Effets des engrais azotés sur le rendement du blé et de l'orge sous stress biotique dû à la pourriture sèche du collet induite par le Fusarium culmorum
Résumé
L’efficience de trois engrais azotés a été évaluée par les rendements grain du blé et de l’orge réalisés sous un stress biotique dû à la pourriture du collet des céréales induite par le Fusarium culmorum. L’expérimentation s’est déroulée dans trois serres à environnements différents, et utilisant une seule variété du blé dur, du blé tendre et de l’orge. Les effets de l’inoculation, des formes et des doses d’azote sur la sévérité de la maladie et sur le rendement et ses composantes ont quantifié cette efficience. Le rendement de chaque variété a varié en fonction des environnements, des doses et des formes d’azote. En conditions favorables au développement de la maladie, la dose de 24 g L-1 des fertilisants et surtout celle de l’urée a significativement réduit le rendement de blé dur de 76%. Mais généralement, l’ammonitrate à la dose de 1,5 g L-1 a réduit la sévérité de la maladie et a permis un gain de rendement grain pour tous les environnements atteignant 222%, 307% et 667% respectivement pour la variété du blé dur, blé tendre et orge. Ainsi, l’efficience de la fertilisation azotée dépendait de la forme d’azote, de sa dose et des environnements.
Mots clés: Engrais azotés, dose d’azote, performance de rendement, pourriture du collet, céréales
Téléchargements
INTRODUCTION
La pourriture sèche du collet est une maladie qui s’attaque aux céréales dans toutes les zones arides et semi-arides du monde (Cook, 1981; Backhouse et al., 2004; Smiley et al., 2005). Le complexe fongique responsable de cette maladie englobe plusieurs espèces telluriques, mais le F. culmorum, F. graminearum et F. pseudograminearum sont les plus importants (Paulitz et al., 2002; Gebremariam et al., 2018). Par ailleurs, l’ampleur des pertes en rendement constitue une préoccupation économique pour la plupart de ces régions céréalières (Chakraborty et al., 2006).
Par exemple et en Australie, cette contrainte biotique est considérée une maladie endémique (Burgess et al., 1975), et entraîne des pertes de rendement annuelles d’environ 97 millions de dollars australiens (Murray et Brennan, 2009, 2010). Récemment, le groupe de Serafin a noté des pertes en rendement de 64% sous les conditions de stress hydrique élevées Serafin et al., 2011). De même l’augmentation d’inoculum dans le sol au pré-semis conduit à des pertes entre 8 et 36% sur le blé tendre et entre 24 et 52% sur le blé dur (Hollaway et al., 2013). En Amérique du Nord, les pertes sont estimées à 35% (Smiley et al., 2005) et peuvent atteindre 50% en cas de présence d’inoculum élevé dans le sol (Cook, 1968). Des études en Turquie ont rapporté des pertes en rendement du blé dur allant de 42% à 54% (Bagci et al., 2001; Hekimhan et al., 2004). En Tunisie, les pertes en rendement étaient de l’ordre de 15% sous conditions humide et de 25% sous conditions de sécheresse (Chekali et al., 2013).
Au Maroc et en année normale, les pertes dues à la maladie ont été estimées entre 12 à 17% (El Yousfi, 1984). Ainsi dans les conditions normales de la campagne 2014-2015, les pertes économiques se chiffraient en générale de 344 et de 243 millions de dollars, respectivement pour la production nationale du blé dur (2,4 Mt à 266 dollars/tonne) et du blé tendre (5,6 Mt à 221 dollars/tonne). Mais pour une année sèche comme la campagne agricole 2015-2016, les pertes dues à la sécheresse atteignaient 317 et 718 millions de dollars respectivement pour le blé dur (0,9 Mt à 211 dollars/tonne) et le blé tendre (1,9 Mt à 194 dollars/tonne) et cela par rapport à une année normale (MAPM, 2017 ; FAO, 2018). D’ailleurs, le blé dur est l’espèce la plus sensible qui encaisse le plus de pertes de rendement (El Yousfi, 1984, Hekimhan et al., 2004; Hollaway et al., 2013) suivie par le blé tendre (Baye, 1984 ; Hekimhan et al., 2004; Wallwork et al., 2004 ; Baha Eddine et al., 2020). Il paraît que les pertes dues à la pourriture du collet sont similaires à celles dues à la sécheresse.
En l’absence de variétés résistantes, la réduction de l’inoculum dans le sol et l’atténuation de stress hydrique, à partir des itinéraires techniques convenables, sont les principales mesures de contrôle de cette maladie (Cook, 1974; Chakraborty et al., 2006). Ces mesures comprennent la rotation des cultures (Evans et al., 2010; Chekali et al., 2016), la gestion des résidus de cultures (Burgess et al., 1993), la densité de semis et l'utilisation raisonnée de l’azote (Cook, 1974; Papendick et Cook, 1974). Cependant, la rotation des cultures a ses limites d’efficacité (Cook, 1992; Paulitz et al., 2010) car les agents causaux peuvent survivre dans le sol pendant de longues périodes dans les résidus de cultures et ont une large gamme d’hôtes (Inglis et Cook, 1986). Mais globalement, le remplacement des céréales par d'autres cultures n’est jamais un bon choix. Étant donné que d’ici 2050 la production céréalière doit augmenter de 50% afin de répondre aux besoins de 9 milliards d'habitants (FAO, 2006 ; Alexandratos et Bruinsma, 2012).
De plus, l’azote reste l’élément déterminant pour la production des céréales (Ryan et al., 2009). Son utilisation efficiente est décisive pour l'amélioration de production en quantité et en qualité (Fageria et Baligar, 2005; Garrido-Lestache et al., 2005). Toutefois, son utilisation efficiente ne peut se réaliser qu’à travers un système racinaire sain (Cook, 1992). Mais sous le stress biotique des pourritures racinaires, l'application excessive d'azote, surtout sous forme d’urée, amplifiait le développement de ces maladies (Papendick et Cook, 1974; Martin et al., 1991; Akgül et Erkilic, 2016; Hemissi et al., 2018; Baha Eddine et al., 2019). Par contre, l’utilisation de l’ammonitrate contrôlerait considérablement ce stress biotique (Akgül et Erkilic, 2016; Baha Eddine et al., 2019). Ce qui montre que le raisonnement de la fertilisation azotée pour les céréales devrait prendre en considération la nature et la dose à appliquer et l’aspect phytosanitaire tellurique des cultures.
