Caractérisation agro-morpho-phénologique des lignées IRL-3, -4 et -5 de quinoa (Chenopodium quinoa Willd.)
Résumé
De multiples contraintes biotiques et abiotiques ont une incidence sur la production alimentaire mondiale. Selon la FAO, le quinoa serait un bon allié pour lutter contre la faim et la malnutrition pour sa haute valeur nutritionnelle et son adaptation aux zones agro-écologiques difficiles. Cette étude a pour objectifs (i) d’entreprendre une caractérisation des lignées IRL-3, -4 et -5 de quinoa, (ii) d’évaluer le potentiel de discrimination des critères utilisés et (iii) de déterminer l’étendue de la variabilité génétique régénérée. L’étude a porté sur 87, 156 et 156 IRL-3, IRL-4 et IRL-5 respectivement et sur 17 critères agro-morpho-phénologiques. Les essais ont été menés pendant 3 saisons de culture, sur une parcelle expérimentale à l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II à Rabat. Une grande variabilité génétique a été mise en évidence à travers les traits qualitatifs et quantitatifs mesurés. Les 11 caractères quantitatifs ont montré des différences très significatives entre les lignées lors des 3 générations, fournissant une preuve solide de l’importante de diversité générée. Les traits qui ont montré le plus de variation sont la sensibilité au mildiou, le poids sec de la racine, le rendement grains et le poids sec de la partie aérienne. Les analyses de la variance, ont confirmé l’importante de cette variabilité aux trois générations étudiées. La matrice des corrélations des IRL-3-4 et -5, a montré des corrélations significatives entre la hauteur à maturité et la longueur des inflorescences, entre le diamètre de la tige et la hauteur des plantes et entre le rendement grains et le poids sec de la matière sèche. Les 1ères composantes de l’ACP aux trois générations expliquaient plus de 50% de la variabilité totale. Le plan factoriel F1*F2 aux trois générations a mis en évidence trois groupes de lignées distincts. L’étude de l’héritabilité au sens large (H2) a montré que les caractères « durée de cycle, sensibilité au mildiou, diamètre de la tige, hauteur de la plante à maturité et longueur des inflorescences » ont été les plus héréditaires, soit d’une valeur de H2 > 80%. La diversité étendue régénérée parmi les IRL-s étudiés dénote d’un potentiel de sélection important sous les conditions marocaines.
Mots clés: Chenopodium quinoa, IRL-s, variabilité agro-morphologique, diversité génétique, héritabilité
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INTRODUCTION
Le quinoa (Chenopodium quinoa Willd.) est une plante herbacée annuelle originaire de la région andine de l’Amérique du Sud. Pendant la période Inca, le quinoa a occupé après le maïs une place prédominante parmi les plantes à graines. Elle a été domestiquée par les peuples autochtones, il y a plusieurs milliers d’années. Cultivée depuis le niveau de la mer jusqu’après de 4000 m d’altitude sur les hauts plateaux de la Cordillère des Andes, la plante devint la culture majoritaire de ces régions montagneuses du fait de sa tolérance à la sécheresse, au froid et aux sols pauvres (Rea et al., 1979). Depuis une quinzaine d'années, et principalement en Bolivie, le quinoa est aussi devenu l'objet d'une culture d'exportation à destination des pays du Nord (Europe, États-Unis, Canada, Japon) qui sont à la recherche d'aliments à haute valeur nutritive et certifiés " agriculture biologique " (Laguna et al., 2006).
Sa variabilité génétique importante a permis de sélectionner des cultivars adaptés à différentes régions climatiques et regroupant des traits désirables, tels que la précocité, la résistance aux facteurs abiotiques et biotiques, des graines de grande taille et de couleur claire et un rendement grains élevé (Jacobsen et al., 2003a). Selon la FAO (1970), le quinoa promet d’être un allié dans la lutte contre la faim et la malnutrition, notamment dans le cadre de l’initiative ″ Faim Zéro ″, en raison de sa valeur nutritive élevée, de son adaptation à différentes zones agro-écologiques et de son potentiel gastronomique et commercial.
