Résumé

Ce travail met en évidence l’apport des images Landsat pour le suivi dynamique de l’espace steppique dans une aride  (Algérie). L’analyse qualitative et quantitative de l’évolution rapide du paysage et plus particulièrement l’évolution de l’ensablement dans les communes s’avère intéressante dans la mesure où elle permet de dresser un bilan provisoire sur l’état actuel de la zone d’étude. Pour l’analyse, les changements de l’état de surface intervenus entre 1957 et 2002 extraient à partir des images MSS, TM et ETM+ de Landsat ont été retenus. Dès lors, trois méthodes de détections des changements (identification rapide et quantification de l’évolution des changements, technique de la composition colorée diachronique et la méthode indice dynamique de couverture des sols) ont été utilisées afin de localiser les différentes zones qui ont subi des mutations profondes et plus particulièrement l’extension de l’ensablement et la dégradation des sols à l’intérieur des contrées de la wilaya de Naâma. Il est important de noter que nous nous sommes basés sur  le modèle d’Olsson (1994)  pour les corrections atmosphériques des images. La zone concernée par cette étude fait partie des hautes plaines oranaises. Elle se rattache administrativement à la wilaya de Naâma. Elle s’étend sur une superficie de 29 825 km2, entre 32°08’ et 34°16’ de latitude nord et 0°09’ et 1°43’ de longitude ouest. L’utilisation des données de télédétection au travers de l’indice dynamique de couverture des sols et de la composition colorée diachronique a permis de mettre en évidence les différents changements qui ont eu lieu de 1987 à 2002. Ces changements concernant les mutations des unités paysagères en zone steppique ont nécessité de tester plusieurs indices de changement (indice de végétation, indice de brillance, indice de curasse et l’analyse en composante en principale) afin de minimiser les erreurs sur l’appréciation des résultats sur les changements. En effet, ces différents traitements ont révélé que pour l’ensemble de la région d’étude, la surface des espaces ensablés est passée de 1,38 % en 1957 à 42,9 % en 2002, soit une superficie de 1 280 762 ha; ce qui correspond à une extension de 28 461,4 ha par an. 


Mots clés: Dégradation, Détection de changement, Ensablement, Télédétection, Naâma, Algérie

INTRODUCTION

La détection et l'identification des changements, apparaissant à la surface de la terre, constituent l'une des préoccupations essentielles pour les gestionnaires et les scientifiques impliqués dans la compréhension et la gestion des écosystèmes naturels et artificiels (Manière, 1987). Ainsi, ces dernières années, on assiste à un véritable changement dynamique de la steppe avec l’avancée et l’extension de l’ensablement vers l’intérieur du pays. En effet, les effets néfastes des périodes de sécheresses à partir des années 1970 conjugués à l’accroissement de la population (sous l’effet des contraintes socio-politiques) ainsi que la conjoncture qu’a connu le pays dans les années 1990 ont fortement bouleversé l’équilibre fragile du milieu steppique aride. Ces effets contribuent amplement à la disparition partielle ou totale des parcours steppiques (irréversibilité) et certaines parties des réserves nationales que renferme la wilaya de Naâma (Haoud ed Deïra, Chott chergui, chott Rharbi et les oasis de Moghrar et de Tiout classées site RAMSAR) (Bouzenoune, 1999). Cependant, la localisation dans l’espace et dans le temps des différents secteurs en mutation les plus significatifs permet aux spécialistes de l’aménagement du territoire et aux responsables locaux de bien comprendre ces différentes mutations socio spatiales qui affectent la steppe sud-ouest de l’Algérie. Ainsi, en milieu steppique, l’évaluation de l’ampleur des changements aidera certainement à mieux appréhender le processus de l’ensablement et la régression des graminées (Stipa tenacissima, Artemisia herba Alba et Lygeum spartum) dans leur dimension spatiotemporelle.

Au niveau de notre zone d’étude les données de terrain concernant le phénomène sont rares. Toutefois, si elles existent, elles ne permettent pas de présenter le processus de l’ensablement dans une vision synoptique. La plupart des travaux scientifiques qui existent concernent uniquement des zones restreintes alors que le phénomène nécessite des approches multiscalaires (échelles supranationale, régionale et locale). A cet égard, le recours aux données de télédétection est essentiel afin de dresser des bilans et des hypothèses fiables sur la dégradation des parcours et l’installation des édifices dunaires. Dans ce contexte les images des données satellitaires et multidates constituent une excellente source d’information. Toutefois, elles demeurent insuffisamment exploitées pour l´évaluation de la dynamique des espaces steppiques (Bensaid et al., 2003).

La carte d’occupation du sol est un document nécessaire mais insuffisant pour l’appréhension de l’évolution rapide du phénomène de dégradation du sol et les mouvements des dunes. La surveillance régulière de ce phénomène sur de longues périodes en utilisant les imageries satellitaires peut mieux évaluer le mécanisme d’évolution des dunes sur les terrains de parcours steppiques. D’après les travaux menés par Bourcier et al. (1999), l’estimation régulière (annuelle) de la transformation d’un milieu permet de dresser des courbes qui illustrent la tendance de l’évolution du phénomène. Dès lors, il est possible de prévoir les évolutions futures des phénomènes naturels et d’établir un calendrier pour l’acquisition des images en fonction de la rapidité d’évolution de l’ensablement.

La réalisation des cartes d'occupation du sol pour les années 1972, 1987 et 2002 n'est donc pas nécessaire puisqu'elle exige des missions d'échantillonnage des années concernées ou à des périodes proches de celles-ci, de telle manière que l’état des parcours présente une situation analogue à celle existant au moment de la prise de vue.

