Résumé

La nature de la matière organique dans les différentes fractions granulométriques est un meilleur indicateur du niveau de dégradation du sol. La présente étude a pour objectif d’évaluer les influences des différents modes d’utilisation des terres sur la répartition du carbone organique dans les différentes fractions du sol dans le bassin supérieur de Magou. Trois sites ont été choisis de façon raisonnée. Cent huit échantillons de sol ont été prélevés sur les trois sites suivant le mode d’utilisation des terres, la profondeur et la topo-séquence. La teneur en carbone organique du sol a été déterminée par la méthode de Walkley et Black. Les échantillons de sol ont été fractionnés suivant le principe de Feller puis les données concernant le rapport C/N et les fractions organiques du sol ont fait l’objet d’une analyse de régression multiple par mode d’utilisation des terres. Les résultats ont révélé que dans la fraction organo- minérale, la teneur en carbone organique du sol diminue entre 0-10 cm (0,13%) et 20-30 cm (0,09%). Cette diminution s’observe aussi du bas de pente (1,01%) vers le haut de pente (0,97%) notamment dans la fraction sable fin. De plus, sur les terres travaillées, la matière organique est plus stable dans la fraction organo- minérale que dans les formations naturelles où ce sont les fractions sableuses qui font augmenter la matière organique sur les 30 premiers centimètres.  Il s’impose alors le développement des pratiques agricoles durables susceptibles de stimuler l’accumulation de carbone à tous les niveaux de la topo-séquence puis, dans les trois fractions afin d’augmenter la fertilité et la productivité des terres.


Mots clés: dégradation des terres, pratiques agricoles, carbone organique, fertilité du sol, bassin de Magou

INTRODUCTION

Depuis plusieurs décennies, l’augmentation des besoins alimentaires a entraîné des besoins accrus des populations en terres agricoles. Ceci a pour conséquence directe, la pression foncière que connaissent en général tous les pays du monde et ceux de l’Afrique de l’Ouest en particulier (Fermont et al., 2008). Ainsi, l’utilisation intensive des terres arabes pour assurer la sécurité alimentaire est devenue une tendance (Fan et al, 2012) sans pour autant restituer au sol sa fertilité à travers des pratiques agroécologiques appropriées. De ce fait, la dégradation des terres, est aggravée malheureusement par l’effet des activités humaines. Le sol sujet à la dégradation se manifeste par la perte de terre, l'appauvrissement à la fois en éléments nutritifs et de la matière organique du sol (MOS) (Akplo et al., 2017). Ces effets négatifs limitent ensuite la productivité des sols dû surtout à la perte de la matière organique. En effet, l’évolution à moyen et long terme des stocks organiques des sols est un indicateur à prendre en compte dans le jugement de la durabilité des agroécosystèmes et la protection de l'environnement. La matière organique du sol (MOS) d’où provient le COS assure le stockage des éléments nutritifs et la mise à disposition pour la plante, à la suite de processus de minéralisation, des éléments nutritifs et stimule l'activité biologique du sol (Raharimalala et al., 2013). La matière organique des sols est essentielle à l’activité biologique qui s’y trouve (Bernoux & Chevallier, 2013). Les stocks de carbone dans les sols, et mieux sa teneur dans les différentes fractions minérales du sol, sont en constante évolution sous l'effet de facteurs naturels et anthropiques. De nombreux auteurs s’accordent sur l’influence négative des mauvaises pratiques agricoles sur le stock de la MOS ainsi que de sur ses formes (Akplo et al., 2017). Herfurth (2015) renseigne d’ailleurs que le changement d’utilisation des terres induit également des pertes de carbone dans les sols.

