Résumé

Au Niger, l’approvisionnement en semences de qualité déclarée reste un grand défi pour les agriculteurs qui utilisent majoritairement des variétés traditionnelles malgré leur problème de pureté. Récemment, on a observé une mobilisation des acteurs autours de la filière semences améliorées. Cet article analyse l’organisation et les contraintes de la commercialisation des semences améliorées certifiées de mil et de niébé. L’étude a été conduite auprès de 57 producteurs multiplicateurs, 2 organisations paysannes, 4 points de ventes/boutiques d’intrants et une entreprise semencière. Ces acteurs ont été échantillonnés de façon systématique, une enquête par questionnaire a permis de collecter les données et l’approche filière a servi dans l’analyse. Les résultats montrent que les producteurs multiplicateurs, leurs groupements, l’entreprise semencière, les collecteurs/distributeurs, les points de vente/boutiques d’intrants, l’Etat/partenaires et les producteurs utilisateurs sont les acteurs directs du circuit de commercialisation de ces semences. Les caractéristiques de la demande en ces intrants stratégiques sont difficiles à établir dans cette zone. Toutefois, l’essentiel des semences des producteurs multiplicateurs est acheté par les entreprises semencières et l’Etat et ses partenaires. Il n’existe pas à proprement parler une coordination dans la formation de prix des semences. Mais, il est fortement influencé par un contrat de production qui lie les privés aux producteurs multiplicateurs. La commercialisation rencontre de nombreuses contraintes techniques de production et celles de marchés/financières. Pour assurer la durabilité de la filière semences améliorées certifiées et sa contribution dans la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté, des actions sont nécessaires dans la caractérisation de la demande, la fixation des prix et les stratégies adaptées de commercialisation. Ainsi, l’estimation de la demande et la fixation de prix de vente avant le démarrage de la campagne agricole permettent une production de semences orientée vers le marché. L’information et les ventes en petites quantités dans les villages peuvent aider à commercialiser les semences.        


Mots clés: Commercialisation, Economie de marché, Filière, Semences améliorées, Niger

INTRODUCTION

Au Niger, comme dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest, l’agriculture est la principale activité économique pour plus de 85% de la population et contribue à hauteur de 36,7% dans la formation du Produit Intérieur Brut (PIB) (Banque Mondiale, 2014). Toutefois, cette activité se caractérise par une faible productivité qui limite sa contribution dans la sécurité alimentaire des ménages.

En agriculture pluviale, le mil (céréale) et le niébé (légumineuse) font parties des principales cultures en raison de leur dominance dans le système de production alimentaire du pays et de leur importance socio-économique. Dans ce système de production, les semences constituent un intrant stratégique et un important facteur de production dont la maîtrise conditionne le niveau de rendement des cultures et la productivité de tous les autres intrants agricoles (Achigan-Dako et al., 2014 ; Awotide et Mafouassan, 2015). La demande en semences de qualité est potentiellement très grande et diversifiée chez les paysans surtout dans un contexte de changement climatique. Pour satisfaire cette demande, l’offre est constituée de deux principaux systèmes semenciers (informel et formel) qui assurent l’approvisionnement des petits producteurs en semences des cultures vivrières. Dans le système informel (traditionnel), les agriculteurs collectent, sélectionnent, croisent, testent, multiplient, stockent et échangent des semences des variétés traditionnelles depuis des générations selon des règles d’usage qu’ils définissent eux-mêmes, sans surveillance institutionnelle ni contrôle de qualité (Ndjeunga, 2002 ; Bishaw, 2004). Au Niger, les estimations établissent à plus de 85%, le pourcentage des superficies emblavées avec les semences provenant du système traditionnel. L’autoproduction et l’achat aux marchés locaux assurent l’essentiel des besoins en semences des ménages à hauteur de 90,6% pour le mil et 85,8% pour le niébé (FAO, 2014). Certaines études indiquent que la commercialisation de semences traditionnelles entre paysans a pris de l’importance en tant que moyen d’échange de semences en Afrique Subsaharienne au fur et à mesure que les économies se développent et que les agriculteurs utilisent de plus en plus les marchés pour satisfaire leurs besoins semenciers (Aw Hassan et al., 2008 ; Sperling et Mc Guire, 2010). Malgré sa maîtrise par les paysans, le système informel se heurte de plus en plus au problème de pureté et donc de qualité de semences. Dans ces conditions, ce système n’arrive pas à garantir la sécurité semencière aux petits producteurs. Cette insuffisance a fait naître le système semencier formel ou conventionnel qui est basé sur la création variétale, la multiplication à grande échelle des variétés officiellement homologuées et la diffusion des semences de qualité déclarée. Ce système repose sur les exigences (faculté germinative, pureté variétale, etc.) de qualité (FAO, 2007 ; Ministère de l’Agriculture (MA), 2012a) avec comme principaux acteurs l’Etat, le privé (entreprises semencières) et la société civile (Organisations de Producteurs et ONG). Ce schéma comporte un ensemble d’acteurs d’une filière verticale chargés des différentes activités liées à la production et à la commercialisation des semences. Il est règlementé par des nouvelles législations semencières pour assurer la qualité des semences à travers le contrôle, la certification et la régulation de la commercialisation (Scoones et Thompson, 2011). Les organisations des producteurs peuvent jouer un important rôle dans l’approvisionnement (disponibilité et accessibilité) des petits producteurs en semences de qualité. Ces Organisations Paysannes produisent et commercialisent les semences via les ventes directes et les ventes par un accord contractuel (Dawit et al., 2017).

