Prévalence de Salmonella et Campylobacter dans quelques élevages avicoles et établissements d’abattage au Maroc
Résumé
L’objectif de cette étude a été de fournir des données relatives à la prévalence de la contamination par Campylobacter et Salmonella en amont et en aval de la filière avicole. Un total de 104 prélèvements ont été réalisés au niveau de 12 différentes unités de production ; 4 élevages de reproducteurs (n=8), 4 élevages de poulets de chair (n=8), 4 élevages de poules pondeuses (n=8); 4 tueries artisanales de poulets (n=40) et au niveau d’un abattoir avicole industriel (n=40). La recherche des deux bactéries a été réalisée par des écouvillonnages cloacaux pour les unités de production et par des prélèvements de la peau du cou et des ceaca pour les tueries et l’abattoir. Au niveau des élevages, la contamination par Campylobacter a été observée uniquement dans deux élevages sur quatre de poulets de chair ; par contre Salmonella n’a pas été isolée. Pour les tueries, la prévalence de contamination par Campylobacter et Salmonella a été de 20% (4/20); tandis que pour l’abattoir une prévalence de 15% (3/20) a été enregistrée pour Salmonella alors qu’aucun Campylobacter n’a été isolé.
Mots clés: Campylobacter, Salmonella, prévalence, poulet, abattoir
Introduction
Actuellement, la sécurité sanitaire des produits alimentaires est devenue un enjeu majeur de santé publique, comme en témoigne les crises; d’encéphalopathie spongiforme bovine, de dioxine, de syndrome hémolytique et urémique, ainsi que les débats sur l’utilisation des antibiotiques en élevage. Aussi, l’évolution des modes de production, de distribution, de préparation et de consommation soulève de nouveaux problèmes de salubrité des aliments et le risque alimentaire est peu toléré par une population de plus en plus exigeante. Chaque année, près d’un tiers des habitants des pays développés contracte une affection d’origine alimentaire, et la proportion est sans aucun doute plus élevée encore dans les pays en développement. Parmi les pathogènes alimentaires zoonotiques au centre des préoccupations, nous trouvons Campylobacter et Salmonella. En effet, au niveau de l’Union Européenne, Campylobacter est à l’origine du plus grand nombre de cas de toxi-infections alimentaires avec 190. 566 cas confirmés, suivi de 131.468 cas de salmonelloses (EFSA, 2010). Aux États-Unis, Campylobacter et Salmonella prennent la tête des affections d’origine alimentaire; les données relatives à la surveillance de Campylobacter indiquent une prévalence d’environ 2,4 millions d’infections chaque année avec un taux d’incidence de 12,7 cas pour 100.000 habitants (Tobin, 2009). Toutefois, La situation dans les pays en voie de développement s’avère plus grave en absence d’un système de contrôle et de surveillance de la campylobactériose. Les données rapportées sont généralement les résultats de travaux de recherche qui rapportent des taux d’isolement de Campylobacter allant de 5 à 20% (Akitoye et al., 2010). A l’échelle nationale, et contrairement à Salmonella, les études sur Campylobacter sont fragmentaires et limitées. Notre travail a pour objectif d’évaluer le niveau de contamination du poulet par Campylobacter et Salmonella à différents maillons de la filière avicole en allant des unités de production jusqu›à l’abattage et la préparation des carcasses.
Matériel et méthodes
Douze élevages de la région d’Azemour ont été choisis pour cette étude; ils appartiennent, à nombre égale, à trois catégories de production: le poulet reproducteur (n=4), le poulet de chair (n=4) et la poule pondeuse (n=4). Dans chaque élevage, 5 individus sont choisis au hasard et sont écouvillonnés deux fois, une pour la recherche de Campylobacter et une pour Salmonella. Le tableau 1 présente quelques caractéristiques des élevages concernés par l’étude.
Après trempage dans le milieu de transport, des écouvillons stériles sont appliqués dans le cloaque pour récupérer la matière fécale. Les milieux de transport choisis ont été le bouillon Preston (Bio-Rad, Marnes la Coquette, France) et l’eau peptonée tamponnée (Bio-Rad, MarneslaCoquette, France) respectivement pour Campylobacter et Salmonella.
