-réductrices par ensemencement dans la masse du produit à analyser ou de ses dilutions. Deux tubes par échantillon contenant chacun 30 ml du milieu stérile ont été utilisés. L’échantillon et ses dilutions sont chauffés à 80°C pendant 10 minutes et ensuite ensemencés dans le milieu GVF en surfusion. Après régénération du milieu GVF, on refroidit le contenu et on ajoute 1ml la solution de sulfite de sodium et 4 ml de la solution d’alun de fer. L’incubation se fait à 44°C pendant 72 à 96 heures et le dénombrement se fait par le comptage des colonies noires.

RESULTATS ET DISCUSSION

Pour une analyse adéquate des résultats, il est intéressant de présenter les caractéristiques des différents élevages ayant fait l’objet de ce travail. Il ressort de l’enquête que sur les 205 élevages visités, 23% procèdent au contrôle de la qualité de l’eau une fois par an, 85% désinfectent régulièrement l’eau de boisson au début de la bande et 49% désinfectent les canalisations après le départ des bandes. En ce qui concerne les puits, seule la moitié est protégée des contaminations externes.

Il n’existe pas actuellement au Maroc, des normes de potabilité de l’eau d’abreuvement pour les animaux. Une synthèse des normes recommandées pour la qualité de l’eau est réalisée pour certains pays représentant différentes localisations géographiques (Europe, Amérique Afrique et Australie) sont résumés dans le tableau N°1 avec des valeurs de références préconisées pour le Maroc et qui serviront pour l’interprétation des résultats présentés dans cet article.

Paramètres physico-chimiques

Les résultats des analyses physico-chimiques qui ont porté sur le pH, la conductivité, le sodium, les chlorures, les nitrates, le fer sont présentés dans les tableaux 2 et 3.

Le potentiel d’hydrogène (pH)

La moyenne des pH des 205 échantillons analysés dans les différentes régions sont neutre à légèrement basique avec une moyenne de 7,45 à 0,43 dans les régions du nord et 7,3 à 0,23 dans les régions du sud avec des valeurs extrêmes au niveau de la région de Tanger variant entre 6,4 et de 9,2 indiquant une forte variabilité.

Toutes les valeurs de pH des régions du sud observées sont comprises dans les normes fixées par différents pays (6,8 à 8,5) témoignant d’une qualité satisfaisante pour un élevage avicole. Cependant, au niveau des régions du nord, il est important de signaler que les eaux avec des potentiels extrêmes sont généralement contaminées par des pollutions organiques.

Les valeurs de pH en dessous de 6,8 ont été trouvées dans la région de Tanger et Tétouan témoignant de pH légèrement acide même si la valeur moyenne est de 7,4 due à des extrêmes de 9,2. Ces pH élevés seraient certainement dus au développement d’une forte production végétale autour des sources. La valeur la plus faible (6,4) enregistrée dans cette région au niveau d’un seul élevage peut être liée aux eaux pluviales qui se caractérisent par un pH acide (5 à 6). Le milieu intestinal des oiseaux est acide d'où la préférence pour une eau de boisson de pH<7 qui exerce un effet stabilisateur et sélectionne la flore intestinale favorable. Une eau trop acide (5,5) est potentiellement dangereuse pour le tube digestif. Des valeurs trop basses réduisent l’activité des médicaments, sont corrosives pour les canalisations et peuvent ainsi libérer des composés métalliques toxiques tel que le plomb (Villate, 1997).

Dans les régions de Marrakech, El Kalaa et Tiznit, 85% des échantillons ont un pH 7,5 et 7,9.

Le pH de l’eau est sensible à divers facteurs environnementaux, il dépend aussi des variations de la température, de la salinité, du taux de CO2 dissous, mais surtout de la nature géologique des sols traversés par l’eau (Villate, 1997). Une eau traversant un sol calcaire aura un pH basique et à l’inverse, une eau issue de massifs granitiques sera acide.

Les valeurs élevées du pH des régions du sud pourraient aussi être liées à une profondeur des puits (40 mètres) qui favorisent le contact de l’eau avec l’air ambiant ce qui augmente la valeur du pH (Bengoumi et al., 2004). Dans ces régions, le pH basique est également un indicateur de pollution et favorise aussi chez la volaille les multiplications bactériennes en milieu intestinal.

Tableau 1. Résumé des normes et recommandations sur la qualité d’eau d’abreuvement des volailles dans quelques pays.

