Appréciation de la qualité bactériologique des carcasses de volaille préparées dans un abattoir avicole industriel
Résumé
Le présent travail a pour but l’appréciation de l’hygiène au niveau d'un abattoir avicole industriel par analyse bactériologique des carcasses du poulet juste après la fin des opérations d'abattage et de préparation. Sur une période de deux mois, 32 carcasses ont été écouvillonnées, par la technique du double écouvillonnage (10 cm2) au niveau de trois sites : La région du cou, la région du bréchet et celle du cloaque. L'étude bactériologique a porté sur le dénombrement de la charge microbienne globale, de la flore psychrotrophe et celle d'origine fécale. L'étude a porté également sur la recherche de Yersinia enterocolitica et de Salmonella. Les charges bactériennes moyennes enregistrées pour les différentes flores recherchées sont inférieures ou similaires à celles rapportées par d'autres travaux réalisés sur la qualité hygiénique de la volaille préparée et commercialisée au Maroc. Cette étude a montré une variation significative de la charge bactérienne entre les trois sites écouvillonnés sur la même carcasse. D’une manière générale, le cou s'est montré comme étant le site le plus contaminé, suivi de la région du cloaque et en dernier lieu de celle du bréchet. Par contre, aucune Salmonella ou Yersinia enterocolitica n'a été isolée à partir des carcasses analysées.
Mots clés: Hygiène, abattoir, analyse bactériologique, carcasses de poulet
Téléchargements
Introduction
Au Maroc, l’aviculture a connu un développement considérable durant les deux dernières décennies. Ce développement a intéressé surtout les structures en amont de la production: installation de couvoirs, développement de l’industrie provendière, construction d’élevages industriels et encadrement vétérinaire total du secteur. Toutefois, les structures en aval de la production sont restées rudimentaires. Ainsi, l’absence d’organisation des structures de commercialisation, d’abattage et de préparation de la viande du poulet, représentent la contrainte majeure au développement du secteur avicole.
Jusqu’à l’heure actuelle, le poulet est préparé en majorité dans des conditions très défectueuses d’hygiène, en effet, selon l’Association Nationale des Abattoirs Industriels Avicoles, le Maroc ne compte actuellement que 25 abattoirs agréés, et 92 % de la production avicole au Maroc transite par le circuit informel, qui compte près de 15 000 tueries (Sidiguitiebe, 2016).
De point de vue hygiénique, la viande de volaille est susceptible d’être contaminée au cours de l’abattage, de la préparation et de la transformation. Pour cela, des mesures rigoureuses d’hygiène doivent être instaurées pour éviter l’altération de la viande et l’apparition de foyers de toxi-infections chez l’homme.
Au Maroc, plusieurs études sur l’appréciation de la qualité hygiénique de la viande de volaille ont été menées (Mikou, 1994; Karib, 1995; Badou, 1996). Ces études ont rapporté l’insuffisance de l’hygiène au moment de l’abattage et de la préparation du poulet et la présence d’un risque sanitaire réel lié à une contamination d’origine fécale très importante. L’objectif du présent travail a été d’évaluer le niveau de contamination bactérienne superficielle des carcasses de poulet préparées au niveau d’un abattoir avicole industriel, par l’analyse de la flore mésophile aérobie totale (FMAT), de la flore psycrotrophe et des coliformes fécaux, et par la recherche de deux germes pathogènes, à savoir : Salmonella spp et Yersinia enterocolitica.
Matériel et méthodes
Les prélèvements ont été réalisés sur un nombre de 32 carcasses de poulet choisies au hasard à raison de 4 carcasses par semaine pendant deux mois. Les carcasses ayant fait l’objet de prélèvement sont déclarées salubres à la consommation publique après inspection sanitaire vétérinaire. Tenant compte de l’hétérogénéité de contamination des sites et de la répartition des germes en surfaces des carcasses, il est nécessaire de faire appel à plusieurs sites de prélèvement. Ainsi trois sites ont été sélectionnés : Cou, bréchet et cloaque. Nous avons utilisé la méthode du double écouvillonnage en raison de sa simplicité et de son caractère non destructif et non dépréciatif de la carcasse. La surface écouvillonnée est de 10 cm2.
