Valeur socio-économique du tamarin (Tamarindus indica) dans la zone écologique I du Togo

Auteurs-es

  • Moussa SAMAROU Laboratoire de Botanique et Écologie Végétale, Département de Botanique, Faculté des Sciences, Université de Lomé, Togo
  • Wouyo ATAKPAMA Laboratoire de Botanique et Écologie Végétale, Département de Botanique, Faculté des Sciences, Université de Lomé, Togo
  • Abalo ATATO Laboratoire de Botanique et Écologie Végétale, Département de Botanique, Faculté des Sciences, Université de Lomé, Togo
  • Moucharafatou PESSINABA MAMOUDOU Département de Foresterie, Institut national de formation agricole de Tové, Kpalimé, Togo
  • Komlan BATAWILA Laboratoire de Botanique et Écologie Végétale, Département de Botanique, Faculté des Sciences, Université de Lomé, Togo
  • Koffi AKPAGANA Laboratoire de Botanique et Écologie Végétale, Département de Botanique, Faculté des Sciences, Université de Lomé, Togo

Résumé

La multiplicité des acteurs impliqués dans la filière et l’engouement des consommateurs de tamarin (Tamarindus indica L.) témoigne de la valeur socio-économique de ce dernier. Cette importance justifie l’étude socio-économique dans la zone écologique I du Togo, portée sur un échantillon de 98 récolteurs, 50 commerçantes et 30 transformatrices de fruits du tamarinier. L’étude vise à: (i) identifier les acteurs de la filière de tamarin, (ii) caractériser les circuits de commercialisation et (iii) évaluer les revenus générés par la commercialisation des de tamarin. Elle a permis de rassembler et d’analyser les informations liées à la récolte et à la commercialisation. La quantité moyenne récoltée par personne est de 110 ± 50 kg. Le prix moyen par kg est compris entre 135 ± 34 et 220 ± 65 F CFA, en fonction de la disponibilité. Chez les revendeuses, ce prix varie entre 320 et 618 F CFA par kg. Le revenu moyen par récolteur se situe entre 12 920 et 23 605 F CFA. Chez les revendeuses, le revenu est entre 63 217 et 303 145 F CFA. Afin d’assurer une utilisation et une conservation durables de T. indica, il est impératif de mieux étudier sa structure démographique.

Mots clés: Tamarin, commercialisation, chaîne de valeurs, PFNL, zone écologique

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INTRODUCTION

Les fonctions jouées par la diversité biologique sont très diverses et irremplaçables (Atato et al., 2021). Des milliers de personnes en milieu rural dépendent de cette biodiversité pour leur nourriture, leur revenu et pour de nombreuses autres fonctions (Kebenzikato et al., 2015). L’arbre joue plusieurs rôles de par ses produits et occupe une place très importante dans la vie des populations (Gning et al., 2013; Sarr et al., 2013; Ndiaye et al., 2017). Leur vente sur les marchés locaux constituerait, pour de nombreux ménages ruraux, un revenu d’appoint loin d’être négligeable (Soloviev et al., 2004).

En Afrique de l’Ouest, plusieurs sous-produits végétaux, notamment les produits forestiers non-ligneuses (PFNL) sont reconnus pour leurs contributions aux revenus des populations. Le tamarinier (Tamarindus indica L.) fait partie de ces plantes multiusagers génératrices de revenus pour les communautés locales (Fandohan et al., 2010). T. indica s’est bien développée en Afrique où l’on observe quelques exploitations, mais le plus grand producteur dans le monde est l’Inde avec une exportation annuelle de plus de 300.000 tonnes (El-Siddig et al., 2006). La totalité de la demande de pulpe de T. indica en Inde est satisfaite par la production locale (Huda, 2009). Les autres grands pays exportateurs des fruits de tamarinier sont la Thaïlande et le Mexique (Bourou, 2012; Ludo et al., 2013). Selon ces auteurs, le Costa Rica, le Porto Rico et les pays africains sont d’autres exportateurs mais dans des proportions moindres. Malgré l’existence des marchés pour ses produits, le tamarin reste une espèce sous-estimée en Afrique (El-Siddig et al., 2006).

