Incidence de la dépréciation du franc congolais sur les prix de produits carnés vendus sur le marché de Kisangani

Auteurs-es

  • Gaston ENAMBUMBI Département de l’économie Agricole, Institut Facultaire de sciences Agronomiques de Yangambi, République Démocratique du Congo
  • Salumu Prosper KIMWANGA Département de l’économie Agricole, Institut Facultaire de sciences Agronomiques de Yangambi, République Démocratique du Congo
  • Léonard Muanasaka KABUITA Département de l’économie Agricole, Institut Facultaire de sciences Agronomiques de Yangambi, République Démocratique du Congo
  • Alain Katayi LUKUSA Université Officielle de Mbujimayi, Département de l’économie agricole, Faculté des sciences Agronomiques, Mbujimayi, République Démocratique du Congo

Résumé

Cette investigation a pour objectif global d’évaluer l’effet de la dépréciation du franc congolais par rapport au dollar américain sur les prix de denrées alimentaires spécialement les produis carnés disponibles dans le marché de Kisangani en République Démocratique du Congo. Au terme de cette recherche, nous avons évalué le comportement de la variation du taux de change sur les prix de produits carnés, les élasticités ainsi que la corrélation entre ces deux variables. Les méthodes analytique et statistique associées à la technique documentaire ont été utilisés pour la collecte de données dans les documents et publications officielles de l’Institut National de la Statistique ainsi que de la Banque Centrale du Congo. L’analyse de la série chronologique à l’aide de la régression simple et du calcul de ratio ont permis l’interprétation des résultats. Au bout de cette recherche, il s’est révélé que les indices des prix de produits carnés à l’occurrence la viande de bœuf, de porc, viande boucanée (de singe) et de poulet vif sont globalement à la hausse dans la série temporelle. L'indice du taux de change de son côté, a suivi une augmentation de façon exponentielle (± de 27,2) par rapport à la moyenne. Concernant les élasticités, une augmentation du taux de change de 1% a entraîné un accroissement du prix de plus de 1% dans quelques années au cours de la période d’étude. Il s’agit des années 2010 et 2011, de 2014 et 2016 excepté pour la viande de porc et de 2012, excepté la viande de bœuf ainsi que celle de porc. Tandis qu’une augmentation du taux de change de 1% a été traduite par une diminution de prix de moins d’1% pour les produits sous-examen durant les années 2013, 2015 et 2017. L’analyse des résultats des coefficients de la droite de régression simple a révélé l’existence d’une corrélation positive entre les cours de change et le prix moyen de produits étudiés de l’ordre de 74,5%.

Mots clés: Effet, dépréciation, franc congolais, prix, produits carnés, marché de Kisangani

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INTRODUCTION

Depuis les années 1970 jusqu’aux années 1990, l’État Congolais a recouru à la planche à billets pour financer ses déficits publics successifs. Cela a mené l’économie dans un processus auto-entretenu d’hyperinflation et de dépréciation continue de la monnaie nationale. La dollarisation s’est développée parallèlement à la hausse de l’inflation (Ngonga et Mususa, 1998). L’inflation est passée de 5% en 1970 à 15% en 1972. Puis, la hausse annuelle des prix à la consommation a rapidement progressé pour atteindre environ 50% vers fin 1980 et 265% en 1990. La décennie 1990 fut celle de l’hyperinflation en RDC, la hausse annuelle des prix atteignant plus de 9 700% à fin 1994. Un record historique de 90 000% a même été atteint entre août 1993 et septembre 1994 (Beau grand, 1997 cité par la Banque mondiale, 2015).

Toutefois, l’augmentation du niveau général des prix ne s’accompagne nécessairement pas d’une augmentation des prix de tous les produits sur le marché. Selon Campbell et al. (1994) dans toutes les économies, même en période d’hyperinflation, les prix ne suivent pas le même rythme d’évolution pour tous les biens et services.