Le dénombrement de la FMAT est réalisé sur la gélose « late Count Agar» (PCA) (Bio-Rad, Marnes la Coquette, France). La lecture est effectuée après 48 heures d’incubation à une température de 37 oC. Comme pour la FMAT, le dénombrement de la flore psychrotrophe (FP) est effectué sur la gélose PCA. L’ensemencement et la lecture se font de la même manière que pour la FMAT. L’incubation est réalisée à 7 °C pendant 10 jours. L’évaluation de la contamination d’origine fécale a été faite par le dénombrement des coliformes fécaux (CF) sur la gélose au désoxycholate lactose (Bio-Rad, Marnes la Coquette, France) en double couche. L’incubation du milieu est réalisée pendant 24 heures à 44°C.
La recherche des salmonelles comporte 4 étapes successives: Pré-enrichissement (Eau peptonée tamponée à 37°C/24 h), enrichissement sur milieux sélectifs liquides (Bouillon au tétrathionate de sodium, Bouillon au sélénite-cystine, Bio-Rad, Marnes la Coquette, France; respectivement à 37°C/24h et 44°C/24h), isolement sur milieux sélectifs solides (Gélose vert brillant, Gélose Hektoen, Gélose Salmonella-Shigella, Bio-Rad, Marnes la Coquette, France) et identification (Fermentation du lactose, glucose et production de gaz et d’H2S, Hydrolyse de l’urée, Recherche de la β- galactosidase, Mannitol-mobilité- nitrate).
La recherche de Yersinia enterocolitica repose sur l’enrichissement à froid (4°C pendant 3 semaines) suivi d’un isolement (sur le milieu Cefsulodine- irgasan-novobiocinne; Bio-Rad, Marnes la Coquette, France; à 30°C/18-24h) et d’une identification (production de H2S, fermentation du glucose et du lactose, Recherche de la β-galactosidase, Hydrolyse de l’urée, Recherche de la phénylalanine désaminase, Recherche de la mobilité, Recherche de la lysine décarboxylase, Tests de l’ornithine decarboxylase et de l’arginine dihydrolase, Utilisation de citrate, Réaction au rouge de méthyl et de Voges –Proskauer, Production d’indole, Réduction des nitrates, Fermentation des sucres).
Résultats et discussion
D’une manière générale, les charges moyennes en FMAT pour les 32 carcasses analysées oscillent entre un minimum de 2.103 ufc/cm2 et un maximum de 2,3.105 ufc/cm2. La moyenne globale enregistrée est de l’ordre de 2,9.104 ufc/cm2. Le degré de la contamination par la FMAT au niveau de la région du cou varie d’un minimum de 8,7.102 ufc/cm2 à un maximum de 3,8.105 ufc/cm2 avec une moyenne de 4.104 ufc/cm2. La moyenne de la charge microbienne globale des 32 carcasses au niveau du brechet est de1,8.104 ufc/cm2. Les teneurs moyennes sont comprises entre un minimum de 8,9.102 et un maximum de 9,5.104 ufc/cm2. Sur les 32 carcasses analysées, le niveau moyen de contamination par les germes totaux est de 3,1.104 ufc/cm2. Il varie d’un minimum de 1,3.103 ufc/cm2 à un maximum de 1, 1.105 ufc/cm2 (Tableau 1).
La charge microbienne globale des carcasses est de l’ordre de 2,9.104 ufc/cm2 (4,46 log ufc/cm2). Elle est légèrement inférieure aux valeurs citées par Jouve (1996) qui sont de 5.105 ufc/g. Cet auteur avait prélevé sur les carcasses des lambeaux de peau. Cette méthode destructive est plus précise car elle permet de prélever le maximum de germes existants à la surface de la peau des carcasses de volailles (Reinheimer et al., 1988).