Une fiche d’information a été remplie à l’issue de chaque prélèvement. Elle comportait les informations nécessaires sur l’élevage. Par la suite, les prélèvements ont été acheminés dans un caisson isotherme muni de plaques eutectiques, ne dépassant pas 4°C. Les échantillons ont été ramenés au laboratoire de Microbiologie de l’Unité d’Hygiène et Industrie des Denrées Alimentaires d’Origine Animale de l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, dans un délai ne dépassant pas 3 heures, et traité le jour même. La figue 1 illustre la technique d’écouvillonnage du cloaque.
Un nombre de 80 prélèvements ont été réalisés ; ils sont issus de 4 tueries à Casablanca et un abattoir avicole. Nous avons opté pour les échantillons de la peau du cou et des caecas, afin de faciliter les modalités de prélèvements, d’éviter d'abîmer les carcasses de poulets et de déprécier leur valeur marchande. Les caecas (poids moyen 10g) sont séparés du reste de la masse intestinale avec des ciseaux stériles, ensuite mis dans un sachet stérile portant référence de l’échantillon (sachet Stomacher). Tandis que les peaux de cou (poids moyen 40 g) sont prélevées et placées directement dans le sachet Stomacher avec identification. Les échantillons prélevés sont transportés sous régime de froid et amenés rapidement au laboratoire (environ 2 heures) et traités le jour même. L’organisation des prélèvements au niveau des tueries et l’abattoir figurent dans le tableau 2.
La méthode retenue pour la recherche de Salmonella a été celle de la Norme ISO 65-79 (2007). La recherche de Campylobacter a été réalisée selon la norme marocaine NM ISO 10272-2 (2006).
Résultats et discussion
Les résultats des échantillons en provenance des tueries ont montré une contamination de Salmonella avec un taux de 20% (4/20), tandis que ce taux est de 15% (3/20) dans les échantillons issus de l’abattoir avicole. Les élevages se sont avérés indemnes de Salmonella. Les tableaux 3 et 4 présentent respectivement le nombre de souches isolées et la prévalence de Salmonella et de Campylobacter au niveau des tueries et de l’abattoir.
Au niveau des tueries, Campylobacter a été détecté dans 4 des 20 carcasses analysées, soit un taux de contamination de 20%. Toutefois, il n’a pas été isolé sur les échantillons prélevés au niveau de l’abattoir avicole industriel. Au niveau des élevages, 2 sur 4 des échantillons en provenance d’élevage de poulet de chair sont contaminés par Campylobacter.
La prévalence de contamination par les salmonelles dans les élevages de poulet de chair, de reproducteurs et de la poule pondeuse a été de 0%. Cette prévalence est en dessous de celle des états européens. Ainsi, elle varie de 1 à 11% en 2005 avec des taux très bas en Scandinavie et des taux élevés dans les pays du sud de l’Europe (Grèce, Espagne, Italie) (Van Immerseel et al., 2005). Toutefois, cette prévalence doit être interprétée avec précaution, du fait que notre étude avait porté uniquement sur 12 unités de production de catégories différentes, situées dans la même zone et dont l’effectif pouvait atteindre 100.000 individus pour certaines unités; il s’agit, donc de grands élevages qui appliquent les normes de biosécurité et qui veillent sur le respect des calendriers de vaccination et la bonne conduite des traitements antibiotiques. A noter aussi que les volailles dans les élevages visités ne présentaient pas de signes d’éventuelles pathologies et que le taux de mortalité signalé par les éleveurs était très faible. En outre, les 4 unités de poules pondeuses venaient de recevoir un traitement antibiotique à base d’enrofloxacine 10 jours avant notre visite, sans oublier l’utilisation prophylactique des antibiotiques pour la lutte contre les salmonelloses et autres pathologies infectieuses. Tous ces facteurs peuvent expliquer l’absence de Salmonelles au niveau de ces élevages. La présence de Campylobacter chez le poulet de chair, et uniquement dans les bandes de 30 et 34 jours, peut s’expliquer par le fait que les niveaux de colonisation des poulets de chair sont liés à leur âge. En fait, la majorité des lots sont négatifs jusqu’à l’âge de 2 à 3 semaines, dès que la contamination par Campylobacter a lieu dans un lot de poulets, la transmission est extrêmement rapide du fait de la coprophagie et jusqu’à 100% des oiseaux deviennent infectés en 72 heures (Jay, 2009).
