Analyse de la garantie résiliente des ménages éleveurs urbains face à la sécurité alimentaire et nutritionnelle

Auteurs-es

  • Bienvenu MOKILI LILALA Docteur en Sciences Agronomiques de l'Université de Kisangani, en RD Congo
  • Willy WAKALEWAE Institut Supérieur Pédagogique et Technique de Yangambi, RD Congo
  • Christophe DEMWA Chercheur Indépendant, RD Congo

Résumé

L’objectif de cette étude est de voir si l’initiative de l’élevage des poules ou de porcs de ménages démunis des quartiers périphériques de la ville de Kisangani est une garantie et une résilience à la sécurité alimentaire et nutritionnelle de ménages. L’analyse des données de l’enquête montre que le revenu moyen de ménages des poules est significativement supérieur à celui de ménages des porcs (429,9 $US > 180,8 $US). Les ménages éleveurs de porcs ou de poules qui vivent en insécurité alimentaire et nutritionnelle sont supérieurs à la moyenne de la ville de Kisangani qui est de 33,6%. Le même constat est observé pour les taux des enfants de 6 à 59 mois souffrant de malnutrition aiguë, chronique et en insuffisance pondérale qui sont supérieurs aux moyennes de la ville de Kisangani. En analysant les résultats obtenus, nous sommes arrivés à la conclusion selon laquelle l’initiation d’élevage de poules ou de porcs n’est pas une garantie de la sécurité alimentaire et nutritionnelle de ménages démunis des quartiers périphériques de la ville de Kisangani. Le niveau d’instruction du chef de ménage et la taille de ménage n’ont aucune influence sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle.

Mots clés: malnutrition, sécurité alimentaire, revenu, pauvreté

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INTRODUCTION

De l’accession de la RDC à l’indépendance jusqu’aux années 1970, l’économie congolaise a connu une période à économie prospère. Mais, après cette période prospérité, la RDC a connu une situation de crise aiguë caractérisée par une croissance négative, une instabilité monétaire, due essentiellement à une baisse drastique de la production, des recettes budgétaires et des investissements et à un endettement excessif avec un service de la dette extrêmement lourd. Cette situation a entraîné une forte dégradation du pouvoir d’achat de la population (Ministère des Affaires Étrangères, Coopération International et Francophonie de la RDC, 2012).

En 1960, le revenu moyen de la population était de 480 $US et régressé à 80 $ en 2000, puis remonté jusqu’à atteindre 200 $ en 2009 (Muzito, 2010), puis à 394 $, en 2020. Selon le Rapport mondial sur le développement humain 2020 du PNUD, l’IDH de la République Démocratique du Congo est 0,48 et est classée 175ème rang mondial sur 189 (PNUD, 2020).

La société congolaise est marquée par de grandes disparités sociales. L’accès aux services sociaux de base (eau, électricité, soins de santé primaires, scolarisation des enfants, etc.) est difficile pour la plupart des ménages. La disparité sociale entre milieu rural et milieu urbain est très importante et très accentuée. L’insécurité alimentaire et la sous-alimentation affectent plus de 70 % de la population (Mokili, 2019). La même population est aussi fragilisée par les conséquences de pandémies de Covid-19, du paludisme et du VIH/SIDA.

Les objectifs de développement durable nous donnent la marche à suivre pour parvenir à un avenir meilleur et plus durable pour tous. Ils répondent aux défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés, notamment ceux liés à la pauvreté, aux inégalités, au climat, à la dégradation de l’environnement, à la prospérité, à la paix et à la justice (Nations Unies, 2020). L’objectif 2 des Objectifs de Développement Durable (ODD) qui est de Faim «zéro» ne peut se réaliser que si le secteur agricole et de l’alimentation offre des solutions clés pour le développement, car il est au cœur de l’éradication de la faim et de la pauvreté.

La situation préoccupante énumérée ci-dessus a provoqué un exode rural massif de la population rurale entraînant une forte densité dans le milieu urbain dont la ville de Kisangani.

Pour faire face aux préoccupations alimentaires et nutritionnelles, les ménages démunis qui se sont installés aux quartiers périphériques, plus ou moins urbano-ruraux de la ville de Kisangani ont eu des initiatives, parfois encouragés par les ONG, de se lancer dans les petits élevages de porcs et des poules pour subvenir à leurs problèmes alimentaires. Mais, en observant ces ménages, on se pose parfois des questions de savoir si les petits élevages pratiqués sont réellement une garantie pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Si oui, de ces deux ménages éleveurs, lequel est plus en sécurité alimentaire et nutritionnelle ?