Au Bénin, l’enjeux du problème de la baisse de la fertilité des sols est aussi d’actualité. C’est une préoccupation aussi bien pour les agriculteurs qui se heurtent au coût élevé des intrants que pour les chercheurs dont les travaux de recherche visent à maintenir ou à restaurer la fertilité des sols dégradés pour une intensification de la production agricole (Saïdou et al., 2009). Dans le Nord-Ouest du Bénin, le taux de carbone baisse dans le temps passant de 2,44 % dans l’horizon superficiel à 1,90 % voire 0,3% sur les plateaux (Kombiénou et al., 2014). La partie inférieure du bassin de la rivière Magou étant sous la protection de la Réserve de Biosphère de la Pendjari, le bassin supérieur subit une dégradation dont l’ampleur n’est pas encore bien maîtrisée. L’analyse de l’évolution des données de production de certaines principales cultures dans cette zone sur les deux dernières décennies montre une baisse des rendements agricoles d’en moyenne 10% (DSA, 2017). De ces constats, l’évaluation des différents modes de mise en valeur des terres s’avère primordiale afin d’identifier celles qui permettent une bonne distribution du carbone organique dans les différentes fractions granulométriques du sol dans le Bassin Supérieur de Magou. Cela permettra d’apprécier la place des usages des terres dans la perte de la fertilité organique des sols dans cette zone afin d’apporter les mesures correctives appropriées pour une gestion durable des terres au profit des agriculteurs, des aménagistes et des décideurs.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Milieu d’étude

Le bassin de Magou est le principal sous bassin de la rivière Pendjari dans le Nord-Ouest de la République du Bénin. Sa partie supérieure se situe entre 10˚21’10’’ et 10˚44’50’’ de latitude Nord et entre 0°59’38’’ et 1°16’57’’ de longitude Est. Il couvre, à l’exutoire de Tiélé, 82 869 ha et s’étend sur les communes de Tanguiéta, de Matéri, de Kobly et de Boukoumbé (Figure 1).

Figure 1: Situation du bassin supérieur de Magou

Le climat est soudanien avec en moyenne 1000 mm à 1100 mm de pluie par an (Nukpo, 2016) et le relief est influencé par la chaîne de l’Atakora. Les sols sont pour la plupart ferrugineux lessivés. La végétation évolue de la forêt claire ou galerie à la savane arbustive. Elle est annuellement soumise aux feux de végétation et continuellement assujettie au déboisement et au surpâturage. L’agriculture et l’élevage constituent les activités dominantes.

Technique d’échantillonnage et de prélèvement

Le bassin supérieur de Magou (BSM) est choisi en raison de la dégradation de ses terres agricoles en bordure de la Réserve de Biosphère de la Pendjari. Trois sites ont été retenus, en fonction des trois principaux types de sols exploités par les agriculteurs en termes de superficie et de représentativité concernant la diversité des modes d’utilisation des terres, de façon à couvrir géographiquement le BSM (Figure 1). Le nombre d’échantillons collectés par mode d’utilisation a été déterminé par la formule de Dagnelie (1998).

N= [t1-α/2 x (CV/d)] ²

CV = coefficient de variation du paramètre. Le CV a été déterminé suite à un échantillonnage et analyse préliminaire ; d = marge d’erreur d’estimation du paramètre à estimer ; 5 ≤ d ≤ 15%. Pour cette étude, une marge d’erreur de 10% a été utilisée ; t1-α/2 est la valeur de la statistique t de la distribution de Student pour un risque alpha de 0,05 ; t1-α/2 ≈ 2. En appliquant cette formule, 36 carottes de sol ont été prélevées sur une profondeur de 30 cm, répétés sur 3 sites dans le bassin versant, soit un total de 108 échantillons (Tableau 1).

Tableau 1: Détail du nombre d’échantillons prélevés

Les échantillons pris à la tarière hollandaise par mode d’utilisation des terres (formation naturelle, plantation, jachère et champ), par topo-séquence (haut de pente, mi-pente et bas de pente) sont faits suivant trois profondeurs (0- 10 cm, 10-20 cm et 20-30 cm). En dehors des formations naturelles âgées de plus de 7 ans, les autres modes d’utilisation sont âgés de 7ans en moyenne.