C’est dans ce but que la présente étude s’intéressait à l’évaluation, sous stress biotique, l’effet de trois formes d’azote appliquées à deux différentes doses sur les performances de rendement.
MATERIELS ET METHODES
Production d’inoculum
Trois isolats très virulents de F. culmorum, originaires respectivement des champs naturellement infectés d’Oujda (Nord du Maroc), de Sidi Yahya Zaer (préfecture de Skhirat-Témara, Maroc) et de Saint Clair (le sud de l’Australie) ont été utilisés (Baha Eddine, 2014) pour la production d’inoculum. Cet inoculum organique, sous forme de poudre, a été obtenu selon la méthode de Baha Eddine et al. (2019).
Installation de l’essai
Les effets de l’inoculation, de trois formes d’engrais azotées, et de leurs deux doses 24 g L-1 (dose normale 1) et 1,5 g L-1 (dose 2) sur les performances de rendement ont été évalués sous serre utilisant une seule variété pour les trois espèces blé dur, blé tendre et orge. Ces trois espèces ont été représentées respectivement par les variétés Ourgh, Salama et Amalou (ONSSA, 2020). Vingt graines de chacune de ces variétés ont été semées dans des pots de dimension 15,5 cm × 12 cm × 11,5 cm selon le même mode de semis et la même méthode d’inoculation décrite par Baha Eddine et al. (2019). Le dispositif expérimental pour les trois espèces était en blocs croisés à quatre répétitions. Le DAP (fertilisation phosphatée) a été appliqué à tous les pots comme engrais de fond à raison de 2 g par pot. Alors que les engrais azotés de couvertures : le sulfate d’ammoniaque (21% N), l’ammonitrate (33,5% N) et l’urée (46% N) ont été appliqués aux stades tallage et montaison, chacun à un volume de 25 ml par pot. Mais pour la faible dose d’azote (1,5 g L-1), deux fertilisations supplémentaires ont été apportées, une au stade gonflement et l’autre à l’épiaison (Baha Eddine et al., 2020). Ainsi, la quantité d’azote reçue par pot était de 0,252 g N, 0,402 g N et 0,552 g N respectivement pour le sulfate d’ammoniaque, l’ammonitrate et l’urée appliqués à la dose 1, et elle était respectivement de 0,032 g N, 0,050 g N et 0,069 g N pour la dose 2. L’essai a été répété 7 fois en fonction des deux doses : 2 fois pour la dose 1 (essais 1 et 2) et 5 fois pour la dose 2 (essai 1, 2, 3, 4 et 5). Les sept essais ont été répartis sur trois serres vitrées (sites) ayant différentes orientations. Les caractéristiques climatiques de ces sites et les essais qui y sont installés sont présentés dans le Tableau 1.
Tableau 1. Répartition des essais au niveau des trois sites d'expérimentation à différentes conditions climatiques (Baha Eddine et al., 2020)
Mesure des variables
L’évaluation de la sévérité de la maladie se basait sur le comptage des épis blancs, à l’anthèse (Zadoks et al., 1974), pour chaque traitement, ainsi que le degré d’infection au niveau des entre-nœuds à la base des plantes (Baha Eddine et al., 2019). Pour l'estimation du rendement et de ses composantes, les épis développés au sein de chaque traitement ont été récoltés pour déterminer le rendement grains, le nombre des grains et le poids de 1000 grains (PMG). Le mitadinage a été évalué visuellement seulement pour le blé dur, et la biomasse sèche des plantes a été pesée, elle, pour les tous les traitements de la dose 2.
Analyse des données
Des travaux antérieurs ont démontré une résistance variétale différenciée au sein des trois espèces, un effet important de la fertilisation azotée et de la dose d’application, et une sensibilité variétale qui variait en fonction de la dose et la forme azotée (Baha Eddine et al., 2020). Partant de cela, l'analyse des données de cette expérimentation a été faite par espèce, par dose, et aussi par site, selon la signification statistique des interactions entre les facteurs étudiés. Toutes les analyses ont été faites avec le logiciel statistique SPSS version 20 pour Windows (Gamst et al., 2008 ; Aljandali, 2017), et les analyses de la variance factorielle ont été faites par la procédure Linear Mixed Model se basant sur le dispositif expérimental de blocs aléatoires complets à quatre répétitions.
RÉSULTATS
Essai blé dur
A partir du Tableau 2 et à la dose 1, on constate que les traitements de fertilisation n’ont eu aucun effet ni sur la sévérité de la maladie ni sur le pourcentage des épis blancs (P > 0,05). Néanmoins, une interaction significative existe entre les fertilisants azotés, l’inoculation et les sites d’expérimentations en termes de leur effet sur le pourcentage des épis blancs (P ≤ 0,015). Quant au rendement et ses composantes, le PMG et le pourcentage des grains mitadinés étaient les seules variables significativement affectées par la fertilisant azoté (P = 0,001). En revanche, l’apport de ces fertilisants à la dose 2 a montré des effets hautement significatifs sur toutes les variables mesurées (P ≤ 0,019) (Tableau 3). En ce qui concerne la sévérité de la maladie et le pourcentage des épis blancs, une interaction hautement significative existe entre la fertilisation azotée (dose 2), l’inoculation et les sites d’expérimentation (P ≤ 0,012) (Tableau 3). A cette dose 2, les fertilisants ont montré une interaction hautement significative avec les sites (P ≤ 0,008) lors de l’évaluation de leur effet sur le rendement grain et la biomasse sèche (Tableau 3). Cette présence d’interactions significatives nous a obligés à inspecter les effets moyens des fertilisants par site qui sont présents dans les Tableaux 4 et 5.