Cependant, les pressions sur les prix intérieurs ont notamment été alimentées par les révisions à la hausse des prix du carburant à la pompe, le renchérissement de quelques produits céréaliers importés et la dépréciation de la monnaie nationale (Mutombo, 2018).

Nonobstant de ce qui précède, l’inflation a légèrement accéléré en 2014, l’indice des prix à la consommation augmentant de 1,25% en moyenne et en glissement annuel, comparé à respectivement 0,8% et 1% en 2013. Mais l’inflation reste en dessous de l’objectif de moyen terme de 3,7% fixé par les autorités. Ces faibles taux sont le résultat de la décélération de l’inflation qui a commencé en 2010, alors que le taux d’inflation était de 46% en 2009 (Banque mondiale, 2015).

Au cours de l’année 2017, le marché des changes a été caractérisé par la poursuite de la dépréciation du taux de change, quoi qu’à un rythme relativement moins soutenu comparativement à l’année 2016. En effet, sur le marché officiel, il a été enregistré un taux de dépréciation de la monnaie nationale de 23,6 %, d’après les données à fin période, contre 23,7 %, une année auparavant. Le niveau des réserves de change continue à diminuer et correspond en septembre 2016 à 4,4 semaines d’importations de biens et services (DFAE, 2016). Dès lors que les prix des produits agricoles sont élevés, ceux des produits de substitution proches, comme les produits carnés, les poissons, s’en ressentent, ce qui pourrait accroître encore davantage les pressions exercées sur des stocks halieutiques déjà surexploités et stimuler la demande de poisson d’élevage (FAO, 2007).

Cette situation afflige tous les ménages congolais en général et en particulier, ceux de la ville de Kisangani ayant un bas revenu et détenteurs d’un pouvoir d’achat faible ou instable. Elle devrait se révéler préoccupante puisque l’alimentation demeure l’un des aspects les plus essentiels des droits de l’homme et surtout pour les enfants en bas âge. La consommation de produit d’origine animale, en l’occurrence la viande et les produits laitiers, présente des atouts considérables permettant un apport aisé de micronutriments essentiels qu’il serait difficile de remplacer par l’apport de protéines végétales (De Schutter, 2009).

Cette préoccupation est partagée par toutes les couches de la population et est posée en termes d’inaccessibilité aux produits alimentaires de base par suite de la faiblesse du pouvoir d’achat et de la déficience du secteur productif. C’est ainsi que sur base des données issues de comptabilités et des publications allant de 2010 à 2017, nous avons calculé l’indice simple du prix, du taux de change du franc congolais, l’élasticité prix-taux de change ainsi que le niveau de corrélation entre ces deux variables, pour en tirer des enseignements utiles.

APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE

Cadre géographique

Kisangani est le chef-lieu de la province de la Tshopo. Située à l’arc Nord-Est du fleuve Congo, à 1700 km de Kinshasa, aux célèbres rapides des Wagenia, la ville de Kisangani est située à 00°31’ latitude Nord et 25°11’ longitude Est. Capitale Provinciale, Kisangani occupe dans l’armature urbaine congolaise la troisième place comme pôle économique de la RD Congo après Kinshasa et Lubumbashi. Cette métropole joue ainsi un rôle déterminant au Nord-Est du pays (Anonyme, 2017). Sa superficie moyenne est d’environ 1910 Km2. La ville de Kisangani s’étend sur deux rives du fleuves Congo, la grande partie est bâtie sur la rive droite, au nord elle borne la rivière Tshopo qui coupe une des six communes en deux à savoir la commune de la Tshopo. Les températures moyennes atteignent respectivement de 30 °C le jour et 20 °C la nuit (Bolakonga, 2013). Administrativement, Kisangani comprend six communes: Makiso, Tshopo, Kabondo, Mangombo, Kisangani ainsi que Lubunga et limité: Au Nord par Km 18, route Kisangani-Buta et Km 15 ancienne route Buta; au Sud par Km 10, route Kisangani- Ubundu et Km 19, route Kisangani-Upala; à l’Est par Km 22, route Kisangani-Ituri; à l’ouest par Km 15, route Kisangani-Yangambi.