Méthodes d’analyse des échantillons

La teneur en carbone organique a été déterminée par la méthode de Walkley et Black (1934) modifiée par Tekalign et al. (1991). Cette méthode consiste en une digestion du sol avec le dichromate de potassium (1N) en milieu acide sulfurique concentré (Kouelo et al., 2015). Les fractions granulométriques du sol ont été déterminées par la méthode de pipette de Robison (Akplo et al., 2017). Le principe du fractionnement utilisé est celui proposé par Feller et al. (1979) pour les sols tropicaux très pauvres en humus et à texture très grossière. Les fractions granulométriques considérées ont été choisies conformément aux travaux de Palo et al. (2006) et Akplo et al. (2017). Il s’agit de la fraction argilo-limoneuse [0–50 µm] ou organo- minérale (FOM), de la fraction organique associée aux sables fins [50–200 µm] ou F50 et de la fraction organique associée aux sables grossiers [200–2000 µm] ou F200. Après tamisage humide à l’eau de robinet, les fractions organiques ont été récupérées et séchées à l’étuve, à une température de 65°C durant 48h. L’enrichissement en carbone (EC) de chaque fraction a été calculé par la formule de Christensen (2001).

EC = (C fraction (%) / (C (%) du sol non fractionné) x 100

L’azote total est déterminé par la méthode de Kjeldahl (1883). A la suite de la minéralisation avec l’acide sulfurique concentré (H2SO4), la distillation est faite en présence de la soude (NaOH) et le dosage de l’azote ammoniacal par H2SO4 à 0,1 N. Cette méthode a été utilisée par Kouelo et al., 2015 ;

Analyse des résultats

Les analyses statistiques ont été effectuées à l’aide du logiciel R (version 3.2.2). Les teneurs en carbone et les paramètres calculés ont été soumis à une analyse de variance (ANOVA) suivant la procédure ‘’General Linear Model’’ pour vérifier d’éventuelles différences statistiques. Les effets testés sont ceux du mode d’utilisation des terres, de la topo-séquence et de la profondeur. Les données concernant le rapport C/N et les fractions organiques du sol ont fait l’objet d’une analyse de régression multiple par mode d’utilisation des terres. Le rapport C/N a été considéré comme la variable réponse (y) et les fractions organiques du sol ont été considérées comme des variables explicatives. Les conditions de normalité, d’homogénéité, d’indépendance des résidus, et de linéarité du modèle ont été respectivement vérifiées en utilisant le test de Shapiro-Wilk, le test de Breusch-Pagan et le test de Durbin-Waston. La significativité globale du modèle a été vérifiée par une analyse de variance. La significativité des coefficients de régression, quant à elle a été vérifiée en utilisant le test t de Student.

RÉSULTATS 

Variation de la teneur en carbone lié aux différentes fractions du sol suivant le mode d’utilisation des terres, la profondeur et la topo-séquence

Les variations de la teneur en carbone organique lié aux sables grossiers, aux sables fins et à la fraction organo-minérale se présentent dans le tableau 2.

Les teneurs moyennes en carbone lié aux sables grossiers (CF200) sont plus élevées sur les parcelles mises en jachères (1,68 %) et à la profondeur 10-20 cm (1,55 %) alors que celles plus faibles sont dans les champs (1,07 %) et à la profondeur 20-30cm (1,08 %). Par contre, cette teneur moyenne en CF200 ne varient pas significativement d’une position de la topo-séquence à une autre.

Les teneurs moyennes en carbone lié aux sables fins sont plus élevées dans les formations naturelles (1,14 %) et les plantations (1,08 %), aux profondeurs 0-10 cm (0,99 %), 10-20 cm (1,08%), en bas de pente (1 %) et en haut de pente (0,97 %). Les teneurs en CF50 les plus faibles ont été enregistrées dans les parcelles en jachères (0,67 %) et les champs (0,81 %) d’une part et à une profondeur de 20-30 cm (0,7 %) et à mi-pente (0,81 %) d’autre part.

En ce qui concerne la fraction organo-minérale (CFOM), les plus fortes teneurs en carbone sont obtenues au niveau de la profondeur 0-10 cm (0,13 %), dans les formations naturelles (0,13 %), les plantations (0,12 %) et les champs (0,11 %). Quant aux teneurs en CFOM les plus faibles, elles sont enrégistrées dans les jachères (0,06 %) et à la profondeur 20-30cm (0,09 %). La topo-séquence n’a pas eu d’effet significatif sur les teneurs moyennes en carbone lié à la fraction organo--minérale.