Aujourd’hui, la majorité des politiques publiques et des investissements sont en faveurs du développement de la filière de semences améliorées certifiées créant ainsi des conditions favorables aux activités des Organisations de Producteurs dans le secteur (MA, 2012b). C’est pour cette raison que dans la partie Ouest du Niger, les partenaires au développement agricole comme la Banque Mondiale, la FAO, le Programme de Productivité Agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO) et plusieurs ONGs mettent en œuvre plusieurs Programmes et Projets semenciers. Ces acteurs interviennent pour améliorer la qualité, la disponibilité, l’accessibilité des variétés améliorées aux agriculteurs afin d’impulser des systèmes agricoles résilients capables d’assurer durablement leur sécurité alimentaire.

Récemment, on a observé de plus en plus une mobilisation des producteurs, des organisations paysannes et des entreprises privées dans la production et la commercialisation des semences certifiées. Or l’insuffisance des études sur les systèmes semenciers notamment une analyse socio-économique justifiant l’ampleur et la portée des interventions, limite considérablement la capacité des décideurs et des partenaires à réaliser des investissements rationnels. Cet article analyse l’organisation et les contraintes de la commercialisation des semences améliorées certifiées de mil et de niébé dans la partie Ouest du Niger.

Description des systèmes semenciers au Niger

Comme dans la plupart des pays agricoles d’Afrique, le secteur semencier nigérien peut être catégorisé en différents systèmes semenciers. Un système semencier est la somme des composantes physiques, organisationnelles et institutionnelles, leurs actions et interactions, qui déterminent l’offre, la demande et l’utilisation des semences, en termes quantitatifs et qualitatifs (Sconnes et Thompson, 2011). Les systèmes semenciers sont généralement classés en deux catégories à savoir les systèmes informel et formel. Le système semencier informel peut être défini comme étant des pratiques de production et de distribution de semences pour lesquelles, il n’existe pas de certification légale des semences (Bishaw, 2004). Il comprend des agriculteurs individuels qui sélectionnent et conservent leurs propres semences ou échangent des semences avec d’autres producteurs par des moyens traditionnels tels que les cadeaux, le troc, l’échange de main d’œuvre, les transactions en espèce ou les obligations sociales (Aw Hassan et al., 2008). En Afrique de l’Ouest, ce système comptabilise plus de 90% des semences utilisées par les petits agriculteurs (Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde (FARM) et Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le développement agricoles (CORAF), 2016). Ce système bénéficie timidement des soutiens financiers et techniques des partenaires au développement. Le système informel est confronté aux problèmes de pureté et de qualité de semences. Ces contraintes peuvent être résolues par le système semencier formel. Ce dernier est formé d’arrangements institutionnels et organisationnels composés des entreprises et organisations impliquées dans la distribution des variétés améliorées certifiées allant de la recherche aux communautés agricoles (Dawit et al., 2017). Ceux-ci comprennent plusieurs composantes interdépendantes telles que le développement et l’homologation de la variété, la multiplication, le traitement, le contrôle et la certification de la qualité des semences, la commercialisation et la distribution des semences. La majorité des politiques publiques et des investissements aussi bien pour la production, la commercialisation, la distribution que l’utilisation de semences visent principalement ce système. Malgré ces efforts, le système formel fournit moins de 15% de la demande potentielle en semences par an du pays (MA, 2012a). Dans les années 1976, le système conventionnel fonctionnait sur la base d’un programme céréalier national avec la création des fermes et centres de multiplication de semences. Dans ce schéma, l’Etat jouait l’essentiel des rôles dans la mise à disposition des variétés de qualité aux producteurs.