Au regard de la problématique posée, nous formulons l’hypothèse selon laquelle ni l’élevage des poules ni celui des porcs ne serait une garantie et une résilience à la sécurité alimentaire et nutritionnelle de ménages démunis de la ville de Kisangani. Mais, le niveau d’instruction de chef de ménages et la taille de ménage seraient un avantage substantiel pour influencer la sécurité alimentaire et nutritionnelle de ménages.

L’objectif de cette étude est de voir, d’une part, si l’initiative de ménages démunis d’élever des volailles ou les porcs va résoudre leurs problèmes alimentaires et nutritionnelles, et d’autre part, faire une évaluation analytique de niveau d’instruction et de taille de ménage sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle de ménages éleveurs.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Brève présentation de la ville de Kisangani

La ville de Kisangani, d’une superficie de 1 910 km2, compte six (6) communes dont Lubunga, Makiso, Mangobo, Tshopo, Kabondo, Kisangani) et une (1) Collectivité de Lubuya Bera. Elle est limitée au nord par le territoire de Banalia, au nord-est par le territoire de Bafwasende, à l’ouest par le territoire d’Opala, au nord-ouest par le territoire d’Isangi et au sud par le territoire d’Ubundu. Elle est située à 00° 31’ latitude nord et 25° 11’ longitude est. L’altitude est de 393 mètres (Fonds International de Développement Agricole, 2014).

La population totale de la province de la Tshopo est estimée à 3.102.477 habitants, avec une densité de 15,6 hab/km². La densité de la population dans le territoire d’Isangi est de 25 hab/km² en moyenne. La répartition de la population entre sexes (50,1% de femmes). De cette population, la ville de Kisangani en a environ 1.602.144 habitants, avec une densité de 490 hab/km2.

Les habitants de la ville de Kisangani sont généralement doux et accueillants. Cette générosité est un facteur d’ouverture justifiée par une population cosmopolite (nationaux et étrangers) cohabite ainsi pacifiquement. Les tribus dominantes sont les Lokele, les Topoke, les Bambole, les Mongo, les Bakumu et les Enya (Arabisés).

Situé sur l’équateur, le climat général de la Ville de Kisangani est du type Af (classification de Köppen): il est caractérisé par des précipitations annuelles qui atteignent 1 800 mm à 2 000 mm, sans saison sèche marquée (< 100 mm/mois), avec deux saisons de pluies qui s’étendent de la mi-mars à juin et de la mi-août à la mi-décembre. Les températures moyennes mensuelles varient très faiblement (moyenne annuelle de 24°C, maximum de 30°C et minimum de 21°C) (Université de Kisangani-Coopération Technique Belge, 2009).

Les principales cultures pratiquées sont le riz, le maïs, l’arachide, le niébé, le soja, l’igname, la patate douce et les aracées. De manière plus sporadique, les productions maraîchères (baselle, tomate, Oseille de Guinée, amarante, les piments, …) et fruitières (ananas, etc.). Les cultures pérennes sont constituées principalement de palmier, café, cacao au nord, quelques arbres fruitiers, principalement mangue et avocat.

L’élevage n’est pas développé dans la ville de Kisangani. Seuls, les petits exploitants pratiquent (parfois en divagation complète) les élevages de caprins, porcins et aviaires.

Déroulement de l'enquête

Pour mener à bien cette enquête, nous avions utilisé le matériel suivant:

• La tablette munie de plateforme «Kobocollect» pour la collecte informatisée de données;

• La toise pour mesurer la taille des enfants de moins de 59 mois;

• Le MUAC pour mesurer le périmètre brachial des enfants de moins de 59 mois;

• La balance pour peser les kilogrammes des enfants de moins de 6 à 59 mois;

• L'ordinateur portable muni des logiciels ENA et SPSS respectivement pour la saisie, le dépouillement, l’analyse des données anthropométriques et non anthropométriques.

Pour évaluer la contribution de ces deux élevages (volailles et porcs) sur le niveau de revenu, la sécurité alimentaire et nutritionnelle de ménages démunis, nous avons fait recours à deux types de variables qualitatives et quantitatives.

Concernant les variables quantitatives, nous avons les indicateurs suivants: la Taille de ménage, le revenu net de l’élevage, l’Allocation de revenu d’élevage, le Score de Consommation Alimentaire (SCA) de ménages, malnutrition aiguë et l’insuffisance pondérale des enfants de 6 à 59 mois (que nous considérons comme indicateur-clé d’appréciation de nutro-pauvreté).