*la dureté est exprimée en ppm de caco3 ou en titre hydrotimétrique ou degré français (symbole °f ou °fh). Un degré français correspond à 10 ppm de calcaire représentant 10−4 mol l−1 de calcium, soit 4 mg/l de ca2+, ou encore 2,4 mg de magnésium par litre d’eau.

** limites préconisées : A l’heure actuelle il n’existe pas de normes pour l’eau de boisson au Maroc : ces recommandations de limites préconisées sont adaptées à partir des normes canadiennes, américaines et européennes (Olkowski A.A. 2009 ; Carter, T. A. and Sneed R. E., 1987; ITAVI, 2016, ANSES 2010).

Tableau 2. Résultats des paramètres physico-chimiques de l’eau de boisson dans les régions du Nord du Maroc (MoyenneET ; Min-Max).

Tableau 3. Résultats des paramètres physico-chimiques de l’eau de boisson dans les régions du Sud du Maroc (MoyenneET ; Min-Max).

La dureté

Le titre hydrotimétrique (TH), ou dureté de l'eau, est l’indicateur de la minéralisation de l’eau. Elle est due uniquement aux ions calcium et magnésium. Un degré français correspond à 10 ppm de calcaire représentant 10−4 mol L−1 de calcium, soit 4 mg/L de Ca2+, ou encore 2,4 mg de magnésium par litre d’eau.

La moyenne des duretés des 55 analyses effectuées dans la zone 1 est de 48,6°f avec un écart type de 30,5 et des extrêmes allant de 8,4 à 123,8°f (forte variabilité). L’eau est moyennement dure dans la région de Tanger (27,6°f) et dure dans les autres régions (sup 30°f). Les valeurs les plus élevées s’observent dans la région de Casablanca-El Jadida (66,9°f). En effet, 71% des eaux analysées ont une dureté supérieure à 30°f, 18% entre 15 et 30°f et seulement 11% entre 6 et 15°f. En se référant aux valeurs limites préconisées pour le Maroc (50°f), nous remarquons que 60% des échantillons ont une dureté acceptable.

Pour la zone 3 (régions sud) la moyenne des valeurs de dureté des 150 échantillons est de 70°f avec un écart-type de 30°f. Les valeurs extrêmes sont de 22 et 169°f. Les moyennes par province sont comprises entre 62 et 86 °f. En effectuant une répartition de dureté par classes, on constate que 34% des eaux analysées ont une dureté inférieure à 50 °F et seulement 8% des échantillons ont une eau dite douce (inférieur 30 °f) (Tableau 4).

Les eaux des régions du sud ont des duretés largement supérieures celles des régions du nord avec les plus fortes moyennes enregistrées dans la région d’El Kalaa (86 35 °f) et de (78 34°f) dans la région de Tiznit. Ces duretés élevées qui s’expliqueraient certainement par la nature calcaire des sols auront des impacts sur les performances zootechniques des animaux et sur le matériel d’élevage. Des valeurs élevées de dureté favorisent les irritations intestinales, le picage et le cannibalisme et diminuent l’absorption intestinale des oligo-éléments. Elles compromettent également la solubilisation de certains médicaments avec des risques de colmatage des circuits d’abreuvement (Villate, 1997, ITAVI, 2016). Une correction peut être faite par l’adjonction d’adoucisseurs.

La Conductivité

Dans les régions du nord (Zone 1), la moyenne générale des analyses est de 1,44 ms/cm avec un écart type de 1,07. Les valeurs extrêmes sont de 0,15 à 4,31 et de 0,81 à 2,33 pour les moyennes par région. En se référant aux recommandations des limites préconisées (2,5 ms/cm), seulement 20% des échantillons ont une conductivité élevée. Les teneurs les plus élevées se retrouvent dans les régions de Casablanca-El Jadida où 55% des valeurs sont supérieures à 2,5 ms/cm.

La conductivité élevée dans la zone de Casablanca-El Jadida est le résultat de la nature du sol et la forte salinité des eaux cette région.

La conductivité est élevée dans 20% des échantillons, ce qui serait lié à la géologie du pays, principalement des zones de Casablanca et d’El Jadida : percolation à travers des roches salifères ; les principaux fleuves qui alimentent les réseaux de distribution sont en général salins (Smirès, 1997). Les eaux à conductivité élevée sont des eaux riches en sel et entraîneront par conséquent des fientes molles qui humidifieront la litière. Ces eaux affectent aussi les performances zootechniques.