La prévalence de Campylobacter au niveau des tueries a été de 20%, elle est voisine des 25% rapportée par Uyttendaele (1999) en Belgique et des prévalences rapportées en Suisse qui varient de 21,9% à 22,8% respectivement selon Ledergerber et al. (2003) et Fridiani-Wolf et Stephan (2003). Au Ghana, Campylobacter n’a pas été détecté au niveau des carcasses de poulets (Sackeyet al., 2001). Cette prévalence de Campylobacter reste très en dessous des prévalences rapportées aux États Unis (82%) (Dickins et al., 2002), en France (86,6%) (Mariescu et al., 1987) et au Maroc dans la ville d’Oujda (68,33%) (Jouahri et al., 2007). La prévalence de Salmonella dans les tueries et à l’abattoir avicole industriel a été respectivement de 20 et 15 %. Ces valeurs sont nettement inférieures à celles observées dans une étude menée dans la Wilaya de Tanger, où 260 échantillons ont été prélevés au niveau des divers points de vente (Benazzouz, 2007). Dans cette étude, 186 échantillons (72%) ont été contaminés par Salmonella, avec une prédominance du sérotype Enteritidis (de 44%). Nos résultats sont également nettement supérieures à ceux rapportés par dans des études menées d’autres régions ; à Casablanca où uniquement deux carcasses ont été contaminées sur les 192 analysées, soit une prévalence de 1,6% (Cohen et al., 2007), à Oujda où une seule carcasse a été contaminée sur les 60 analysées (1,6%) (Jouahri, 2009) et à l’abattoir de Rabat (0%) (Aymar, 1998).
Cette différence dans les résultats rapportés pourrait être due au faible nombre d’échantillons analysés et à la différence dans les conditions expérimentales dont notamment la température de transport et le stockage avant l’analyse ainsi que la saison d’étude. Certaines souches de C. coli peuvent être inhibées par les antibiotiques présents dans le bouillon de Preston (Corry Post et al., 1995), ce qui pourrait expliquer en partie le faible taux de détection de Campylobacter au niveau du poulet. De plus, Musgrove et al. (2010) ont démontré que l’enrichissement des échantillons caecaux conduit à une diminution du taux de détection et ne permet pas une estimation réelle du nombre de Campylobacter, du fait que le grand nombre de bactéries qui envahissent l’intestin peuvent l’exclure pendant l’enrichissement, ces bactéries proviennent en général des conditions d’hygiène défavorables. La différence de prévalence entre les unités de production et celle de transformation, peut s’expliquer par l’accumulation des conditions favorables de contamination croisée, à la prolifération bactérienne, les manipulations que subissent les carcasses, les conditions de chaleur et d’humidité, la précarité de l’hygiène des locaux et des opérations d’abattage, la faible fréquence de nettoyage et de désinfection sans oublier l’absence de sensibilisation de la main d’ouvre (Elgroud, 2009).
Conclusion
L’objectif de cette étude a été de déterminer la prévalence de Salmonella et Campylobacter dans la filière avicole au niveau de deux maillons essentiels: les élevages et l’abattage-préparation dans les tueries artisanales et l’abattoir avicole industriel. La partie expérimentale a détaillé la recherche de la prévalence de Salmonella et Campylobacter à travers des échantillons de peau du cou et de ceaca des volailles. Les prévalences enregistrées de Campylobacter ont été de 50% dans les élevages de poulet de chair et 20% pour les tueries. Tandis que pour Salmonella nous avons noté une prévalence de 20% pour les tueries et 15% pour l’abattoir. Ces taux ne sont pas en corrélation avec d’autres études menées au Maroc. Par conséquent, des études plus élargies et avec des capacités expérimentales plus grandes sont vivement souhaitées.
Références
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