S’agissant des variables qualitatives, nous avons retenu les indicateurs suivants: le Sexe de chef de ménage, l’âge de chef de ménage, le Niveau d’étude de chef de ménage, l'État-civil de chef de ménage, la Profession de chef de ménage, la Qualité d’aliments consommés par ménage, la disette de ménage durant au moins 3 mois, la Présence de cas de malnutrition aiguë des enfants de 6 à 59 mois dans le ménage.

Le recours aux données anthropométriques nous a permis à apprécier l’état nutritionnel des enfants (Behrman et Deolikar,1988; Strauss et Thomas, 1995). La mesure anthropométrique des enfants de moins de 5 ans est l’un des indicateurs d’appréciation de l’état nutritionnel de l’enfant (Ambapour & Moussana, 2008).

Pour collecter l’information sur le terrain, nous avons eu recours aux techniques documentaires, l’observation directe, l’enquête par questionnaire et le mesurage (prélèvement des données anthropométriques auprès des enfants de 6 à 59 mois).

Les critères de choix des enquêtés sélectionnés de l’échantillon étaient les suivants: (i) être un ménage qui a quitté le milieu rural et réside au moins 5 ans dans un des quartiers périphériques (urbano-ruraux) de Kisangani et (ii) être un agriculteur-éleveur de porcs avec au moins 10 têtes ou agriculteur-éleveur de poules, avec au moins 20 têtes. La taille de l’échantillon est de 55 dont 35 éleveurs de porcs et 20 éleveurs des poules.

Pour analyser nos résultats, nous avons recouru aux méthodes suivantes:

Méthode analytique: nous a servi de faire une analyse approfondie de l’influence de facteurs niveau d’instruction et la taille de ménage sur le comportement alimentaire et nutritionnel.

Analyse technico-économique: cette analyse nous a servi à analyser des techniques de conduite de l’élevage pratiquées par des ménages, l’utilisation des aliments, les productions obtenues, les prix de vente et d’analyser les comptes d’exploitation de l’élevage pour déterminer le revenu et son affectation.

Analyse statistique: des analyses suivantes ont été réalisées: analyse univariée des variables qualitatives (distribution de fréquences, moyenne et écart-type), analyse bivariée (Khi-deux). Les analyses de nos données se sont faites au seuil de signification de 5% (0,05).

RÉSULTATS 

Données socio-démographiques de ménages

le profil socio-démographique des ménages enquêtés se présente de la manière suivante (Tableau 1):

• Les femmes chefs de ménages représentent 28,6% de ménages éleveurs des porcs contre 5,0% pour les ménages éleveurs des poules;

• La quasi-totalité des chefs de ménages ont plus de 30 ans, mais l’âge moyen varie entre 40 et 50 ans. Cette situation s’observe sur les deux catégories de ménages;

• Les chefs de ménages mariés représentent 80,0% de ménages éleveurs de porcs contre 65,0% pour les ménages éleveurs de poules;

• Une proportion de 34,3% des chefs de ménages éleveurs de porcs a un niveau d’études supérieurs/Universitaire contre 90,0% de ménages éleveurs de poules. Les éleveurs de porcs se sont plus arrêtés à l’école secondaire, ce qui représente 51,4%.

Les chefs de ménage qui ne font que l’élevage des porcs représentent 40,0% contre 10,0% de ménages éleveurs des poules. Tandis que ceux qui font aussi autres professions représentent 60,0% pour les éleveurs de porcs et 90,0% pour les éleveurs des poules.

La taille moyenne de ménages éleveurs des porcs varie de 11 à 15 personnes et celle des poules varie de 9 à 13 personnes.

Revenu de l’élevage

Bien que petit et familial, la gestion d’un élevage doit générer un revenu pour subvenir tant soit peu aux besoins de ménages. Le tableau 2 présente l’effectif de têtes en élevage et le niveau de revenus nets moyens.

Il ressort des résultats du tableau 2 que l’effectif moyen de têtes dans les élevages enquêtés est respectivement de 10 ± 7 porcs et de 107 ± 21 poules. Ces effectifs permettent aux ménages de générer des revenus moyens respectivement de 180,8 ± 32,3 $US pour les porcs et de 429,9 ± 8,6 $US pour les poules. En comparant les revenus, on se rend compte qu’il y a une différence hautement significative entre les revenus des ménages de porcs et ceux des poules. Même constat pour le seuil de pauvreté.

