Risque d'érosion hydrique entre fragilité des équilibres environnementaux et perspectives de durabilité: Cas du bassin d’Oued El Abed (Maroc nord-est)
Résumé
L'érosion hydrique est l’un des risques inquiétants qui menacent le milieu physique et la stabilité humaine. Le bassin d’oued El Abed, est sujet à ce phénomène depuis longtemps, ce qui a induit des mutations importantes et a touché divers domaines économiques, sociaux et environnementaux. Ainsi, la problématique de cette étude est axée sur l’étude de l’érosion et son évaluation dans ce bassin. Le bassin d’oued El Abed est situé au sud-ouest de Taourirt, dans la partie ouest du couloir de Guercif-Oujda et comprend une partie de la plaine de Tafrata. Sa surface est de 317 km² à sa confluence avec oued Moulouya. Pour étudier l'érosion dans ce bassin, nous avons, d’une part analysé les données quantitatives et qualitatives disponibles et, d’autre part, réalisé des mesures sur le terrain par simulation de pluie (intensité de 60 mm/h durant 10 mn). L'estimation de la perte en sol a été faite en se basant sur l'équation universelle de perte en sol (USLE). L'inventaire des diverses manifestations et formes d'érosion hydrique dans le bassin de l'oued El-Abed montre clairement qu'il s'agit d'une forte activité morphodynamique caractérisée par un ruissellement diffus et concentré, des ravinements, des extensions latérales des vallées. Après avoir calculé les différents facteurs de l’USLE, on a constaté que 4,7% de la surface du bassin serait fortement érodée. La dégradation spécifique moyenne a été estimée à 6,4 tonnes/ha/an. Les mesures de simulation de pluie ont montré des différences nettes entre les utilisations des terres. En effet, les coefficients de ruissellement sont faibles dans les parcelles couvertes de végétation et celles cultivées parallèlement aux courbes de niveau. Par contre, sur les sols nus et les pentes fortes, ce coefficient est élevé. Les quantités de sols détachées varient de 0,014 pour les parcelles couvertes à 2,9 t/ha pour celles nues et à forte pente. L’érosion dans le bassin d’El Abed est due à sa fragilité naturelle mais surtout aux actions anthropiques (mise en culture, surpâturage).
Mots clés: Érosion hydrique, USLE, Bassin d’oued El-Abed, Maroc nord-est
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INTRODUCTION
La dégradation des ressources naturelles par l'érosion hydrique est l'un des risques naturels inquiétants qui menacent la stabilité des populations et qui sont difficiles à réduire, en particulier dans les zones de montagne. La dégradation des ressources naturelles a été fortement exacerbée ces dernières années par la menace de la dynamique actuelle, ce qui pourrait directement compromettre la sécurité alimentaire et la santé des populations.
Plusieurs milieux naturels subissent constamment la dégradation de leurs ressources à cause de la surexploitation et l’utilisation abusive et incontrôlée, notamment la pression sur les ressources en eau, le surpâturage des milieux forestiers et l’utilisation intensive des terres de parcours, qui contribuent à la dégradation des sols. Celle-ci peut aboutir à une combinaison de phénomènes sociaux complexes tels que la pauvreté et l'exode rural, exacerbant les problèmes urbains et entravant la réhabilitation et le développement des zones rurales (Chaker, 1998; Faleh, 2004).
L'érosion hydrique que connaît le bassin versant d’El Abed dans le couloir d’Oujda-Guercif dès le début du XXème siècle, a entraîné de profonds changements dans divers domaines économiques, sociaux et environnementaux. Elle a conduit à l'apparition de problèmes qui ne peuvent être atténués que par des mesures intégrées garantissant une vie décente de la population et préservant les ressources naturelles et la durabilité pour les générations futures.
