Colibacillose aviaire au Maroc: Infection redoutable à double impact

Auteurs-es

  • Lhoussaine OUBOUYAHIA ZALAR Holding, 101 Bd d’Anfa Casablanca, Maroc
  • Saadia NASSIK Unité de pathologie aviaire, Département de pathologie et santé publique vétérinaires, Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, Rabat, Maroc

Résumé

Les colibacilloses aviaires sont les infections bactériennes les plus fréquentes et parmi les plus importantes en pathologie des volailles. Elles représentent vraisemblablement la première cause de traitement antibiotique dans les élevages et de l’émergence de souches résistantes constitue un problème de santé publique vétérinaire. Cette infection dont la voie d’entrée principale est le tractus respiratoire ou parfois génital affecte essentiellement les élevages de poulets de chair en engendrant des lésions et des pertes économiques lourdes. En effet, elles peuvent entrainer la mortalité, les baisses de performances et les saisies aux abattoirs. En outre, les moyens de lutte contre ces maladies sont très onéreux. La plupart des colibacilloses sont des surinfections suite à des infections virales, bactériennes ou parasitaires. L’importance des colibacilloses est surtout médicale et économique. Les colibacilloses peuvent être classées en colibacilloses primaires dues à des colibacilles spécifiquement pathogènes et des colibacilloses secondaires dues à une infection virale ou bactérienne. La problématique de la colibacillose réside dans son impact à la fois économique et sanitaire. L’émergence de souches de plus en plus résistantes devient préoccupante. L’objectif du présent travail est de dresser une revue bibliographique sur la colibacillose avec un focus sur la pathologie au Maroc.

Mots clés: Escherichia Coli, colibacillose, volaille, antibiorésistance, Maroc

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Introduction

Durant les cinq dernières années, la situation pathologique du cheptel avicole marocain a connu des changements importants et graves. Des pathologies majeures telles que l’influenza aviaire faiblement pathogène (H9N2) apparue en début de l’année 2016, constituant un terrain propice pour les infections colibacillaires dont la prophylaxie devient de plus en plus fastidieuse.

Les colibacilloses sont les infections bactériennes les plus fréquentes chez les volailles. Elles représentent vraisemblablement la première cause de traitement antibiotique dans les élevages et l’émergence de souches résistantes constitue une préoccupation légitime. Ces infections peuvent être primaires dues à des colibacilles spécifiquement pathogènes ou secondaires à une infection virale ou à une immunodépression.

La colibacillose aviaire comprend un certain nombre de différentes infections localisées et systémiques causées par un Escherichia Coli pathogène (Avian Pathogenic E. coli ou APEC). La maladie a une distribution mondiale et toutes les espèces de volailles sont sensibles à l'infection. L'APEC profite souvent d'une altération des défenses de l'hôte du fait de coinfections et/ou d'une exposition à de mauvaises conditions environnementales. Dans l'ensemble, les nombreuses formes de la colibacillose sont les maladies bactériennes les plus fréquemment rapportées dans les élevages avicoles et elles sont responsables de pertes économiques importantes.

Les souches pathogènes (APEC) appartenant à des sérotypes bien particuliers sont associées au syndrome de la colibacillose, dont les lésions et les manifestations peuvent être variables suivant l’âge de l’animal (Omphalites, colisepticémie, maladie respiratoire chronique ou CRD, salpingite, péritonite, affection chronique de la peau ou cellulite, swollen-head disease, ostéomyélite, …). (Stordeur et Mainil, 2002)

Etant donné le peu de connaissances et l’énorme diversité des souches d’E. Coli aviaires en matière de facteurs de virulence, peu de vaccins sont disponibles à l’heure actuelle pour lutter efficacement contre la colibacillose. En conséquence, l’antibiothérapie basée sur un diagnostic adéquat ainsi que la prophylaxie, restent encore les seuls moyens de lutte contre cette maladie malgré l’incidence croissante des résistances et le risque accru de transfert à l’homme.

Le but de cette revue bibliographique sera de décrire les principales manifestations cliniques associées à la colibacillose aviaire ainsi que la situation de la problématique de l’antibiorésistance contre E. Coli au Maroc. De même, les aspects concernant l’agent pathogène, sa prévention et prophylaxie seront également abordés.