Le but de cette recherche est d’analyser la variabilité génétique de lignées IRL-3-4 et -5, d’identifier les accessions d’intérêt agronomique et les critères agro-morphologiques corrélés à l’adaptation aux conditions agro-écologiques locales.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Le matériel végétal utilisé au cours de la saison 2016-2017, consiste en 87 lignées F3 résultant d’un croisement interspécifique entre une variété sélectionnée à partir d’un matériel originaire des zones côtières du Chili NL6, utilisée comme parent femelle et le parent mâle, une accession de Chenopodium berlandieri de référence 11-54. NL6 est tolérante à la chaleur, précoce, très uniforme, neutre à la longueur du jour, de taille courte, à panicule glomériforme orange et à grains blanc-beige de taille moyenne. Le parent mâle se caractérise par une résistance aux insectes, une tolérance aux hautes températures, une maturité légèrement plus tardive, des feuilles à bords légèrement dentelés, moins uniformes, neutre à la longueur du jour, de taille moyenne, des panicules glomériforme orange ou roses et à grosses graines, rouges ou orange-marron. Cette collection de lignées IRL-3 est procurée par le professeur Eric Jellen, de l’Université de Brigham Young à Provo, Utah aux USA. Les 156 lignées (IRL-4) et 156 (IRL-5), proviennent des deux générations de multiplication successives.
Les essais ont été menés sur une parcelle expérimentale à l'IAV Hassan II à Rabat (34°2'N latitude, 6°45'W longitude, altitude 79m). Le climat de la zone présente les caractéristiques suivantes : des précipitations annuelles moyennes de 523mm, une température moyenne de 17,94 ºC, une température maximale de 23,02°C et une température minimale de 12,9 ºC.
Les semis ont été effectués dans des plaques alvéolées le 18 février 2017, le 19 novembre 2017 et le 10 novembre 2018 pour respectivement les trois générations F3, F4 et F5. Le substrat est composé d’un mélange 50% tourbe et 50% sol de texture limono-sableuse. Les plantules au stade huit-vraies feuilles ont été transplantées la 1ère année au sol selon un plan à trois blocs aléatoires. Chaque parcelle élémentaire a été formée de 3 lignes de 75 cm de long et de 0,5 mètre d’interligne. Le dispositif expérimental adopté les 2ème et 3èmecycles est conception augmentée en bloc complet randomisé constituée de 34 rangs de 6,5m de longueur avec un interligne de 0,5m et où les IRL-s sont répliqués une fois.
Six traits qualitatifs et 11 quantitatifs relatifs à la morphologie, la phénologie et à la performance agronomique ont été mesurés en cours du développement de la culture pour certains et pour d’autres à la récolte. Les caractères qualitatifs ont concerné la densité et la forme des inflorescences, la couleur des graines, celles des feuilles, des tiges et des inflorescences. Les traits quantitatifs ont porté sur la hauteur des plantes, la taille des grains, la sensibilité au mildiou, la durée du cycle, le rendement grains et ses composantes.
Le diamètre de graines a été mesuré à l’aide d’une loupe binoculaire pourvue d’une règle millimétrée. La valeur moyenne du diamètre des graines d’une lignée est déterminée sur un échantillon de 30 graines. La couleur des graines a été déterminée à l’aide de l’échelle de couleurs Pantone du logiciel Photoshop.
La résistance au Peronospora farinosa, a été évaluée selon l'intensité des symptômes à trois niveaux du feuillage, apical, médian et basal à l’aide d’une échelle de notation de 0-100% (Danielsen et al.,2000).
Les données collectées sur les trois générations ont été soumises à des analyses de la variance (ANOVA) et celles des composantes principales (ACP). L’ensemble de ces analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel R version 3.6.2.
L’héritabilité au sens large (H2) a été calculée à partir des composants de l'analyse de la variance, selon la formule utilisée par Danbe et al., (2018). Les coefficients de variation génotypique et phénotypique sont calculés par caractère par le rapport des variances génotypiques et phénotypiques sur la moyenne générale du caractère (Steel et al., 1982 ; Falconer et al., 1996).
RÉSULTATS
Evaluation des traits qualitatifs
L’analyse des descripteurs des IRL-3, -4 et -5 a nettement mis en évidence la diversité morphologique des lignées étudiées à travers la gamme de couleurs des différentes parties de la plante, des graines, des tiges, du feuillage et des panicules, ainsi qu’à travers la forme et la densité de l’inflorescence.