La problématique de cette recherche est donc centrée sur les questions suivantes : Quelles sont les spécificités et les manifestations du risque de l’érosion hydrique dans le bassin versant d’El Abed? Dans quelle mesure la relation entre la dégradation des ressources naturelles peut-elle être liée à la dynamique des différentes formes de dégradation, en particulier l’érosion hydrique qui entraîne la perte de quantités importantes de sol? Comment peut-on évaluer la perte en sol par des mesures directes sur le terrain ou en utilisant des modèles pour déterminer le degré de risque et la dégradation du sol? Quels sont les types de prévention et de développement qu’a connus la région pour réduire la dégradation et assurer un meilleur niveau de vie à la population?
Les manifestations de la dynamique actuelle dans le bassin versant d’El Abed sont dominées par l'érosion hydrique, caractérisée par l'écoulement en nappe, l’écoulement concentré et le ravinement. Tous les versants sont marqués par les effets de l’érosion, surtout l’érosion en nappe qui est responsable de la perte de quantités importantes de sol et leur dépôt dans les réservoirs de barrages (Mechraa Hamadi et Mohamed V). Cette forme de dégradation est régie par la nature des formations géologiques fragiles et surtout les formations superficielles quaternaires, la texture limono-sableuse du sol, le degré fort des pentes, l’aridité des versants et le type d’utilisation des sols (mise en culture et surpâturage).
L’objectif principal de cette étude est d’évaluer le degré de dégradation des sols et de mettre en évidence les processus et les systèmes de dégradation, en relation avec l’homme qui est un facteur de déséquilibre actuel du milieu. Les objectifs spécifiques sont :
connaître les spécificités et les manifestations du risque de l’érosion hydrique dans la région et identifier les différents facteurs explicatifs, qu’ils soient naturels ou humains;
contribuer à l’étude et à la quantification de l’érosion hydrique par des mesures sur le terrain et par la combinaison des technologies spatiales (SIG et télédétection) et des modèles d’érosion (USLE).
PRÉSENTATION DE LA ZONE D’ÉTUDE
Le bassin versant d’El Abed dont le cours d’eau est un affluent de l’Oued Moulouya, est situé au nord-est du Maroc, dans la partie occidentale du couloir de Guercif-Oujda. Il comprend une partie de la plaine de Tafrata (Figure 1). Sa superficie est de 317 km² à l'exutoire (confluence avec la Moulouya), sa longueur est de 41 km et sa largeur est de 10 km. La dénivelée totale est de 744 m, entre 265 m à l’exutoire et 1009 m à l’amont. Sur le plan administratif, le bassin versant fait partie des communes de Lagtitir et Ahl Oued Za, province de Taourirt.
Figure 1: Situation géographique du bassin versant d’El Abed
Le bassin versant est limité par la chaîne de Béni Mahyou (Béni Snassen ouest) au nord et l’extrême nord-ouest de la chaîne de Jerada au sud. Il est caractérisé par un relief découpé par les cours d’eau et le ravinement en amont et au centre. Il est également distinct par la présence de petits bassins et des plaines d’une platitude remarquable.
OUTILS ET MÉTHODE DE TRAVAIL
La méthode utilisée est basée sur quatre éléments :
l’utilisation des documents et des données (quantitatives et qualitatives) disponibles pour décrire le bassin versant El Abed;
l’utilisation de l’Equation Universelle des Pertes en Sol (USLE);
la simulation de pluie;
l’observation géomorphologique sur le terrain.
Utilisation des documents et des données disponibles
Nous avons tout d’abord consulté les différentes études liées au sujet (Chaker, 1998; Faleh, 2004; Sadiki, 2005; Sbai et Ghzal, 2007; DREF-Oujda, 2007; ORMVAM, 2011; Athmani, 2015 ; Mouadili, 2017). Par la suite, nous avons utilisé un ensemble de documents et de données pour décrire le bassin:
Les cartes topographiques au 1/50 000 (Taourirt, El Agreb, Ain Fritisa, Mont Zanngal), les cartes géologiques (Oujda à 1/500 000, Taourirt à 1/100 000), la carte de végétation des Eaux et Forêts (1/132000), et la carte des sols du Maroc (1/1 000 000);
Le modèle numérique des précipitations et des températures "WorldClim" d’une résolution de 930 m a été utilisé dans le but de calculer l'indice d'agressivité des précipitations;
Les images satellitaires « Landsat » d’une résolution de 60 m au cours des années 1970 et 30 m à partir de 2000, ainsi que les images satellitaires « Sentinel » depuis août 2015 avec une résolution de 10 mètres, ont été utilisées dans le but d'étudier la dégradation du couvert végétal et l'utilisation des sols;
Le Modèle Numérique d'Elévation « Alaska » d’une résolution de 12,5 m, a été utilisé dans le but d'étudier la topographie du bassin versant;
Les données de précipitations pour quelques stations (barrage Hassan II, Taourirt, Guercif, Mel-El-Ouidane) ont été utilisées pour définir les régimes pluviométrique et thermique du bassin versant.