L’inoculation n’a eu aucun effet différentiel sous une fertilisation azotée à la dose 1 (Tableau 2) sur toutes les variables mesurées. En ce qui concerne la sévérité, en moyenne elle était de 0,8 (sur une échelle de 0 à 3), et pour le pourcentage des épis blancs, il était de 11% (Figure 1). Pourtant sous la dose 2, l’inoculation a induit un effet positif et hautement significatif (P ≤ 0,016) sur la sévérité ainsi que sur le développement des épis blancs (Tableau 3). La moyenne de la sévérité et du pourcentage des épis blancs était respectivement, de 0,71 pour l’inoculé et de 8%, et pour le non inoculé elle était de 0,04 et 2% (Figure 1).
Tableau 2. Analyses de la variance de l’effet des sites d’expérimentation, de l’inoculation (IN.), des fertilisants (Fert.) appliqués à la dose 1 et leurs interactions sur la sévérité de la pourriture du collet, le pourcentage des épis blancs, le rendement et ses composantes, et sur le pourcentage du mitadinage des grains du blé dur.
Tableau 3. Analyses de la variance de l’effet des sites d’expérimentation, de l’inoculation (IN.), des traitements de fertilisation (Fert.) appliqués à la dose 2 et de leurs interactions sur la sévérité de la pourriture du collet, le pourcentage des épis blancs, le rendement et ses composantes et sur et sur le pourcentage du mitadinage des grains du blé dur
Figure 1. Effet de la fertilisation azotée appliquée à deux doses (1 et 2) sur la sévérité de la maladie et le pourcentage des épis blancs évalués sur la variété du blé dur Ourgh.
Les observations ont aussi révélé un fort développement de la maladie sous la fertilisation azotée à la dose 1, même sur les plantes étaient non inoculées (Figure 1). De plus, le pourcentage des épis blancs était positivement corrélé à la quantité d’azote ajoutée notamment sous le site 1 (Tableau 4). L’application du sulfate d’ammoniaque, de l’ammonitrate ou de l’urée, à la dose 1 sous site 1, a augmenté le pourcentage des épis blancs respectivement de plus de 2 fois, de 7 fois et 20 fois par rapport au témoin non fertilisé (Tableau 4). Par conséquent, le rendement grain et le nombre de grains étaient très faibles sous cette dose 1, notamment sous conditions du site 1. Les traitements de fertilisation n’ont présenté aucune différence significative par rapport au témoin non fertilisé, mais le rendement et le nombre de grains étaient moyennement plus élevés sous une fertilisation à la dose 1 du sulfate d’ammoniaque (Tableau 4).
Tableau 4. Effet moyen de la fertilisation azotée à la dose 1 et l’interaction avec les sites d’expérimentation sur le pourcentage des épis blancs, le rendement grain et le nombre de grains chez la variété de blé dur Ourgh.
Par ailleurs, le développement de la maladie sous la dose 2 était moins important par rapport à la dose 1 (Figure 1), et la sévérité et le pourcentage des épis blancs augmentaient avec l’augmentation de la quantité d’azote en allant du 21% N à 46% N. Toutefois, la forme urée a beaucoup plus favorisé le développement de la maladie et cela pour les trois sites (Tableau 5). En cas d’inoculation, l’ajout de l’urée à la dose 2 a significativement augmenté la sévérité de la maladie et le pourcentage des épis blancs par rapport au témoin, inoculé et non fertilisé, au niveau des trois sites notamment pour les essais 1, 2, 4 et 5. Par contre, le sulfate d’ammoniaque et l’ammonitrate n’ont montré une différence significative par rapport au témoin inoculé non fertilisé que pour la sévérité de la maladie sous conditions du site 1 (Tableau 5). Sous l’effet de l’inoculation et des conditions du site 1, le sulfate d’ammoniaque et l’ammonitrate ont enregistré une sévérité de 1 (sur une échelle de 3) (Tableau 5). En revanche, l’urée a beaucoup plus favorisé l’incidence de la maladie avec une sévérité d’environ 2, et il était le seul fertilisant qui a affecté significativement le pourcentage des épis blancs par rapport au témoin inoculé non fertilisé, avec une valeur de 21% (Tableau 5). Quant au rendement grain et la biomasse sèche, l’apport des trois fertilisants à la dose 2 les a significativement améliorés par rapport au témoin non fertilisé, mais ils ont été plus élevés sous une fertilisation à base de l’ammonitrate sous site 1 (Tableau 6). Au niveau du ce site 1 et à la dose 2, l'apport du sulfate d’ammoniaque, de l’ammonitrate ou de l’urée s’est répercuté sur un gain de rendement grain respectif de 126%, 144% et de 137% en comparaison au témoin non fertilisé. De plus, la biomasse sèche a connu une amélioration respective de 72%, 89% et 83% (Tableau 6).
Tableau 5. Effet moyen de la fertilisation azotée à la dose 2 et l’interaction avec l’inoculation et les sites d’expérimentation sur la sévérité de la maladie et le pourcentage des épis blancs chez la variété de blé dur Ourgh.
Tableau 6. Effet moyen de la fertilisation azotée à la dose 2 et l’interaction avec les sites d’expérimentation sur le rendement grain et la biomasse sèche des plantes du blé dur.
Indépendamment des sites d’expérimentation, l’application de la dose 1 du sulfate d’ammoniaque a induit une production moyenne du PMG (52,22 g) qui était équivalente à celle du témoin non fertilisé (PMG=51,41 g). Mais, l’apport de l’ammonitrate ou de l’urée, à la même dose, a réduit le PMG respectivement de 15% (PMG=43,69 g) et de 20% (PMG=40,94 g). Par contre, l’apport de ces fertilisants à la dose 2 avait un effet positif sur le nombre de grains et le PMG (Tableau 7). Pour cela, le sulfate d’ammoniaque, l’ammonitrate et l’urée ont augmenté le nombre de grains respectivement de 80%, 95% et 102%, et le PMG respectivement de 7%, 17% et 9% par rapport au témoin non fertilisé (Tableau 7).