Les trois générations étudiées, ont présenté une ségrégation de couleurs des graines allant du beige, beige tacheté, jaune, rose, marron et noir. Chez les IRL-3, le beige et le beige foncé (type parental NL6) se sont manifestés chez plus de 30% des accessions, 7,95% des graines avaient une couleur marron du type parent 11-54 (Chenopodium berlandieri). En F4, les grains noirs et marrons ont été les plus représentatifs, soit 20 et 22% respectivement. En F5, la couleur noire des graines a été la plus dominante en représentant 26,97% ; le beige a été commun à plus de 15% des descendants.
La couleur de la tige est verte, rouge ou verte striée en rouge. Le vert a été plus dominant, soit 56,32 ; 48,08 et 46,05% chez les F3, F4 et F5 respectivement. Les feuilles ont présenté une couleur verte ou verte foncée, avec une prédominance du vert foncé, soit 52,87 ; 75,64 ;74,34% successivement chez F3, F4 et F5.
Les inflorescences ont présenté également des variations de couleurs, allant du vert au jaune, rouge et orange, couleur des deux parents. La couleur rouge des panicules a été plus dominante avec 66,67 ; 44,23 et 46,05% chez les F3, F4 et F5 respectivement. Lors des 3 saisons de culture, trois types de panicules ont été observés, compactes, intermédiaires et lâches avec une prédominance du type compacte, soit 70 ; 42,95 et 45,39% chez les F3, F4 et F5 respectivement. La forme glomériforme, type des deux parents, a été totalement dominante chez les trois générations.
Analyse des traits quantitatifs
Les 11 caractères quantitatifs ont montré aussi une variabilité entre les IRL-s. La comparaison des coefficients de variation dans le tableau 1 montre que certains caractères sont plus variables que d’autres. Selon Aljane et Ferchichi (2007), une valeur élevée du coefficient de variation traduit une forte hétérogénéité du matériel étudié. Ainsi, au sein des trois générations, existe une forte hétérogénéité entre les accessions pour la sensibilité au mildiou (SM), le poids sec de la racine (PSR), le rendement grains (RG) et le poids sec de la partie aérienne (PSPA). La durée de cycle et le diamètre grains ont présenté le niveau de variabilité le plus faible.
Tableau 1: Statistiques descriptives des traits agro-morpho-phénologiques des IRL-s
DG: diamètre des graines, DT: diamètre tige, HM: hauteur à maturité, Lai: largeur de l’inflorescence, Loi: longueur de l’inflorescence, PR: longueur de la racine, PSR: poids sec racine, RG: rendement grain, PSPA: poids sec de la partie aérienne, Cycle: durée du cycle, SM: sensibilité au mildiou, CV: coefficient de variation.
Les résultats de l’analyse de la variance présentés dans le tableau 2 montrent que tous les caractères discriminent les lignées aux trois générations, ce qui témoigne d’une variabilité agro-morphologique importante.
Tableau 2: Résultat des analyses de la variance pour IRL-3,-4 et -5
Aux trois générations, des différences hautement significatives entre les accessions ont été trouvées pour tous les traits mesurés. La comparaison des moyennes de la hauteur des lignées F3 a permis de regrouper la lignée L77 dans le premier groupe, avec une hauteur de 93,1cm. La lignée L60 qui possède la plus faible hauteur de 40,5cm appartient au dernier groupe. Pour le rendement grains, la comparaison des moyennes a permis de dégager cinq groupes dont le premier est formé aussi par la lignée L77, celle la plus productive soit 35,33g/plante. Parmi les lignées du groupe le moins productif se trouvent l’accession L60, à rendement le plus faible, de 3,3 g/plante.
En F4, la comparaison des moyennes a permis de rassembler les lignées L64-24 et L5 -21 dans le groupe les plus hautes soient 80,2 et 83,6cm respectivement. Le dernier groupe, celui de petite taille est représenté par l’accession L10-36 à 11,6cm de hauteur. Concernant le rendement grains, la comparaison des moyennes a montré 10 groupes. Les lignées L67-17 et L64-24 ont été les plus productives, soient 14,33 et 15,5g/plante respectivement. Le dernier groupe représenté par les accessions L73-11 et L10-36, ont été moins productif, soit 0,34 g/plante en moyenne.