Différents marchés de la ville de Kisangani

Les principaux marchés considérés dans cette étude sont: le marché de Beach Djubu-Djubu qui fut situé à deux ailes, de Mangombo et de Tshopo, le marché Isomela dans la commune de Lubunga, le marché du 11ème avenue Tshopo dans la commune de la Tshopo, le marché de Foyer dans la commune de Kabondo, le marché Central du 15 Mars dans la commune de Makiso, le marché du route de l’aéroport Bangboka dans la commune de Kisangani ainsi que le marché de l’IAT (International Aviation et Transport) dans la commune de Makiso.

Source des données

Les principales sources des données pour une étude socio-économique sont les comptabilités, les publications et les enquêtes (Darpoux et Roussel, 1972).

Cependant, pour circonscrire nos résultats, une collecte des données documentaires a été faite (Granwitz, 2002). Dans cette perspective, nous avons fait appel aux méthodes analytique et statistique qui ont consisté à collecter de données de prix moyens à la consommation dans les annuaires statistiques de l’Institut National des Statistiques (INS), ainsi que les données concernant le taux de change moyen du franc congolais par rapport au dollar américain (USD) à la Banque Centrale du Congo (BCC).

Nous avons recouru à la technique documentaire associée à celle d’interviews. A cet effet, cette dernière nous a permis de s’entretenir avec les responsables des institutions précitées pour les informations supplémentaires tandis que la technique documentaire nous a permis de consulter les différentes publications en rapport avec les objectifs de la présente étude.

Les principaux produits carnés disponibles sur le marché de Kisangani, le cours de change ainsi que le temps constituent les variables mises en examens dans cette recherche.

Pour l’analyse des données, la statistique descriptive et inférentielle a été utilisée. Les paramètres de position et de dispersion comme la moyenne arithmétique, le maximum, minimum et l’écart type ont été calculés moyennant le logiciel SPSS. Les droites de régression et le coefficient de détermination ont été trouvés en servant du logiciel Microsoft Excel 2019. Grâce à ce dernier nous avons calculé le coefficient de corrélation pour chaque produit carné.

Traitement des données

Les données collectées ont été soumises à une analyse en fonction des objectifs poursuivis dans la présente étude. Pour parvenir à cette fin, des outils statistiques et économétriques ont été également utilisés. Pour chaque produit, des modèles de régression simple ont été construits afin d’expliquer la relation existante entre les prix des produits carnés (viande de bœuf, viande de porc, viande séché et Poulet vif) et le taux de change.

Calcul de l’indice de prix élémentaire et du taux de change

D’après Coeurjolly (2010), l’indice de prix élémentaire permet d’apprécier l’inflation. Dans le cadre du présent travail, l’indice de prix élémentaire ou à l’alimentation a été calculée pour chaque produits. C’est un indice simple. La formule que nous avons utilisée pour calculer cet indice est la suivante:

Avec:

It/o est l’indice élémentaire (simple),

Vt est la valeur de la grandeur étudiée au temps t (t est la date courante) qui est soit le prix ou soit le taux de change pour notre cas,

Vo est la valeur de la grandeur étudiée au temps 0 (0 est l’année de référence) qui est soit le prix ou soit le taux de change pour notre cas.

Par ailleurs, l’indice du taux de change permet de mesurer le niveau d’appréciation et ou de dépréciation de la monnaie national par rapport aux devises (Hurlin et Mignon, 2015).

Élasticité taux de change-prix

Elle a permis de comprendre le degré selon lequel le prix pour un produit répond à une variation à 1% du taux de change.