Utilisation du modèle de l’Equation Universelle des Pertes en Sol (USLE)
Le modèle USLE est basé sur une équation faisant intervenir la combinaison des différents facteurs qui contribuent à l’érosion hydrique des sols (Wischmeier et Smith, 1978). Il ne s'applique qu'à l'érosion aréolaire.
A=R×K×LS×C×P
Avec :
A : Perte en sol annuelle moyenne en tonnes par unité de surface par an (t/ha/an).
R : Indice de pluie caractérisant l'agressivité climatique
K : Facteur d’érodibilité du sol
LS : Indice combinant l’effet de la longueur de pente L et du degré de pente S
C : Indice des pratiques culturales
P : Indice d’aménagement anti-érosif
R : indice d’érosivité des pluies (MJ.mm.ha-1.h-1.an-1). Il correspond à la moyenne annuelle des sommes des produits de l’énergie cinétique de la pluie par son intensité en 30 mn consécutives. Les seules données pluviométriques dont nous disposons dans le bassin versant El Abed ou à sa proximité sont des moyennes mensuelles et annuelles. Certains auteurs ont développé des formules alternatives qui ne prennent en compte que les précipitations mensuelles et annuelles pour déterminer le facteur R (Kalman, 1967; Arnoldus, 1980; Rango & Arnoldus, 1987). Dans cette étude, l’indice d’érosivité R a été calculé sur la base de la formule de Rango et Arnoldus (1987).
LogR=1,74×log∑〖Pi〗^2/P+1,29
Où R est l’agressivité des pluies, Pi sont les précipitations mensuelles et P sont les précipitations annuelles en mm.
K : Facteur d’érodibilité du sol ou susceptibilité du sol à l'érosion. Ce facteur exprime la cohésion et la résistance du sol vis-à-vis de l’érosion. Il est fonction de la texture du sol, de sa structure, de son taux de matière organique et de sa perméabilité. Les expérimentations sur différents types de sols ont permis de développer une équation pour le calcul de ce facteur (Wischmeier & Smith, 1978) :
100K=2,1×M^1,14×〖10〗^(-4) (12-a)+3,25(b-2)+2,5(c-3)
Où M est calculé par la formule M = (% sable fin + limon) (100 – % argile), a est le pourcentage de matière organique, b est le code de la perméabilité, et c est le code de la structure.
Plusieurs auteurs ont proposé des équations qui impliquent la proportion des éléments grossiers en surface pour ajuster la formule de Wischmeier & Smith (Dumas, 1964; Renard et al., 1996).
En Afrique du Nord, Cormary et Masson (1964) et Masson (1971) ont estimé la sensibilité des sols à l'érosion en Tunisie. Les valeurs minimales du facteur K étaient de 0,05 pour les rendzines et les valeurs maximales étaient de 0,60 sur les sols bruns calcaires.
En raison de l'absence de la carte des sols et d’une base de données sur les sols dans la zone d’étude, nous nous sommes appuyés sur la carte de susceptibilité des sols à l'érosion de la Direction Régionale des Eaux et Forêts (DREF, 2007).
LS: Il est calculé à partir du degré de pente et de sa longueur par la formule de Wischmeier & Smith (1978) :
LS=〖(L/22,13)〗^m×(0,065+0,045×S+0,065×S^2)
Où L est la longueur de pente en m; S est l’inclinaison de la pente en %; m est un paramètre tel que m = 0,5 si la pente est >5%, m = 0,4 si la pente est de 3,5 à 4,5 %, m = 0,3 si la pente est de 1 à 3 % et m = 0,2 si la pente est <1%.