Chez les IRL-5, le premier groupe mis en évidence par le classement des lignées selon leur taille, comprend la lignée L49-214 d’une hauteur moyenne de 67,5cm, la taille minimale a été notée chez l’accession L69-233 avec une hauteur de 4cm. Pour le rendement grains, dix classes homogènes ont émergées. Les lignées L73-111, L88-342 et L18-215 ont été les plus productives avec une moyenne de 9,6g/plante. Le dernier groupe est formé conjointement par L45-313, L57-311 et L52-213 avec des rendements pratiquement nuls.
Pour la sensibilité au mildiou, l’analyse de la variance a montré aussi des différences très hautement significatifs entre les lignées et pour les trois générations. Chez les IRL-3 et à l’issu du test de comparaison de moyenne, trente groupes homogènes de lignées se sont distingués selon leur sensibilité au mildiou. Ces degrés de sensibilité ont fluctué entre 0,66 et 16,92% ; ces valeurs ont été obtenues par les lignées L85 et L70. Mise à part 54% de lignées F3, 46% ont fourni une résistance et ont empêché le développement de spores. En F4 et F5, les degrés de sensibilité à la maladie ont fluctué respectivement entre 0 et 25% et entre 0 et 17,5%. La comparaison des moyennes a permis de dégager 2 groupes chez les IRL-4 et 3 chez les IRL-5, dont 92% des lignées F4 et 90% des accessions F5 ont enregistré les meilleures performances et ont montré une résistance au Peronospora farinosa. La sensibilité au mildiou a été plus prononcée chez les descendants F3, cela pourrait être lié aux dates de semis et aux conditions climatiques. Parmi toutes les accessions étudiées, ce sont les lignées L28, L26, L5, L45, L1, L33, L20, L61, L3, L34, L35, L65, L37, L43, L60, L76, L82, L19, L30, L83, L66, L6, L57, L68, L67, L74, L63, L41, L8, L72 et L15 qui ont été les plus tolérants à l’attaque du champignon aux trois générations.
Étude de l’héritabilité
Les paramètres génétiques du tableau 3, montrent que la variance phénotypique a varié entre les accessions de 0,9 à 113,4 en F3, de 0,5 à 353,5 en F4 et de 0,2 à 803,8 en F5, alors que la variance génotypique a varié de 0,7 à 101,9 ; de 0,4 à 352,5 et de 0,1 à 800,8 chez les générations F3, F4 et F5 respectivement. Aux trois générations, les valeurs de l’héritabilité (H2) ont varié d'un caractère à un autre. Selon Johnson et al., (1955), l'héritabilité est élevée au-dessus de 50%, faible quand elle est inférieure à 20% et moyenne entre 20 et 50%. Ainsi, lors des trois générations, l’héritabilité a été élevée (H2 > 82) pour le diamètre de la tige, la hauteur à maturité, la longueur de la panicule, la durée de cycle et la sensibilité au mildiou. Des valeurs d'héritabilité élevées, situées entre 50 et 79% ont été observées pour le rendement grains, la matière sèche aérienne et celle de la racine. La longueur de la racine a présenté une héritabilité moyenne. Deshmukh et al., (1986) considèrent que les coefficients de la variabilité phénotypique (CVP) et génotypique (CVG) dont la valeur est supérieure à 20% sont élevés, ceux dont la valeur est située entre 10 et 20%, sont moyens et ceux dont la valeur est inférieure à 10% sont faibles. Les caractères qui présentent des coefficients de variation élevés sont plus intéressants pour la sélection, car ils présentent une variabilité plus importante susceptible d’être valorisée en sélection (Fellahi et al., 2016). Dans notre cas, les CVP et CVG sont variables selon le caractère. Ils sont moyens pour la longueur de la racine et ils sont considérés élevés pour le reste des caractères mesurés.
Tableau 3: Variances génotypiques et phénotypiques, coefficient et héritabilité des traits en F3, F4 et F5
VG: variance génotypique, VP: variance phénotypique, CVG: coefficient de variation génotypique, CVP: coefficient de variation phénotypique, H2: héritabilité au sens large.