Tableau 2: Moyennes et écarts-types de la teneur en carbone des différentes fractions du sol suivant le mode d’utilisation des terres, la profondeur et la top-séquence

Variation de la contribution des différents types de matière organique au carbone organique du sol suivant les modes d’utilisation des terres, la profondeur et la topo-séquence

Les figures 2, 3 et 4 indiquent la variation des coefficients d’enrichissement en carbone des différentes fractions du sol suivant les modes d’utilisation des terres, la profondeur et la topo-séquence.

L’EC moyen (Figure 2) oscille entre 4,11 et 2,62 dans la F200 ; de 2,80 à 1,64 pour la F50 et de 0,32 à 0,16 pour la FOM. Pour tous les modes d’utilisation des terres, la fraction sables grossiers et la fraction organo-minérale ont respectivement le plus fort et le plus faible coefficient d’enrichissement en carbone. Par ailleurs, pour la F200, l’EC le plus élevé a été obtenu dans les jachères (4,11) et pour la F50 et la FOM, les coefficients d’enrichissement les plus élevés ont été obtenus dans les formations naturelles avec comme pour valeurs respectives 2,80 et 0,33. D’une manière générale, on en déduit que le coefficient d’enrichissement en carbone (EC) augmente avec la taille des fractions organiques et varie significativement suivant le mode d’utilisation des terres.

Contrairement aux observations faites dans le cas des modes d’utilisation des terres, l’enrichissement en carbone des sols n’a pas varié de manière significative pour les fractions sables grossiers et organo-minérale suivant la toposéquence. Mais il a significativement varié (p<0,05) suivant la topo-séquence pour la fraction sables fins F50 (Figure 3). Pour la F50, le plus fort enrichissement a été enregistré en bas de pente (2,46) et le plus faible à mi-pente (1,97).

Figure 2: Coefficients d’enrichissement en carbone des différentes fractions suivant les modes d’utilisation des terres

Figure 3: Coefficients d’enrichissement en carbone des différentes fractions suivant la topo-séquence

Figure 4: Coefficients d’enrichissement en carbone des différentes fractions suivant la profondeur

Le coefficient d’enrichissement a significativement (p<0,05) varié suivant la profondeur pour les trois fractions. Sur les profondeurs 0-10 cm ; 10-20 cm et 20-30 cm, le carbone lié aux sables grossiers a été le plus abondant. Par ailleurs, les plus fortes abondances (0,32) ont été obtenues sur les 10 premiers centimètres pour le carbone lié à la fraction organo-minérale et entre 10 et 20 cm pour les fractions sables grossiers et sables fins (3,80 et 2,65). Les plus faibles taux de CF200 , CF50 et CFOM sont notés en profondeur entre 20 et 30 cm (Figure 4).

Variation du rapport C/N

Variation du rapport C/N suivant les modes d’utilisation des terres, la topo- séquence et la profondeur

Le tableau 3 présente la variation du rapport C/N suivant les modes d’utilisation des terres, la topo- séquence et la profondeur. De manière générale, la valeur du rapport C/N est faible dans le bassin versant de Magou. En effet, le C/N dans tous les modes d’utilisation des terres, à toutes les positions et à toutes les profondeurs étudiées est inférieur à 15. De l’analyse de la variance, la valeur du rapport C/N a significativement varié (p<0,05) suivant le mode d’utilisation des terres (MUT) et la position de la topo- séquence. Cette valeur est plus élevée pour les formations naturelles (10,26), les plantations (10,86 ) et les jachères (9,38) comparativement aux champs (7,25). Concernant la position sur la topo-séquence, la valeur du C/N est plus forte en bas de pente (10,80 ) qu’à mi-pente (8,32) et en haut de pente ( 9,19) (Tableau 3). Par contre, d’une profondeur à une autre, la variation du C/N n’est pas significative. Toutefois la valeur la plus élevée est à la profondeur 0-10 cm (10,72).