PRÉSENTATION DE LA ZONE D’ÉTUDE ET MÉTHODOLOGIE

Le cadre géographique

La zone concernée par cette étude fait partie des hautes plaines oranaises. Elle se rattache administrativement à la wilaya de Naâma. Elle s’étend sur une superficie de 29 825 km2, entre 32°08’ et 34°16’ de latitude nord et 0°09’ et 1°43’ de longitude ouest. La zone d’étude s’étend du Chott Chergui au nord, aux premiers chaînons des Monts de Ksour (Atlas saharien) au sud. D’ouest en est, elle couvre l’espace compris entre les petits reliefs proches de la frontière algéro-marocaine (Djebel Gaaloul, 1613 m) et la limite orientale de la wilaya d’El Bayadh. On peut y avoir plusieurs unités morphologiques. Ainsi, le territoire de la wilaya est constitué d’une immense plaine en cuvette coincée entre les deux Atlas. Cette monotonie paysagère est rompue par quelques chaînons de montagnes orientés sud-ouest nord-est. Nous citons l’exemple que constitue l’alignement du djebel Gaaloul (1613 m) qui se prolonge au nord par les djebels El Arar (1801m) et Kerrouch dont la continuité au nord-est s’effectue avec le djebel Bou Rhenisa (1594 m) pour se terminer plus au nord par djebel Antar qui culmine à 1721 mètres d’altitude.

Sur le plan climatique, l’aridité du climat s’est accentuée. La station de Mécheria est passée de l’étage aride supérieur à hiver frais à l’étage aride inférieur à hiver frais. De même, Ainsefra est passée de l’étage aride inférieur à hiver froid à l’étage aride inférieur à hiver frais (Bensaid, 2006). De même, la pluviosité durant la période (1978-2001) a diminué par rapport à la période de (1913-1938) le déficit fluctue entre 19 % et 33% pour Ainsefra et Mécheria respectivement. De plus, l’analyse climatique a révélé qu’à Mécheria, 83% des précipitations annuelles sont inférieures à la valeur moyenne annuelle de la période (1913-1938) (Seltzer, 1946). La moyenne annuelle de la pluviométrie pour la période de 1970 à 2001 est de 180.7 mm à Mécheria avec 57 jours de pluie. Elle est de 214 mm avec 58 jours de pluie, et 155.5 mm avec 38 jours de pluie respectivement à Naâma (1990 à 2001) et à Ainsefra (1978 à 2001).

Figure 1. Localisation de la zone d’étude

Méthodologie

Dans ce travail de recherche trois méthodes de détection des changements de l’occupation du sol ont été utilisées (identification rapide et quantification de l’évolution des changements, technique de la composition colorée diachronique et la méthode indice dynamique de couverture des sols). Elles se basent sur la comparaison de six scènes TM et ETM+ de Landsat. Il est important de signaler que les trois scènes MSS de 1972 présentent des défauts d’ordre spectral et spatial. Ce qui nous a contraints à ne construire la mosaïque pour couvrir la totalité de la zone et faire une analyse comparative multidates. Les scènes 212/37 et 213/37 ne se juxtaposent pas. Toutefois, elles ont été utilisées dans l’analyse rapide de l’évolution du milieu. Cette analyse est basée sur l’interprétation des différentes images multidates. Avant l’application des méthodes de détection des changements qui affectent le milieu, les images ont subi des traitements d’amélioration géométrique, radiométrique et atmosphérique. La figure 2 illustre les différentes méthodes qui ont été mises en œuvre.

Dans notre zone d’étude la détection des mutations significatives de l'occupation du sol a nécessité la réalisation des étapes suivantes :

- sélection d'images multispectrales et multidates ;

- choix de l'image de référence ;

- correction radiométrique des images TM et ETM+ ;

- correction géométrique des images MSS, TM et ETM+ ;

- méthodes de détection de changements :

 identification rapide et quantification de l’évolution des changements ;

 technique de la composition colorée multidate ;

 indice dynamique de couverture des sols.

Figure 2. Schéma méthodologique pour la détection des changements

Données utilisées

Pour cette étude, neuf scènes multidates du satellite Landsat (ETM+, TM et MSS) plus des cartes topographiques de 1957 ont servi à analyser la dynamique spatiale des accumulations sableuses sur une période de 45 ans. Le tableau 1 illustre les caractéristiques des scènes utilisées.

Tableau 1: Caractéristiques des images MSS, TM et ETM+ de la zone d’étude.

Correction radiométrique et atmosphérique

Dans une étude multidates ou un suivi dynamique régulier d’un phénomène par télédétection, il est opportun de corriger les images radiométriquement, car ces dernières sont prises dans des conditions de prise de vue très différentes (éclairement solaire, coefficient de calibration, angle zénithal, angle azimutal, etc.) qui changent au cours du temps. Pour cela, nous avons utilisé le modèle d’Olsson (1994) pour :

- une étude multitemporelle, afin de mettre toutes les images dans un même référentiel radiométrique, ce qui rend facile la détection des changements réels qui ont eu lieu entre les différentes dates;

- réaliser des mesures absolues dont le but de suivre la dynamique d’un phénomène donné ;

- améliorer le processus de classification automatique.

Principe du modèle absolu de correction radiométrique utilisé

Le modèle qui a été retenu pour effectuer les corrections radiométriques et atmosphériques est celui proposé par Olsson (1994). Ce dernier tient compte des variations induites par l’atmosphère et les conditions de prise de vue. Il est employé pour corriger les différences induites par l’angle du soleil, de l’atmosphère et pour procéder au calcul de la réflectance de l’objet au niveau du sol. Ce modèle de calibration absolu est basé sur l’utilisation et la sélection des zones communes (échantillons test) invariantes pour lesquels on extrait à partir d’un zonage de pixels communs, les statistiques de chaque échantillon (moyenne, écart type). La moyenne de chaque échantillon est utilisée pour la détermination de la luminance de celui-ci au niveau du capteur selon l’équation 1:

Equation 1

Où :

Lsat est la luminance apparente mesurée par les capteurs embarqués sur le satellite ;

Lmin et Lmax sont des valeurs de luminances maximum et minimum de chaque capteur ;

CN est le compte numérique de chaque pixel de l’image, vmax=255, 127 ou 63 suivant les valeurs numériques utilisées sur (8,7 et 6) bits.