Les régions du sud ont une moyenne de conductivité de 1,97  1, 34 ms/cm, valeurs élevées par rapport aux régions du nord mais qui restent dans les limites acceptables pour toutes régions sauf pour El Kalaa où la valeur moyenne est de 2,6 ms/cm et des valeurs extrêmes de 6,5 dans la région de Marrakech dépassant largement les normes de potabilité. Les conductivités élevées sont probablement liées à la nature géologique riches en roches salifères percolés par ces eaux.

Les eaux à conductivité élevée sont des eaux riches en sel et entraîneront par conséquent des fientes molles qui humidifieront la litière. Ces eaux affectent aussi les performances zootechniques.

Le sodium

Paramètre très important pour l’évaluation de la salinité de l’eau. Les teneurs de sodium rencontrées dans les régions du sud sont très révélatrices. En effet, la teneur moyenne des 150 échantillons en sodium est élevée (505 mg/l) avec un écart type de 412 (forte variabilité). Les valeurs extrêmes varient entre 54 mg/l à El Kalaa et 1962 mg/l à Marrakech (Tableau 4). Les teneurs élevées en sodium ont été enregistrées à proximité des fleuves de l’Oued Rdat pour la région de Marrakech (1962 mg/l) et Oued Massa pour la région de Chtouka (1872 mg/l). Ces valeurs sont globalement supérieures à la norme préconisée par certains pays comme le Canada dans l’eau de boisson (inférieur 200 mg/l.), sachant qu’il n'existe actuellement aucune recommandation concernant les concentrations maximales de sodium dans l'eau d'abreuvement du bétail (Olkowski, 2009).

La moyenne des teneurs en sodium dans les régions du nord est de 145 mg/l avec un écart type de 143 mg/l (forte variabilité) et des valeurs extrêmes allant de 0 à 529 mg/l (Rabat) avec une valeur moyenne de 278170 mg/l dans la région de Casablanca comme région la plus contaminée. En considérant la valeur limite acceptable de 200 mg/l.

Nous retrouverons aussi dans le cas du sodium, les mêmes conséquences sur les sujets que dans le cas de la conductivité, c’est-à-dire le problème d’irritation intestinale aboutissant à l’humidification de la litière. Pour ces valeurs élevées en sel, une correction peut être opérée en diminuant la quantité de sel dans l’aliment.

Les chlorures

La valeur moyenne des analyses de chlorures effectuées est de 170 mg/l avec un écart type de 184 (forte variabilité). Les valeurs extrêmes varient de 0 à 888 mg/l (Tableau 3). Pour l’eau destinée à l’abreuvement des volailles, la valeur moyenne doit être de 14 mg/l et le maximum acceptable de 250 mg/l (Normes Européennes et Américaines) (Olkowski andrew. a. (2009)., Carter, T. A. and Sneed R. E., (1987), ANSES, 2010). Sur la base de ces données, 7% des échantillons ont des teneurs de chlorures comprises entre 0 et 14 mg/l, 78% entre 14 et 250mg/l et 15% supérieures à 250mg/l. En considérant la valeur maximale admissible, seulement ces 15% ont des teneurs non conformes.

La teneur moyenne en chlorures des eaux des régions du sud est de 832,0 mg/l avec un écart type de 731 indiquant une forte variabilité. Les valeurs extrêmes varient entre 84 mg/l (El Kalaa) et 3011 mg/l dans la même région (Tableau 4). Les résultats montrent que 86% dépassent la limite acceptable de 250 mg/l. L’explication la plus plausible de ces teneurs élevées en chlorures serait la forte utilisation de la chloration comme procédé de désinfection des eaux destinées à l’abreuvement des animaux et aussi les fortes teneurs en sodium notées car ces deux paramètres sont très liés.

Ces teneurs anormalement élevées s’expliquent de la même façon que celles de la conductivité et du sodium. On pourrait penser aussi à l’utilisation continue dans certains cas, et abusive dans d’autres, du chlore dans l’eau pour la désinfection puisque les teneurs les plus élevées sont retrouvées dans les élevages qui utilisent régulièrement de l’eau de javel au niveau de l’eau de boisson. Les teneurs élevées en chlorures sont préjudiciables à la santé des animaux et peuvent provoquer des problèmes de diarrhées et interférer avec l’utilisation des vaccins dans l’eau de boisson.