Analyse multi -variée
En expliquant plus de 63% de la variabilité exprimée au sein de chaque génération, ce sont les deux premiers axes de l’Analyse en Composante Principale qui ont été pris en compte. Sur le premier axe principal, qui absorbe 51,24 ; 61,32 et 55% de la variabilité totale des F3, F4 et F5 respectivement, ce sont les variables, hauteur à maturité (HM), diamètre de la tige (DT), poids sec de la partie aérienne (PSPA) et rendement grains (RG) qui contribuent le plus. Le deuxième axe absorbe 12,26 ; 9,73 et 10% de la variabilité chez F3, F4 et F5 respectivement. Chez les ILR-3 (figure 1), ce 2ème axe est défini du côté positif par la durée du cycle et le diamètre de graines (DG) et du côté négatif par la sensibilité au mildiou (SM) et la longueur de la racine (PR), alors que chez les générations F4 et F5, il est défini du côté positif par la sensibilité au mildiou (SM) et le diamètre de graines (DG) et du côté négatif par la durée du cycle.
Figure 1: Cercle des corrélations entre les variables et les 2 premiers axes principaux à la génération F3
La matrice de corrélation de Pearson entre les variables des IRL-3-4 et -5 fait ressortir de nombreuses corrélations significatives. La plus forte corrélation positive et significative (R=0,9) est celle trouvée entre la hauteur à maturité et la longueur des inflorescences. Des corrélations significatives et positives (R=0,8) ont été aussi observées entre le diamètre de la tige et la hauteur à maturité, entre le rendement grains et la matière sèche de la partie aérienne. D’autre part, la sensibilité au mildiou et le diamètre de graines sont corrélés faiblement et négativement à la majorité des traits.
Le plan factoriel F1*F2 obtenu à l’issue de la réalisation de l’ACP des IRL-3, IRL-4 et -5 met en évidence trois groupes de lignées distincts (figure 2).
Figure 2: Répartition des IRL-3 sur les composantes principales de l’ACP
Chez les IRL-3, le cluster 1en noir comprend 15 lignées, celle de petite taille (51,57cm) à petites panicules (43,63cm) et faible biomasse (7,18g). Ce groupe possède un bon niveau de résistance au mildiou. Le cluster 2 en rouge est constitué de 55 lignées, toutes moyennement résistantes au mildiou, à hauteur comprise entre 45,4 et 86,14cm, à longue panicule de 37 à 74,5cm et d’une durée de cycle autour de158 jours. Le cluster 3 en vert comprend 17 lignées, toutes de grande taille (80,14cm) et ayant à la fois des panicules longues (58,8cm) et larges (32cm). Ces IRL étaient relativement résistantes au mildiou et elles avaient également une biomasse et un rendement grains élevés de 21,63 et 19,96g respectivement.
En F4, le groupe 1 est constitué des lignées de petite taille (29cm) à petites panicules (16,5cm), à faible biomasse et faible rendement (3,55 et 1,8g/pante). Le groupe 2, comprend des lignées, de taille moyenne (42,53cm), à panicules moyennement longues et larges (29,82 et 7,29cm), un diamètre de tige de 5,53mm en moyenne et à un bon niveau de résistance au mildiou. Le groupe 3 est composé de 5 lignées, de grande taille (69,82cm), à longues panicules (55,35cm), de biomasse et rendement important (20,34g et 10,49g/plante) et à maturité tardive et près de 173,9 jours.
En F5, le premier cluster est constitué des lignées les plus précoces (140 jours), les plus courtes et à rendement grain faible (0,64g/plante). Le second, comprend les lignées à durée de cycle autour de 159jours, à longues panicules (23,21cm), de taille moyenne (34,5cm) et relativement résistantes au mildiou. Le dernier cluster, comprend des lignées les plus productives (7,12g/plante), de haute taille (52,6cm), à panicules larges (6cm) et ayant un cycle moyen autour de 174 jours.