Matériel et méthodes 

La colibacillose aviaire est une infection localisée ou généralisée causée par Escherichia Coli. Elle est généralement secondaire à une cause primaire infectieuse ou non infectieuse et elle se manifeste sous plusieurs formes: Septicémie colibacillaire, Coligranuloma (Hjarre’s disease), maladies respiratoires chroniques (M.R.C.), Péritonite, Salpingite, Ostéomyélite/Synovite, Panophtalmie, Omphalite, Cellulite aviaire (processus inflammatoire) (Nassik, 2020; Guerin et Boissieu, 2008; Robineau et Moalic, 2010).

Etiologie

L’agent Causal est Escherichia Coli. Il s’agit d’une bactérie Gram négatif de la famille des Enterobacteriaceae, non sporulée, plusieurs souches sont mobiles grâce à la présence des flagelles (Al Hassane, 2012). Chez la volaille, trois sérotypes d’E. Coli ont été reconnues pathogènes (O 1: K 1(L); O 2: K1 (L); O 78: K 80 (B)). Cependant, d’autres sérotypes peuvent être aussi incriminés.

Description

E. Coli est une espèce de bactérie appartenant à la famille des Enterobacteriaceae, hôte de l'intestin de la plupart des animaux et de l'Homme (Carter, 1979). Les colibacilles se présentent comme des bâtonnets Gram négatif, aéro-anaérobies, asporulés, de 2 à 3 µg de longueur et 0,6 µg de largeur (Fasquelle, 1974; Gross, 1984). Grâce à la ciliature péritriche, la majorité des souches sont mobiles (80 %) (Fasquelle, 1974), peu de souches sont capsulées et certaines peuvent se détacher de leur capsule, une fois mises en culture (Cruicksaan et al., 1975; Filali, 1986).

Caractères physico-chimiques

E. Coli est détruite à une température de 60°C pendant 30 minutes (Cruicksaan et al. 1975). Sa sensibilité à différents agents chimiques (produits alcalins et acides tel que glutaraldéhydes à 2% et ammoniums quaternaires à 3%) et physiques est similaire aux autres entérobactéries. Ce germe peut persister pendant une longue période dans la litière quand elle est sèche (Harry & Hamsley, 1965).

Caractères culturaux

La culture d'E. Coli est très facile. Avec un optimum de pH et de température respectivement de 7 et 37°C. Elle pousse sur un grand nombre de milieux ordinaires ou sélectifs (Fasquelle, 1974) dont le plus utilisé est l’Eosine Blue de méthylène (EMB). L'aspect des colonies varie en fonction du milieu nutritif utilisé (tableau 1) (Merck, 1983; Cruicksaan et al., 1975; Gross, 1984; Cloud et al., 1985).

Tableau 1: Aspects des colonies d’E. Coli en fonction du milieu nutritif utilisé

En bouillon nutritif, un aspect trouble avec des ondes moirées apparaissent dans les premières heures. Une odeur fécaloïde se manifeste quand le tube est ouvert (Fasquelle, 1974).

Photo 1: Colonies sombres avec reflet verdâtre d’E. Coli isolées sur le milieu EMB (source: Nassik, 2020)

Caractères Biochimiques

Les principaux caractères biochimiques pour la majorité des souches d'E. Coli sont les suivants (Ward, 1988):

- Elle fermente le glucose et le lactose avec production de gaz;

- Elle possède une enzyme: tryptophanase, transformant le tryptophane en indole;

- Elle n'utilise pas le citrate quand il est la seule source de carbone;

- Elle possède une lysine décarboxylase (LDC);

- Elle ne possède pas la tryptophane-désaminase, l'uréase et l'oxydase;

- Elle ne produit pas d'H2S (sauf quelques souches);

- Elle fermente le mannitol pour la plupart des souches;

- Elle donne lieu à une réaction du rouge de méthyle positive, et à une réaction de Voges-Proskauer (VP) négative.

Le tableau 2 ci-dessous synthétise les principaux caractères biochimiques d’E. coli.