En Afrique, T. indica est intégré au système agroforestier traditionnel. Les raisons fondamentales qui justifient cette intégration sont multiples, mais la principale est certainement liée à ses fruits utilisés pour fabriquer une boisson acidulée (Codjia et al., 2003). Au Togo, l’état des lieux du potentiel des PFNL a montré que le tamarinier figure parmi les espèces ligneuses à production fruitière les plus appréciées (MERF/FAO, 2018). L’espèce existe au Togo et plus fréquente dans la zone écologique I (Atato et al., 2019 et 2021) qui constitue la principale zone pourvoyeuse des fruits de tamarin revendus sur les marchés locaux. Cependant, peu d’informations sont disponibles sur la commercialisation des sous-produits du tamarinier. Une connaissance de la valeur économique réelle de l’espèce contribuerait à la prise de décisions plus rationnelles quant à son utilisation durable (Fandohan et al., 2010).

La présente étude se propose de répondre à trois (3) principales questions. Quels sont les acteurs qui interviennent dans la filière de production, de commercialisation et de transformation du fruit de T. indica ? Quels sont les circuits de commercialisation du fruit de T. indica ? Quels sont les revenus générés par la commercialisation du fruit de tamarinier ?

Cette étude est une contribution à la valorisation du fruit du tamarinier au Togo. Spécifiquement, il s’agit de: (i) identifier les acteurs intervenant dans le maillon de production et de commercialisation du fruit de T. indica, (ii) déterminer le mode et les circuits de commercialisation du tamarin et (iii) évaluer la valeur socio-économique du fruit de T. indica.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Milieu d’étude

La zone écologique I est couverte par une partie de la région de la Kara et toute la région des Savanes (Figure 1). Cette dernière a une superficie de 8553 km², soit 15 % du territoire national et compte 69 cantons regroupés en sept (7) préfectures. La région de la Kara couvre 11 738 Km2 soit 21% du territoire national avec quatre (4) préfectures sur sept (7) incluses dans la zone écologique I. Le relief est caractérisé par trois (3) ensembles géomorphologiques: les plateaux de Dapaong et de Bombouaka, le socle birrimien, et les surfaces planes de la vallée de l’Oti (Addra et al., 1984; Affaton, 1990). Le réseau hydrographique est constitué de la rivière Oti et les cours d’eau de Kara, Mô, Bina et leurs affluents qui se juxtaposent à une végétation luxuriante de savanes, de forêts denses sèches et galeries, potentielles sources de PFNL (Dourma et al., 2018). Le climat est tropical de type soudanien à deux (2) saisons: une saison sèche longue et une saison pluvieuse. La pluviométrie moyenne annuelle est de 1000 mm avec des variations interannuelles importantes. Les températures oscillent entre 23 et 32 °C en saison sèche et entre 22 et 34 °C en saison des pluies. La température moyenne annuelle dans cette zone est de 28 °C (Govindasamy et al., 2003).

La majorité de la zone est couverte par plusieurs parcs agroforestiers dont les produits participent énormément à l’amélioration des conditions socio-économiques des populations résidentes (Folega et al., 2019; Kebenzikato et al., 2015; Padakale et al., 2018). Au sein de ces parcs agroforestiers, souvent à côté des habitations se retrouve une panoplie de bosquets sacrés, forme de protection endogènes de la biodiversité (Atakpama et al., 2021). De grandes parties de cette zone ont été mises sous protection pour la conservation de la biodiversité dont le plus remarquable est le complexe d’aire protégés Oti-Kéran-Mandouri (Polo-Akpisso et al., 2016).

La population de la région des savanes était estimée à 828224 habitants en 2010, dont 29 % vivent en milieu urbain ou semi-urbain (RGPH, 2010). Celle de la région de la Kara était de 828 121 habitants. Les groupes socioculturels les plus représentés de la zone d’étude sont: Gam-gam, Tamberma, Yanga, Tchokossi, Lamba, Moba, Peulhs, Gourmantche, Natchaba, Kabyè, Konkomba, Bassar (Samarou et al., 2021). Sur le plan socio-économique, diverses activités relevant essentiellement du secteur agricole sont pratiquées. Reconnue comme la principale zone d’élevage, la région des savanes constitue la principale porte d’entrée des bétails transhumants (Atakpama et al., 2016). La population de la région de la Kara tire des revenus de l’agriculture et des produits de cueillette forestiers (Dourma et al., 2018). Différentes espèces associées aux cultures annuelles à travers des pratiques d’agroforesterie et exploitées au sein des peuplements forestiers ou de boisements en zone rurale, génèrent des revenus non négligeables pour des populations (Agboh et Badjaré, 2007). Les filières des PFNL comme le miel, les plantes médicinales, le néré (Parkia biglobosa (Jacq.) Benth.), le karité (Vitellaria paradoxa C.F. Gaertner) et le tamarin (T. indica) se révèlent structurées avec des chaînes de valeur bien distinctes dans la zone (MERF, 2018).