Mais le plus important à réaliser est l’estimation de la valeur de la réflectance de chaque échantillon au niveau du sol. Cette réflectance nécessite soit l’utilisation d’un radiomètre de terrain soit des courbes spectroradiométriques réalisées dans des laboratoires spécialisés. Ces courbes sont généralement données dans la bibliographiesous forme de graphes. Pour l’extraction de la valeur de la réflectance à partir du graphe, il suffit de connaître la valeur de la longueur d’onde de l’échantillon dans chaque image. De Même, Si on utilise le radiomètre de terrain, celui-ci, va être calibré pour chaque mesure effectuée sur le terrain à l’intérieur de chaque zone test.

Selon le modèle d’Olsson (1994) la réflectance absolue d’un objet est donnée par la formule 2:

Equation 2

Les équations (1) et (2) peuvent être combinées par une simple expression pour la conversion du pixel du compte numérique (CN) en réflectance absolue. En effet, nous obtenons l’équation 3:

Equation 3

Où :

CNj: valeur du pixel mesurée dans une bande pour le pixel j;

Rsatj: réflectance absolue pour le pixel j;

Lsol : luminance spectrale de l’objet mesurée au niveau du sol (w. m-2.sr-1.m-1);

Lsat : luminance spectrale de l’objet mesurée au niveau du satellite (w. m-2.sr-1.m-1);

Latm : luminance atmosphérique (w. m-2.sr-1.m-1);

Es : constante solaire (irradiance) en (w. m-2.m-1);

T : Transmitance totale qui est donnée par la formule suivante :

Equation 4

où :

r: facteur relatif à la diffusion moléculaire de Rayleigh;.

p: facteur relatif à la diffusion par les aérosols de MIE;

0 : représente l’épaisseur optique de Rayleigh pour toute l’atmosphère, elle est donnée par la formule suivante :

0 = (84.35 10-4) -4 + (-1.225 10-4) -5 + (1.4 10-4) -6

z : est l’altitude des aérosols exprimée en km

C () : est une fonction de longueur d’onde, elle est donnée par :

C() = 0.632 -1 – 0.02 -2

V : représente la visibilité exprimée en km.

Lmin, Lmax : valeurs de luminances maximum et minimum.

s : angle zénithal solaire.

Les paramètres (Lmin, Lmax, Es et s) du modèle sont obtenus à partir des fichiers entête de chaque image.

Validité du modèle en utilisant des images Multidates

Nous avons calculé les coefficients  et  du modèle qui permettent le passage d’un compte numérique (CN) d’un pixel en donnée de réflectance réelle du sol. L’estimation de ces deux paramètres du modèle a été effectuée en choisissant sur les images des six scènes entre la période de 1987 et 2002 des échantillons représentant des objets invariants dans le temps (Bensaid, 2006). Le choix est défini de telle sorte que l’échantillon sélectionné sur l’image de chaque scène de 1987 doit être le même sur l’image de la période de 2002. Ces deux échantillons vont servir uniquement pour la détermination de la luminance atmosphérique (Latm). Cette dernière est évaluée à l’aide de l’équation 5 :

La luminance Lsat est déduite de l’équation (1), par contre Lsol est estimée à partir des courbes spectroradiométriques existantes dans la base de données du logiciel Teravue. A l’aide de ces courbes nous avons sélectionné le sable et le sol nu afin de noter leurs réflectances réelles mesurées au niveau du sol dans l’intervalle des longueurs d’ondes des capteurs TM et ETM+ de Landsat. Une fois la luminance Lsol calculée, la luminance Latm est déduite directement de l’équation (5). Ensuite, une moyenne Latm est calculée pour deux échantillons pour la correction atmosphérique de la totalité des images en utilisant le modèle d’Olsson (1994). Le résultat pour le calcul de  et  est illustré dans le tableau 2.

Tableau 2. Coefficients  et  du modèle de correction atmosphérique des images TM et ETM+ de Landsat

Pour la validité du modèle de correction atmosphérique, une comparaison a été réalisée entre les valeurs de réflectances absolues calculées à partir du modèle de deux échantillons test pour 1987 et 2002. Une variation de réflectance absolue relative à chaque échantillon inférieure à 1% a été obtenue (Tableau 3). Ce résultat ne peut que confirmer la performance du modèle dans la rectification des perturbations radiométriques et atmosphériques des images satellitaires. La faible variation de la mesure de la réflectance des objets pour chaque scène renforce la qualité des traitements effectués sur les images pour la détection des changements entre les deux dates.

Tableau 3: estimation de la réflectance absolue de deux échantillons (sable et sol nu)

Après la normalisation atmosphérique, une phase de traitement des images a permis de définir les zones de changement dans la région de Naâma. Pour cela un programme en langage C a été développé ; il permet la rectification automatique des images satellitaires en se basant sur le principe du modèle décrit ci-dessus ainsi que sur l’utilisation d’un autre modèle relatif.

Rééchantillonnage des images satellitaires

Le rééchantillonnage des images spatiales a pour but de les ramener à une même résolution spatiale. Dans notre cas, les images MSS (résolution 57 m) ont été rééchantillonnées à la même résolution que celle des images TM et ETM+ (30m). Cette étape est utilisée afin de faciliter l’interprétation visuelle des images MSS et la détection des changements potentiels.

Correction géométrique

La correction géométrique consiste à rectifier géométriquement une image par rapport à une autre (référence) de façon à ce qu'un élément au sol ait les mêmes coordonnées sur les deux images. Quatorze points d’appui ont été sélectionnés pour la rectification de chaque scène. En effet, toutes les images sont corrigées par rapport aux images de référence (scènes ETM+ de 2002). Ces dernières ont été rectifiées par rapport aux cartes topographiques avec la projection cartographique UTM zone 30 Ellipsoïde de Clarke 1880. L’écart type moyen (RMS) obtenu à la fin du traitement est de l’ordre de 0,53.