Tableau 2: principaux caractères biochimiques d’E. coli

Photo 2: Identification biochimique d’E. Coli (source: Bouzoubaâ, 2020)

Antigénicité et Virulence

Antigénicité

On reconnaît à E. Coli trois types d'antigènes présents sur sa surface (Orskov, 1984):

- Antigène O: Antigène somatique (160 sérotypes), cet antigène correspond à la fraction polysaccharidique du lipopolysaccharide de la paroi (Gross, 1988; Orskov, F. et Orskov, I., 1984).

- Antigène K: Antigène capsulaire (100 sérotypes), c'est un ensemble de polymères de l'acide N-Acétylneuraminique. On distingue trois types d'antigènes K selon leurs pouvoirs de saturation des agglutinines et leurs thermolabilités (Leminor, 1972; Orskov, F. et Orskov, I., 1984): l'antigène KA, l'antigène KB et l'antigène K1. Ce dernier est fréquent chez les souches O1 et O2 aviaires (Orskov, F. et Orskov, I., 1984).

- Antigène H: Antigène flagellaire (60 sérotypes) Facilement détruit par l'alcool, cet antigène est de nature protéique, son développement maximal se fait sur milieu liquide ou faiblement gélosé (Leminor, 1972; Orskov, F. et Orskov, I., 1984).

Virulence

Les principaux facteurs de virulence, corrélés directement ou indirectement au pouvoir virulent d’E. Coli sont:

- L’adhésion à l'épithélium;

- La synthèse d'entérotoxines, cytotoxines et d'hémolysines;

- La résistance au pouvoir bactéricide du sérum ;

- Les sidérophores qui sont des protéines de la membrane externe chélatant le Fer. Certains de ces facteurs sont codés par le chromosome, d'autres par le plasmide. Les flagelles, la capsule, la paroi et le système de captation du Fer sont aussi des facteurs de virulence (Gyles, 1986).

Résultats et discussion

Dans cette partie, nous allons déterminer l’incidence et les sérotypes prépondérant de la colibacillose au Maroc. De même, la problématique de l’antibiorésistance d’E. Coli sera détaillée en procédant à l’analyse des données récemment collectés sur le terrain

Incidence de la maladie

La colibacillose est la principale maladie diagnostiquée au Maroc, à distribution mondiale, présente durant toute l’année. Elle touche tout âge et toutes les espèces aviaires ainsi que les mammifères. Le pic de sensibilité est situé entre la première et la cinquième semaine d’âge avec une occurrence plus élevée chez le poulet, la dinde et le canard. L’infection est plus fréquente chez le jeune que chez l’adulte. C’est une dominante pathologique en aviculture industrielle qui cause des pertes économiques considérables (Nassik, 2020; Lecoanet, 1992; Smith, 1985).

Au Maroc, les pathologies d’origine infectieuses chez la volaille représentent 85% dont plus que la moitié sont des complications colibacillaires (Mouahid & Bouzoubaa, 2001).

Situation au Maroc

Une étude a été menée par Rahmatallah et al. (2017) sur 100 élevages de poulets de chair au Maroc. L'isolement d'Escherichia Coli a été réalisé à partir de poulets de chair montrant des lésions de colibacillose aviaire. Des tests d'identification biochimique, de sérotypage et de sensibilité aux antimicrobiens ont été effectués sur des isolats d'E. Coli. Le sérogroupage a montré que 77% des isolats appartiennent aux sérotypes dominants avec une distribution de 45% des isolats appartenant au sérogroupe O78, 22% à O2 et 13% à O1.

Au Maroc, la résistance d’E. Coli aux antibiotiques est en perpétuelle évolution et demeure un problème majeur de santé publique (Baaj & Lahlou-amine, 2002).