Dans notre étude, les prélèvements ont été réalisés juste après la fin de l’abattage par la méthode de double écouvillonnage. Cette méthode de prélèvement a l’avantage d’être simple, non destructive et non dépréciative mais présente l’inconvénient majeur de ne récupérer que partiellement les microorganismes présents à la surface des carcasses (Letouze et al., 1986). En utilisant la même méthode d’écouvillonnage, Williams et al. (1992), ont rapporté une moyenne de 2,4.103 ufc/cm 2, tandis que Reinheimer et al. (1988) ont trouvé une charge en flore totale de l’ordre de 1,2.105 ufc/cm2. Dans ces études, les auteurs ont réalisé leurs prélèvements respectivement après éviscération et avant refroidissement.
Au Maroc, Mikou (1994) a mené une étude sur la qualité bactériologique du poulet préparé dans trois tueries de Rabat et a rapporté une moyenne de contamination de l'ordre de 1,3.105 ufc/cm2 qui est supérieure à la valeur qu’on a trouvée. Cette teneur assez élevée pourrait être expliquée par la contamination au moment de la plumaison ou à partir de la paillasse où le poulet est déposé pour l’éviscération manuelle. De même, l’humidité élevée et l’absence de ventilation au niveau des tueries artisanales permettent le développement et la multiplication des bactéries. En effet, l’étude menée par Abarbach (1992) a montré l’insuffisance de l’hygiène au moment de l’abattage et de la préparation du poulet et la présence d’un risque sanitaire réel lié à la contamination très importante.
Nos résultats sont par conséquent comparables à ceux trouvés par Mead et al. (1993) au niveau de 5 abattoirs avicoles en Angleterre et qui sont respectivement de l’ordre de: 4,6; 4,8;4,4 ;4,4 et 4,6 log ufc/cm2. Selon la classification du degré de contamination des surfaces des viandes rapportée par Jennifer et al. (1986), la charge globale en FMAT enregistrée est classée intermédiaire et acceptable. La contamination bactérienne des carcasses n’est pas uniforme. Il existe une variation en fonction des sites de prélèvements qui est statistiquement significative (1,91%) (Tableau 2). Cette variation du dénombrement de la microflore superficielle en fonction de la zone de prélèvement a été rapportée par d’autres auteurs (Karib et al., 1994). Le cou présente la charge la plus élevée en FMAT (4.104 ufc/cm2 ou 4,6 logs ufc/cm2). Cette teneur est nettement inférieure à celle trouvée par Olivier et al. (1996) au niveau de la région du cou de la volaille préparée dans un abattoir avicole et qui est de l’ordre de 5,6 log ufc/cm2/g. Selon le test de Newman et Keuls seuil de 5%), le cou est le site le plus contaminé. Le même résultat a été rapporté par Olivier et al. (1996) qui attribue la forte contamination au fait que les carcasses de poulet sont constamment suspendues ; l’eau de lavage vient des parties supérieures et ramène davantage les germes de contamination vers le cou (Figure 1).
Le cloaque (risque de contamination fécale) présente un niveau de contamination intermédiaire parfois proche de la région du cou et suivi par la région du bréchet qui présente le niveau de contamination le plus bas.
La flore psychrotrophe (FP) est généralement utilisée pour déterminer le risque d’altération des carcasses au niveau des chambres froides et pour prévoir le temps d’apparition du poissage (Jouve, 1990). La charge globale en FP retrouvée sur les carcasses de poulet analysées est de l’ordre de 2,7.104 ufc/cm2. Elle varie d’un minimum de 1,2.103 ufc/cm2 à un maximum de 1,4.105.Les dénombrements élevés de la FMAT s'accompagnent souvent de niveaux élevés en flore psychrotrophe. Cette flore est constituée en grande partie par les Pseudomonas (Karib et al., 1994). Ces dernières peuvent se multiplier excessivement en présence d’une humidité relative importante et une aération insuffisante dans les locaux de réfrigération (Letouze et al., 1985). Ces bactéries putréfiantes peuvent donner naissance également à des amines diverses, éventuellement toxiques à l’égard des personnes sensibles manipulant ou ingérant la viande contaminée (Jouve, 1990).