Méthodes de détection de changements dynamiques de l’espace

Une fois les corrections géométriques et radiométriques des images satellitaires effectuées, plusieurs techniques ont été appliquées basées sur l'utilisation de données multidates (MSS de 1976, TM de 1987 et ETM+ de 2002) pour la détection des changements. Le principe de ces approches diffère d’une méthode à une autre.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Identification rapide et quantification de l’évolution significative de l’extension de l’ensablement entre 1972 et 2002

L’analyse qualitative et quantitative de l’évolution rapide du paysage et plus particulièrement l’évolution de l’ensablement dans les communes s’avère intéressante dans la mesure où elle permet de dresser un bilan provisoire sur l’état actuel de la zone d’étude. A l’aide de cette analyse nous pouvons sensibiliser la population, les élus locaux ainsi que les décideurs sur l’ampleur du phénomène de l’ensablement.

Avant d’entamer ce travail d’analyse dynamique rapide du milieu, quelques difficultés dans la détermination et la connaissance de l’état de référence du milieu de la zone d’étude ont été rencontrées. En effet, il n’est pas possible de dresser un bilan sur l’état de dégradation du milieu et de l’ensablement si on ne se réfère pas à un état antérieur ou à des conditions initiales. Le seul moyen pour connaître l’état de référence est de faire une recherche sur les documents anciens et historiques. Toutefois, dans la plupart des cas ces documents n’existent pas. A ce stade les seuls documents de référence collectés datent des années cinquante : les photos aériennes de l’IGN, la carte géologique et les cartes topographiques. Dès lors, les quatre cartes topographiques à l’échelle 1 : 200 000 ont été scannées et géoréférencées dans un système international (UTM zone 30, ellipsoïde Clarke 1880) avant d’être intégrées dans le SIG (ArcGis). Ensuite une phase de numérisation des édifices de sable figurant sur les quatre cartes a été réalisée. Le fichier vectoriel ainsi obtenu a été à son tour croisé avec le fichier des limites administratives dans le but d’établir une quantification des superficies ensablées à l’intérieur de chaque commune.

Après avoir établi le fichier de référence des espaces ensablés, la dynamique éolienne a été étudiée en utilisant les images satellitaires récentes ETM+ de Landsat. Ces images ont subi plusieurs opérations de traitement d’images en vue de leur exploitation notamment :

- correction géométrique des images afin de les rendre superposables aux cartes topographiques déjà scannées ;

- établissement d’une composition colorée (ETM+5, ETM+4 et ETM+1) et application d’un masque (limite administrative) pour ignorer les zones situées hors des limites administratives;

- création d’une image binaire où figure uniquement le thème sable ; les autres thèmes ont été masqués pour éviter toute confusion entre ces derniers lors du traitement. Toutefois, cette technique est délicate dans la mesure où elle demande une certaine précision dans la définition de l’intervalle des valeurs extrêmes qui bornent le thème sable. Une erreur sur la définition de l’intervalle pourrait influencer le résultat sur la quantification des superficies ensablées. A cet égard, des vérifications sur les limites des zones ensablées en se basant sur quelques photographies aériennes se sont avérées nécessaires. De plus, pour rendre le résultat du traitement assez acceptable, nous avons appliqué un filtre morphologique (dilatation) sur l’image binaire afin d’éliminer les pixels isolés et pour rendre les structures de l’élément sable plus homogènes ;

- digitalisation directe sur l’écran de l’ordinateur des limites des zones ensablées ;

- vectorisation et croisement du fichier avec les limites administratives ;

- enfin, quantification des espaces ensablés pour chaque commune est établie à l’aide d’une requête spatiale effectuée sur le fichier via le langage SQL.

Le résultat de ces traitements est consigné dans le tableau 4. Il en résulte que dans les années cinquante, les espaces ensablés à l’intérieur de chaque commune ne dépassaient guère les 6% de la surface totale communale. D’ailleurs, dans les communes de Djenien Bourezg, Kasdir, Mekmen Ben Amar, Mécheria et Tiout la superficie des espaces ensablés est quasiment nulle. La plus grande extension est localisée dans les communes de Naâma et d’El Biod avec un pourcentage qui varie respectivement de 2,42 à 5,77 % de la surface totale communale. En 1957 la surface totale ensablée représentait un pourcentage de 1,38 % par rapport à la surface totale de la wilaya.

A l’inverse, les images plus récentes de 2002 ont montré une évolution alarmante de l’extension du sable particulièrement dans les communes du nord-ouest (Ain Benkhelile, Mekmene Ben Amar, El Biod, Naâma, Kasdir et Mécheria). La commune de Mekmene Ben Amar est la plus touchée par l’ensablement où la surface des espaces ensablés est de l’ordre de 78,78% de la surface totale de la commune. Pour l’ensemble de la région la surface des zones ensablées est passée de 1,38 % en 1957 à 42,94 % en 2002; ce qui correspond à une extension de 28 461,4 ha par an. Ce chiffre est conséquent et il montre l’ampleur du phénomène.

Cette analyse nous a permis de voir l’étendue de la superficie ensablée (1 280 762 ha) qui correspond presque à la moitié de la superficie de la Belgique, et surtout, la vitesse de propagation de l’ensablement soit 28 461,4 ha par an. Toutefois, pour cette méthode nous avons eu des difficultés pour définir les limites des espaces ensablés. A cet effet, plusieurs essais ont été réalisés afin de mieux mettre en évidence le sable à l’intérieur de la wilaya.