Les nitrates

Les nitrates et les nitrites sont des formes oxydées d'azote. Ces composés sont naturellement présents dans l'eau, mais les nitrates prédominent la plupart du temps. Les nitrates constituent la forme d’oxydation finale de l’azote, ils présentent une grande stabilité et peuvent se retrouver en grande quantité dans les eaux. (Olkowski, 2009)

La teneur moyenne dans les régions du nord de 13,7 + 12,0 mg/l et les valeurs extrêmes oscillent entre 0 et 49,3 mg/l. En considérant les valeurs maximales admissibles (50 mg/l), 100% des échantillons sont potables. Par contre, en se référant aux normes officielles Américaines (25 mg/l), ce pourcentage revient à 80%. Nous pouvons noter que 80% des échantillons ont des valeurs comprises entre 0 et 25 mg/l, 16% entre 25 et 45 mg/l et les 4% restant entre 45 et 50 mg/l. Les valeurs les plus élevées se trouvent dans les élevages situés à la périphérie des grandes agglomérations (Casablanca et Rabat). Cependant, ces valeurs restent dans les normes préconisées.

La moyenne générale des nitrates dans les eaux des régions du sud est de 8 mg/l avec un écart-type de 4,9 mg/l. Les valeurs extrêmes sont de 1,3 mg/l (à El Kalaa) et 23,5 mg/l (à Chtouka). Les valeurs moyennes sont de 5,7 mg/l de nitrates à Tiznit et de 14 mg/l à Chtouka. Ces valeurs sont en dessous de la norme préconisée de 50 mg/l.

Les nitrates sont rencontrés en très faible quantité dans nos échantillons. En effet, la valeur moyenne générale est de 13,68mg/l. Des teneurs relativement élevées ont été retrouvées dans les régions de Rabat (14,22) et de Casablanca (25,91). Ceci peut être explique par l’activité humaine liée des dépôts de fumier et à la mauvaise protection des puits (puits à ciel ouvert). En confrontant ces résultats aux valeurs trouvées par Smirès (1997) pour les régions des Doukkala, où 35% des eaux avaient une teneur en nitrates supérieure à 50mg/l avec un maximum de 146 mg/l, on perçoit rapidement le lien entre les zones à activités agricoles intensives et la pollution en nitrates des eaux (la région de Doukkala est la zone d’activité agricole intensive par excellence). Ces faibles teneurs en nitrates peuvent être également liées à la faible pluviométrie enregistrée et à l’insuffisance de l’irrigation dans les régions échantillonnées, car ces deux paramètres sont censés entraîner les nitrates en profondeur et contribuer à la pollution des puits (Smirès, 1997).

De point de vu impact sur la santé et les performances zootechniques des animaux, ces teneurs ne devraient pas entraîner de problèmes chez la volaille, mais des pertes d’appétit et une stagnation du gain moyen quotidien (GMQ) ont été rapportées pour des teneurs supérieures à 30 mg/l (Joncour, 1997 ; Grizzle et al., 1997). Ainsi, 11% des échantillons peuvent être considérés comme dangereux.

Le fer

Le fer est présent dans l’eau de boisson sous forme d’ions bivalents Fe2+ et d’ions trivalents ferriques Fe3+. Les normes du fer dans l’eau de boisson des volailles ont été fixées sur la base des effets organoleptiques, car le fer peut être responsable d’une couleur et même d’un goût désagréable de l’eau de boisson. La valeur maximale admissible fixée par la plupart des pays est de 0,3 mg/l (Olkowski A. A. 2009; Carter T. A. and Sneed R. E., 1987; ITAVI, 2016; ANSES 2010).

La teneur moyenne du fer dans les eaux des régions du nord est de 0,69 mg/l avec un écart type de 0,74 (forte variabilité). La plus grande valeur se trouve dans la région de Fès avec une moyenne de 1,41 mg/l où nous notons également une forte contamination en FMAT. Il est à noter que 65% des eaux ont une teneur en fer inférieur 0,25 mg/l, 4% oscillent entre 0,25 et 0,5 mg/l et 31% sont supérieurs à cette limite maximale admissible.

La moyenne générale des échantillons des régions du nord est de 0,32 mg/l ; légèrement supérieure à la norme préconisée. La plus grande valeur se trouve dans la région de Chtouka où la moyenne est de 0,45 mg/l.