Collecte des données

Les informations ont été récoltées suite aux enquêtes et observations de terrain auprès des récolteurs, des transformateurs et des commerçants des produits issus du tamarinier. La taille de l’échantillon a été retenue suite à une pré-investigation sur la connaissance de l’usage de T. indica sur un échantillon test de 1200 personnes pris au hasard. La taille de l’échantillon total (N) avec un intervalle de confiance de 95 % (risque d’erreur de 5 %) est déterminée à partir de la proportion des répondants reconnaissant au moins une utilisation de T. indica (Fn) (Dagnelie, 1998).

μ₁‐α/₂ = 1,96 et représente la valeur de la variable aléatoire normale avec un intervalle de confiance de 95 % pour un risque α égal à 5 %. La marge d’erreur δ prévue pour tout paramètre à estimer à partir de l’enquête est de 5 %.

Pour cet échantillon test de 1200, il a été constaté en moyenne que 87 % des répondants avaient la connaissance d’au moins une utilisation de l’espèce. Cette information a été utilisée pour calculer la taille de l’échantillon total qui est de 175. Le nombre total de personnes effectivement enquêtées est de 178, reparties dans six (6) préfectures (Tableau 1). Le choix des localités a pris en compte les zones de présence de l’espèce sur la base des enquêtes ethnobotaniques (Samarou et al., 2021) et des informations fournies sur les marchés des fruits de tamarin par des personnes ressources, notamment les directeurs préfectoraux de l’environnement et des ressources forestières et certains commerçants de fruits de tamarin.

Enquêtes socio-économiques

Les données ont été recueillies pendant la période de récolte des fruits de tamarin de janvier à février 2021. Il s’agit des enquêtes semi-structurées par entretiens individuels. Le type d’enquête socio-économique le plus courant en matière de PFNL consiste à récapituler sur une base annuelle les pratiques et les produits collectés, sans observation directe (Lescuyer, 2010). De même, à défaut de données sur toute une année, les données économiques fournies incluent la saisonnalité de l’activité, les parties d’organes de plante vendues, les modes d’acquisition, les contraintes liées à l’activité, les minima et maxima des frais de transport, des quantités vendues, des prix de vente par unité de mesure et le revenu généré (Fandohan et al., 2017). L’achat et la mesure de la masse des boules de fruits vendues sur les marchés de la place à l’aide de la balance électronique Camry® El 50 kg (Sensibilité 0,05 kg) ont permis d’avoir une précision sur les prix par kilogramme (kg) et les quantités de fruits de tamarin décortiqués (sans gousses). La collecte des données a pris aussi en compte les caractéristiques socio-démographiques des différents acteurs (sexe, âge, profession, niveau d’étude).

Traitements et analyse des données socio-économiques

L’analyse a porté sur les informations relatives aux différents acteurs de la filière et à sa performance. La caractérisation des acteurs de la filière du tamarinier s’est faite sous le tableur Microsoft Excel® sur la base de la statistique descriptive des intervenants (producteurs, commerçants et transformateurs), à partir des données socio-démographiques. Les moyennes des quantités de fruits vendues, les prix par unité de mesure et les revenus tirés de la vente des fruits de T. indica ont été également calculées à l’aide du logiciel Minitab 16. Ce logiciel a permis de réaliser les tests statistiques de Fisher (ANOVA One-way) afin de déterminer la significativité ou non des variables. Les commerçants de parties de T. indica ont été discriminés en deux (2) groupes: les détaillants et les semi-grossistes qui renseignent les prix et les quantités vendues (minima et maxima). Les revenus des fruits de tamarinier sont calculés suivant la formule suivante (Fandohan et al., 2017):

R = ∑ Pi x Qi, Qi et Pi respectivement les quantités moyennes vendues et les prix unitaires moyens des fruits durant une saison donnée.

