Evaluation de l’impact de la dynamique du couvert végétal sur l’érosion hydrique à l’aide de la méthode PAP/CAR et la télédétection spatiale dans le bassin versant de Kharouba (Plateau Central, Maroc)
Résumé
Le présent travail a pour objectif d’évaluer l’impact de la dynamique du couvert végétal forestier sur l’érosion hydrique au niveau du bassin versant de Kharouba dans le Plateau central marocain. La méthodologie adoptée repose sur l’analyse diachronique du couvert végétal entre 1986 et 2008 en se basant sur le traitement des photographies aériennes datées de 1986 et une image SPOT de 2,5 m de résolution datée de 2008. Les cartes du couvert végétal obtenues ont été utilisées pour l’élaboration des cartes des états érosifs de 1986 et 2008, en se basant sur la méthodologie proposée par PAP/CAR. Les principaux résultats de cette étude montrent qu’il y a une évolution régressive du couvert végétal. Cette régression a contribué à l’augmentation du risque de l’érosion hydrique à l’échelle du bassin versant. L’étendue des zones vulnérables à l’érosion hydrique est passée de 39 % de la surface du bassin versant en 1986 à 45% en 2008.
Mots clés: Couvert végétal, Erosion hydrique, Bassin versant, méthodologie PAP/CAR, Plateau Central, Maroc
Téléchargements
INTRODUCTION
La problématique de l’érosion est un phénomène d’acquitté qui prend de l’ampleur au fil du temps de manière remarquable. En effet, les changements rapides du paysage sous l’influence de la pression démographique et des changements climatiques, ont contribué à l’augmentation de l’exposition des terres au processus de ruissèlement, et par conséquent, à la dégradation des sols par l’érosion (Heusch, 1970; Al Karkouri et al., 2000; Naimi et al., 2002; Briak et al., 2016).
Plusieurs travaux ont été consacrés à la compréhension des processus d’érosion dans les montagnes marocaines (Laouina, 1998; Moufaddal, 2002). En effet, l’administration des Eaux et Forêts a lancé un programme ambitieux de modélisation des pertes en terre au niveau de 14 bassins versants. Les résultats de ce programme au niveau du bassin versant de Beht montrent que la superficie à risque s’élève à 87%, avec un taux d’envasement annuel de 1,40 Mm3/an (HCEFLCD, 2007).
Le bassin versant de Kharouba, qui occupe la partie centrale de Beht, connait une dégradation spécifique moyenne relativement élevée, estimée à 4,10t/ha/an. Les pertes à l'exutoire du bassin versant sont évaluées à 60 Milles tonnes par an (HCEFLCD, 2007). Cette situation pourrait constituer une vraie menace pour l’envasement du futur barrage d’Ouljet Soultane en cours de construction. Ce bassin versant possède des potentialités forestières intéressantes occupant plus de 87 % de sa superficie totale. Cependant, ce patrimoine forestier a subi au fil du temps des pressions importantes qui se manifestent par les coupes illicites, le surpâturage et les changements climatiques, ce qui a conduit à l’aggravation du processus de la dégradation des sols par l’érosion hydrique.
Le présent travail a pour objectif de mettre en relief la gravité et l’évolution du phénomène d’érosion et d’évaluer l’impact de la dynamique du couvert végétal forestier sur l’érosion hydrique au niveau du bassin versant de Kharouba.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Présentation de la zone d’étude
Le bassin versant de Kharouba (Figure 1) s’étend sur une superficie de 19888,5 ha, et se situe dans la partie centrale de Beht. Il est caractérisé par la dominance des formations géologiques du primaire. Il présente un relief accentué, un climat semi-aride à Subhumide, caractérisé par une forte variabilité spatiale et temporelle des pluies. L'ensemble de ces facteurs associés à l'occupation des sols et à l'action anthropique favorise sa vulnérabilité à l'érosion.
De point de vue occupation des sols, le bassin versant de Kharouba est dominé par les formations forestières qui occupent plus de 87 % de sa superficie totale. Ces formations sont surtout à base de thuya et du chêne vert (Figure 2).
Figure 1: Carte de situation du bassin versant de Kharouba
Figure 2: Carte d’occupation des sols du bassin versant de Kharouba (2008)
Approche méthodologique
L’approche méthodologique utilisée dans ce travail consiste, dans un premier temps, à réaliser une étude diachronique du couvert végétal à l’aide de missions de photographies aériennes datées du 1986 et une image SPOT de 2,5 m de résolution datée du 2008 afin de quantifier la dynamique spatio-temporelle du couvert végétal. Dans un second temps, elle consiste en l’utilisation de l’approche prédictive de la méthode PAP/CAR (1998), qui a abouti à la cartographie des unités homogènes des états érosifs à deux dates différentes, fournissant ainsi le canevas pour la cartographie du potentiel et des tendances générales d’érosion.
L’approche prédictive de la méthode PAP/CAR (Figure 3) consiste principalement en un traitement de données selon une séquence des opérations suivante :
- Elaboration des cartes des pentes et de lithofaciès ;
- Réalisation de la carte d’érodibilité des sols par superposition des cartes de pentes et des lithofaciès ;
- Elaboration des cartes d’occupation du sol et du couvert végétal de 1986 et 2008, en se basant sur le traitement des photographies aériennes datées du 1986 et une image satellitaire SPOT de 2,5 m de résolution datée du 2008;
- Réalisation des cartes de protection des sols de 1986 et 2008 par superposition des cartes d’occupation du sol et du couvert végétal ;
- Réalisation des cartes des états érosifs par superposition des cartes d’érodibilité et de protection des sols.