Les valeurs de la contamination par la FP au niveau du cou varient de 5,8.102 à 1.105 ufc/cm2. La charge moyenne en FP est de l’ordre de 2,7.104 ufc/cm2 Les valeurs de la FP enregistrées varient entre un minimum de 2,1.102 et un maximum de 3,5.105 ufc/cm2 avec une moyenne de 2,5.104 ufc/cm2. Le niveau moyen de contamination au niveau du cloaque est de l’ordre de 2,8.104 ufc/cm2 avec un minimum de 3.102 et un maximum de 2,4.105 ufc/cm2. La charge moyenne en FP pour les 32 carcasses analysées est de 2,7.104 ufc/cm2. Elle est légèrement supérieure à celle rapportée par Reinheimer et al. (1988) et qui est de l’ordre de 3,7.103 ufc/g témoignant d’un niveau de contamination légèrement plus faible. Cependant, notre résultat reste inférieur à celui trouvé par Mikou (1994) qui a enregistré un niveau moyen de contamination par la FP de l’ordre de 3,1.104 ufc/cm2Contrairement à la FMAT, l’analyse statistique ne révèle aucune différence significative de contamination par la FP (6,72%) entre les trois sites de prélèvements (Tableau 2), ce qui prouve que la contamination par la FP est principalement d’origine environnementale (environnement de l’abattoir, équipements, personnel...).
La charge globale de la contamination par les coliformes fécaux (CF) est de l’ordre de 1,2.103 ufc/cm2 (3,07 log ufc/cm2). Les valeurs moyennes oscillent entre un minimum de 1,4.102 ufc/cm2 et un maximum de 2,5.103 ufc/cm2. Les dénombrements en CF au niveau du cou varient entre 6,5.10 et 6,2.103 avec une moyenne de 1,1.103 ufc/cm2. Au niveau du brechet, les teneurs en CF oscillent entre 3.101 et 3,9.103 ufc/cm2 avec une valeur moyenne de 7,2.102 ufc/cm2. Au niveau du cloaque, les charges varient entre 7.102 et 5,4.103 ufc/cm2 avec une moyenne de 1,7.103 ufc/cm2. La contamination moyenne des carcasses de poulet par les coliformes fécaux (1,2.103 ufc/cm2) est largement inférieure à celle trouvée par Badou (1996) qui est de l’ordre de 2,6.105 ufc/g de peau.
Dans cette étude, les prélèvements ont été effectués juste après éviscération manuelle du poulet préparé d’une manière traditionnelle au niveau des tueries de la Wilaya de Rabat. Il est bien connu que l’éviscération manuelle participe énormément à la contamination superficielle des carcasses de poulet par les germes fécaux. Cette contamination fait suite à la rupture des intestins et le passage des germes du tube digestif d’une carcasse à l’autre à travers les mains des ouvriers et par l’eau utilisée pour le lavage des carcasses.
En comparaison avec le résultat rapporté par Mikou (1994) sur des prélèvements effectués dans 3 tueries (1,2.104 ufc/cm2), nos résultats sont nettement inférieurs. Ceci peut s’expliquer par une hygiène défectueuse au niveau de ces tueries lors de la préparation des carcasses (eau d’échaudage souillée, manipulations manuelles, paillasse souillée, températures élevées du local de travail).Par contre, nos résultats sont proches à ceux trouvés par Mead et al. (1993) au niveau de 5 différents abattoirs avicoles. Ils sont respectivement de 3,4; 3,6; 2,3; 3,1; 3,1 (log ufc/cm2).L’analyse statistique a révélé une différence significative de contamination par les coliformes entre les trois sites de prélèvements (4,64 %). En effet, les moyennes en CF les plus élevées se trouvent dans la région du cloaque. Cette dernière est, malgré le lavage,des carcasses constitue l’endroit le plus contaminé. Ce résultat est tout à fait normal étant donné le risque que présente le cloaque de se contaminer plus facilement par les matières fécales. Les CF s’attachent au cloaque et ne s’éliminent pas totalement lors du lavage. Le bréchet est le site le moins contaminé ; probablement à cause de l’opération du douchage des carcasses qui est centrée à ce niveau et qui permet d’éliminer une bonne partie de germes. Le cou présente une contamination intermédiaire de l'ordre de 3 log ufc/cm2, ceci peut être dû au lavage qui est en faveur de la localisation des germes dans la partie antérieure de la carcasse. En effet, les carcasses de volaille sont constamment pendues, les eaux du douchage glissent rapidement vers les parties inférieures et permettent ainsi la contamination.