Dans une étude récente à l’étage des reproducteurs type chair au Maroc, les profils antibiogrammes obtenus ont montré une résistance très élevée à la majorité des antibiotiques. Ainsi la résistance à la fluméquine est de (96,97%), suivit par l’amoxicilline (93,94%), la Tétracycline (84,85%), la Doxycycline (78,79%), l’Enrofloxacine (54,55%), la Triméthoprime-Sulfamide (42,42%). Par contre, une faible résistance a été noté contre la fosfomycine (6,06%) et aucune résistance n’a été constaté pour la Colistine (0%) et le Florfénicol (0%). Il est important de noter que ces derniers antibiotiques même s’ils sont efficaces contre Escherichia Coli sont rarement utilisés pour le traitement des septicémies colibacillaires pour diverses raisons (colistine: administration délicate par injection à des reproducteurs en période de ponte; Flofénicol: chute de fertilité; Fosfomycine: efficacité controversée même si la sensibilité est très élevée sur l’antibiogramme). Le tableau 3 ci-dessous résume la situation des profils antibiogrammes obtenus pour 50 prélèvements chez les reproducteurs type chair (Oubouyahia et Nassik, 2020).

Tableau 3: Fréquence de sensibilité des souches d’E. Coli vis-à-vis des principaux antibactériens pendant la période 2018 & 2019 sur 50 prélèvements chez les reproducteurs type chair au Maroc

Epizootiologie

E. Coli est présente naturellement dans l’intestin des oiseaux et des mammifères et sa dissémination dans le milieu extérieur est réalisée par les fientes. Les colibacilloses manifestent lorsque les barrières de la peau et des muqueuses sont touchées (parasitisme, infection virale ou bactérienne, environnement contaminé, eau, ventilation mal réglée, poussière...), ou lors d’interaction avec d’autres pathologies (la bronchite infectieuse (B.I) chez le poulet, la pseudo-peste aviaire (P.P.A.), les mycoplasmes et l’entérite hémorragique de la dinde). A chaque fois que le poulet est en immunodépression, une souche pathogène ou facultative peut infecter l’oiseau. La présence du germe au niveau de l’intestin, les conduits naseaux, l’appareil génital constitue une source latente de l’infection. La contamination fécale des œufs par E. Coli a été rapportée. (Nassik, 2020; Kaper et al., 2004).

Tableau clinique et lésionnel

Plusieurs formes ont été rapportées, elles varient en fonction de l’âge des animaux et le type de production concerné par cette infection.

Mortalité précoce des poussins

La contamination fécale est considérée comme la source la plus importante, une ovarite, ou une salpingite. L’incidence de la mortalité augmente juste après l’éclosion et diminue généralement dans les 6 jours qui suivent le démarrage de l’élevage (Jordan et Pattison, 1996 ; Dho- moulin et Fairbrother, 1999)

Infection de l’Appareil Respiratoire : Colibacillose Respiratoire

Connue sous le nom de la maladie respiratoire chronique (M.R.C.), la colibacillose respiratoire accompagne généralement la B.I., la P.P.A., la laryngotrachéite infectieuse (L.T.I.), les mycoplasmes ou une vaccination. Elle touche surtout les oiseaux de 6 à 10 semaines d’âge. Les symptômes respiratoires sont dominés par le larmoiement, le jetage, les râles, la toux, et la sinusite. On note aussi une aérosacculite, une pneumonie, une péricardite et une péri-hépatite fibrineuses.

Photo 3: Aérosacculite, péricardite et périhépatite fibrineuse (Source: Oubouyahia, 2020)

Omphalite Colibacillaire

Les poussins récemment éclos présentent une dépression, une septicémie et une inflammation et gonflement du sac vitellin. On note parfois une péritonite et une adhérence entre la peau et le sac vitellin (Nassik, 2020; Mainil et Van Bost, 2004).

Photo 4: Omphalite colibacillaire chez les poussins type chair (Source: Oubouyahia, 2020)

Septicémie aiguë

Elle est caractérisée par la présence des hémorragies musculaires et la congestion des muscles pectoraux, la péricardite et la péritonite souvent fibrineuses. Chez l’adulte, on note une entérite congestive avec parfois un aspect hémorragique (Nassik, 2020 ; Mainil et Van Bost, 2004).

Photo 5: Congestion des muscles pectoraux chez le poulet de chair (Source: Oubouyahia, 2020)

Synovite, Ostéomyélite, Arthrite

Les oiseaux touchés sont boiteux ou couchés (parésie ou paralysie), avec un gonflement articulaire. Le germe a été isolé au niveau de l’espace intra-articulaire (Stordeur et Mainil, 2002).