Pour la qualité des grains du blé dur Ourgh, l’absence d’azote a amplifié le taux de mitadinage qui atteignait 86%, par contre l’apport d’azote à la dose 1 a annulé cette composante. En revanche à la dose 2, le taux du mitadinage était négativement corrélé à la quantité d’azote appliquée pour chaque fertilisant. Ainsi, le pourcentage des grains mitadinés diminuait du sulfate d’ammoniaque à l’urée (Tableau 7).
Tableau 7. Effet moyen des traitements de fertilisation, appliqués à la dose 2, sur le nombre de grains, le PMG et sur la qualité des grains du blé dur.
Essai blé tendre
L’application de la fertilisation à la dose 1 ainsi que l’inoculation n’avait aucun effet significatif sur toutes les variables mesurées (Tableau 8). Pourtant, on a noté des interactions significatives (P ≤ 0,025) entre les fertilisants et les sites d’expérimentation sur la sévérité, le pourcentage des épis blancs et le nombre de grains. De plus, le Tableau 8 montre une triple interaction entre les fertilisants, l’inoculation et les sites pour le PMG.
Par contre et à la dose 2, la fertilisation a produit des effets hautement significatifs sur presque toutes les variables mesurées (P ≤ 0,004), sauf pour le pourcentage des épis blancs (P > 0,05). En outre, les interactions significatives entre les fertilisants, les sites d’expérimentation et l’inoculation sur la sévérité de la maladie, et celle des fertilisants et les sites concernant leur effet sur le rendement grains, le nombre de grains et la biomasse sèche des plantes (P < 0,05) nous ont amenés à analyser les effets moyens de ces facteurs par site (Tableau 9).
L’inoculation, quant à elle, n’a montré d’effet significatif que pour une fertilisation azotée à la dose 2 (P < 0,05) et notamment sur la sévérité de la maladie et le nombre de grains (Tableaux 8 et 9). La moyenne de la sévérité était de 0,28 pour l’inoculé et de 0,01 pour le non inoculé (Figure 2). Quant au nombre de grains, il était de 89 pour l’inoculé et de 95 en non inoculé. De plus, des interactions significatives existaient entre l’inoculation et les sites d’expérimentation pour le rendement grain (P=0,011 ; Tableau 9), ce dernier a été réduit de 22% (inoculé 5,88 g ; non inoculé 7,56 g), lors d’une fertilisation à la dose 2 au niveau de l’environnement 1.
Tableau 8. Analyses de la variance de l’effet des sites d’expérimentation, de l’inoculation (IN.), des traitements de fertilisation (Fert.), appliqués à la dose 1, et leurs interactions sur la sévérité de la pourriture du collet, le pourcentage des épis blancs et sur le rendement et ses composantes chez le blé tendre.
Tableau 9. Analyses de la variance de l’effet des sites d’expérimentation, de l’inoculation (IN.), des traitements de fertilisation (Fert.) appliqués à la dose 2 et leurs interactions sur la sévérité de la pourriture du collet chez le blé tendre, le pourcentage des épis blancs et sur le rendement et ses composantes.
Figure 2. Effet de la fertilisation azotée appliquée à deux doses (1 et 2) sur la sévérité de la maladie et le pourcentage des épis blancs évalués sur la variété du blé tendre Salama.
D’après les résultats de la dose 1 des fertilisants (Tableau 10), la sévérité de la maladie dépendait de la forme d’azote, tandis que le pourcentage des épis blancs était positivement corrélé à la quantité d’azote appliqué, notamment au niveau du site 1. De plus et pour les deux sites 1 et 2, la sévérité et le pourcentage des épis blancs obtenus avec l’apport du sulfate d’ammoniaque n’étaient pas différents de ceux du témoin non fertilisé. De même, l’ammonitrate a induit une sévérité similaire à celle du témoin non fertilisé, mais il a augmenté le pourcentage des épis blancs de plus de 3 fois sous le site 1. En revanche, l’urée était la seule forme qui a significativement augmenté la sévérité de la maladie par rapport au témoin d’environ 6 fois, et elle a augmenté le pourcentage des épis blancs de plus de 9 fois au niveau du site 1 (Tableau 10). L’ajout des fertilisants à la dose 1 dans le site 1 a produit des nombres de grains et des PMG plus faibles par rapport au site 2, avec une corrélation négative à la quantité d’azote appliquée pour les deux sites 1 et 2. Ainsi le nombre de grains et le PMG diminuaient en allant du 21% N au 46% N (Tableau 10). Pour les deux sites, il n’y avait pas d’amélioration du rendement grains malgré qu’il y ait eu une amélioration de ses composantes (Tableau 10). Sous site 1, seul l’apport du sulfate d’ammoniaque ou de l’ammonitrate à la dose 1 a augmenté le nombre de grains respectivement de 110% et 83%, alors qu’à cette même dose, l’application de la dose 1 du sulfate d’ammoniaque, de l’ammonitrate ou de l’urée a réduit le PMG respectivement de 7%, 16% et 17%. Au niveau du site 2, la dose 1 de l’ammonitrate ou de l’urée a augmenté le nombre de grains respectivement de 132% et 121% avec une réduction respective de 5% et 10% du PMG par rapport au témoin. Quant au sulfate d’ammoniaque, son apport à la dose 1 au site 2 a amélioré le nombre de grains de 138% et il était le seul fertilisant qui n’a pas affecté le PMG en comparaison au témoin non fertilisé (Tableau 10).
Tableau 10. Effet moyen de fertilisation azotée à la dose 1 et l’interaction avec les sites d’expérimentation sur la sévérité de la maladie, le pourcentage des épis blancs, le rendement grains, le nombre de grains et le PMG du blé tendre.