D’une façon générale, pour la totalité des flores étudiées, les valeurs moyennes trouvées au niveau des carcasses de poulets sont proches ou inférieures à celles rapportées par d’autres auteurs. En effet, si la valeur moyenne observée de la FMAT est de 2,9.104 ufc/cm2 des valeurs nettement supérieures ont été enregistrées lors d’autres études au Maroc (Mikou, 1994; Badou, 1996), ou à l’étranger (Reinheimer et al., 1988; Izat et al., 1988). Ces études rapportent des teneurs qui dépassent 5 log ufc/cm2.Des valeurs proches sont rapportées par Mead et al. (1993). Mais notre valeur moyenne reste 10 fois plus élevée à la valeur trouvée par Williams et al. (1992) qui est de l’ordre de 2,4.103 ufc/cm2.Pour la FP, nous avons obtenu un dénombrement moyen de 2,7.104 ufc/cm2, alors que Reinheimer et al. (1988) et Mikou (1994) ont enregistré des valeurs respectives de l’ordre de 3,7.103 et 3,1.104 ufc/cm2.La teneur moyenne en CF enregistrée est de 1,2.103 ufc/cm2, alors que Badou (1993) et Mikou (1994) ont obtenu des taux nettement supérieurs et qui sont de l’ordre de 2,6.105 ufc/g de peau et 1,2.104 ufc/cm2 respectivement. Ces différences peuvent être expliquées par le fait que nous avons effectué les prélèvements justes après la fin de l’abattage.
Il est bien connu que le lavage réduit la charge bactérienne de surface, sans oublier le niveau satisfaisant d’hygiène de l’abattoir d’étude qui influence la qualité bactériologique des carcasses. Le résultat qu'on a obtenu montre qu'il est indispensable de préparer le poulet dans un abattoir avicole industriel afin d'éviter le risque d'altération rapide de la viande et de toxi-infections alimentaires chez l'homme.
Le niveau de contamination varie énormément d’une carcasse à l’autre. Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette variation. Il y a d’une part des variations individuelles qui sont liées au temps séparant les prélèvements qui n’est pas le même pour toutes les carcasses écouvillonnées. D’autres part, il y a les variations de la charge microbienne initiale qui sont étroitement liées aux conditions hygiéniques des élevages d’origine. Il est à rappeler que les prélèvements ont été réalisés sur des carcasses d’origine différente.
Le cou est le site le plus contaminé par le FMAT, le même résultat a été trouvé par Olivier et al. (1996) qui l’a expliqué par la position du cou dans la partie inférieure de la carcasse, ce qui fait qu’après le lavage, le cou, étant suspendu vers le bas, reçoit de l’eau parcourant les parties supérieures et ramène davantage les germes de contamination. Le cloaque est le site le plus contaminé par les CF, peut-être car il est le plus proche de l’endroit de l’éviscération. Il est donc nécessaire, tenant compte de cette hétérogénéité de contamination des sites sur la même carcasse, de faire des prélèvements au niveau de plusieurs sites et de faire une moyenne de contamination. Cette dernière est souvent correcte et renseigne sur le niveau d’hygiène réel des carcasses.