La lecture de la figure 1 révèle que les ménages éleveurs des porcs affectent plus leurs revenus dans la scolarisation de leurs enfants (soit 62,9%) et moins dans l’alimentation (13,2%) et la santé (12,4%). Par contre, ceux d’élevage des poules affectent plus de façon plus ou moins équilibrée leurs revenus; mais un petit accent sur l’alimentation (31,2%).

Sécurité alimentaire et état nutritionnel des ménages éleveurs

On peut parler de sécurité alimentaire lorsque tous les ménages ont accès, à tout moment, à des aliments sains, nutritifs et culturellement appropriés, qui sont produits de façon durable et obtenus par des moyens autres que l’aide d’urgence leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active.

Du concept «pauvreté alimentaire ou nutro-pauvreté», nous attendons une combinaison de l’insécurité alimentaire et de l’insécurité nutritionnelle.

Le recours aux calculs du Score de Consommation Alimentaire (SCA) et de disette au cours d’une période de 3 mois, nous a permis d’apprécier le niveau de sécurité nutritionnelle et alimentaire. Le tableau 3 présente la situation alimentaire et nutritionnelle des ménages éleveurs.

Sur la base d’indicateurs de disette d’au moins 3 mois et du Score de Consommation Alimentaire (SCA), les résultats montrent que 48,6% de ménages éleveurs des porcs vivaient en insécurité alimentaire et consommaient plus d'aliments de qualité inadéquate, moins équilibrés et moins riches en nutriments et en protéines (28,5 ˂ SCA=37,5 ˂ 42). Tandis que 40,0% de ménages éleveurs des poules étaient aussi en insécurité alimentaire et consommaient presque les mêmes aliments de qualité inadéquate (28,5˂ SCA = 35,1˂ 42).

Les taux des enfants souffrant de malnutrition aiguë modérée sont respectivement de 26,3% pour les ménages éleveurs des porcs et 22,4% pour ceux d’élevage des poules; et les taux de malnutrition aiguë sévère sont de 32,4% et 27,6% respectivement pour les éleveurs des porcs et des poules. Tandis que les taux de malnutrition chronique modérée sont de 17,4% et 18,2% respectivement pour les éleveurs des porcs et de poules. Les taux de malnutrition chronique sévère sont respectivement de 20,6% pour les ménages des porcs et 21,0% pour ceux des poules.

Concernant l’insuffisance pondérale que nous dénommons la «Nutro-pauvreté», les résultats montrent que les taux des modérés sont de 32,4% et 34,8%, respectivement des ménages éleveurs des porcs et des poules; et les taux des sévères sont de 21,6% et 21,7%, respectivement pour les ménages éleveurs des porcs et des poules.

DISCUSSION

Notre discussion se base sur notre hypothèse selon laquelle ni l’élevage des poules ni de porcs serait une garantie à la sécurité alimentaire et nutritionnelle de ménages démunis de la ville de Kisangani. Mais, les ménages élevant les poules seraient plus ou moins avantageux en termes de sécurité alimentaire et nutritionnelle que ceux élevant les porcs du fait de la présence plus ou moins permanente des œufs.

Incidence des élevages des porcs et des poules dans la sécurité alimentaire et nutritionnelle de ménages éleveurs

Le revenu moyen de ménages éleveurs des porcs est inférieur à celui d’éleveurs des poules (180,8 $US ˂ 429,9 $US) (Tableau 2). Le test de student montre que la différence est hautement significative (p=0,0001). Les ménages éleveurs des porcs affectent seulement 13,2% des revenus issus de l’élevage à l’alimentation et 12,4% aux soins de santé. Par contre, les ménages éleveurs des poules affectent 31,2% de revenus nets d’élevage à l’alimentation et 23,4% aux soins de santé.

Les résultats de la sécurité alimentaire ont montré que 48,6% de ménages éleveurs des porcs vivaient en insécurité alimentaire et consomment plus d'aliments de qualité inadéquate, moins équilibrés et moins riches en nutriments et en protéines (SCA = 37,5). Tandis que 40,0% de ménages éleveurs des poules sont en insécurité alimentaire et consomment presque les mêmes types aliments que ceux d’élevage des porcs avec SCA égal à 35,1). Le test de student de signification montre qu’il y a pas de différence significative entre les SCA de ménages éleveurs des porcs et ceux des poules (p=0,0001); mais, quant à la proportion des ménage qui ont connu la disette durant au moins 3 mois, le test statistique démontre qu’il n’y a pas eu de différence significative (p=0,5378) entre les ménages éleveurs des porcs et éleveurs des poules.