Pour l’application de ces fertilisants à la dose 2, la sévérité de la maladie dépendait de la forme d’azote et des sites d’expérimentation alors que le pourcentage des épis blancs était similaire pour les trois formes azotées. La forme urée a engendré des sévérités les plus élevées par rapport aux autres formes d’azote cela au niveau des trois sites d’expérimentation (sévérité moyenne de 0,80), alors que les sévérités moyennes, dans le site 3, les plus faibles ont été obtenues avec l’application de l’ammonitrate ou du sulfate d’ammoniaque (sévérité moyenne ≤ 0,15). L’analyse de l’interaction inoculation et fertilisants n’a montré de différence significative par rapport au témoin inoculé et non fertilisé qu’au niveau de l’essai 2 du site 2, et des essais 4 et 5 pour le site 3. Au niveau de l’essai 2 du site 2 et sur une échelle de 3, la dose 2 du sulfate d’ammoniaque a engendré une sévérité de 0,52 significativement différente de celle du témoin inoculé non fertilisé. De même, l’ajout de l’urée à la même dose 2 a enregistré des sévérités différentes avec 0,62 de sévérité pour l’essai 2 du site 2, et 0,64 et 0,83 respectivement pour les deux essais 4 et 5 du site 3. En revanche, l’ammonitrate à la dose 2 était le seul fertilisant qui n’a pas affecté cette sévérité.
Pour le rendement et ses composantes, l’apport des trois fertilisants à la dose 2 sous les conditions des deux sites 2 et 3 a significativement amélioré le rendement grains, le nombre de grains et la biomasse sèche (Tableau 11). Cette augmentation était positivement corrélée à la quantité d’azote ajoutée. Tandis qu’au niveau du site 1, seuls l’ammonitrate et le sulfate d’ammoniaque ont augmenté ces trois composantes. De plus, l’apport de la dose 2 de l’ammonitrate sous site 1 a enregistré un rendement grain et une biomasse sèche les plus élevés avec une amélioration respective de 50% et 23% par rapport au témoin non fertilisé. Alors que le nombre de grains le plus grand a été obtenu sous site 1 lors d’une fertilisation à la dose 2 du sulfate d’ammoniaque dont on a calculé un gain de 36% (Tableaux 11 et 16). Indépendamment des sites d’expérimentation, l’apport de la dose 2 du sulfate d’ammoniaque a engendré un PMG de 40,08 g similaire au témoin non fertilisé (38,19 g), tandis que l’apport de l’ammonitrate ou de l’urée à cette même dose l’ont augmenté respectivement de 19% (45,36 g) et de 22% (46,55 g).
Tableau 11. Effet moyen de la fertilisation azotée à la dose 2 et l’interaction avec les sites d’expérimentation sur le rendement grains, le nombre de grains et la biomasse sèche du blé tendre.
Essai orge
Lorsque la variété d'orge a été fertilisée avec la dose 1, le PMG était la seule variable significativement affectée par ce traitement (Tableau 12). Mais, des interactions significatives étaient présentes entre les traitements de fertilisants et les sites d’expérimentation concernant le rendement grain et le nombre de grains. Par contre, l’application des fertilisants, à la dose 2, a révélé des effets hautement significatifs pour toutes les variables mesurées, sauf pour le pourcentage des épis blancs (Tableau 13). De plus, des interactions significatives étaient aussi présentes entre les formes d’azote et les sites d’expérimentation concernant le rendement grain, le nombre de grains, et la biomasse sèche (Tableaux 12 et 13).
Pour toutes les variables observées, aucun effet significatif de l’inoculation sous une fertilisation azotée à la dose 1 n’a été relevé. Pourtant, une interaction significative existait entre l’inoculation et les sites d’expérimentation concernant leur effet sur le rendement et le nombre de grains (Tableau 12). La moyenne du rendement grains et celle du nombre de grains étaient respectivement de 3,71 g et 100 pour l’inoculé, et elles étaient de 3,96 g et 108 pour le non inoculé. La Figure 3 montre que les niveaux de sévérités étaient dépendants de l’inoculation et des doses d’engrais azotées utilisées. En revanche et à la dose 2, l’analyse a montré une interaction hautement significative (P=0,006) entre l’inoculation et les fertilisants azotés pour la sévérité de la maladie (Tableau 13). Cette interaction est illustrée dans la Figure 4 où l’urée et le sulfate d’ammoniaque ont donné des sévérités respectivement, de 0,65 et 0,35 significativement différente du témoin inoculé non fertilisé (sur une échelle de 3), tandis que l’ammonitrate a produit une sévérité d’environ 0,2 équivalente à celle du témoin (Figure 4).
Tableau 12. Analyses de la variance de l’effet des sites d’expérimentation, de l’inoculation (IN.), des traitements de fertilisation (Fert.) appliqués à la dose 1 et leurs interactions sur la sévérité de la pourriture du collet, le pourcentage des épis blancs et sur le rendement et ses composantes chez l’orge.
Tableau 13. Analyses de la variance de l’effet des sites d’expérimentation, de l’inoculation (IN.), des traitements de fertilisation (Fert.) appliqués à la dose 2 et leurs interactions sur la sévérité de la pourriture du collet chez l’orge, le pourcentage des épis blancs et sur le rendement et ses composantes.
Figure 3. Effet de la fertilisation azotée, appliquée à deux doses (1 et 2) sur la variété d’orge Amalou, sur la sévérité de la maladie.
Figure 4. Interaction entre les fertilisants azotés, appliqués à la dose 2, et l’inoculation sur la sévérité de la pourriture du collet de la variété orge.
Sous l’effet des sites et de la dose 1 des fertilisants, le rendement grain était négativement corrélé à la quantité d’azote appliquée au niveau des sites 1 et 2, alors que le nombre de grains obtenus dépendait de la forme d’azote. Toutefois, ces deux composantes étaient plus élevées sous les conditions de l’environnement du site 1 (Tableau 14).
En outre, la dose 1 du sulfate d’ammoniaque, de l’ammonitrate ou l’urée sous site 1 a augmenté le rendement grain respectivement de 327%, 249%, 227% et le nombre de grains respectivement de 293%, 251% et 261% par rapport au témoin non fertilisé. Sous les conditions du site 2, l’ajout de ces fertilisants a amélioré le rendement grain respectivement de 97%, 75%, 57%, et le nombre de grains, respectivement de 79%, 91%, 85% (Tableau 14).