Tableau 4. Évolution des espaces ensablés pour la période 1957-2002 dans la région de Naâma

Tendance de l’évolution rapide

La quantification de la dynamique des espaces ensablés réalisée précédemment a permis de dresser un bilan sur l’état actuel de la surface du sol. Toutefois, cette quantification doit être replacée dans un contexte temporel. Selon Pouchin (2001) l’analyse dynamique s’avère insuffisante afin de mettre en lumière la vision cinématique des phénomènes et ainsi de connaître leurs tendances d’évolution. Cependant, à l’aide d’une série de courbes on peut appréhender la tendance de l’ensablement à l’intérieur de chaque limite administrative. Cela nous permettra de connaître la date du déclenchement du phénomène ainsi que la rapidité de sa propagation spatiale. Ces informations sont très utiles dans la mesure où elles permettront, en les combinant avec d’autres informations (pluviométrie, période de sécheresse, extension de la surface mise en culture, les aménagements déjà réalisés, évolution du cheptel, etc.), de bien comprendre les causes de l’extension du phénomène à l’échelle spatio-temporelle. De même, les formes géométriques des courbes de tendance caractérisent la dynamique du phénomène pour chaque espace communal, par exemple, une tendance linéaire caractérise un mouvement dynamique régulier de l’érosion éolienne (progression de l’ensablement au fur et à mesure que la végétation régresse), par contre une tendance exponentielle traduit une progression du phénomène qui s’amplifie avec le temps (Figure 3).

Figure 3. Courbes de tendance d’évolution des changements paysagers (Source Pouchin (2001)

Pour l’ensemble de la wilaya et pour chaque commune nous avons estimé les superficies des espaces ensablés grâce aux traitements effectués sur les images multi-dates (1972, 1987 et 2002) anciennes et récentes de MSS, TM et ETM+ de Landsat ainsi que sur les cartes topographiques de 1957. Il est à noter que l’évaluation des espaces ensablés est réalisée d’une façon automatique grâce aux systèmes d’information géographique sur toutes les années de la série chronologique (Tableau 5).

Dès lors, des graphiques ont été réalisés afin d’avoir une vision cinématique du phénomène de l’ensablement pour chaque commune. En effet, il apparaît clairement sur la figure 4 que l’évolution des espaces ensablés présente une tendance croissante et cela depuis 1972. De plus, l’évolution la plus importante concerne toujours les régions du Nord-Ouest de notre zone d’étude. Mais ce qui est important à voir c’est la date du début du phénomène par rapport à la date de référence de 1957. Ainsi, nous avons constaté que dans les années 1970 le changement du phénomène était presque imperceptible sur les images MSS de Landsat de 1972, à part les anciennes dunes qui figuraient déjà dans les documents de référence (cartes topographiques et la carte géologique au 1 : 500 000) ainsi que les deux communes se trouvant au nord de la wilaya (El Biod et Mekmene Ben Amar). A cette date l’ensablement concernait 6,73 % de la superficie totale de la wilaya. Toutefois, avec le peu de données images disponibles, il est important de déterminer avec une meilleure précision la vraie date de déclenchement du phénomène. Cela demanderait l’utilisation de plusieurs images au moins une image par an, ce qui est impossible pour notre étude.

Tableau 5: évolution de l’ensablement dans la wilaya de Naâma pendant les périodes de 1957, 1972, 1987 et 2002.

Sur les images TM Landsat de 1987 le phénomène devient plus perceptible et alarmant. A cette période l’ensablement a touché 24 % de la superficie totale du paysage concernant la wilaya soit 721 413,59 hectares. Pour une période de 15 ans (1972-1987) le phénomène a progressé à une vitesse de 34 710,33 hectares par an. Cette progression est 3 fois supérieure à celle de la première période (1957-1972) où la vitesse de progression enregistrée est de l’ordre de 10 644,37 hectares par an.

La dynamique de la zone et l’augmentation des surfaces ensablées à l’intérieur de la wilaya apparaissent clairement sur les images récentes ETM+ de Landsat. Le sable et les édifices dunaires sont omniprésents dans la nomenclature qui compose le paysage steppique. Auparavant, c’est l’alfa qui dominait le paysage steppique. Dans tous les documents consultés l’alfa était présent même au début des années 1980. Toutefois, avec la progression du sable l’alfa disparaît et il est remplacé par d’autres taxonomies qui supportent les conditions arides du milieu et le sable. En 2002, une progression de l’ordre de 20 % par rapport à la seconde période a été enregistrée. Donc, ces 45 dernières années le sable gagne du terrain et chaque année colonise 28 461,4 hectares.

Figure 4. Courbes de tendances d’évolution de l’ensablement dans les communes de la wilaya de Naama entre 1957 et 2002.

Les courbes de tendance de la figure 4 montrent qu’il s’agit bien d’un phénomène qui s’est amplifié avec le temps. D’après ces courbes de tendance le phénomène est beaucoup plus accentué dans les communes du nord, du nord-est et du nord-ouest. Les communes du sud affichent une allure de progression linéaire et moins importante par rapport aux autres communes. Ceci est dû au fait que les communes du sud sont protégées par les massifs de l’Atlas Saharien. Toutefois, la présence de quelques ouvertures entre ces massifs montagneux n’a pas épargné certaines communes du sud, comme Ainsefra et de Sfissifa. De plus, les oueds (oued Sfissifa, oued Breïdj, oued Namous et oued Rhouïba) contribuent d’une manière directe ou indirecte à l’alimentation en sable des zones se trouvant plus au sud lors d’une averse torrentielle (planche 1).

Planche 1. Evolution de l’ensablement dans la région de Naâma durant la période de 1957 à 2002.

Technique de la composition colorée multidates

Afin de dégager les grands changements ayant affecté la zone d’étude de 1987 à 2002, l’utilisation de la technique de la composition colorée multidates. Cette technique facile et rapide à mettre en œuvre, consiste à superposer des canaux de dates différentes. Sur cette composition colorée la couleur des pixels inchangés sera codée en jaune pour les objets ayant des réflectances fortes et moyennes (bâti, sol nu, sable, etc.), et en noir pour les réflectances faibles (eau, boisement). Quant aux pixels qui ne présentaient pas les mêmes valeurs de réflectance entre les deux dates, ils seront codés en couleur rouge et verte plus au moins saturée selon la grandeur et l’ampleur du changement.