Du fait que les récolteurs des fruits de tamarin vendent plus leur produit pendant la période de récolte, leur revenu est obtenu à partir du prix moyen de vente pendant la période d’abondance et les quantités de fruits de tamarin récoltées. Prenant en compte que les commerçantes conservent et vendent les fruits pendant toute l’année, la détermination des marges brutes s’est basée sur le prix moyen par kg des fruits calculé en faisant la moyenne des prix de vente en abondance et en pénurie. Cette marge brute des commerçantes est calculée en prenant en compte les différents coûts qui se résument aux frais de transport.

RÉSULTAT

Chaîne de valeur des fruits de T. indica

La filière des fruits du T. indica est composée de la production, la commercialisation et la transformation (Figure 2). La production représentée ici par la récolte des fruits est réalisée par les femmes et les hommes alors que la commercialisation et la transformation sont plus l’apanage exclusif des femmes qui les conditionnent en boulettes et/ou les transforment en jus embouteillé et en sachets pour la commercialisation. Ces chaînes de valeurs abritent des sous-chaînes destinées à la commercialisation des produits dérivés.

Trois (3) principaux types de circuits de commercialisation ont été rapportés. Il s’agit des circuits non-commerciaux, des circuits commerciaux directs et des circuits commerciaux indirects. Les circuits non commerciaux assurent l’auto-approvisionnement. Les foyers exploitants consomment et partagent directement les produits transformés. Le circuit direct implique moins d’intermédiaires. Les collecteurs sont à la fois des consommateurs. Il existe aussi des consommateurs bien distincts des collecteurs dans la filière. Le circuit commercial indirect est caractérisé par la présence d’intermédiaires entre les collecteurs et les consommateurs.

Les fruits mûrs de sont mis à la disposition des transformateurs et consommateurs après une succession de transport par des véhicules ou par des motos vers les marchés locaux et régionaux. Le flux de commercialisation des fruits de T. indica et ses produits transformés est dirigé vers les villes du pays et particulièrement à la capitale Lomé (Figure 3).

Caractéristiques des acteurs de la filière des fruits de T. indica

Récolteurs des fruits de tamarinier

Sur un total de 98 récolteurs des fruits de tamarin enquêtés, 72 % sont des femmes et 28 % d’hommes. L’âge moyen de l’ensemble des récolteurs est de 42 ans. La tranche d’âge comprise entre 20 et 40 ans est majoritaire (52 %) et représente les jeunes plus actifs et pouvant grimper les tamariniers. Les récolteurs de moins de 20 ans sont très faiblement représentés (3 %). Les récolteurs d’âge de 60 ans sont également faiblement représentés. Cette tranche d’âge est constituée de personnes à faibles aptitudes physiques pouvant permettre de s'impliquer activement dans la récolte. Ces derniers utilisent le plus souvent des bâtons pour cueillir les fruits de tamarin ou font recours aux plus jeunes pour leur élaguer les branches afin de réaliser aisément la cueillette au sol. Les plus jeunes grimpent dans les arbres, secouent les branches pour faire tomber les fruits ou cueillent directement les fruits directement. La proportion des récolteurs analphabètes est de 39 %. Les autres ont atteint les niveaux primaire (41 %), secondaire (9 %) et supérieur (1 %).

Commerce des fruits de tamarin

La commercialisation des fruits de tamarin est réalisée par des femmes d’âge moyen de 42 ans. Les commerçantes grossistes, venant des villes se ravitaillent auprès des détaillantes dans les localités de production et parfois directement auprès des récolteurs. En ce qui concerne le niveau d’étude, 12 % des commerçantes sont analphabètes. Celles alphabétisées ou ayant un niveau primaire ou secondaire sont représentées respectivement à 46 %, 34 % et 8 %. Les commerçantes détaillantes se contentent d’acheter les fruits de tamarin auprès des collecteurs dans le village en se déplaçant de village en village. Les produits achetés sont vendus sur les différents marchés locaux de la zone d’étude. Les commerçantes grossistes viennent sur ces différents marchés pour acquérir les fruits de tamarin généralement vendus en boulettes ou en bols qui sont des unités de mesure locales (Figure 4).