En général et puisque les fertilisants avaient un effet significatif sur le PMG (Tableau 12), l’application du sulfate d’ammoniaque à la dose 1 augmentait cette composante de 11% (41,79 g), alors que l’ammonitrate ou l’urée l’ont réduit respectivement de 3% (36,70 g) et de 11% (33,55 g) par rapport au témoin non fertilisé (37,73 g).
Tableau 14. Effet moyen de la fertilisation azotée à la dose 1 et l’interaction avec les sites d’expérimentation sur le rendement grain et le nombre de grains de l’orge.
Par contre, sous une fertilisation azotée à la dose 2, le rendement grain et le nombre de grains dépendaient de la forme d’azote et des sites d’expérimentation, alors que la biomasse sèche des plantes augmentait avec l’augmentation de la quantité d’azote appliquée (Tableau 15). Quant à l’effet des fertilisants azotés, les trois formes utilisées ont augmenté le rendement grains, le nombre de grains et la biomasse sèche par rapport aux témoins non fertilisés, et cela au niveau des trois sites, sauf que ces trois composantes diminuaient en allant du site 1 au site 3 (Tableau 15).
Le Tableau 16 résume les gains obtenus, par essai, sous l’effet des trois fertilisants en fonction des trois sites d’expérimentation. En outre, l’ajout de la dose 2 de l’ammonitrate a enregistré les rendements grains et les nombres de grains les plus grands au niveau de l’essai 1 sous site 1 et l’essai 3 sous site 2 et les gains par rapport aux témoins non fertilisés étaient respectivement de 200% et 131% pour l’essai 1 et de 700% et 463% pour l’essai 3 (Tableaux 15 et 16). L’urée a permis de produire un rendement et un nombre de grains les plus élevés pour l’essai 2 du site 2 et l’essai 4 du site 3. De ce fait, ces deux composantes ont été améliorées respectivement de 795% et 633% pour l’essai 2, et de 626% et 565% pour l’essai 4 (Tableaux 15 et 16).
Globalement, la dose 2 des trois fertilisants (sulfate d’ammoniaque, de l’ammonitrate ou de l’urée) a amélioré le PMG respectivement de 36% (40,81 g), 37% (41,36 g) et 32% (39,76 g) par rapport à un témoin non fertilisé (30,11 g).
Tableau 15. Effet moyen la fertilisation azotée à la dose 2 et l’interaction avec les sites d’expérimentation sur le rendement grains, le nombre de grains et la biomasse sèche des plantes chez l’orge.
Tableau 16. Le gain (%) du rendement grains, du nombre de grains et de la biomasse sèche chez les trois espèces en fonction des fertilisants azotés, appliqués à la dose 2, et des sites d'expérimentation.
DISCUSSION
Plusieurs études se sont intéressées soit à l’évaluation de l’effet de la dose d’azote (Papendick et Cook, 1974; Martin et al., 1991 ; Hemissi et al., 2018) ou à la forme d’azote (Akgül et Erkilic, 2016; Baha Eddine et al., 2019 et 2020) sur la sévérité de la maladie ou sur les pertes en rendement. D’autres études, menées au Maroc, ont rapporté que l’efficience d’utilisation de l’azote chez les blés variait en fonction des conditions environnementales, et qu’elle est plus élevée lorsque l’apport d’azote est faible alors qu’elle diminue avec l’augmentation de ce dernier (Karrou, 1992 ; Mosseddaq et Moughli, 1999). De plus, Karrou (1996) a trouvé une large variabilité génotypique pour l’efficience d’utilisation de l’azote chez sept variétés du blé tendre, sous une fertilisation azotée à deux doses de 20 et 60 kg N/ha. Pourtant et à notre connaissance, la performance de la fertilisation azotée, sous un stress biotique, sur le rendement et ses composantes n’a pas été traitée. Ainsi sous l'effet de la pourriture du collet due au Fusarium culmorum, l'application à deux doses de trois formes d’engrais azotées sur le rendement a été évaluée.
Les résultats ont montré que l’utilisation d’azote à la dose 1 (24 g L-1) a favorisé l’incidence et le développement de la pourriture du collet par rapport à la dose 2 (1,5 g L-1). Et cette application a induit une augmentation de la sévérité de 127%, 179% et 280% respectivement pour les trois variétés utilisées (Figures 1, 2 et 3). De plus, les conditions de l’environnement 1 ont amplifié l’effet des doses d’azote et surtout celui de la dose 1 (Tableaux 4 ; 5 et 10). Ces résultats sont en accord avec ceux qui stipulent que la sévérité de la maladie est amplifiée par l’apport excessif d’azote (Cook, 2017). Ainsi, l’étude de Smiley et ses collègues (1996), et son travail récent de 2019 supportent la relation entre le pourcentage des épis blancs et la quantité d’azote appliquée, comme c'était dans notre environnement 1. En 1996, ils ont montré que le pourcentage des épis blancs augmentait avec l’augmentation d’azote de 0 à 180 kg N/ha. Plus tard en 2019, ils ont trouvé les mêmes résultats sur quatre variétés du blé d’hiver lors d’une application d’azote allant de 0 à 45 kg N/ha (Smiley, 2019).
Dans notre étude, l'amplification de la maladie par une fertilisation azotée, à la dose 1, a camouflé l'effet de l’inoculation sur les variables mesurées. Et l’absence de cet effet est expliquée par l'induction de la maladie sur les plantes non inoculées (Figures 1, 2 et 3). Cette même constations a été rapportée par Baha Eddine et al. (2020) lors de la fertilisation d’une collection variétale du blé dur, du blé tendre, d’orge et du triticale avec la dose 1 des trois formes d’engrais azotées ici utilisées et sous inoculation avec le F. culmorum. De plus, l’augmentation accrue de la maladie sur les variétés du blé dur et du blé tendre fertilisés à cette dose a masqué l’effet des traitements de fertilisation sur le rendement grains.