De 1990 à 2000, les reformes agricoles engendrées par le Programme d’Ajustement Structurel ont entrainé un retrait de l’Etat de la production de semences et l’émergence des Organisations paysannes à l’initiative des projets, ONGs et les Organismes de Nations Unies comme la FAO. On a assisté également à la création des premières fermes semencières privées. Après les années 2000, à la faveur de la consolidation de l’environnement règlementaire et institutionnel, on assiste à une réorganisation de la filière et à une redynamisation de la production de semences. Ainsi, Depuis 2006, les maillons de production et de commercialisation des semences améliorées certifiées de la filière semence connaissent un développement important (FAO, 2013). Cette amélioration est imputable aux efforts consentis dans le domaine par l’Etat et ses partenaires. En effet, le Niger s’est doté d’un certain nombre de textes législatifs et réglementaires dans le domaine semencier. Il s’agit de : (i) les règlements communautaires en vigueur dans les espaces de l’UEMOA, la CEDEAO et du CILSS ; (ii) la loi semencière nationale, (iii) le manuel de procédures de contrôle et certification des semences ; (iv) le catalogue national des espèces et variétés végétales et (v) l’annuaire national sur la disponibilité en semences améliorées. Ces instruments définissent les principes généraux de production et de commercialisation de semences. Le but est de créer un environnement propice au développement d’une véritable industrie semencière pour mieux sécuriser les producteurs, améliorer la productivité, la production et revenu agricoles et conserver l’agro-biodiversité nationale. Les institutions nationales de recherche (Institut National de la Recherche Agronomique du Niger (INRAN), Universités) et internationales (ICRISAT, IITA) interviennent dans la création variétales (semences de pré-base et base) et la formation des agriculteurs. Les services de l’Etat (comité national des semences, structure officielle de contrôle et de certification des semences, structures d’appui-conseil et les structures de normalisation et de contrôle) interviennent dans la programmation, le contrôle et la certification de la production. Le secteur privé intervient dans la recherche variétale, la production et la commercialisation des semences et l’appui-conseil. Les groupements, les associations et les fédérations des producteurs et autres privés assurent la multiplication et la commercialisation des semences certifiées (R1 et R2). De 2012 à 2016, le nombre des producteurs semenciers est passé de 550 à 962, soit un taux d’augmentation de 75% en l’espace de 5 ans. Le Niger enregistre 24 entreprises privées de semences qui sont organisées en Association des Producteurs Privés de Semences du Niger (APPSN) (MA, 2016). Sur le plan national, le nombre de variétés produites en semences certifiés est de 9 et 12 respectivement pour le mil et niébé. Dans la zone d’étude, ce nombre est de 5 et 4 variétés respectivement pour le mil et niébé. Les variétés du mil sont : HKP, ICMV IS 94204, ICMV IS 94205, ICMV IS 94206 et SOSSAT C88. Pour le niébé, ces variétés sont : TN5-78, IT90K372-1-2, IT97K499-38 et KVX30-309-6G (MA, 2012a ; MA, 2016).

L’analyse de l’évolution de la production des semences améliorées du mil et niébé de 2012 à 2016 indique que malgré les efforts consentis, on constate une évolution en dent de scie de la production en semences certifiées du mil et du niébé (tableau 1). En termes de G4, les quantités produites sont plus importantes en 2014 pour le mil et en 2015 pour niébé. Par contre la production (R1 et R2) est plus importante en 2014 pour les deux cultures.

Tableau 1: Evolution de la production de semences améliorées de 2012 à 2016 au Niger

MATERIEL ET METHODE

Zone d’étude, échantillonnage et collecte des données

La partie Ouest du Niger et particulièrement la région de Tillabéry a été choisie pour cette étude. La région couvre une superficie de 97251 km2, soit 7,7 % du territoire nigérien (Institut National de la Statistique (INS), 2014). Elle est limitée au Nord par le Mali, à l’Est par les régions de Tahoua et Dosso, au Sud par le Bénin et à l’Ouest par le Burkina Faso. Le climat de la zone est de type sahélien, chaud et relativement humide avec environ 500 mm de pluie par an mais mal reparti dans le temps comme dans l’espace sur les 3 à 4 mois que dure la saison des pluies. La population de la région est estimée à 2715186 personnes (INS, 2014). Les sols sableux, sablo-argileux et argileux sont les plus rencontrés et l’agriculture est la principale activité économique de la région.