Figure 3: Approche prédictive de la méthode PAP/CAR (1998)
RÉSULTATS ET DISCUSSION
Analyse de la carte d’érodibilité des sols
L’analyse de carte d’érodibilité, obtenue par la superposition de la carte des pentes et la carte des lithofaciès, montre que la classe la plus représentative est celle qui appartient à la classe forte avec 38 % de la superficie totale du bassin Kharouba, suivie par la classe d’érodibilité moyenne qui représente 26 % de la superficie totale. Par contre, l’érodibilité faible à modérée affecte seulement 17 % de la superficie totale du bassin (Figure 4).
Par ailleurs, la carte de degré d’érodibilité (Figure 5) indique que là où la pente est forte et/ou le substrat est de faible résistance, l’érodibilité est toujours forte à extrême. Cela peut être observé au niveau de la partie Sud et Sud-Est du bassin versant. Par contre, dans la partie Nord, Nord-Ouest et au milieu du bassin, la situation est moins inquiétante grâce à la dominance des classes d’érodibilité faibles à modérées.
Figure 4: Répartition des classes d’érodibilité des sols (%) du bassin versant de Kharouba
Figure 5: Carte d’érodibilité du bassin versant de Kharouba
Analyse des cartes de protection des sols
Chaque type de couverture végétale assure un degré de protection qui correspond à une classe bien déterminée. La carte de protection des sols est reflétée par l’état et la densité du couvert végétal des sols. Les résultats relatifs à l’étude diachronique de la carte de protection des sols entre 1986 et 2008 montrent que le couvert végétal a subit une évolution régressive en termes de superficie et notamment en terme de densité. En effet, la végétation de forte densité a régressé au profit d’un couvert végétal de moyenne, voire de faible densité, ce qui a conduit à l’augmentation des superficies de faible à très faible protection qui sont passées de 27 % de la superficie totale du bassin versant en 1986 à plus de 33 % en 2008. Les sols appartenant à la classe de protection élevée et très élevée ont connu une évolution régressive, leurs pourcentages sont passés de 49 % en 1986 à 43 % en 2008 (Figure 6 et 7). Cette évolution régressive du degré de protection des sols est le résultat de plusieurs facteurs, notamment les coupes illicites, le surpâturage et les changements climatiques.
Figure 6: Répartition des classes de protection des sols (%) du bassin versant de Kharouba (1986)
Figure 7: Répartition des classes de protection des sols (%) du bassin versant de Kharouba (2008)
L’analyse de la répartition des classes de protection des sols en fonction de la nature et de la densité du couvert végétal (Figure 8 et 9) montre que les sols à forte protection se situent principalement au niveau des forêts de thuya et de chêne vert dense à moyennement dense avec un sous-bois très développé, alors que les sols à faible protection se localisent au niveau des terrains de parcours très dégradés, les sols nus et les bad-lands.
Figure 8: Carte de protection des sols du bassin versant de Kharouba (1986)
Figure 9: Carte de protection des sols du bassin versant de Kharouba (2008)
Carte des états érosifs
La cartographie des états érosifs de 1986 et 2008 est obtenue par la superposition de la carte d’érodibilité avec les cartes de protection des sols de 1986 et 2008. L’analyse des cartes des états érosifs (Figure 10 et 11) montre que l’érosion est active et apparente sur plus de 75% de la superficie totale du bassin versant. Elle se manifeste par toutes les formes d’érosion et notamment celles en nappe, en rigole et en ravine (HCEFLCD, 2007). Les zones à grand risque érosif correspondent particulièrement aux terrains accidentés et présentant un taux de friabilité des sols assez élevée et un taux de recouvrement faible à très faible.
L’analyse de la dynamique des états érosifs montre une augmentation des états érosifs forts et extrêmes. Ces états sont passés de 39 % de la superficie totale en 1986 à 45% en 2008. Cette augmentation a concerné essentiellement la partie Sud et Nord du bassin versant de Kharouba et plus particulièrement dans les zones où le couvert végétal forestier a été sévèrement dégradé, en plus des parties localisées au bord de l’Oued Beht à cause de la dominance des formations sédimentaires meubles. De même, l’analyse de la carte des états érosifs montre que les zones caractérisées par une couverture végétale élevée sont peu sensibles à l’érosion.
Les résultats obtenus mettent en lumière le rôle prépondérant de la couverture végétale dans la diminution globale du taux d'érosion. En effet, cette végétation protège la surface du sol contre l’effet des gouttes de pluie, elle ralentit la vitesse du ruissellement et maintient une bonne porosité à la surface du sol, ce qui le rend plus résistant à l’érosion (Roose, 1996; Sabir et al., 1994; Zhou et al., 2008; Fletcher, 2017; Hou et al., 2016).
Figure 10: Carte des états érosifs du bassin versant de Kharouba (1986)
Figure 11: Carte des états érosifs du bassin versant de Kharouba (2008)
CONCLUSION
Le bassin versant de Kharouba en amont du futur barrage d’Ouljet Soultane s'étend sur une superficie de 19888,5 ha. Il est dominé en grande partie par les forêts suivies des terrains de parcours et des terrains incultes. Il offre des potentialités forestières très appréciables, notamment une formation floristique riche et diversifiée.
L’étude de l’impact de la dynamique du couvert végétal forestier sur l’érosion hydrique au niveau de ce bassin montre qu’il y a une évolution régressive du couvert végétal entre 1986 à 2008. Cette régression a contribué à l’augmentation du risque de l’érosion hydrique. Le pourcentage des zones vulnérables à l’érosion est passé de 39 % en 1986 à 45% en 2008.
RÉFÉRENCES
Al Karkouri, J., Roose, E., Laouina, A., Sabir, M. (2000). Etat de surface, infiltration et risques d’érosion dans la vallée de Beni Boufrah. Bull. Réseau Erosion 20: 342-356.
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