Par contre au niveau de la dose 2, les effets de l’inoculation et de la fertilisation étaient plus évidents chez les trois variétés et surtout chez celle du blé dur (Figures 1 ; 2 ; 3 et Tableaux 6 ; 11 et 15). Ce qui est en accord avec d’autres études, cette dernière figurait comme étant l’espèce la plus susceptible à la pourriture du collet (Baye, 1984 ; El Yousfi, 1984 ; Wallwork et al., 2004 ; Baha Eddine et al., 2020).
Pour les variétés du blé dur et du blé tendre fertilisées à la dose 1, les conditions du site 1 ont favorisé le développement des épis blancs avec une forte incidence chez le blé dur (jusqu’à 53%). Ce résultat est supporté par ceux obtenus au niveau d’Al Koudia et de Merchouch lors d’un apport d'azote de couverture de 87,5 unités par hectare. Ainsi, les variétés du blé dur ont développé plus d’épis blancs que celles du blé tendre (Baye, 1984). Et cette incidence d'épis blancs renseignait directement sur la sévérité et l’évolution de la maladie (El Yousfi, 1984), mais à condition de s’assurer que les épis blancs soient seulement dus à la pourriture racinaire. De plus, la formation des épis blancs dépendait de l’humidité et de la température, et leur proportion est variable. Mais, cette formation d’épis blancs ne peut pas être considérée comme un paramètre fiable, récurrent ou précis de la sévérité (Burgess et al., 2001; Smiley, 2019). D’autre part, l’infection de la base des tiges induit aussi des lésions brunes qui entraient des pertes en rendement par la réduction du nombre de talles et la taille des grains (Hollaway et Exell, 2010).
Les pertes encaissées sur les deux variétés du blé, sous conditions du site 1, sont dues uniquement à la perte économique de la fertilisation azotée appliquée à la dose 1 (Tableaux 4 et 10). Par contre et sous les mêmes conditions, une amélioration du rendement a été enregistrée sur la variété d’orge (Tableau 14). Cette différence entre les blés et l’orge peut s’expliquer par la sensibilité des blés et la tolérance de l’orge à cette maladie récurrente (Baye, 1984 ; El Yousfi, 1984 ; Hekimhan et al., 2004 ; Baha Eddine et al., 2020). L’application à la dose 1 des fertilisants a engendré un état de stress et d’affaiblissement chez les plantes du blé dur et de tendre qui a été traduit par un comportement variétal moyennement sensible à moyennement résistant (Baha Eddine et al., 2020). De ce fait, nos observations notaient une faiblesse du rendement et ses composantes, et un effet camouflé des engrais azotés chez ces deux espèces.
En revanche, la fertilisation azotée à la dose 2 a dévoilé un niveau élevé de résistante chez les trois variétés testées (résistante à très résistante) (Baha Eddine et al., 2020). Et en fonction des sites d’expérimentation, cela s’est répercuté positivement sur le rendement et ses composantes, dont les gains du rendement grains, variaient entre 43 et 222% sur le blé dur, entre 0 et 442% sur le blé tendre et entre 0 et 795% sur la variété de l’orge (Tableau 16). On peut dire que la fertilisation azotée à la dose 2 a fourni aux plantes leur besoin en azote nécessaire à l’amélioration de leur résistance aux maladies par l’augmentation de la synthèse des composés impliqués dans la défense des plantes hôtes (Hoffland et al., 2000). Aussi à travers une interaction hôte-pathogène équilibrée loin de toute sorte de dominance de l’agent pathogène (Baha Eddine et al., 2020).
Nos résultats sont supportés par ceux récemment publiés (Baha Eddine et al., 2020) et qui portait sur le pouvoir pathogène du F. culmorum et la résistance variétale sous l’effet des mêmes doses et formes d’azote, ici utilisé. La dose 1 des fertilisants a favorisé l’infection des trois espèces par le F. culmorum en augmentant le pouvoir pathogène du champignon d’où les sévérités les plus élevées et la réponse variétale biaisée par rapport à la dose 2. Tandis que la dose 2 a restreint le pouvoir pathogène du champignon face à une résistance améliorée des plantes qui présentaient des sévérités minimales et une expression réelle du comportement des variétés par rapport à l’application des engrais azotés à la dose 1 (Baha Eddine et al., 2020).
Par ailleurs et sous une fertilisation à la dose 2, on a constaté que le rendement et ses composantes des trois variétés étaient plus élevés au niveau du site 1 par rapport à la même dose sous un ensoleillement faible (site 3). Ce résultat peut être lié à la faible quantité d’azote et la faible température au niveau du site 3 vu que la sévérité de la maladie était faible au niveau de ce site (sévérités moyennes inférieures à 1 ; comportement variétal résistant). Cette relation largement étudiée (Evans et al., 1983; Mächler et al., 1988; Kumar et al., 2002) montre que le taux de la photosynthèse diminue chez les plantes déficientes d’azote et qu’il dépend aussi de la capacité de capturer la lumière. Un faible rayonnement lumineux réduisait la photosynthèse chez les plantes du blé dur (Perchorowicz et al., 1981). En outre, Sage (1990) a suggéré que les limitations de la photosynthèse sont compensées par des régulations au sein des processus impliqués dans la photosynthèse. On peut donc dire que l’effet limitant de la faible quantité d’azote (dose 2) sur la photosynthèse a été compensé par l’ensoleillement fort au niveau du site 1. Par ailleurs et sous les conditions du site 3, le rayonnement solaire était faible ce qui a limité encore plus le processus de la photosynthèse et le résultat était une faiblesse du rendement et de ses composantes.