DISCUSSION
La production de quinoa dans les conditions marocaines nécessite une bonne connaissance des exigences de la culture. La présente étude a permis d’une part de déterminer les critères agro-morphologiques corrélés au potentiel d’adaptation du quinoa et d’autre part d’identifier les lignées performantes. Elle a portée sur des IRL-s résultants d’un croisement entre deux espèces différentes. NL6 un parent de quinoa cultivé Chenopodium quinoa originaire des zones côtières du Chili, à panicule glomérulée orange, de taille courte et à graines de taille moyenne et de couleur blanc-beige. Le 2ème parent sauvage Chenopodium Berlanderii, accession 11-54 est à maturité légèrement plus tardive, de taille moyenne, à panicules glomérulaires oranges ou roses et à grosses graines, de couleur rouge ou orange-marron.
Une grande diversité génétique a été révélée parmi les trois générations d’IRL-s pour pratiquement tous les caractères étudiés, témoignant ainsi d’une importante variabilité régénérée, d’une distance génétique significative entre les deux parents et d’un bon potentiel de discrimination des variables utilisées.
Pour les variables qualitatives, la couleur des graines des descendants F3, F4 et F5 a varié du beige au beige tacheté, jaune, rose, marron et noir. La couleur beige du parent NL6 s’est manifestée chez plus de 33% des F3 et 15% des F5. La couleur marron du parent 11-54 s’est retrouvé chez 7,95% des lignées F3 et 22% des F4. La couleur noire des graines a représenté 20 et 26,97% chez respectivement la F4 et la F5. Le restant des lignées portait des graines d’une mélange des trois couleurs (beige tacheté, jaune et rose). Cusack (1984) a rapporté que les graines de quinoa peuvent avoir différentes couleurs, blanche, jaune, rose, rouge foncé, mauve, marron et pourpre. Risi et Galwey (1989) ont observé également des graines de couleurs allant du noir, marron, rouge, rose, orange, jaune et blanc. Selon Tapia et al., (1979), l’hérédité de la couleur des graines est contrôlée par deux gènes allélomorphes A et C. Cinq allèles peuvent être trouvés sur le locus du gène A (A, ac, acc, a, ar) et trois allèles au locus du gène C (C, cc, c). La couleur noire (ancestrale et sauvage) est dominante sur les autres, avec deux séries allélomorphiques complémentaires et indépendantes : celle des grains marrons avec les allèles C, cc et c, et celle des grains jaunes avec les allèles A, ac acc, a et probablement ar, dont la combinaison des deux allèles dominants à chacun des loci AC- donne des grains noirs, tandis que les autres combinaisons se traduisent par des couleurs différentes (marron, jaune, blanc, …). Les graines blanches sont l’expression de l’homozygotie récessive pour les deux séries alléliques.
La diversité de couleur des feuilles, la tige et l’inflorescence a été observée parmi les IRL-s. Les feuilles des descendants aux 3 générations ont été vertes ou verte-foncée. La couleur verte foncée des feuilles des deux parents a été prédominante, soit 52,87 ; 75,64 et 74,34% successivement chez F3, F4 et F5. Les résultats des différents croisements montrent que le quinoa présente une hérédité monogénique avec allélisme multiple pour la couleur rouge des feuilles ; cette dernière dominante sur le pourpre et le vert, et le pourpre dominant le vert (Tapia et al., 1979, Izquierdo et al., 2001).
La couleur de la tige a été verte, rouge ou verte striée de rouge. La couleur verte des tiges chez les deux parents a été plus fréquente chez les IRL3, IRL4 et IRL5, soit respectivement 56,32 ; 48,08 et 46,05%. Selon Tapia et al., (1979), deux allèles contrôlent la pigmentation de la tige chez le quinoa avec le génotype (Ax-) indiquant la présence de pigmentation et le génotype (axax) son absence.
La couleur des inflorescences a été aussi variable. La couleur rouge a été dominante de 66,67 ; 44,23 et 46,05% chez respectivement les IRL3, IRL4 et IRL5. La couleur orange présente chez les deux parents, a été retrouvée chez 3,45 ; 2,56 et 1,97% des 3 générations successives. Le restant des lignées avait des panicules de couleurs vert et jaune.