L’étude a concerné les communes rurales de Tagazar (département de Balléyara) et de Tamou (Département de Say). A Tagazar, les localités de Balleyara, Tabla, N’Gawa, Téguef et Windittan et à Tamou, les localités de Boki, Mamanga, Illa koira, Djabou, Fatanamari et Djangoré ont été choisies. Ces localités ont été choisies avec l’aide des Agents de Service de l’Agriculture lors d’une phase exploratoire. Les principaux critères utilisés sont : (i) importance de la production du mil, sorgho et de niébé, (ii) bénéficiaires d’appui en semences améliorées de ces deux cultures de la part de l’Etat ou PPAAO ou FAO au cours des trois dernières années, iii) développement de l’activité de production et de commercialisation de semences certifiées de ces deux cultures et iv) existence d’au moins un privé qui appuie la production et la commercialisation des semences du mil et niébé.

Lors d’un second passage, les enquêtes ont été conduites auprès des 57 producteurs multiplicateurs, 2 Organisations paysannes et 4 points de vente/boutiques d’intrants et une entreprise semencière. Ces acteurs ont été échantillonnés de façon systématique. Les données ont été collectées de Février à Avril 2015 à l’aide d’un questionnaire comportant des informations sur les acteurs, le circuit et les contraintes de la commercialisation des semences améliorées certifiées de mil et de niébé dans la zone.

Analyse des données

Les données ont été traitées et analysées avec le tableur Excel et le logiciel SPSS version 20. Ainsi, les statistiques descriptives ont été réalisées avec SPSS et les figures avec Excel. L’approche filière a été utilisée pour l’identification des acteurs, la cartographie des circuits et des contraintes de la commercialisation des semences certifiées. Cette approche consiste à suivre un produit ou un groupe de produits le long de la chaîne allant du producteur au consommateur, en observant à chacun des stades (production, commercialisation, stockage, transformation, distribution, consommation, exportation) le comportement des agents économiques concernés (Agbandou et al., 2016).

RESULTATS 

Organisation de la commercialisation des semences améliorées de mil et de niébé

Les enquêtes réalisées ont permis de cerner les acteurs et le circuit de commercialisation des semences améliorées (Fig. 1). Il y a environ cinq (5) ans que la commercialisation de semences améliorées s’est véritablement développée dans la zone d’étude. Ainsi, sept (7) acteurs directs cordonnent le flux des semences améliorées. Il s’agit de : producteurs multiplicateurs, leurs groupements, entreprises semencières, collecteurs et distributeurs, points de vente ou boutiques d’intrants, Etat et partenaires et producteurs utilisateurs. On note aussi les supports médiatiques qui jouent un rôle important dans l’information et la sensibilisation des utilisateurs des semences améliorées. Ces acteurs peuvent être rangés en quatre (4) niveaux : production, collecte-vente, distribution et utilisation de semences. Le niveau production est constitué des producteurs multiplicateurs, leurs groupements et des entreprises semencières. Quant au niveau collecte-vente, il est formé par les collecteurs-distributeurs et les points de vente/boutiques d’intrants. L’Etat et ses partenaires assurent le niveau achat-distribution et les producteurs de graines constituent le niveau utilisation de semences. Dans la zone, les producteurs multiplicateurs vendent leurs semences certifiées soit à l’entreprise semencière, soit au groupement, soit au point de vente/boutique d’intrants. Le groupement de producteurs écoule sa production auprès de l’entreprise semencière ou des collecteurs-distributaires ou des points de ventes/boutiques d’intrants ou de l’Etat et ses partenaires ou directement aux producteurs utilisateurs. L’entreprise semencière vend ses semences aux points de vente/boutiques d’intrants ou à l’Etat et ses partenaires. Les collecteurs-distributeurs ventent leurs semences à l’Etat et ses partenaires. Enfin, les points de vente/boutiques d’intrants vendent les semences améliorées aux producteurs utilisateurs.

Figure 1: Circuit de commercialisation de semences améliorées certifiées dans la zone.