Tableau 3: Rapport C/N suivant les modes d’utilisation des terres, la topo séquence et la profondeur

Variation du rapport C/N suivant les fractions organiques des sols et les différents modes d’utilisation des terres

Avec les paramètres du modèle de régression multiple réalisée pour modéliser la relation entre le rapport C/N et le carbone lié au sable grossier, au sable fin et à l’argile-limon, le test de Shapiro-Wilk ne permet pas de conclure à la non-normalité des erreurs (W = 0,95869, p-value = 0,6697). Le test de Breusch-Pagan montre que les résidus sont homogènes (BP = 3,7706, df = 3, p-value = 0,2873 ˃ 0,05). Le test de Durbin-Waston montre que les résidus sont dépendants (DW = 1,614, p-value = 0,2015 ˃ 0,05) et la condition de linéarité est respectée (RESET = 3,2751, df1 = 6, df2 = 5, p-value = 0,107 ˃ 0,05). Le modèle de régression multiple ainsi que les coefficients de régression relatifs à chacune des fractions sont significatifs (p-value: 0,0001598). Selon ce modèle, le CF200 ; le CF50 et le CFOM expliquent à 83% le rapport C/N suivant la relation C/N=4,98272 + 0,32685*%CF200 -5,19543*%CF50 + 8,28731*%CFOM, dans les champs. Il est constaté que dans ces écosystèmes le carbone lié au sable grossier puis le carbone lié à l’argile et au limon font accroître le rapport C/N alors que ce rapport diminue lorsque le carbone lié au sable fin augmente.

Comme dans les champs, le modèle de régression réalisé est globalement significatif (p-value : 1,07506) et a une très bonne corrélation (R² =0,9316). Les résidus suivent une distribution normale (W = 0,89597, p-value = 0,0426). Les résidus sont homogènes (BP = 1,6335, df = 3, p-value = 0,6518) et indépendants (DW = 3,3967, p-value = 0,9974). La condition de linéarité est respectée (RESET = 1,5038 ; df1 = 6, df2 = 5, p-value = 0,3355). Le rapport C/N peut donc être estimé dans les formations naturelles suivant l’équation C/N= -5,4178 + 12,5667 * %CF200 + 0,6723* %CF50 -1,2771* %CFOM. Le modèle suggère que le rapport C/N évolue positivement avec le carbone lié au sable grossier et au sable fin.

La régression établie dans les jachères est significative (p-value : 0,0002296). Les résidus sont normalement distribués, indépendants (BP = 3,2104, df = 3, p-value = 0,3603) et distribués de manière homogène (DW = 1,6575, p-value = 0,06156). Le modèle estime à 82 % le rapport C/N suivant l’équation C/N= 3,4359 + 1,9396 *%CF200 + 3.5574 * %CF50 + 0,2989* %CFOM. Contrairement aux champs et aux formations naturelles, les coefficients de toutes les fractions sont positifs. Mais la fraction F50 a le coefficient le plus élevé.

Dans les plantations, la condition de distribution homogène des résidus n’est pas vérifiée (BP = 9,4911, df = 3, p-value = 0,02343). Néanmoins, les autres conditions sont respectées. Les résidus suivent une distribution normale et indépendante (DW = 2,1378, p-value = 0,5209). La relation est linéaire (RESET = 1,1253, df1 = 6, df2 = 5, p-value = 0,4582). Le modèle reste valide (R²= 0,7514 et p-value : 0,001188) et permet d’estimer le rapport C/N par la relation suivante : C/N= 32,3592 -18,8889* %CF200 - 0.4077* %CF50 + 13,2524* %CFOM. Dans les plantations, seul le carbone lié à l’argile et au limon contribue positivement au rapport C/N.

DISCUSSION

L’enrichissement en COS augmente avec la taille des fractions organiques contrairement aux résultats de Christensen (2001) qui notifie que la valeur du coefficient d’enrichissement baisse dans les fractions sableuses. Dans le cas d’espèce, c’est le rapport sables/argiles relativement élevé (7,16) qui justifie l’inversion des résultats. Les sols du BSM étant limono-sableux, les fractions organiques associées aux sables apportent environ 90 % au COS. L’enrichissement en carbone est d’ailleurs le plus fort dans la fraction sable grossier (4,11). Ce carbone fourni en grande partie par les fractions organiques associées aux sables (F200 et F50) est labile et ne pourrait résider longtemps dans le sol en raison de la porosité qui offre des facilités d’entrée des acteurs biologiques de la décomposition. C’est pourquoi les teneurs en C sont en général faibles (0,78 %) dans le bassin versant. Les résultats de la présente étude confirment ceux d’Azontondé et al. (2016) qui notifient que les sols du bassin supérieur de Magou ont un niveau de fertilité bas à très bas avec 0,69 % de taux de carbone. La teneur en carbone de chaque fraction et le coefficient d’enrichissement varient significativement (p<0,05) suivant le mode d’utilisation des terres et la profondeur du fait que la teneur en carbone organique du sol suit un gradient de végétation et diminue de la surface en profondeur. Le carbone des fractions supérieures à 50μm est dans les normes de 30 % du carbone total (Bruckert et al., 1978).