Transformateurs de pulpe de tamarin

Le marché se caractérise par une grande variété de produits: boisson et jus locaux. Le monopole de la transformation de la pulpe de tamarin dans la zone écologique I du Togo est détenu par les femmes d’âge moyen de 36 ans. La moitié des femmes transformatrices ont un niveau secondaire tandis que 43 % ont un niveau primaire et 7 % sont analphabètes. Des unités artisanales de transformation se développent surtout dans les grands centres urbains pour offrir aux consommateurs des produits naturels locaux. Les femmes transformatrices s’approvisionnent le plus souvent sur les marchés auprès des détaillants.

Valeur socio-économique du T. indica

Activité socio-économique

Parmi les principales activités de l’ensemble des acteurs de la filière, 61 % exercent prioritairement le commerce. L’agriculture et l’élevage viennent respectivement en deuxième et troisième position avec 16 % et 5 %. La filière de tamarin est considérée comme une activité secondaire par la majorité de la population. Le fruit est la principale partie d’organes du tamarinier commercialisée. Les autres parties d’organes sont plus utilisées dans la médecine traditionnelle pour le traitement de certaines maladies et ne font quasiment pas l’objet de commerce.

Quantité de tamarins récoltée

Pour la saison 2021, la quantité moyenne de fruits de tamarin détenue par personne pour l’ensemble des 98 récolteurs est de 110 ± 50 kg soit 300 boulettes (unité de mesure utilisée dans le milieu). On distingue 28 % de récolteurs de grandes quantités (≥ 150 kg), 32 % de récolteurs moyens (entre 100 et 150 kg) et 40 % petits récolteurs (≤ 100 kg). Cependant, le test statistique montre une différence significative entre les quantités moyennes de fruits de T. indica détenues par récolteur selon les préfectures de récolte (p = 0,016). Les grands récolteurs de tamarin sont dans les préfectures de Kpendjal et Oti-sud avec respectivement une moyenne de 139,4 ± 35,0 kg et 127,7 ± 35,9 kg par personne. La statistique descriptive (minimum, maximum, moyenne, écart-type et coefficient de variation) de la quantité de fruits de tamarin récoltée au niveau des préfectures concernées par l’enquête est présentée dans le Tableau 2.

Prix des fruits de tamarin et revenu des récolteurs

Les prix des fruits de tamarin au niveau des récolteurs varient dans le temps, selon la qualité du produit et le lieu d’approvisionnement. Sur la base des différentes pesées des fruits de tamarin, le prix moyen pendant la période d’abondance auprès des récolteurs est variable et compris entre 135 ± 34 et 220 ± 65 F CFA par kg. Ce prix moyen par kg en période de pénurie varie entre 270 ± 43 et 630 ± 65 F CFA (Figure 5). Les variations les plus remarquables s’observent dans les préfectures de Kpendjal et de Kpendjal-ouest.

La récolte des fruits génère annuellement récolteurs un revenu moyen brut de 17 930 ± 10 465 F CFA. Selon les petits, moyens et grands récolteurs, le revenu brut généré est respectivement de 11 160 ± 6 211 F CFA; 20 215 ± 11 516 F CFA et 25 595 F CFA ± 7 805. Le revenu moyen des produits est variable d’une préfecture à une autre. Le test statistique de Fisher montre qu’il n’y a pas de différence significative (p = 0,284) entre les revenus bruts générés aux récolteurs selon les préfectures concernées par l’étude.

Quantité vendue par les commerçantes

Les commerçantes détaillantes achètent auprès des récolteurs dans les localités de production en moyenne 723 ± 721 kg de fruits de tamarinier. Le Tableau 3 montre les résultats de la statistique descriptive des quantités de fruits de tamarin commercialisées par personne au niveau des préfectures concernées par l’étude. Les quantités moyennes de fruits de tamarin par commerçantes sont plus élevées dans la préfecture de Tône (1425 ± 1182 kg). Le coefficient de variation de 83 % montre une grande disparité entre les commerçants. Les plus faibles quantités sont constatées dans les préfectures de Tandjouaré (446,10 ± 264,6) et de l’Oti-sud (446,5 ± 249,5 kg). Dans les mêmes localités, la variation importante des quantités de fruits de tamarin récoltées par personnes (CV ˃ 50 %) témoigne de la présence des acteurs disposant de faibles quantités et ceux de grandes quantités. Les prix de vente des fruits du T. indica en abondance sont variables et compris entre 202,1 et 412,0 F CFA. Ces prix de vente en période de pénurie varient entre 256,1 et 824,2 F CFA (Tableau 4).