Nous n’avons isolé aucune Yersinia enterocolitica durant toute la période de de l’étude. Yersinia enterocolitica a été détectée dans les viandes des différentes espèces animales au Maroc (Karib, 1995). Le taux global de contamination est de 15,2 % et varie en fonction de l’espèce animale. Il est de 5 % pour la viande de poulet, 13,3 % pour la viande bovine, 14 % pour les langues porcines et 19,4 % dans les carcasses de porc. La présence de biosérotypes pathogènes, particulièrement dans les carcasses et les langues porcines est un fait hautement significatif pour la santé publique au Maroc étant donné que ces biosérotypes sont retrouvés dans des produits carnés reconnus salubres pour la consommation publique. L’isolement de ces sérotypes pathogènes de Yersinia enterocolitica confirme le rôle du porc en tant que réservoir majeur de ces micro-organismes.
A côté de la viande porcine, la viande bovine et le poulet peuvent jouer un rôle secondaire comme réservoir du moment que des sérotypes reconnus pathogènes ont été isolés. L’étude de Toquin et Lahellec (1989) sur la recherche de Yersinia dans la filière avicole, réalisée sur 720 prélèvements à différents stades de la filière (élevages, abattoirs, ateliers de découpe...) a montré que Yersinia est parfois présente sur les volailles vivantes. Cependant, elle n’est pas retrouvée régulièrement ni dans les élevages, ni à partir des carcasses et produits de découpe en France. Par ailleurs, les sérotypes isolés ne font pas partie de ceux qui sont habituellement reconnus comme pathogènes pour l’homme.La volaille est contaminée par Yersinia enterocolitica au moment de l’abattage par le contenu intestinal des animaux vivants ou par les autres types de contamination au moment du transport et de la vente.Le taux d’isolement de Y. enterocolitica (5%) au niveau du poulet préparé dans des tueries de Rabat (Karib, 1995) est similaire aux taux de 5,5 % rapporté par Khalafalla (1990) et Bersani et al. (1984) respectivement en Égypte et en Italie. Il est cependant supérieur au taux de 2 % rapporté en Espagne par Yangüela et al. (1987).
L’absence de Y. enterocolitica dans nos échantillons pourrait trouver son explication dans le fait que le poulet étudié présente une qualité hygiénique satisfaisante, liée à des conditions correctes d’abattage et de préparation. En effet, l’abattoir d’étude est agréé par l’autorité compétente sanitaire et dispose d’un système d’abattage et de préparations, caractérisées par une division des opérations en postes de travail spécialisés et par la mécanisation des différentes opérations de préparation du poulet. L’installation comporte également un convoyeur mécanique qui achemine les carcasses jusqu’à la fin de la chaîne, alors que les abats sont dirigés vers les ateliers annexes spécialisés au fur et à mesure de leur extraction.
De même, dans un mélange de cultures bactériennes, la croissance de Y. enterocolitica est inhibée par les autres entérobactéries et par les bactéries d’altération. Pour remédier à ce problème de compétitivité, certains auteurs recommandent l’utilisation d’un enrichissement à deux étapes et l’emploi de substances inhibitrices de la flore indésirable (Chao et al., 1988).
L’infection à Salmonella est assez fréquente chez la volaille, entraînant non seulement des pertes économiques pour le secteur avicole, mais aussi une menace réelle pour la santé publique suite à la consommation de viandes et d’œufs contaminés par Salmonella. Une étude menée par El Jaziz (1998) sur la prévalence de Salmonella Enteritidis chez le poulet de la région de Rabat-Salé-Zemmour-Zäer, a montré que 50% des élevages sont contaminés par Salmonella et que le taux de contamination est hétérogène d’un élevage à l’autre. Cinq sérotypes de Salmonella ont été identifiés: S. enteritidis (57,2 %), S.pulorum/gallinarum (21,4%), S. typhimurium (7,1 %), S. infantis (7,1 %) et S. virshow (7,1 %).