Aux 3 générations d’IRL-s étudiées, des panicules compactes, intermédiaires et lâches ont été observés avec la prédominance du type compact, avec des taux 70,00 ; 42,95 et 45,39% chez respectivement les F3, F4 et F5. La forme de l'inflorescence est une caractéristique génotypique. Cárdenas (1944) a classé les quinoas selon la forme de panicule en amaranthiforme, glomérulé ou intermédiaire. Selon Izquierdo et ses collaborateurs (2001), la ségrégation est de ratio 3 glomériformes pour 1 amarantiforme. L’hérédité de l’inflorescence est biallélique (G et g), le type glomérulaire (G-) dominant sur l’amarantiforme (gg). Vu que les deux parents de croisement sont de la même forme, la forme glomérulaire a été observée à 100% chez les trois générations.
Pour les caractères quantitatifs, l’analyse des données a montré que tous les paramètres étudiés ont présenté une variabilité significative. En effet, les coefficients de variation élevés, observés pour la sensibilité au mildiou, le rendement grains et la matière sèche, révèlent la présence d’une variabilité notable parmi les IRL-s étudiées.
La variabilité du rendement grains par plante a dépassé les 110% en F4 et F5 au moment où elle avoisinait les 75% en F3. Celui-ci a varié entre 0,1 et 91g/plante en F3, entre 0,01 et 29,5g/plante en F4 et entre 0 et 25,7g/plante en F5. Les lignées L77, L64-24 et L18-215 ont été classées comme étant les plus performantes, avec une moyenne de rendement de 35,33 ; 15,5 et 9,6g/plante respectivement en F3, F4 et F5. Au cours des 3 générations, la différence annuelle moyenne a été de 13,7 ; 3,4 et 2,4 g/plante chez respectivement la F3, F4 et F5. Cette variation de rendement est certainement due aux conditions agro-climatiques, édaphiques et aux dates de semis. Selon Bertero et al., (1999a, 1999b), le facteur milieu, à savoir la température et la photopériode, influencent significativement la croissance des espèces cultivées. Dans notre cas, le semis en février réalisé en première année, a permis un meilleur développement. La température plus modérée entre 15 et 25°C et la photopériode longue, combinées à une bonne répartition des précipitations ont été certainement plus favorables à la croissance des lignées F3. En deuxième et troisième année, le semis réalisé en novembre a coïncidé avec une distribution mensuelle de pluie erratique défavorable au développement et à l’élaboration du rendement. Ainsi, la période de la floraison et de remplissage n’ont pas coïncidé avec la période des pluies, ce qui a impacté la formation des panicules et le rendement.
Globalement au cours des trois générations, plus les inflorescences ont été longues et larges plus le rendement grains a été élevé et l’inverse a été vrai. Les accessions à faible rendement avaient en conséquence des valeurs inférieures à la moyenne pour la plupart des traits morphologiques. Ces résultats concordent avec les données de la matrice de corrélation. En effet, tous les caractères morphologiques ont été corrélées positivement au rendement grains : le poids sec de la partie aérienne (R=0,8), la longueur et la largeur des panicules (R=0,7), la hauteur des plantes (R=0,7) et le diamètre de la tige (R=0,7). Bhargava et al. (2007), ont rapporté une corrélation élevée entre le rendement grain et la biomasse. Carmen (2008), a également trouvé que le rendement grains était corrélé à la hauteur de la plante, la largeur de l’inflorescence, la matière sèche et la durée du cycle.
La hauteur à maturité a présenté une grande variabilité entre les lignées IRL. Celle-ci a varié entre 16 et 135cm en F3, entre 8 et 97cm en F4 et entre 4 et 86cm en F5. Gandarillas (1968), a notamment montré que les écotypes provenant des hautes vallées sont généralement de plus grande taille que ceux des hauts plateaux d’au-delà de 4000 mètres d’altitude ou ceux des zones froides (Gandarillas 1979b, Cáceres 1993, Mujica et Jacobsen. 1999, Carmen, 2008). Dans notre cas, le parent P1 (NL6) de chenopodium quinoa provient des régions côtières de basses altitudes chiliennes et est de taille courte (0,6 mètre) ; le parent P2 est de taille moyenne (1 mètre) et originaire de l’Amérique du Nord. Ceci explique l’importante variabilité de taille entre les lignées de ségrégation issues de ce croisement interspécifique.