Revenu des commerçants de tamarin

Sur les 50 commerçantes enquêtés, 64% sont des grossistes-détaillants et 36 % des détaillants. Tout comme les prix d’achat auprès des récolteurs des fruits de tamarinier, les prix de revente varient dans le temps, selon la qualité du produit et en fonction du lieu de la transaction. Les revenus sont présentés en même temps que ceux issus des autres activités notamment le commerce des céréales pour l’ensemble des commerçantes. La commercialisation du fruit de tamarin génère un revenu moyen brut de 63 217 F CFA à 303 145 F CFA selon que le commerçant soit un détaillant ou un grossiste détaillant. C’est une ressource financière non négligeable pour les commerçantes (Tableau 5). Elle contribue à 22 % et 55 % des revenus totaux respectivement pour les détaillants et les grossistes-détaillants.

Quantités à l’usage des transformatrices

La majorité des transformations se fait de façon artisanale. On note tout de même quelques transformations semi-artisanales de production de jus de boisson. Les produits de transformation sont conditionnés soit en sachet ou en bouteille avant la commercialisation (Figure 6).

Dans les zones urbaines, les transformatrices de jus de tamarin destiné à la vente, utilisent les quantités relativement importantes à Dapaong dans la préfecture de Tône (89,3 ± 57,3 kg) et à Tandjouré (74,2 ± 7,94). Le Tableau 6 montre les variables statistiques de la quantité de fruits transformée dans la zone d’étude. Le fort coefficient de variation (79,7 %) dans Kpendjal montre qu’il existe dans la préfecture, des transformatrices de petites quantités de tamarin à côté des transformatrices de quantités relativement importantes.

L’évaluation du revenu de la transformation n’a pas été possible auprès des acteurs enquêtés. Toutefois les transformatrices reconnaissent du moins la valeur économique de ce fruit.

DISCUSSION

Acteurs et filière de tamarin

La récolte, la commercialisation et la transformation des fruits de tamarinier constituent des activités génératrices d’emplois et de revenus. Ces résultats concordent avec ceux de Abdoulaye et al. (2017); Dourma et al. (2018) ; Diatta et al. (2020).

La filière des fruits de tamarin est assurée en majorité par les femmes. Selon FAO (2007), ce sont les femmes qui exploitent, transforment et commercialisent les PFNL de cueillette qui entrent dans l’alimentation familiale ou sont utilisés à des fins médicinales ou commerciales. Ce résultat est comparable à celui de (Kebenzikato, 2016) à propos d’une étude sur la commercialisation des sous-produits du baobab (Adansonia digitata L.) au Togo. Cependant, selon Tchatat et Ndoye (2006), les activités de production ou de cueillette et de commercialisation des PFNL en Afrique centrale, sont en principe partagées entre hommes et femmes.

Les personnes plus jeunes et plus villes sont moins impliquées dans les activités de récolte des fruits du tamarinier. La faible représentativité des récolteurs de moins de 20 ans serait probablement due au fait que les personnes de cet âge vont à l’école et seuls ceux qui ont abandonné les classes et quelques rares élèves qui n’ont pas assez de moyens pratiqueraient cette activité pour subvenir à leur besoin. La difficulté de récolte des fruits de T. indica a été aussi signalée par d’autres auteurs qui rapportent que la récolte des fruits du tamarinier a été un principal défi principalement du fait que les arbres sont hauts et rendent l’escalade difficile (Kidaha et al., 2017). Ceci justifie la faible implication des personnes d’âge de 60 ans révolue dans cette activité. Il existe certaines pratiques néfastes à la survie des individus comme la coupe des branches d’arbres pour récolter les fruits.