Durant notre étude et à partir des trois géloses d’isolement utilisées, nous avons prélevé 45 isolats suspects d’être des Salmonella. Sur les 45 isolats, aucun ne s’est montré conforme aux tests biochimiques d’identification utilisés après repiquage sur une gélose de conservation. Dans l’étude de Badou (1996) et sur un total de 100 carcasses de poulet prélevées des ateliers traditionnels d’abattage, des boucheries et des vendeurs au souk à Rabat, Salmonella a été isolée dans 11 % des prélèvements. Les sérotypes isolés se répartissent comme suit: S. newport (41,6%), S. infantis (25%), S. Enteritidis (16,6%), S. paratyphi (8,3%) et S. bovismorbificans (8,3%).La contamination des carcasses à l’abattoir par Salmonella se fait à partir des animaux porteurs sains. Il s’agit d’une contamination croisée, se réalisant lors de la progression le long de la chaîne d’abattage. Les étapes critiques de contamination sont l’échaudage à température <52°C, par l’intermédiaire des pattes, des plumes et par les fientes suite au relâchement sphinctérique post-mortem, ou bien suite à un mauvais nettoyage et désinfection des bacs d’échaudage (Salvat et al., 1994). De même, l’étape de la plumaison et en absence de rinçage à haute pression avec de l’eau chlorée à 20 ppm entraîne un transfert de la contamination des plumes vers les follicules plumeux et à la surface de la peau. Le refroidissement par arrosage de la carcasse entraîne la fermeture des follicules plumeux dilatés qui emprisonnent les bactéries (El Jaziz, 1998).
L’éviscération est considérée comme l’une des étapes les plus contaminantes du processus d’abattage surtout quand l’éviscération est manuelle. Dans les abattoirs avicoles industriels, l’éviscération est souvent automatique et ne peut entraîner une rupture de l’intestin que lorsque les machines sont mal réglées. Le rinçage en continu de la carcasse entraîne une diminution significative de la contamination entérique (Salvat et Colin, 1996). L’absence de germes pathogènes dans les échantillons analysés ne peut constituer une preuve tangible et rassurante de l’absence de Salmonella et de Y. enterocolitica dans la viande de poulet. En effet, le nombre de 32 carcasses analysées semble être relativement faible en le comparant au nombre d’échantillons réalisés par les autres auteurs (Mikou, 1994; Badou, 1996). De même, la technique du double écouvillonnage, malgré son caractère non dépréciatif de la carcasse, ne permet pas de prélever la totalité des germes de surface (Letouze et al., 1985).
Conclusion
Dans cette étude, nous nous sommes intéressés à l’analyse bactériologique de 32 carcasses de poulet en vue de contribuer à l’appréciation de l’hygiène au niveau d’un abattoir avicole industriel. Les prélèvements ont intéressé la région du cou, du bréchet et du cloaque. Au terme de ce travail, nous pouvons dégager les conclusions suivantes : Les carcasses étudiées présentent une qualité hygiénique satisfaisante, la teneur moyenne en contamination globale et d’origine fécale des carcasses de volailles enregistrée est inférieure à celles rapportées dans les travaux réalisés au Maroc sur la qualité bactériologique du poulet préparé en dehors des abattoirs avicoles agrées par l’autorité compétente sanitaire, les dénombrements élevés en FMAT s’accompagnent souvent de niveaux élevés en FP, a distribution des germes totaux et fécaux est très hétérogène sur les carcasses, la région du cou s’est montrée la plus contaminée par la FMAT, suivie de celle du cloaque et du bréchet, les coliformes fécaux contaminent plus la région du cloaque et la contamination en FP n’a pas montré de différence significative entre les 3 sites écouvillonnés.
Sur les 96 échantillons analysés, aucune Salmonella ou Yersinia enterocolitica n’a été isolée.
A la lumière de ces résultats, l’abattoir avicole industriel agrée sur le plan sanitaire s’est montré indispensable pour la préparation du poulet dans des conditions hygiéniques satisfaisantes permettant de garantir un poulet de qualité microbiologique acceptable et sans risques pour le consommateur. Nous pensons de même que L’amélioration des conditions d’abattage et de préparation du poulet à l’échelle nationale est une priorité. Reste à Convaincre les gens placés au stade de la réalisation pratique à abandonner les pratiques traditionnelles néfastes et admettre les notions d’hygiène et de propreté dans les manipulations.
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