Le diamètre des graines constitue un critère de sélection très important dans les programmes d’amélioration du quinoa. Selon Farah (2009), la grosseur des graines est en général très appréciée par les consommateurs de même que leur couleur blanche. Généralement les grains de quinoa sont classés de grande taille (de 2,2 à 2,6mm de diamètre), en grains moyens (de 1,8 à 2,2mm) et petits inférieurs à 1,8mm (Bonifacio et al., 2001). Lors de 3 générations, le diamètre grains a varié entre 1 et 2,2mm en F3, entre 1 et 2,8mm en F4 et entre 1 et 2,3mm en F5. En tant que matériel IRL dérivant d’un croisement d’un parent NL6 à graines de taille moyenne et d'un parent de Chenopodium berlandieri à grosses graines, ceci pourrait expliquer la variation des diamètres grains observée chez les lignées recombinantes.
Le génotype a des effets significatifs sur tous les caractères étudiés, notamment sur les critères de sélection notamment la résistance au mildiou. Les données des 3 générations révèlent des différences de sensibilité au mildiou et témoignent de la variabilité existante entre les accessions. Le site de Rabat aux conditions édaphiques plus favorables (humidité relative élevée 74,17%) au développement du champignon Peronospora farinosa permettrait un meilleur criblage des accessions. En effet, les génotypes testés n’ont pas répondu de la même façon à l’infection de Peronospora farinosa ; les lignées F3 ont affiché en moyenne un degré de sensibilité de 3,8% et les descendants F4 et F5 ont affiché des valeurs égales à 1,6 et 0,4% respectivement. L’apparition de la maladie et sa dissémination a été plus favorisée à la première date de semis (février), en comparaison avec les deux autres dates (novembre), ce qui nous permet de conclure que les conditions climatiques influencent le développement du mildiou. A travers notre évaluation, 31 lignées ont été les plus résistantes à l’attaque par le mildiou aux trois générations.
Déterminer l’héritabilité des caractères est d’importance majeure pour les améliorateurs afin de déterminer et de prioriser les méthodes de sélection les plus appropriées. Nos résultats montrent que, les caractères les plus héritables sont la durée de cycle, la sensibilité au mildiou, le diamètre de la tige, la hauteur de la plante, la longueur des inflorescences et le rendement grains. Ces résultats corroborent bien avec ceux de Bhargava et al., (2006 et 2007a), qui avait signalé que ces traits sont principalement contrôlés par le génotype et par conséquent doivent être pris en tant critères de sélection en priorité.
L’analyse en composantes principales a révélé l'importance des variables étudiées sur la discrimination des IRL-s aux trois générations. La projection des descripteurs évalués sur les deux axes de composantes principales a montré d’abord une proximité des caractères : diamètre de tige, rendement grains, longueur des panicules, matière sèche de la partie aérienne et hauteur à maturité qui sont les principaux contributeurs à la 1ère composante principale (PC1). La deuxième composante principale (PC2) était davantage liée à la sensibilité au mildiou, la durée de cycle et le diamètre de la graine. La projection des accessions sur le plan formé par les deux 1ers axes de l’ACP a montré une variabilité au sein des IRL-s évaluées. Celle-ci est illustrée par la dispersion en nuages de points représentant les accessions. En effet, trois clusters d’accessions morphologiquement très proches ont été identifiés lors des trois générations. Un cluster constitué des lignées performantes, de haute taille, avec des panicules longues et large et un rendement conséquent. Un deuxième cluster composé de lignées peu productives, courtes avec de petites panicules et un rendement bas. Le dernier cluster est formé des accessions de taille grande à moyenne, à rendements en biomasse et en grains moyens. Ces clusters ont révélé un niveau élevé de variabilité génétique existant parmi les lignées testées. L’existence d'une telle variabilité est essentielle pour constituer une collection de lignées de quinoa utile au programme de sélection de génotypes adaptés aux conditions locales.
CONCLUSION
Les résultats obtenus témoignent de l’existence d’une diversité importante parmi les IRL-s. Cette importante variabilité observée serait le résultat de la ségrégation des descendants interspécifiques et de l’expression de la forte variabilité génotypique régénérée. L’évaluation agro-morphologique et l’analyse de données ont révélé la présence des lignées performantes portant des traits recherchés. Ces lignées recombinantes constitueraient une bonne base de départ d’un programme d’amélioration génétique de quinoa au Maroc pour la création de cultivars stables, productifs et résistants au mildiou.
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