Le taux moyen des ménages souffrant de l’insécurité alimentaire dans la ville de Kisangani est de 33,7% (Mokili, 2019). En comparant ce taux à celui des ménages éleveurs enquêtés, on se rend compte que le niveau moyen de l’insécurité alimentaire de ménages éleveurs de porcs est supérieur à la moyenne de la ville de Kisangani. Le test t de student montre qu’il y a une différence significative (p=0,0311). Mais, bien que le taux de l’insécurité soit supérieur au taux moyen de Kisangani, le test statistique montre qu’il n’y a pas de différence significative pour les ménages éleveurs des poules (p= 0,2756).

La malnutrition n’est pas seulement une question alimentaire mais aussi une question de santé. La santé constitue un poste de dépenses non négligeable des ménages et occupe une place importante dans les dépenses ménagères (Action Contre la Faim, 2009). Les résultats de l’enquête ont montré que les ménages éleveurs des porcs affectent 12,4% des revenus issus de l’élevage aux soins de santé. Par contre, ceux d’élevage des poules affectent 23,4%. De ces résultats, on constate que les ménages éleveurs des poules affectent plus de revenu aux soins que ceux de porcs.

En comparant le taux moyen d’affectation de revenu aux soins de santé de ménages de Kisangani (21,9%) par rapport à celui de ménages éleveurs des porcs (12,4%), on constate que le taux des ménages éleveurs des porcs est moins que celui de la ville, avec un écart différentiel de -9,5%. Par contre, celui de ménages éleveurs des poules, le taux est supérieur avec un écart différentiel de + 1,5%.

S’agissant de la sécurité nutritionnelle, les résultats du tableau 3 ont montré que l’élevage, soit de porcs ou des poules, n’influence pas l’état nutritionnel des enfants de 6 à 59 mois des ménages enquêtés.

La combinaison d’une bonne alimentation et d’une bonne santé peut éviter le problème de malnutrition infantile. Les résultats du tableau 3 ont montré que les taux des enfants de 6 à 59 mois souffrant de malnutrition aiguë, chronique et insuffisance pondérale sont supérieurs aux moyennes de la ville de Kisangani.

Plus il y a des problèmes alimentaires et nutritionnels, plus un ménage se sent plus pauvres. Le bien-être subjectif est fortement dépendant des problèmes alimentaires (Mbaye, 2010). Bien que vivant dans l’extrême pauvreté, la quasi-totalité de ménages ne savent pas quoi faire pour sortir de cette situation presque anormale (Yaaya, 2009).

Tenant compte de notre hypothèse qui stipulait que l’élevage des poules et de porcs ne serait pas une garantie à la sécurité alimentaire et nutritionnelle de ménages démunis de la ville de Kisangani, les résultats de notre étude ont montré que 48,6% de ménages éleveurs des porcs vivent en insécurité alimentaire contre 40,0% de ménages éleveurs des poules. Ces taux sont supérieurs à la moyenne de la ville de Kisangani qui est de 33,6%. Mais, en comparant les taux de ménages éleveurs des porcs et ceux des poules, on constate un écart différentiel de 8,6% avantageux aux ménages des poules. Ceci est justifié par le fait que ces ménages consomment plus ou moins des œufs, aliments riches en protéines que ceux des porcs. De ce qui précède, nous confirmons notre première sous hypothèse.

Évaluation de l’influence de niveau d’instruction de chef de ménages et de taille de ménage sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle de ménages

La vulnérabilité à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle touche souvent les ménages de grande taille, souvent les plus pauvres (Programme Alimentaire Mondial, 2011). Même constat pour les ménages dont le niveau d’instruction de chefs de ménages est faible. Mais, on peut aussi constater que, parfois ces paramètres n’ont aucune influence sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle de ménages vivant en extrême pauvreté observée dans les milieux ruraux de certains territoires de la RD Congo (Mokili, 2018).

L’analyse combinée de résultats de tableaux 1 et 3 révèle que les ménages de moins de 5 personnes n’ont pas enregistré de cas de malnutrition aiguë des enfants de 6 à 59 mois. Mais, dans le contexte de notre enquête, le test statistique de chi carré de Pearson révèle que la taille de ménage n’influe pas significativement sur la sécurité nutritionnelle de ménages éleveurs de quartiers périphériques de Kisangani (p=0,242 pour les ménages éleveurs des porcs et p=0,888 pour les ménages éleveurs des poules).