Les rapports C/N sont globalement très faibles (10,24) pour entraîner une stabilité de la matière organique du sol. Dans les formations naturelles, le rapport C/N augmente avec les fractions grossières. Ce résultat est en accord avec celui de Feller et al. (1983) obtenu sur les sols sableux tropicaux et stipulant que le rapport C/N diminue des fractions grossières aux fractions fines. Des auteurs (Baldock, 1992 ; Christensen, 2001) montrent la baisse du C/N de la matière organique associée aux différentes fractions avec leur taille. Si une telle décroissance du rapport C/N de F200 à la fraction organo- minérale (FOM) a été également constatée dans les Lixisols et les Cambisols des régions centre et centre-nord du Sahel (Pallo et al., 2009), c'est le phénomène inverse qui est plutôt observé dans les plantations des sols ferrugineux tropicaux du bassin supérieur de Magou où le CFOM augmente avec le C/N. Il est dû aux très faibles teneurs en matière organique de ces sols (1,05 %) et à leur texture un peu grossière. En particulier, plus le rapport sable / argile est élevé, plus C/N F200 est bas. La fraction organique liée aux sables pourrait aussi être constituée plus de matières organiques particulaires externes décomposables que de matières organiques particulaires internes aux agrégats stables. Par ailleurs, dans les champs, le C/N augmente à la fois avec F200 et FOM. Cela résulte des caractéristiques texturales du sol. En effet, on relève que l’enrichissement en CF200 varie dans le même sens que les taux d'argiles et d'argiles + limons totaux. La raison en est que ces particules participent à la formation d'agrégats de la classe des sables grossiers ayant pour noyau des particules organiques et demeurant stables à l'eau (Golchin et al., 1998). Le dérèglement de la texture du sol causé par le labour peut aussi justifier le comportement du C/N dans les champs. Dans les jachères, l’augmentation du C/N avec les trois fractions à la fois est le signe du rétablissement progressif de l’équilibre rompu avec le labour. C’est ce qui justifie un coefficient positif de F50 plus élevé alors qu’il était négatif dans les champs.

CONCLUSION 

Les teneurs en carbone des différentes fractions organiques du sol varient significativement en fonction des modes d’utilisation des terres et de la profondeur. Les plus fortes teneurs sont dans les formations naturelles et dans les plantations entre 0-20 cm tandis que les faibles sont dans les champs et dans les jachères entre 20-30 cm. L’apport et l’enrichissement en COS augmentent avec la taille des fractions organiques et varient significativement suivant le mode d’utilisation des terres et la profondeur. La topo-séquence n’a d’effet significatif que sur la contribution en carbone lié aux sables fins. Dans les formations naturelles, le rapport C/N évolue positivement avec le carbone lié au sable grossier et au sable fin. Quant aux champs, ce sont le CF200 et le CFOM qui font augmnter le C/N. Dans les jachères, ce rapport évolue plus positivement avec le carbone lié au sable fin. En ce qui concerne les plantations, seul le carbone lié à l’argile et au limon contribue positivement au rapport C/N.