Ces teneurs élevées de fer peuvent être attribuées à l’absence ou à l’insuffisance de désinfection des canalisations surtout dans les régions de Chtouka, Fès et Casablanca. D’ailleurs, ces eaux sont associées à des teneurs élevées en ASR qui sont les témoins de l’efficacité de la désinfection et de la formation du biofilm. Ces eaux ferrugineuses sont inappétentes et inhibent la plupart des vaccins vivants. Elles entraînent des colmatages des circuits de distribution en créant des milieux de prolifération bactérienne (Villate, 1997). On maîtrise ces problèmes par déférisation, détartrage acide et désinfection. En général, les risques commencent à apparaître à partir de 0,2 mg/l (Anjot et al., 1997). On pourra ainsi dire que 30% de nos échantillons sont à risque.

Les paramètres bactériologiques

L’analyse bactériologique a concerné uniquement les échantillons d’eau provenant des zones 1 et 3 à cause des contraintes de temps d’analyses qui doivent être inférieur à 24 heures pour une bonne conservation des échantillons.

L’analyse a consiste à la détermination de la contamination totale par le dénombrement de la FMAT, à l’appréciation de la contamination d’origine fécale par le dénombrement des coliformes (CF et CT) et des SF et enfin des ASR.

Le tableau 5, résume pour chaque région : le nombre d’analyse, les valeurs moyennes, l’écart type, le minimum, le maximum ainsi que les normes relatives aux différents paramètres bactériologiques étudiés.

En dépit des précautions prises, l’échantillonnage n’est pas représentatif dans toutes les régions. Par ailleurs, la qualité de l’eau subit des variations spatio-temporelles et revêt un aspect ponctuel. Le choix des paramètres analysés est lié à leur importance, hygiénique et sanitaire. Afin de faciliter la compréhension des résultats obtenus dans ce travail, les différents paramètres seront étudiés séparément.

Flore mésophile aérobie totale

La FMAT renseigne sur le niveau de contamination globale au sein de l’eau des différents élevages. Elle rend compte aussi bien de la flore naturelle (présence ou absence de forte pollution) que de la flore surajoutée qui peut renfermer des bactéries pathogènes.

Pour avoir une idée globale sur la qualité de l’eau, nous avons fait la moyenne de l’ensemble des échantillons par zone (1 et 3).

Au niveau de la zone 1, la moyenne de la FMAT est de 3,2.103 UFC/ml avec un écart type de 8,02.103 (très forte variabilité) (Tableau 3). Les valeurs extrêmes vont de 0 à 5.104 (Fès). Ainsi, 65% des échantillons ont des valeurs de FMAT comprises entre 0 et 103 UFC/ml et les 35% restants sont considérés comme étant de l’eau non potable puisqu’ils dépassent le seuil critique de 1000 UFC/ml.

Au niveau de la zone 3, la moyenne de contamination est de 995 UFC/ml avec forte variabilité. La région du moyen Atlas étant la plus contaminée avec une moyenne de 1704 1605 UFC/ml dépassant la norme de potabilité de l’eau de boisson.

La plus forte contamination est observée dans la région de Fès et du moyen Atlas et les charges les plus faibles sont rencontrées dans les zones de Casablanca-El Jadida et de Tanger et Meknès. Ces résultats peuvent s’expliquer facilement, car la quasi-totalité des élevages échantillonnés dans ces régions procède à la désinfection régulière de l’eau de boisson destinée à l’abreuvement des animaux. De même, quelques élevages ont un programme d’entretien des canalisations. En outre, à Fès, la plupart des éleveurs pratiquent une activité agricole annexe non loin de l’exploitation qui pourrait constituer une source potentielle de pollution de l’eau. Le niveau de la contamination bactériologique globale est assez élevé avec un dépassement des normes de potabilités dans les régions à forte contamination comme Fès, Rabat et les régions du moyen Atlas. Toutefois, il est à noter que l’interprétation de ces résultats n’est pas décisive, car une teneur faible en ces germes n’est pas obligatoirement le signe d’une bonne salubrité dans la mesure où cette microflore ne permet pas de prédire avec exactitude la qualité sanitaire.