Offre et demande en semences améliorées certifiées

Dans la région de Tillabéry, la problématique de l’approvisionnement en semences améliorées de la majorité des agriculteurs se pose pour les cultures vivrières notamment le mil et le niébé. La question semencière est à la fois d’ordre quantitatif et qualitatif (disponibilité, accessibilité et qualité des semences répondant aux besoins des producteurs). Ainsi, les caractéristiques précises de la demande en semences améliorées dans ces régions sont difficiles à établir de façon précise au Niger et dans cette zone en particulier. Toutefois, l’analyse de l’importance d’achat des semences améliorées produites par les multiplicateurs et leurs groupements montre que l’essentiel de la production de semence du mil est acheté par les entreprises semencières. Pour le niébé, la grande quantité de semences est achetée par l’Etat et ses partenaires au développement (Fig. 2).

Figure 2: Répartition des variétés de semences améliorées selon les acheteurs.

Formation des prix des semences certifiées

Au niveau de cette zone de Tillabéry, il n’existe pas à proprement parler une coordination dans la formation des prix des semences améliorées notamment du mil et du niébé. Chez les producteurs multiplicateurs ou leurs organisations, le prix est généralement imposé par les acquéreurs (privés, Etat et partenaires au développement). Il faut noter que même entre ces acteurs, le prix varie. Par exemple l’entreprise semencière AINOMA ou le distributeur MANOMA achètent le kilogramme de niébé à 500 FCFA. Ce même kilogramme est payé de 600 voire 750 FCFA par l’Etat, le PPAAO ou la FAO. Il est aussi à préciser que l’achat des semences se fait en cash ou en crédit. Dans ce dernier cas, le producteur ou l’organisation paysanne doit attendre 3 à 6 mois en moyenne avant d’être payé. C’est aussi le système d’achat de semences pratiqué par l’Etat, la FAO et le PPAAO. Le prix bas observé chez les structures privées est le résultat d’un contrat de production qui les lie aux organisations de multiplicateurs. Les producteurs reçoivent comme crédit de campagne de semences de base, de l’engrais et de produits phytosanitaires. L’équivalent de ce crédit est payé en nature à la récolte. En plus des intrants, un technicien est aussi mis à la disposition des agriculteurs pour les conseiller en itinéraires techniques de production de semences. On peut supposer que toutes ces raisons justifient le niveau de prix pratiqué par ces privés. Si l’on veut mieux profiter les producteurs multiplicateurs, il s’avère nécessaire que l’Etat et les partenaires au développement mettent en place une structure de contrôle et de régulation de prix des semences certifiées notamment du mil et du niébé.

Contraintes de la commercialisation de semences améliorées certifiées de mil et de niébé

Dans cette région du Niger, la commercialisation des semences améliorées certifiées du mil et du niébé fait face à de nombreuses contraintes qui limitent son bon développement. Ces contraintes sont représentées sous forme de deux catégories à savoir les contraintes techniques de production (Fig. 3) et les contraintes de marché et financières de production (Fig. 4). Les principales difficultés évoquées par les producteurs multiplicateurs sont : les attaques des ravageurs (100%), la mévente de la production (100%), le coût élevé des intrants notamment la semence de base (G4), l’engrais et les produits phytosanitaires (100%), l’insuffisance des moyens financiers des multiplicateurs (100%), le prix bas de vente de semences certifiées produites (100%), la pauvreté des sols (97%), l’insuffisance des terres (85%) et l’insuffisance de semence de base (65%). En plus de ces contraintes, on peut aussi ajouter la faible utilisation des semences améliorées au plan national. La levée de ces différentes contraintes majeures est une condition sine quoi none pour tout développement de la filière semences améliorées au Niger et particulièrement dans cette région.

Figure 3: Contraintes techniques de production évoquées par les multiplicateurs de semences.

Figure 4: Contraintes de marché et financières de production évoquées par les multiplicateurs.

DISCUSSION

La commercialisation de semences certifiées implique sept principaux acteurs directs que sont : les producteurs multiplicateurs, les organisations de producteurs, les entreprises semencières, les collecteurs et distributeurs, les points de vente/boutiques d’intrants, l’Etat, les partenaires au développement et les agriculteurs de consommation. Les acteurs indirects sont constitués de l’Institution de Micro Finance (IMF) et les supports médiatiques (radios et foires). A travers la production de semences, les organisations des producteurs contribuent à l’approvisionnement des agriculteurs en semences de qualité déclarée et adaptées à leurs contextes de production. Ce constat corrobore les conclusions de la FAO (2013) qui a rapporté que les organisations des producteurs et les agriculteurs‐multiplicateurs renforcent la disponibilité en semences de qualité, améliorent les revenus des producteurs et contribuent à relancer la filière semencière. Dans le même sens, Kaboré et al. (2009) ont montré que l’implication de groupements semenciers, d’organisations paysannes vivrières et d’opérateurs du secteur privé (distributeurs d’intrants) pourrait déboucher sur une success story en matière de construction d’un marché durable des semences améliorées. Les caractéristiques de la demande en semences certifiées sont difficiles à établir de façon précise aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif. Au niveau de cette région, il n’existe pas à proprement parler une coordination en matière de formation de prix de semences certifiées.