Panophtalmie

Elle est marquée par la présence d’un hypopyon mono-latéral. La plupart des oiseaux meurent après installation des lésions. Sur le plan microscopique, on note une infiltration hétérophilique et des monocytes phagocytaires dans l’œil, des cellules géantes dans les zones nécrosées et une hyperhémie de la choroïde avec une destruction complète de la rétine (Nassik, 2020; Stordeur et Mainil, 2002).

Coligranuloma

Elle est caractérisée par la présence des granulomes au niveau du foie, le long du cæcum, du duodénum et du mésentère. Le taux de la mortalité peut atteindre 75%.

Nouveau syndrome du canard

Chez le canard, on note des signes respiratoires, une aérosacculite, une péricardite, une péri-hépatite et une péritonite (Stordeur et Mainil, 2002).

Entérite

C’est la diarrhée qui est le symptôme le plus relevé alors qu’à l’autopsie on trouve une entérite catarrhale.

Photo 6: Entérite catarrhale (Source: Oubouyahia, 2020)

Salpingite

Chez la poule pondeuse, la posture de pingouin peut être présente. On note aussi une exsudation caséeuse de l’oviducte.

Cellulite

C’est un processus inflammatoire ou infectieux qui se traduit par l’inflammation chronique de la peau au niveau de l’abdomen (présence de lames de fibrine au niveau du tissu sous cutané) du poulet. Il est caractérisé par une nappe caséeuse hétérophilique et une exsudation des tissus sous cutanés. La lésion est surtout localisée entre la cuisse et la ligne du milieu. C’est un motif de saisie très important dans les abattoirs (Faucon & Oubouyahia, 2019).

Photo 7: Cellulite chez le poulet de chair saisi à l’abattoir (Source: Oubouyahia, 2020)

La forme génitale

Chez les poulettes de 4 à 13 semaines et chez l’adulte, on note une chute de ponte lors du 2ème et 3ème mois de ponte, des diarrhées blanchâtres et des lésions spectaculaires d’ovaro-salpingite et de péritonite (Nassik, 2020 ; Stordeur et Mainil, 2002).

Photo 8: Ovaro-salpingite chez les reproducteurs type chair (Source: Oubouyahia, 2020)

Diagnostic

La suspicion est basée sur les symptômes, les lésions et l’historique de l’infection (Stordeur et Mainil, 2002).

L’isolement et l’identification de l’agent causal se fait sur culture EMB (colonies sombre avec reflet verdâtre) ou sur le milieu Mac Conckey (rose vif avec une précipitation au milieu). Ces colonies ne fermentent pas le lactose. Cette identification doit être complétée par un sérotypage et l’étude de la pathogénicité de la souche et par la reproduction de la maladie (Dho-Moulin et Fairbrother, 1999).

Les sérotypes O1, O2, O78 sont identifiés au travers la technique ARL (agglutination rapide sur lame). Cependant, dans les dernières années, d’autres sérotypes ont été identifiés comme responsables de la Colibacillose aviaire, par exemple O88 et O15. A cette fin, la technique de micro-agglutination lente (MAL) est requise pour un sérotypage élargi et complet des E. Coli aviaires.

L’utilisation d’un nouveau spectroscope Infra-Rouge (FT-IR) (Martak et al, 2018) a permis de développer une nouvelle approche analytique de typage bactérien.

Diagnostic différentiel

Comme il s’agit d’un germe de complication secondaire, il est important de garder à l'esprit que E. coli peut également être aussi présent en même temps que les agents pathogènes causant les pathologies primaires. Le diagnostic différentiel doit être fait selon la forme de la colibacillose avec plusieurs entités pathologiques dont les plus importantes sont :

- Septicémie aiguë : Pasteurella, Ornithobacterium, Riemerella, Salmonella, Streptococcus, Staphylococcus, Pseudomonas, etc.

- Péricardite et péritonite: Chlamydia (rare), Pasteurella multocida, Streptococcus spp. et Enterococcus spp. Chez les canards, Riemerella anatipestifer peut également provoquer une aérosacculite.