Les fruits de tamarin produits dans la zone écologique I du Togo sont envoyés vers les grands marchés de voire les pays voisins. Les travaux similaires ont révélé que les femmes grossistes revendent les produits achetés dans les localités de production sur les marchés des villes respectives à des prix majorés aux populations et aux autres grandes commerçantes (Kebenzikato, 2016). Le marché des produits qui présentent une importante valeur ajoutée est souvent caractérisé par la présence de nombreux intermédiaires commerciaux faisant des producteurs/cueilleurs, les moins rémunérés du fait de leur faible pouvoir de négociation auprès des acheteurs (Arnold et Pérez, 2001). Par conséquent, le tamarin est parfois considéré comme secondaire par certains agriculteurs malgré le fait que les acteurs de la commercialisation connaissent la valeur commerciale des produits du tamarin (Koffi et Diarrassouba, 2009). Pour ces derniers auteurs, environ 85 % de fruits du tamarin produit en Côte d’Ivoire sont commercialisés localement dans les zones de production alors que 15 % sont vendus sur les marchés urbains du pays.

Les circuits directs des fruits de tamarin sont plus observés dans les zones de production pendant la campagne de récolte entre janvier, février et mars et font intervenir moins d’intermédiaires. Par contre, les circuits indirects sont caractérisés par de nombreux intermédiaires (commerçants grossistes, commerçants détaillants, transporteurs et transformateurs). Ce qui est confirmé par Dourma et al. (2018) qui soulignent que l’intervention des différents intermédiaires est le témoin d’un réel engouement suscité par l’exploitation des PFNL.

Valeur économique des fruits de T. indica

Le présent travail ressort la valeur économique des fruits de T. indica en tant que PFNL. La commercialisation des PFNL apporte un surplus de revenus aux producteurs. Toutefois, les revenus peuvent varier selon les types de produits exploités et le type de marché (Kusters et al., 2006). Les bénéfices générés sur les produits de cueillettes sont plus importants en dehors de la saison de récolte (Dourma et al., 2018).

Plusieurs travaux ont révélé l’importance du commerce des PFNL pour les groupes socio-culturels notamment du fait des revenus générés par la commercialisation (Codjia et al., 2003; Atato et al., 2010; Goudiaby, 2013; Sagna et al., 2019). La contribution moyenne de la vente des fruits du tamarinier au revenu global pendant la saison de récolte, rapportée par Fandohan et al. (2010) est estimée à 35 % au Bénin. Par conséquent la commercialisation des fruits du tamarinier joue un rôle essentiel à l’équilibre socio-économique des acteurs de la filière (Fandohan et al., 2010 ; Kidaha et al., 2017).

Les prix de vente des fruits du tamarin sont comparables à ceux rapportés par de Koffi et Diarrassouba (2009) en Côte d’Ivoire. Cette tendance ressort une valeur commune de l’usage et de l’importance économique du tamarin en Afrique de l’ouest.

La méthode souvent employée pour évaluer la contribution du tamarin aux revenus monétaires a certaines limites. La répétition de l’enquête à intervalles réguliers au cours de l’année fournirait des informations utiles concernant la dépendance temporelle aux produits du tamarin (Fandohan et al., 2010). Quelle que soit la méthode retenue (estimation a posteriori des revenus annuels ou suivi hebdomadaire des revenus), l’activité de cueillette apparaît comme une source secondaire de revenus pour les foyers ruraux (Lescuyer, 2010). L’implication des revenus économiques issus de la commercialisation des PFNL à la remédiation du déficit du portefeuille des exploitants a été précédemment relevée Diatta et al. (2020) au Sénégal. Ces revenus sont le plus souvent utilisés pour payer la scolarité des enfants, leur habillement, les cotisations pour les différentes activités du village, l’achat de vivre et pour la santé.

CONCLUSION

La présente étude a permis de mettre en évidence l’importance économique de T. indica dans la zone écologique I du Togo. Les principaux acteurs de la filière tamarin sont les récolteurs, les commerçants et les transformateurs. Bien que la récolte des fruits de tamarin soit une activité saisonnière, les revenus générés ne sont pas négligeables. Ces revenus contribuent entre 22 % et 55 % des revenus totaux respectivement pour les commerçantes détaillantes et les grossistes et permettent d’améliorer leur condition de vie. L’utilité socio-économique de T. indica est d’autant plus grande dans la mesure où son exploitation est plus assurée par les femmes qui sont les principales actrices. En vue d’assurer une meilleure gestion et valorisation du tamarinier, il est impératif d’évaluer la structure démographiques et l’état de conservation des formations à T. indica. Il est aussi nécessaire de prendre en compte l’espèce dans les programmes de plantation des espèces ligneuses au Togo.

REFERENCES

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Publié-e

15-06-2022

Numéro

Rubrique

Ressources Naturelles et Foresterie