Vu l’étendue et la grandeur de la zone d’étude, nous avons préféré montrer des zones pilotes qui ont connu des changements réels du paysage durant les quinze dernières années.

En effet, d’autres considérations (date de prise de vue, erreur de géo-référencement, défaillance d’un instrument de prise de vue, condition de prise de vue, rotation de culture) peuvent engendrer des variations de réponse spectrale considérables qui peuvent fausser le résultat des changements. A cet effet, l’utilisation des images à très haute résolution spatiale est recommandée. Avec ce type d’image, en plus de la couleur, d’autres paramètres sont pris en compte notamment : la taille, la texture, la position et la forme de l’objet afin de définir avec précision la catégorie de changement (Pouchin, 2001).

La planche 2 est issue de la composition colorée des canaux rouges des images de 1987 et 2002. Le choix du canal rouge (ETM+3 et TM3) a été dicté du fait que dans ce dernier, la végétation est représentée par de faibles valeurs radiométriques et les zones minéralisées sont caractérisées par de fortes valeurs. Donc, ce fort contraste entre la végétation et les sols nus favorise sans doute la mise en évidence des zones de changement affectées par la présence humaine.

Planche 2 : La commune de Ain Benkhlile- Composition colorée diachronique pour la période de 1987 à 2002.

La planche 3 est réalisée de la même façon que la précédente sauf qu’elle présente une autre zone à l’intérieur de la wilaya de Naâma. Cependant, l’interprétation visuelle des deux planches précédentes a permis de constater que la région a connu des mutations profondes (l’espace steppique est remplacé par des édifices dunaires : voile sableux, Nebkha, barkhane, et bouclier barkhanique) ces dernières années. Ces changements sont mis en évidence par la modification radiométrique des pixels qui ont subi un changement à leur surface.

Planche 3. La zone de Faidjet el Betoum-Composition colorée diachronique pour la période de 1987 et 2002.

La zone d’Ain Benkhlile sur la planche 2 montre l’étendue de terres mises en valeur (2) après 1987 qui apparaissent (couleur verte). Pourtant cette zone connaît un risque d’ensablement depuis 1987. Sur cette composition colorée apparaît clairement la progression des dunes de l’ouest (entre djebel Bou Amoud et djebel Bou Rhenissa) et du nord-ouest (entre djebel Hafid, djebel Bou Khachba et djebel Guetob el Hamara). A cette date les responsables locaux auraient dû régler et endiguer le problème d’ensablement avant d’entamer l’exécution de l’application de la loi 83/18 relatives à l’APFA (Accession à la Propriété Foncière et Agricole) (Jora, 1983). La couleur rouge qui apparaît sur l’image montre bien la régression de la végétation et la progression de la réflectance des surfaces minéralisées. Donc, la disparition de la végétation depuis 1987 a favorisé la progression du sable vers les contrées de la commune d’Ain Benkhlile.

Après 1987, les glacis à croûte calcaire et encroûtement à stipa tenacissima se trouvant au nord d’Ain Benkhelile apparaissent en rouge plus au moins saturé (1). Cette saturation révèle l’ampleur de la dégradation de la végétation steppique voire sa disparition. On peut noter entre 1987 et 2002 que les terres mises en valeur (2) ont fortement augmenté par rapport aux zones de mise en défens (4) pour l’aménagement et la protection du site d’Oglat ed daïra (3). D’ailleurs ce site bénéficie d’un plan de gestion en vue de son classement en réserve naturelle.

La bande verte (5) qui protège le village d’Ain Benkhlile a connu aussi une régression entre 1987 et 2002 malgré les travaux de restauration (reboisement) lancés par la direction des forêts. Cette régression est surtout liée à l’influence humaine (défrichement et arrachage des ligneux) ainsi qu’à l’avancée du sable (DGF, 1999).

Il importe de noter que d’après l’interprétation de l’image diachronique, il ressort que les travaux de restauration des sites ne sont réalisés qu’au niveau de zones très restreintes. Or, vu les dimensions spatiales des édifices dunaires existants dans la wilaya, ces travaux de restauration et de reboisement constituent une menace au village de Ain Benkhlile. A court terme, les reboisements à base de Tamarix gallica vont stopper l’avancée du sable mais à long terme ils se transforment en véritables pièges de sable et contribuent à la formation de grandes dunes. Ce phénomène est déjà constaté pour le barrage vert qui longe les deux côtés de la route nationale entre Mécheria et Ainsefra (Remaoun, 2004).

La planche 3 concerne une zone située entre la commune de Naâma et la commune d’Ainsefra où la progression des zones ensablées et plus particulièrement le cordon dunaire de Magroune en (1) sont très nets. L’apparition de ces zones en rouge signifie la progression des surfaces minéralisées (sable). La déstabilisation du cordon constitue une menace réelle pour les communes se trouvant dans l’axe de déplacement potentiel du sable. D’ailleurs, les zones de culture situées au bord de la route en 1987 ont disparu et sont complètement ensablées en 2002 en (2). De plus, la ligne rouge le long de la route nationale (RN6) en (3) montre l’ensablement du barrage vert après 1987. Sur les images de 1987 ce dernier apparaît en bon état (Photo).

La zone de glacis près de djebel Souiga a connu le même problème de dégradation de la végétation observé dans les zones de glacis se trouvant au nord d’Ain Benkhlile. La couleur jaune illustre la persistance des zones pendant la période de 1987 à 2002.

Photo 1: les Pins d’Alep (Pinus Halepensis) du barrage vert complètement enfouis dans le sable près de Mékalis (Photo prise en mai 2001).