Il est à noter que, plus la longueur du versant est petite, plus l'érosion en nappe est grande, par comparaison quand la longueur du versant est grande, l'érosion en nappe se rétracte et elle est remplacée par un ruissellement concentré et des ravines (Foster et al., 1977).
Masson (1971) a conclu, sur la base d'un ensemble de tests de simulation de pluies, que le facteur pente est la seule variable qui change durant toutes les expériences réalisées, car le volume de détachement des particules s’accroit avec l'augmentation du degré de pente.
Cette formule a été simplifiée par David (1987) comme suit :
LS=0,10+0,12×S^(4⁄3)
Les pentes ont été calculées en pourcentage à partir du modèle numérique de terrain (MNT) (12,5 m). Puis l'équation précédente a été appliquée pour obtenir le facteur topographique.
C : Facteur de l’occupation du sol. Il a été défini par Wischmeier comme représentant la relation entre la perte en sol par rapport à une parcelle agricole dans certaines conditions et la perte de sol dans une parcelle agricole en jachère nue.
Pour calculer le facteur de couverture végétale, nous nous sommes appuyés sur la carte de végétation (1/132 000) des Eaux et Forêts, la carte de l'indice de végétation moyenne entre 2000 et 2017 et la carte d’occupation des sols obtenue par la classification des images satellitaires. Étant donné que la valeur de l’indice de couverture végétale passe de 1 (terrain nu) à 0 (végétation dense), et que les valeurs de l'indice NDVI (Normalized Difference Vegetation Index) varie de -1 (sol nu) à 1 (végétation dense), une relation évaluant les risques d'érosion du sol peut être utilisée dans différentes circonstances (Gitas et al., 2009). Ces auteurs ont notamment déterminé la couverture végétale et l'indice d'utilisation des sols (C) par la formule suivante:
C=e^(-α×NDVI/(β-NDVI))
En adoptant des valeurs de 0,47 et 0,99 respectivement pour α et β, l'équation se présente comme suit:
C=e^(-0,47×NDVI/(0,99-NDVI))
P : Pratiques antiérosives. La valeur de ce facteur est constante et elle est égale à 1 étant donné que la région a connu un ensemble de pratiques de conservation, mais sans donner de résultats satisfaisants. Les valeurs de P varient selon la pratique adoptée et aussi selon la pente du terrain (Shin, 1999). Cet auteur a classé les valeurs du facteur des pratiques de conservation des sols selon le type d'utilisation (cultures en courbes de niveau, en bandes alternées ou en terrasses, reboisements en banquettes, etc.).
Simulation de pluie
L'érosion a été évaluée par des mesures directes de la détachabilité du sol à l'aide d’un simulateur à rampe pour sa facilité de transport et d’usage même sur les terrains à forte pente, et sa consommation faible en eau (Roose, 1996). Il représente également l’outil le plus simple de simulation de pluie, et permet de pulvériser des gouttes relativement peu énergétiques sur une surface de 0,5 m². Cela nécessite un arrosoir de 30 litres, à la fin duquel une rampe de 50 cm de long est installée; les trous sont espacés de 5 cm.
Le cadre de la parcelle expérimentale est métallique et empêche les fuites d'eau latérales. La parcelle est de 1 m de long et 0,5 m de large, et se termine par un canal collecteur de l'eau qui coule en surface.
Avant chaque simulation, l’étude des caractéristiques de surface (fermé, ouvert, sol couvert, sol nu) et de la rugosité du sol a été effectuée. Le taux d’infiltration est la différence entre l’intensité de pluie et le taux de ruissellement. L’étude du transport solide a été également menée, en évaluant la charge solide contenue dans les eaux ruisselées. Pour évaluer la charge solide, les eaux ruisselées ont été recueillies et conservées dans des bouteilles. Après décantation, les eaux ont été siphonnées et les décantât ont été séchées à l’étuve et puis pesés.