L’hypothèse selon laquelle la mise en culture affecte significativement le type de matière organique suivant la profondeur, la topo-séquence et les modes d’utilisation des terres dans le Bassin Supérieur de Magou n’est donc que partiellement vérifiée. Il s’impose cependant le développement des pratiques agricoles durables susceptibles de stimuler l’accumulation de carbone à tous les niveaux de la topo-séquence puis, dans les trois fractions afin d’augmenter la fertilité et la productivité des terres.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Akplo TM, Kouelo AF, Houngnandan P, Benmansour M, Rabesiranana N, Mabit L, Ahoglè Agassin MA, Alohoutadé FM. 2017. Effect of tillage and mulching on soil water erosion in Linsinlin watershed, centre of Benin. Journal of Experimental Biology and Agricultural Sciences, 5(4): 515-524. DOI: http://dx.doi.org/10.18006/2017.5 (4).515.524

Bernoux M. & Chevallier T., 2013. Le carbone dans les sols des zones sèches. Des fonctions multiples indispensables. Les dossiers thématiques du CSFD. N°10. décembre 2013. CSFD/Agropolis International, Montpellier, France. 40 pp.

Dagnelie P. 1998. Statistique théorique et appliquée vol. 2. Paris, De Boeck & Larcier, Belgique, 659p.

DSA (Direction des statistiques agricoles), 2017. Evolution de la production agricole. Cotonou, 37 p.

Feller C., 1979. Une méthode de fractionnement granulométrique de la matière organique des sols. Cahier ORSTOM: Série Pédologie, 17 : 339-346.

Fermont, AM, van Asten, PJ et Giller, KE. 2008. Augmentation de la pression foncière en Afrique de l’ouest : l'évolution du rôle du manioc et ses conséquences pour la durabilité des systèmes agricoles. Agriculture, écosystèmes et environnement, 128 (4), 239-250.

Golchin A., Baldock J.A. & Oades J.M., 1998. A model linking organic matter decomposition, chemistry and aggregate dynamics. In: Lal R., Kimble J.M., Follet R.F. & Stewart B.A, eds. Soil processes and carbon cycle. Boca Raton, Fl., USA: CRC Press Inc., 245-266.

Herfurth D. 2015. Impact des pratiques de gestion sur le stockage du Carbone dans le sol des écosystèmes prairiaux. Thèse unique de doctorat, Université d'Auvergne, France, 203p.

Kjeldahl, C. 1883. A new method for the determination of nitrogen in organic matter. Z Anal Chem, 22, 366.

Kombienou PD, Arouna O, Azontonde HA, Mensah GA, Sinsin AB. 2014. Influences des activités agricoles sur la fertilité des sols de la chaîne de l’Atakora au nord-ouest du Bénin. Rev. Sc. Env. Univ., Lomé (Togo), 11 :1812-1403., LaRBE, 1:381-404

Kouelo AF, Houngnandan P, Azontondé HA, Benmansour M, Rabesiranana N, Mabt L. 2015. Assessment of the level of soil degradation in three watersheds affected by intensive farming practices in Benin. Journal of Experimental Biology and Agricultural Sciences, 3(6): 529-540.

Nukpo A. 2016. Fondamentaux de Géographie du Bénin, ÉPA/CÉRADE, Porto-Novo, 69p.

Pallo F. J. P., Sawadogo N., Zombré N. P. & Sedogo M. P., 2009. Statut de la matière organique des sols de la zone nord-soudanienne au Burkina Faso. Biotechnologie, Agronomie, Société et Environnement, 13(1), 139-142.

Raharimalala, F., Amdriamampandry, H., & Andriamampianina, N. 2013. Thématique 3: Efficacité de la plantation d'espèces locales dans la restauration forestière et l'agroforesterie. Les espèces locales pour l'agroforesterie.

Saïdou A, Kossou D, Azontondé A, Hougni D-GJM. 2009. Effet de la nature de la jachère sur la colonisation de la culture subséquente par les champignons endomycorhiziens : cas du système ‘jachère’ manioc sur sols ferrugineux tropicaux du Bénin, International Journal of Biological and. Chemical Sciences,3 (3): 587-589.

Tekalign T, Haque I, Aduayi EA. 1991. Soil, plant, water, fertilizer, animal manure and compost analysis manual. Plant Science Division Working Document 13, ILCA, Addis Ababa, Ethiopia.

Tosser V, Eglin T, Bardy M, Besson A, Martin M. 2013. Évaluation des stocks de carbone organique des sols cultivés de France. Etude et Gestion des Sols, 21: 7-23.

Walkley A, Black CA. 1934. An examination of the Degtjareff method for determining soil organic matter and a proposal modification of the chromic acid titration method. Soil Science, 37 : 29-38.