Techniques de l’indice dynamique de couverture des sols

L’utilisation du principe de la composition colorée diachronique basé sur le canal rouge (ETM+3 et TM3) est un bon moyen pour faire ressortir les différentes mutations de l’espace steppique à l’échelle globale Bensaid et Nedjai (2016). Toutefois, ces changements nécessitent une interprétation visuelle basée sur le principe du modèle de couleur additive ou soustractive. Donc, un utilisateur non expérimenté dans le domaine aura des difficultés pour comprendre et interpréter la composée diachronique. A cet effet, l’utilisation de l’indice dynamique de couverture des sols (IDCS) qui permet d’appréhender les alternances entre le sol et la végétation a été préférée. Il est à noter que nous nous sommes basés sur le travail de Pouchin (2001) pour l’utilisation de cet indice dynamique de couverture des sols. En premier lieu l’indice de végétation, l’indice de brillance, l’analyse en composante principale diachronique et l’indice de cuirasse pour déterminer les vrais changements ont été testés. Malheureusement, tous ces indices ont donné des résultats difficiles à interpréter. L’utilisation de l’indice de végétation dans les zones arides n’est pas recommandée, car la réponse spectrale de la végétation est fortement influencée par la réponse spectrale des sols nus et plus particulièrement le sable. Ceci rend difficile le suivi dans le temps du phénomène de changement dans les régions où le recouvrement de la végétation est faible par rapport au sol nu. Toutefois, son utilisation donne de bons résultats lorsqu’il s’agit d’une zone où la végétation présente un bon recouvrement. Il est important de signaler que l’indice de végétation et l’indice de brillance dans un projet international (SIG-STEPPE) ont été appliqués à la région d’Aflou. Les résultats étaient satisfaisants et les zones de changement ont été facilement identifiées (Bensaid et al., 2003).

L’indice dynamique de couverture des sols est obtenu à partir d’une soustraction faite respectivement sur les deux canaux ETM+3 et TM3 de Landsat pour la période de 1987 à 2002. Dans cet indice, la progression des espaces minéralisés est représentée par les fortes valeurs, par contre la progression des espaces végétalisés est codée par les faibles valeurs. De plus, dans le canal rouge le phénomène de variation de la végétation pendant les saisons demeure stable.

Pour la visualisation de l’indice dynamique de couverture des sols une échelle de couleur qui s’étale du niveau sombre jusqu’au rouge saturé en passant respectivement par le bleu, le cyan, le vert et le jaune a été appliquée. Ainsi, la progression et la régénération de la végétation occupent les faibles valeurs de IDCS et prend la couleur noire et violette. Cependant, l’absence totale de la végétation (progression minérale) se manifeste par des nuances de couleurs d’IDCS du rouge saturé au jaune vert. Quant aux zones inchangées, elles apparaissent en bleu et en cyan. Sur la base de cette palette de couleur un seuillage sur IDCS a été réalisé. Les valeurs radiométriques ont été regroupées et codées selon trois classes différentes (Tableau 6).

Tableau 6: Classification et codage des valeurs radiométriques de l’image diachronique d’IDCS entre 1987 et 2002

La classification de l’IDCS en trois classes a permis de faire un lien entre l’état de la végétation et le type de changement qui a affecté la zone d’étude de 1987 à 2002. La progression minérale est liée à une dégradation de l’état de la végétation et à la progression de l’ensablement. Par contre, l’augmentation de la végétation est un signe de variation progressive de celle-ci. La radiométrie inchangée correspond aux zones relativement stables.

Sur la figure 5 la zone de mise en valeur d’Ain Benkhlile apparaît comme progression végétale importante à partir de 1987. Cependant, les zones du nord-ouest et du sud-ouest connaissent une progression minérale importante qui a touché les zones de glacis encroûtées et à encroûtement calcaires des djebels Hafid, Bou Khachba et Guetob el Hamara. Quant à la zone du sud-ouest la progression minérale est liée certainement à l’instabilité du cordon dunaire situé dans le flanc nord-ouest des djebels Gaaloul, Er reha, Arar, Kerrouch et Bou Amoud. Ce cordon dunaire est alimenté par la grande source d’alimentation en sable se trouvant dans le chott Tigri se trouvant dans le territoire Marocain.

Les changements progressifs des zones minéralisées sont dominants sur cette figure par rapport aux changements progressifs des zones végétalisées. Ces dernières sont dues aux pratiques maraîchères de l’agriculture et à la présence de la végétation le long des oueds, comme c’est le cas des zones le long de l’oued Timedmaket (en 3 et 4 sur la figure 5). Le site (2) situé au sud du lac Ogalt ed Daïra correspond aux travaux de reboisement à base de Tamarix gallica pour protéger la zone humide du lac. De même la zone (5) concerne le reboisement sur le flanc sud de djebel Antar pour la protection des zones situées en aval contre l’érosion hydrique. Ces travaux de reboisement, qui rentrent dans le cadre de la lutte contre la désertification, sont réalisés par la direction des forêts. Enfin la progression végétale en (6) est due à la présence de la zone humide d’Oglat en Nadja. Hormis ces zones de progression végétale, on constate l’absence totale des espèces herbacées et ligneuses.

Figure 5: carte des changements entre 1987 et 2002 à Ain Benkhelile.

La figure 6 présente les changements de l’état de surface dans la zone de Faidjet el Betoum se trouvant au sud-est de la zone d’Ain Benkhlile. Par rapport à la zone précédente, l’interprétation de cette zone est assez délicate. A l’intérieur de celle-ci les zones humides sont classées comme progression végétale. Effectivement, ces zones humides sont représentées par des faibles valeurs dans le canal rouge de la même façon que la végétation. Dès lors, si l’une des deux scènes multidates (1987-2002) est prise durant une année humide, l’image de changements peut présenter des sites en progression végétale, mais en réalité ceux-ci n’ont aucun lien avec la remontée biologique de la végétation naturelle ou des zones de cultures sèches ou irriguées. C’est le cas des sites (1, 2 et 3 en figure 6) qui sont classés comme zones en amélioration à partir de l’année 1987. Mais en réalité ces zones correspondent à des zones de dépression (Haoud ed Derba, Haoud Cherkat) et d’épandage des oueds. La progression du cordon dunaire El Magroune (en 4 sur la figure 6) à partir de 1987 est bien visible sur l’image. Cette progression suit une direction sud-ouest nord-est.