S’agissant de la sécurité alimentaire (liée à la disette), le test de chi carré de Pearson montre que la taille de ménage n’influe pas significativement la sécurité alimentaire de ménages (p=0,073 pour les deux ménages éleveurs). Le niveau d’études n’influence pas significativement la sécurité alimentaire (p=0,047) ou l’état nutritionnel des ménages éleveurs (p=0,929).

Tenant compte des résultats de notre analyse, nous infirmons notre sous hypothèse qui stipulait que le niveau d’instruction de chef de ménages et la taille de ménage influenceraient la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages.

CONCLUSION

L’objectif de cette étude était de voir, d’une part, si l’initiative des ménages démunis d’élever des volailles ou des porcs peut améliorer leurs situations alimentaires et nutritionnelles, et d’autre part, faire une évaluation analytique de niveau d’instruction et de la taille de ménage sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle de ménages éleveurs.

Après l’analyse des données de l’enquête, nous sommes arrivés aux résultats suivant:

• Les femmes chefs de ménages représentent 28,6% de ménages éleveurs des porcs contre 5,0% pour les ménages éleveurs des poules. La quasi-totalité des chefs de ménages ont plus de 30 ans, mais l’âge moyen varie entre 40 et 50 ans. Cette situation s’observe sur les deux catégories de ménages;

• Le revenu moyen de ménages éleveurs des poules est significativement supérieur à celui de ménages éleveurs des porcs (180,8 $US ˂ 429,9 $US). Ces ménages vivent au-dessous du seuil de pauvreté;

• Les ménages éleveurs des porcs affectent 13,2% des revenus issus de l’élevage à l’alimentation et 12,4% aux soins de santé. Par contre, les ménages éleveurs des poules affectent 31,2% de revenus nets d’élevage à l’alimentation et 23,4% aux soins de santé;

• Une proportion de 48,6% des ménages éleveurs des porcs vivaient en insécurité alimentaire et consomment plus des aliments de qualité inadéquate, moins équilibrés et moins riches en nutriments et en protéines. Tandis que 40,0% de ménages éleveurs des poules sont en insécurité alimentaire et consomment presque les mêmes types aliments que ceux d’élevage des porcs. Ces taux sont supérieurs à la moyenne de la ville de Kisangani qui est de 33,6%;

• Les taux des enfants de 6 à 59 mois souffrant de malnutrition aiguë, chronique et insuffisance pondérale sont supérieurs aux moyennes de la ville de Kisangani;

De ce qui précède, nous disons que:

• L’initiation d’élevage des poules ou des porcs comme stratégie de résilience n’est pas une garantie de la sécurité alimentaire et nutritionnelle de ménages démunis des quartiers périphériques de la ville de Kisangani car il ne résout pas les problèmes alimentaires et nutritionnels des ménages vivant en extrême pauvreté;

• Le niveau d’instruction de chef de ménages et la taille de ménage n’ont eu aucune influence sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle.

REFERENCES

Action Contre la Faim (2009). Évaluation de la sécurité alimentaire. Kisangani.

Ambapour S., Moussana H. A. (2008). Pauvreté et santé nutritionnelle de l’enfant au Congo. Brazzaville: BAMSI.

Fonds International de Développement Agricole (2009). Guide pratique de suivi et évaluation des projets pour une gestion orientée vers l’impact. Rome: FIDA.

Fonds International de Développement Agricole. (2014). Rapport d’évaluation finale du PRAPO. Rome: FIDA.

Mbaye S. (2010). Nouvelles méthodes d’analyse du bien-être et moyens d’évaluation des programmes de lutte contre la pauvreté en milieu rural sénégalais, Thèse de doctorat. Paris: Université d’Auvergne Clermont-Ferrand I, Sciences Economiques et de Gestion.

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Mokili L. B. (2020). Recherche des facteurs déterminants et prédictifs de l’efficacité des interventions des projets agricoles en milieu rural. Cas du territoire d’Isangi, RD Congo. Revue Marocaine des Sciences Agronomiques et Vétérinaires, 8: 110-116.

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Yaaya L.V. (2009). De la culture de pauvreté à Kisangani. Recherche des thérapeutiques étiologiques, Thèse de doctorat en Sociologie. Kisangani: Université de Kisangani.

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Publié-e

15-06-2022

Numéro

Rubrique

Économie Agricole et Rurale