- Aérosacculite: Pasteurella, Mycoplasma spp. et Chlamydia.

-Infection du sac vitellin: Espèces des genres Aerobacter, Klebsiella, Proteus, Salmonella, Bacillus, Staphylococcus, Enterococcus, Clostridium, etc.

- Granulomes hépatiques: Bactéries anaérobies des genres Eubacterium et Bacteroides.

(Nolan LK et al., 2013; Dho-Moulin et Fairbrother, 1999).

Traitement

E. Coli est sensible à plusieurs Antibiotiques cependant le problème de l’Antibiorésistance est d’envergure mondial, n’épargne pas le secteur avicole (Nassik, 2020; Stordeur et Mainil, 2002; Chauvin et al., 2012; Collignon, 2012).

Prophylaxie

Plusieurs facteurs rendent la lutte contre l’infection colibacillaire en élevage aviaire difficile. Parmi ces facteurs, nous pouvons citer le caractère ubiquiste d’E. Coli, le stress, et problème de l’antibiorésistance (Desmettre, 1981 ; Gordon, 1979; Molleraux et al., 1987). Le contrôle de la colibacillose passe par une prophylaxie sanitaire et une prophylaxie médicale (Gordon, 1979).

Prophylaxie sanitaire

Pour assurer un confort suffisant aux animaux, il est absolument fondamental de respecter rigoureusement les règles générales de prophylaxie sanitaire concernant la protection et le fonctionnement de l'élevage, la conception et l'entretien des bâtiments et la conduite de l’élevage, et ce par (Nassik, 2020; Molleraux et al., 1987):

- Respect des normes de la conduite de l’élevage

- Nettoyage, désinfection et vide sanitaire;

- Vaccination contre les agents primaires des infections respiratoires, surtout la maladie de Newcastle et la bronchite infectieuse (Gordon, 1979);

- Surveiller la qualité bactériologique de l’eau et des aliments. Le traitement de l’eau (eau de javel) réduit sensiblement le niveau de sa contamination (Gross, 1984) ; Résultant de la contamination fécale des coquilles, l’infection colibacillaire de l’embryon est à l’origine de la mortalité en coquille, ou plus fréquemment encore, de la mortalité embryonnaire (Desmettre, 1981; Gordon, 1979). De ce fait, il semble impératif d'intervenir au niveau des élevages des reproducteurs et au niveau des couvoirs pour réduire la contamination des œufs à couver et ce par :

- Respect rigoureux des règles d’hygiène et normes de biosécurité;

- Ramassage fréquent des œufs et transport au couvoir dans des véhicules propres ;

- Fumigation ou désinfection des œufs deux heures au maximum après la ponte;

- Régime riche en protéines, et un niveau élevé de vitamine E (augmente la résistance des poussins) (Gross, 1984; Gross, 1988.).

Prophylaxie médicale

Il existe un vaccin vivant utilisé chez le poulet âgé de plus de 14 jours et un vaccin inactivé contre les sérotypes O 2: K 1; O 78: K 80. De même la vaccination des reproducteurs confère une protection à la progéniture durant 2 semaines (Barnes & Lozano, 1994). Actuellement, il existe un vaccin vivant atténué commercialisé au Maroc (Bouzoubaa & El Amrani, 2007). Cependant La diversité antigénique des sérotypes d’E. Coli risque de rendre l’efficacité des vaccins mis au point limitée (Cheville & Arp, 1978).

Conclusion et perspectives 

En conclusion, nous pouvons confirmer que la colibacillose aviaire est une des maladies les plus fréquentes chez la volaille au Maroc, impliquant des pertes économiques importantes. L’utilisation abusive des antibiotiques engendrent des problèmes d’antibiorésistance et par conséquent un problème de santé publique vétérinaire.

De ce fait il serait judicieux de penser à des perspectives alternatives afin de protéger les élevages avicoles et préserver la santé publique notamment le recours aux solutions innovantes tel que le développement des auto-vaccins sur mesure.

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Publié-e

15-09-2021

Numéro

Rubrique

Pathologies Bactériennes Avicoles