Face à cette situation, un travail d’investigation sur le terrain ainsi qu’un travail de photo-interprétation effectué sur les deux compositions colorées des deux dates afin de surmonter les difficultés ont été entrepris.

La progression du couvert végétal dans les zones 5 et 6 sur la figure 6 illustre la remontée biologique de la végétation dans les zones montagneuses. Cette progression concerne les zones de djebel Aissa (6) et de djebel Morhad (5) de la commune d’Ainsefra. Celles-ci ont bénéficié de travaux de réhabilitation et de réalisation de bandes vertes plus un renforcement des structures forestières. En effet, djebel Aissa est classé en Parc National depuis février 1992 (Bouzenoune, 1999). Toutefois, les zones de glacis (en 7 et 8) connaissent une dégradation continue et sévère par l'essouchement et l’arrachage de la végétation steppique, et l’augmentation de la charge pastorale dans ces endroits proches de la route nationale (RN6).

Figure 6: carte des changements entre 1987 et 2002 dans la localité de Faidjet el Betoum.

DISCUSSION

L’utilisation des données de télédétection au travers l’indice dynamique de couverture des sols et la composition colorée diachronique a permis de mettre en évidence les différents changements qui ont eu lieu de 1987 à 2002 dans la wilaya de Naâma. Ces changements concernant les mutations des unités paysagères en zone steppique ont nécessité de tester plusieurs indices de changement (indice de végétation, indice de brillance, indice de curasse et l’analyse en composante en principale) afin de minimiser les erreurs sur l’appréciation des résultats sur les changements. Il est important de savoir qu’en télédétection le résultat de changements dynamiques est influencé par les variations conjoncturelles (saison, conditions météorologiques). D’où la nécessité d’appliquer les corrections radiométriques et atmosphériques sur les images. Dans le cadre de cette étude, l’accent a été mis sur le traitement de données de télédétection diachronique pour le suivi et l’évolution de l’ensablement en un milieu aride concernant la partie sud-ouest des hautes plaines oranaises. La différence effectuée sur les deux canaux rouges des images pendant la période de 1987 à 2002 a permis d’obtenir la carte des changements. Le résultat de la différence des deux canaux est une image des changements survenus dans la zone d’étude. Les valeurs de l’histogramme de cette image ont été regroupées en trois classes suivant les types de changement (Tableau 7).

Tableau 7: superficies des différents types de changement pour la période 1987 et 2002.

L’analyse de la carte des changements pour toute la zone a montré la progression du sable à l’intérieur des zones de la willaya de Naâma (Figure 7). Toutefois, cela n’a pas empêché l’existence de certaines zones en amélioration (remontée biologique de la végétation) notamment les zones de montagnes et les zones ayant connu des travaux de restauration et de reboisement. D’après l’interprétation de la carte des changements (1987-2002) nous avons noté que les mutations les plus probantes dans l'état de surface affectent essentiellement la végétation steppique et les accumulations sableuses. En effet, en 1987 le couvert végétal montre une certaine gradation du nord au sud et d’ouest en est.

Figure 7. Carte des changements de la wilaya de Naâma pour la période de 1987 à 2002

CONCLUSION

L’emploi d’images MSS, TM et ETM+ de Landsat nous a permis de suivre à l’échelle régionale l’évolution spatiotemporelle de la dynamique et de la mutation de l’espace steppique et plus particulièrement le phénomène de l’ensablement dans la wilaya de Naâma sur une période de 45 ans (1987-2002). Nous avons pris comme documents cartographiques de référence les cartes topographiques à l’échelle 1 : 200 000 de 1957. Il y a lieu de signaler qu’aucun document cartographique, hormis les témoignages des gens âgés et des documents d’archives, n’a été trouvé pour notre zone d’étude avant la date de 1957.

L’utilisation des données de télédétection au travers de l’indice dynamique de couverture des sols et de la composition colorée diachronique nous a permis de mettre en évidence les différents changements qui ont eu lieu de 1987 à 2002. L’analyse de la carte des changements pour toute la zone a montré l’impact de la progression du sable à l’intérieur des zones de la willaya de Naâma (Cf. Figure 7). Toutefois, cela n’a pas empêché l’existence de certaines zones en amélioration (remontée biologique de la végétation) notamment les zones de montagnes et les zones ayant connu des travaux de restauration et de reboisement. D’après l’interprétation de la carte des changements (1987-2002) nous avons noté que les mutations les plus probantes dans l'état de surface affectent essentiellement la végétation steppique et les accumulations sableuses. En effet, en 1987 le couvert végétal montre une certaine gradation du nord au sud et d’ouest en est.

Il est important de signaler que l’étude diachronique a comporté des phases délicates notamment le choix du modèle mathématique pour la correction atmosphérique (absolu ou relatif) des images satellitaires ainsi que la détermination du paramètre de la réflectance réelle du sol pour les échantillons test. Ce paramètre nécessite un matériel adéquat (spectroradiomètre) ou une banque de données sur la réflectance absolue des objets. De même, dans cette étude il s’est avéré que les indices (indice de végétation, indice de brillance, indice de cuirasse) sont peu efficaces pour la détection de changement dans une zone aride où les caractéristiques du sol et la présence du sable influencent considérablement l’aspect spectral des objets.

Les résultats montrent qu’entre 1957 et 2002, 42.94 % de la superficie totale a été ensablée dans la wilaya de Naâma, soit une superficie de 1 280762 ha. Ce chiffre est alarmant montre l’ampleur du phénomène dans la région steppique du Nord-ouest Algérien.

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