Huit (8) parcelles expérimentales à surfaces contrastées ont été comparées : sol nu, sol nu caillouteux, sol cultivé (parallèlement ou perpendiculairement aux courbes de niveau) et jachère.
Diagnostic des formes d’érosion sur le terrain
De nombreuses formes de l'érosion ont été identifiées et examinées lors des visites répétées dans le bassin versant El Abed. Des photos ont été prises dans le but d’analyser et d'examiner les formes d'érosion et leurs répartitions dans l’espace.
RÉSULTATS ET DISCUSSION
Formes d’érosion
À travers l’inventaire des formes d’érosion dans le bassin versant El Abed, il s'est avéré qu'il connaît une forte activité morphodynamique et des formes variées (Photo 1, 2 et 3). Le ruissellement se développe dans le bassin, sur toutes les classes de pente, et il est étroitement lié à la nature de l’exploitation du milieu naturel.
L'étendue et le centre du lit du cours d’eau sont tous exploités, ainsi que les basses terrasses et les plaines. L’érosion linéaire conduit au ravinement et à l'extension latérale des vallées, malgré sa portée limitée, ce qui contribue au décapage de la couche fertile de la surface.
Les précipitations orageuses et violentes, le déclin et la dégradation de la couverture végétale par le surpâturage et la mise en culture augmentent la vulnérabilité et accélèrent la dynamique de l'érosion hydrique. Cette dynamique fluviale est une caractéristique des zones arides.
Photo 1: Système complexe de dégradation des berges (ruissellement sur les bords, sapement et perte de soutènement, fissuration et chute des berges d’oued El Ard) en aval du bassin versant El Abed
Photo 2: Evolution de l'érosion rétrograde par ravinement près de Sidi Chafi
Photo 3: Forme d'érosion dans le ravin. Route nationale n° 6, Oued Shrishra
Modélisation de l’érosion par USLE et cartographie
Après avoir calculé les différents facteurs du modèle USLE, nous avons calculé les superficies des pertes en sol selon des classes. Les zones à forte érosion représentent 15 km2 d’un total de 317 km2, soit 5%. Les terres caractérisées par une érosion très forte s’étendent sur environ 16,5 km2.
La dégradation spécifique moyenne du sol dans le bassin est estimée à 6,37 t/ha/an. Il a été constaté que la forte et très forte érosion existe dans les zones de hautes altitudes. Ceci est principalement dû aux fortes pentes et à la faiblesse du couvert végétal. Les valeurs d'érosion sont relativement élevées dans le sud de la région (au nord-ouest de la chaîne de Jerada) et dans certaines collines découpées au centre, où les pertes en sol sont comprises entre 15 et 10 t/ha/an, soit 9% de la superficie totale du bassin. Cela est dû à la nature fragile du sol et au système d’utilisation des terres (cultures et parcours). Les surfaces ayant une dégradation spécifique de 10 t/ha/an représentent 86% du bassin versant.
Figure 2: Carte des pertes en sol estimées par USLE
A partir de la figure 2, nous avons essayé d'extraire les pertes en sol en la divisant en cinq catégories en fonction de la structure morphologique du terrain, puis nous avons dressé un tableau qui indique la quantité des catégories de perte en sol.
Tableau 1: Répartition des classes d’érosion dans le bassin versant El Abed
Ruissellement et détachabilité des sols selon l’occupation des terres
Sur la base des objectifs de l’étude dans son volet de quantification de l’érosion hydrique par des mesures directes sur le terrain, nous avons considéré des parcelles, contrastées par des conditions naturelles différentes et des modes d’exploitation variés: jachère, labourée, avec couvert végétal, sol nu. Ceci permet de comparer les influences des différentes utilisations des terres et de développer des relations de cause à effet. Le tableau 2 indique l'emplacement et les caractéristiques des parcelles.