La commercialisation des semences améliorées certifiées est à l’épreuve de beaucoup de contraintes à l’image du secteur agricole. Ces limites regroupées en contraintes ont été révélées en Afrique de l’Ouest et du Centre où les filières semencières sont peu performantes, une demande en semences améliorées mal commue, des faibles capacités des réponses et des cadres réglementaires peu effectifs (Erenstein et al., 2011, FARM et CORAF, 2016). D’autres contraintes du secteur ont également été identifiées notamment l’indisponibilité d’engrais, de semences de base et des terres (Awotide et Mafouassan, 2015), le manque de communication pour le développement, le manque de financement, la fragilité et les faibles capacités du secteur privé, la faible connaissance des textes et cadres règlementaires, la déresponsabilisation des acteurs de la filière, la gestion inefficiente de l’information et de la communication, le manque de concertation entre les acteurs et le manque d’outils de programmation et de régulation (Achigan-Dako et al., 2014). Une autre contrainte de durabilité réside dans les Programmes de semences d’urgence de l’Etat et ses partenaires. Cette politique de distribution gratuite des semences aux producteurs va à l’encontre des perspectives économiques de la filière. En effet, elle fausse les échanges financiers entre les multiplicateurs et les agriculteurs acheteurs. Ce qui crée un environnement économique défavorable aux Organisations des Producteurs et aux entreprises semencières privées (Achigan-Dako et al., 2014). Or la politique nationale est sensée favoriser les investissements privés et les initiatives d’augmentation de revenus des producteurs. Le retard dans le paiement des organisations des producteurs après la vente de leurs semences. Cette situation est plus observée avec les entreprises semencières.

Ces limitent singulièrement de mévente de production de semences ont amené les acteurs à développer des stratégies de gestion. C’est ainsi que pour écouler leur production, les organisations de producteurs, l’entreprise semencière et les points de ventes/boutiques d’intrants organisent des sensibilisations/informations et des ventes de proximité et en petits paquets (variant de 100 g à 1 kg). Ces acteurs utilisent aussi des supports médiatiques, des foires de semences. Ces stratégies se développent aux villages ou dans les marchés ruraux. Ces constats confirment les résultats de Matsalabi (2015) dans la région de Maradi où il a montré que les membres d’une organisation paysanne développent des stratégies de vente en petits sachets pour écouler leur production de semences certifiées.

L’Etat, les partenaires au développement et la recherche doivent concevoir et développer des programmes permettant de résoudre les contraintes évoquées par les acteurs de la filière. Il s’agit particulièrement de favoriser le renforcement des capacités, l’accès au financement et l’accès au marché de semences améliorées aux producteurs multiplicateurs. Ces actions sont les bases d’un développement de la filière semencière du Niger.

CONCLUSION

Dans la zone d’étude, la commercialisation de semences certifiées de mil et de niébé implique de nombreux acteurs directs et indirects qui sont rangés en quatre niveaux à savoir la production, la collecte-vente, la distribution et l’utilisation. L’Etat, les partenaires au développement, les agriculteurs et les privés constituent les principaux acheteurs de la production des agriculteurs multiplicateurs. Ce rôle central de l’Etat dans l’achat de semences pose la problématique de la durabilité du système car va à l’encontre des perspectives économiques de la filière. Malgré cela, il est perceptible la place des Organisations des Producteurs et des entreprises semencières privées dans l’amélioration de l’approvisionnement en semences améliorées certifiées des producteurs. Toutefois, les caractéristiques de la demande en semences certifiées sont difficiles à établir de façon précise aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif. L’offre de ces intrants est encore mal structurée dans cette région du Niger où il n’existe pas à proprement parler une coordination en matière de formation de prix de semences certifiées. La commercialisation de semences certifiées connait de nombreuses contraintes dont la lavée est incontournable pour le développement durable de la filière. Ces limitent amènent les acteurs à développer aux villages ou dans les marchés ruraux des stratégies de gestion. Enfin, l’efficacité et la durabilité de la commercialisation de semences certifiées dépendent fortement de la qualité de la collaboration entre les services techniques de l’Etat, les entreprises semencières privées et les Organisations des producteurs.

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