Coliformes totaux

Le niveau de contamination de l’eau en coliformes totaux (CT) est inférieur à celui de la FMAT. En effet, la valeur moyenne des analyses est de 110 NPP/ml avec un écart type de 3,8.102 NPP/ml pour la zone 1. Les valeurs extrêmes oscillent entre 0 et 2,3.103 NPP/ml et la plus forte charge en CT s’observe dans la région de Tétouan avec une moyenne de 540 NPP/ml. On note que globalement, 80% des élevages ont des valeurs de CT qui sont conformes aux normes de potabilité fixées (50 NPP/ml). Le niveau de contamination en CT dans cette zone est faible pour la quasi-totalité des régions. Ceci peut s’expliquer par le fait que ces germes sont relativement plus sensibles aux agents de désinfection par rapport aux autres bactéries ayant fait l’objet de notre travail.

Le niveau moyen de charge bactérienne dans la zone 3 est de 967 NPP/ml. La plus forte contamination a été retrouvée dans la région du Gharb (1784 NPP/ml) avec 80% des échantillons analysés dépassant la norme de potabilité dans cette zone. Ces niveaux de contamination pourraient s’expliquer par le faible niveau de désinfection des installations dans cette zone d’élevage.

Tableau 3. Résultats des paramètres bactériologiques de l’eau de boisson dans les régions du nord du Maroc (Zone 1) (Moyenne; Min-Max).

Coliformes fécaux

En ce qui concerne les coliformes fécaux, la moyenne de l’ensemble des échantillons de la zone 1 est de 1,6.102 NPP/ml avec un écart type de 6,4.102 NPP/ml. Les valeurs extrêmes sont de 0 à 4,6.103 NPP/ml. La plus forte contamination se retrouve dans la région de Casablanca - El Jadida. Les résultats des coliformes fécaux et ceux de la FMAT peuvent apparaître contradictoires au niveau de cette région, en ce sens qu’elle a la plus forte charge en coliformes fécaux et la plus faible en FMAT. Etant donné que la présence de CF est synonyme d’une contamination fécale récente, on peut dire qu’à Casablanca-El Jadida, la pression humaine sur les sources est plus importante et peut contribuer à l’augmentation de la contamination d’origine fécale.

Pour la zone 3. La moyenne de contamination en coliformes fécaux est de 361 NPP/ml, avec une moyenne élevée dans la région du Gharb de 871 NPP/ml. Cette forte contamination fécale pourrait être expliquée par une pollution fécale d'origine animale ou Humaine (fosse septique, élevage de bétails, utilisation des déchets des animaux comme fertilisant pour les terres agricoles avoisinant les puits…).

Tableau 4. Résultats des paramètres bactériologiques de l’eau de boisson dans les régions du moyen Atlas et le Gharb (Zone 3) du Maroc (Moyenne; Min-Max).

* Normes : A l’heure actuelle il n’existe pas de normes pour l’eau de boisson au Maroc : ces valeurs limites préconisées serviront pour l’interprétation des résultats.

Streptocoques fécaux

Les streptocoques fécaux sont aussi des témoins de la contamination d’origine fécale. La valeur moyenne de l’ensemble des échantillons est de 5,2.102 UFC/ml avec des extrêmes de 0 à 5,8.103. Seulement 44% des échantillons analysés respectent les normes. Les régions fortement contaminées sont celles de Rabat (1,3.103 NPP/ml) et de Fès (2,8.102 NPP/ml).

Pour la zone 3. La moyenne de contamination par les streptocoques fécaux est de 648 UFC/ml avec forte contamination de la région du Gharb la plus contaminée avec 1240 UFC/ml.

La contamination en streptocoques fécaux est la plus élevée de toutes, car seulement 44% des échantillons sont conformes aux normes (0 NPP/ml). Les régions fortement polluées étant celles du Gharb, de Rabat et de Fès. Ceci pourrait s’expliquer par une insuffisance de désinfection de l’eau et des circuits d’abreuvement ou par un sous dosage du désinfectant utilisé. Ces germes sont doués d’une plus grande résistance à l’inactivation naturelle et à l’action des désinfectants, si bien que les doses usuellement utilisées ne permettent pas de les éliminer complètement (Yaakoubi, 1999). En effet, ils ont une résistance innée étant donné que ce sont des gram+ et une résistance acquise, car ils forment des agrégats ou des amas.

La présence dans l’eau coliformes et les streptocoques fécaux signifierait une contamination d’origine fécale et indiquerait une présence éventuelle de germes pathogènes (salmonelles, pasteurelles…), ce qui est souvent à l’origine de diarrhée, de problèmes respiratoires et de patte chez la volaille (Villate, 1997).