Tableau 2: Caractéristiques des parcelles de simulation de pluie
Les mesures de simulation de pluie montrent que les sols ont des comportements hydrologiques différents (Figure 3). Ces essais ont révélé un faible coefficient d’écoulement sur les parcelles à couverture végétale et les parcelles labourées dans le sens des courbes de niveau, en comparaison avec les parcelles à sol nu et les parcelles à forte pente. Il a été également constaté qu'il existe une différence d'humidité du sol due à la nature des surfaces recouvertes : la couverture végétale contribue à l'augmentation du volume d'eau infiltrée et à la réduction du ruissellement et du volume de la charge solide, mais la pente forte et la nature limono-sableuse du sol augmentent le volume du ruissellement.
Figure 3: Volume d’eau infiltré au cours de la simulation (1ère goutte)
Le tableau 3 montre que les quantités de sédiments transportées par les eaux ruisselées varient de 0,014 à 2,9 t/ha suite à des précipitations artificielles d’une intensité d’un mm/min ou de 60 mm/h pendant 10 minutes.
Malgré les différences entre parcelles, les rapports d'érosion sont toujours différents entre les parcelles dépourvues de végétation naturelle, en comparaison avec les parcelles à couverture végétale et les parcelles à sol nu. La mécanisation des opérations agricoles (tracteurs, moissonneuses, etc.) contribue au tassement du sol et à la formation d’une croûte superficielle qui modifient les propriétés hydrodynamiques du sol (réduction de la porosité et de la perméabilité, et augmentation du ruissellement).
Tableau 3: Détachabilité du sol selon les utilisations des terres (placette de 0,5 m2)
Nous constatons que les quantités de sol détachées restent faibles sur les jachères, les parcelles à sol nu (parcelles 1, 2 et 7) et la parcelle 4 à faible couverture végétale (à base d’armoise). On a également relevé que l’eau ruisselée est presque claire après quelques minutes d’arrosage. Ceci indique le départ de toutes les particules fines de surface, tandis que la majeure partie restante est plus rigide. Après, seuls les matériaux grossiers de surface et de faible cohésion sont mobilisés, en particulier les matériaux sableux adhérant à l'argile et au limon. Ces parcelles enregistrent deux fois plus de charge solide en comparaison avec les parcelles labourées. Quant à la parcelle 8, la charge moyenne est de 364 g/l. Ceci pourrait être expliqué par l’effet de la pente (20%) puisque dans toutes les autres parcelles on n’a pas dépassé la valeur moyenne de 10 g/l.
Action anthropique: facteur de dégradation des terres
L’observation sur le terrain montre clairement que les activités agricoles dans la zone d’étude ont une production très faible. Les agriculteurs essayent de gagner plus de terrain au détriment du couvert végétal qui joue un rôle important dans la fourniture de fourrage et dans la protection du sol contre l’érosion hydrique et éolienne. Cette extension des cultures dans les endroits fragiles et inappropriés provoque de l’érosion en réduisant la couverture végétale et en exposant les sols souvent vulnérables (Photo 4).
Photo 4: Extension des terres agricoles par des opérations d’épierrage, facteurs de dégradation et d’érosion dans la plaine de Tafrata
Dans le couloir de Taourirt-Guercif, les facteurs humains, en particulier les modes d'utilisation des terres, jouent un rôle important dans la dynamique érosive actuelle. Pour réduire la dégradation des ressources naturelles, l'État a mené à bien certains projets tels que la création de réserves pastorales et la plantation d'arbustes fourragers, à travers lesquels il cherche à atteindre des objectifs aux niveaux environnemental, social et économique.
Ce qui est remarquable, c’est que les formes de dégradation continuent en l’absence d’une approche globale et intégrée de développement. La prise en compte des besoins de la population locale et sa participation dans les projets de développement sont de plus en plus requises. Ces projets doivent aboutir à un équilibre entre le développement socioéconomique et la durabilité des ressources.
CONCLUSION
La dynamique érosive dans le bassin d’oued El Abed (Oriental) est fortement liée à la dégradation des terres par la mise en culture et le surpâturage. Les terres défrichées et les sols nus sont caractérisés par des surfaces fermées et moins couvertes. Par conséquent le ruissellement apparaît plus rapidement et provoque une détachabilité conséquente. Les sols nus sont plus vulnérables que ceux couverts par la végétation naturelle. La fragilité naturelle innée est accentuée par l’action anthropique.
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