D’après les effets moyens des trois différentes formes d’engrais azotés, il est à noter qu’en plus de la dose d’azote et des conditions climatiques des sites d’expérimentation, la forme d’azote a eu un impact direct sur la sévérité de la maladie et par conséquent sur les performances de rendement. Au niveau des trois variétés céréalières, l’apport de l’urée à deux doses, amplement différentes, a beaucoup plus favorisé l’incidence de la maladie par rapport aux autres engrais azotés utilisés aux mêmes doses, et surtout au niveau du site 1. Par conséquent, l’apport de ce fertilisant à la dose 1 a réduit considérablement le rendement grain et ses composantes, notamment sous le site 1. Plusieurs travaux ont démontré cet effet stimulateur de l’urée sur la sévérité de la maladie (Akgül et Erkilic, 2016 ; Baha Eddine et al., 2019, 2020). Akgül et Erkilic (2016) ont comparé l’effet de différents programmes de fertilisation sur la sévérité de la pourriture racinaire chez une variété du blé tendre inoculée avec le F. culmorum sous serre, et ils ont montré que l’application de l’urée en couverture a significativement augmenté la sévérité de la maladie par rapport à l’ammonitrate. De même, une fertilisation de couverture à base de l’urée appliquée à la dose 1 aux stades tallage et montaison a significativement augmenté la sévérité de la maladie avec une réduction significative de la biomasse sèche des plantes du blé dur par rapport aux autres formes testées notamment le sulfate d’ammoniaque et l’ammonitrate (Baha Eddine et al., 2019).
D’ailleurs, la forme urée soutenait la croissance, la sporulation et le pouvoir pathogène du F. culmorum surtout à une température de 20-25°C, et son utilisation à la dose de 24 g L-1 biaisait la résistance variétale (Baha Eddine et al., 2020). Pourtant, l’apport de l’urée à la dose 2 a amélioré les performances de rendement chez les trois variétés utilisées dans cette étude. Et s’est avéré que l’on peut convertir les pertes économiques dues à l’utilisation de la forme urée en des gains de rendement rien qu’en changeant la dose d’application, pour les trois variétés testées au niveau des 5 environnements de l’expérimentation. Aussi, le site 1 qui encaissait les pertes de rendement les plus élevées sous une fertilisation à la dose 1 a enregistré les rendements grains les plus grands sous une fertilisation à la dose 2. D’où l’importance de l’environnement et la dose d’azote pour une utilisation efficiente de la fertilisation azotée chez les céréales (Karrou, 1992 ; Mosseddaq et Moughli, 1999).
Pour l’ammonitrate, son utilisation à deux doses a induit, en moyenne, les plus faibles sévérités et son effet était le plus proche, voire mieux, que celui du sulfate d’ammoniaque sur la sévérité de maladie, lorsqu’ils ont été appliqués à la dose 1 (Baha Eddine et al., 2019). Par ailleurs et chez les trois variétés, le rendement et ses composantes obtenus sous une fertilisation à la dose 1 de l’ammonitrate paraissaient supérieurs (Tableaux 4 ; 10 et 14) à ceux enregistrés par la même dose de l’urée. De plus, l’apport de l’ammonitrate à la dose 2 a donné les gains les plus élevés du rendement grain, de la biomasse sèche et du PMG chez le blé dur au niveau de trois sites, avec un taux du mitadinage d’environ 20%. Et que ce dernier paramètre était donc moins que les normes (Samson et Desclaux, 2006). De ce fait et pour une espèce aussi sensible, l’ammonitrate est le meilleur engrais de couverture puisqu’il réduit considérablement la sévérité de la maladie tout en assurant la qualité et la quantité des rendements grains. Ces résultats relatifs à l’ammonitrate sont consolidés par ce qui a été récemment rapporté par l’étude de Baha Eddine et al. (2020) ; qui a démontré que cette forme d’azote réduisait amplement la croissance, la sporulation et le pouvoir pathogène du F. culmorum et permettait une expression réelle de la résistance variétale.
Quant au sulfate d’ammoniaque, son application à la dose 1 a réduit considérablement l’incidence de la maladie chez les trois variétés et que cette réduction s’est répercutée positivement sur le rendement et ses composantes (Tableaux 4 ; 10 et 14). Ces résultats pourraient être liés à la faible teneur en azote par rapport aux autres formes et aussi à la présence du soufre. La teneur en soufre (23 à 24%) présente dans le sulfate d’ammoniaque induit une action fongistatique (Falisse et al., 1987). Néanmoins, l’utilisation de ce fertilisant à la dose 2 a donné de faibles rendements par rapport aux autres formes (Tableaux 6 ; 11 et 15), et cela malgré la faible sévérité de la maladie. De plus, le pourcentage des grains mitadinés du blé dur atteignait presque 50%. Même si la faible dose d’azote (21% N) était défavorable au développement de la maladie, elle restait insuffisante pour réaliser un rendement grain de qualité.
CONCLUSION
Les résultats ont montré que les performances de rendement, après fertilisation azotée, des variétés, évaluées sous stress biotique dû à la pourriture du collet, variaient en fonction des sites d’expérimentation, des doses et des formes d’azote utilisées. Ainsi sous les conditions favorables au développement de la maladie, la dose de 24 g L-1 des trois fertilisants et surtout celle de l’urée a amplement réduit les performances de rendement chez le blé dur et le blé tendre. Et cela, suite à une forte incidence de la maladie. En revanche, l’apport des fertilisants à la dose de 1,5 g L-1 et spécialement celle de l’ammonitrate a significativement réduit la sévérité de la maladie, et par conséquent une amélioration du rendement grain et de ses composantes.
D’autre part, ce présent travail supporte l’utilité de fractionner l’application de la fertilisation azotée du semis à l’épiaison. Au moment du semis, un apport du sulfate d’ammoniaque est souhaitable pour bénéficier de l’effet fongicide du soufre (23 à 24%), suivi d’une fertilisation de couverture à base de l’ammonitrate aux stades tallage et montaison. Un quatrième apport de l’ammonitrate au stade épiaison est indispensable pour assurer le remplissage des grains de bonne qualité pour le blé dur. Quant à l’urée, cette forme est à éviter lors de la présence des agents de la pourriture racinaires dans le sol surtout dans les environnements propices au développement de la maladie. Décidément, il est nécessaire de tenir compte du niveau d’inoculum dans le sol, de l’historique de développement de la maladie et des conditions climatiques au niveau de la zone cultivée en céréale pour garantir l’efficience de la fertilisation azotée. De plus, il faut raisonner la dose et le moment de son application en réponse à une analyse de la fertilité des sols. Finalement, ce travail trouverait plus d’appuis et d’impact lors de sa répétition en grandeur nature.
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