Clostridium sulfito-réducteurs

Cette microflore n’est pas considérée comme un indicateur idéal de la pollution d’origine fécale, elle est surtout utilisée comme indicateur de l’efficacité de la désinfection et dans le contrôle du maintien de la qualité de l’eau durant le transport. La présence des ASR en absence des coliformes indique une contamination ancienne.

La moyenne de l’ensemble des échantillons de la zone 1 est de 1,4/ml avec un écart type de 6,8/ml. Les extrêmes sont de 0 à 50/ml. 82% des échantillons sont conformes aux normes. L’aspect et la taille des colonies obtenues laissent penser qu’il s’agit de Clostridium perfringens.

Au niveau de la zone 3. La moyenne de l’ensemble des échantillons est nettement plus élevée que la zone 1; avec 65 NPP/ml et un dépassement de la norme de contamination dans majorité des échantillons de la région de Meknès, du moyen Atlas et du Gharb.

Les teneurs en Clostridium sulfito-réducteurs trouvées dans les échantillons de la zone 1 sont pour la plupart conformes aux normes. Ceci peut s’expliquer par le fait que la quasi-totalité des échantillons a été prélevée et transportée dans de bonnes conditions. Les analyses ont été effectuées dans les 8 à 24 heures suivant les prélèvements. La présence d’ASR, en absence de coliformes indique une contamination ancienne.

Il est certain que les germes tests donnent une idée sur le niveau de contamination, mais l’évaluation de la qualité hygiénique et sanitaire de l’eau ne serait complète qu’après la recherche des germes pathogènes tels que les staphylocoques et surtout les salmonelles.

CONCLUSION

Du point de vue physico-chimique, l’eau est d’assez bonne qualité au sein des différentes régions nord. La moyenne des duretés des 55 analysées est de 48,6°f. L’eau est moyennement dure dans la région de Tanger (27,6°f) et dure dans les autres régions (sup 30°f). Cependant, le problème rencontré réside surtout au niveau de la dureté où nous avons des valeurs dépassant les normes (50°F) dans les régions de Casablanca, de Tétouan et de Fès.

Les teneurs en sodium et en chlorures sont également très élevées. En effet, pour les chlorures, 93% des échantillons dépassent 14 mg/l. Il en est de même pour le sodium où 67% des échantillons dépassent 50 mg/l.

Au niveau de la zone 2, l’eau des régions échantillonnées reste de bonne qualité en termes de pH et de teneurs en nitrates. Cependant, le problème réside dans les niveaux de dureté, de sodium et des chlorures. En effet, la moyenne des duretés dépasse 50°f pour toutes les régions. Le sodium avec une moyenne des teneurs de 505 mg/kg dépasse largement la norme de 200 mg/ml et les chlorures avec des teneurs très élevées dépassent les limites acceptables de 250 mg/l surtout dans les régions de Casablanca, Rabat et Tétouan.

La contamination bactériologique des eaux des régions étudiées (Zone 1 et 3) est presque générale. Elle se manifeste par des teneurs dépassant largement les normes de qualité de l’eau de boisson à usage avicole. Ceci pourrait avoir un impact sur la santé des volailles par certaines maladies respiratoires ou digestives.

Sur le plan pratique, les paramètres bactériologiques pertinents à rechercher lors d’un contrôle sont les germes indicateurs de la contamination d’origine fécale. Il faut sensibiliser les éleveurs à l’importance de la qualité physico-chimique de l’eau et au suivi de cette qualité dans leurs élevages surtout pour les paramètres pertinents tels que la dureté, le pH, les chlorures et le sodium et de prendre des mesures correctives le cas échéant pour améliorer la qualité de l’eau.

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Publié-e

15-09-2021

Comment citer

EL HRAIKI, A., MAROUANE, A., AKCHOUR, M., ABDELMOUTALEB, T., BENGOUMI, D., TAHA, I., & BENGOUMI, M. (2021). Qualité de l’eau de boisson en élevage avicole au Maroc: Mise au point bibliographique. Revue Marocaine Des Sciences Agronomiques Et Vétérinaires, 9(3), 360–369. Consulté à l’adresse https://www.agrimaroc.org/index.php/Actes_IAVH2/article/view/1009

Numéro

Rubrique

Nutrition et Production Avicoles