Où Ԑt, désigne l’élasticité taux de change prix de chaque produit carné sous étude, δtc la variation du taux de change, δpx la variation du prix de produit carné ciblé, px le prix du produit carné ciblé, tc taux de change (Houchmandzadeh, 2011).

Modélisation

Présentation des modèles

Y= ao+ a1X + Ԑ ou Y= a0 + a1X + a2X2 + Ԑ

Y: Variable dépendante ou expliquée représentant la t ième observation faite sur les prix de produits considérés,

X: Variable indépendante représentant la t ième observation faite sur le taux de change du franc congolais (cotation à l’incertain) par rapport au dollar américain (USD).

Ԑ: le terme d’erreur.

a0 et a1: représentent les paramètres du modèle (ou les coefficients).

Le coefficient ao est l’ordonné à l’origine et a1 est le coefficient angulaire de la droite. La valeur du dernier coefficient indique qu’en moyenne, à un changement d’une seule unité en t corresponde un changement de b unités en y (Rakotomala, 2017).

Tests des modèles

Coefficient de détermination et de corrélation partielle

Le coefficient de détermination (variant entre 0 et 1) est noté par r2. Il permet de juger la qualité de l’ajustement du modèle. Son pouvoir explicatif du modèle est d’autant plus grand que sa valeur est élevée. Il est calculé ainsi par R2=(SCR/N-2)/(SCT/N-1). Tandis que pour juger le degré de corrélation existant entre les deux facteurs ou variables, on calcule le coefficient de corrélation noté par r (qui varie entre -1 et +1) suivant la formule:

X: taux de change du franc congolais par rapport au dollar (USD).

Y: prix élémentaire

n: nombre d’observations

SCR: somme de carré résiduel

SCT: somme de carré total

N: effectif

Test de signification d’ensemble de la régression (test de corrélation)

Il a été réalisé pour vérifier la signification des paramètres de droite de régression. Le critère de décision est d’accepter H1, si p-value<0,05. Le rapport critique a été observé puis comparé au r de Bravais Pearson de test de corrélation au seuil de 5% pour la moyenne annuelle des prix de produits carnés de base.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Les résultats ont porté sur l’analyse évolutive des prix à la consommation et du taux de change, calcul des indices de prix et de taux de change, l’estimation des coefficients d’élasticité et la présentation de la corrélation simple pour chaque produit sous étude.

Analyse évolutive des prix à la consommation et du taux de change

Tendance générale de prix de produits carnés étudiés en franc congolais

La tendance des prix a été généralement discordante (Figure 1). Les causes de ce renchérissement des prix sont multiples. Mais les plus importantes sont:

• L’effet-coût: les producteurs et intermédiaires œuvrant dans le sous-secteur des produits carnés répercutent sur le prix de vente l’augmentation des coûts des biens et services nécessaires à la production et à la commercialisation le rendant ainsi élevé,

• L’effet-demande: la ville de Kisangani est une ville cosmopolite avec plus de 2 352 000 habitants (Tongba, 2017). Il s’observe alors une demande très élevée des produits carnés par rapport à l’offre. Cette incapacité de la quantité offerte à satisfaire la demande est expliquée par des quantités produites insuffisantes suite à des conditions de travail peu recommandables.

Ce constat est similaire aux pays de l’Afrique de l’Ouest et plus particulièrement la Côte d’Ivoire. Au cours de la période allant de 2009 à 2016, on a remarqué que le pays a connu la flambée des prix (4,9%) consécutive à la crise post-électorale avec la hausse généralisée des prix des produits alimentaires et des boissons non alcoolisées (+10,4%), des restaurants et Hôtels (+8,1%), (INS, 2017). Les mêmes faits sont observés par le rapport de SMIAR (2018), pour les produits céréaliers. Ce rapport dénote que les prix internationaux du blé et du maïs ont globalement augmenté, en raison de préoccupations quant aux conditions météorologiques dans les principaux pays producteurs et de la vigueur de échanges. Les prix internationaux du riz ont également augmenté sous l’effet d’un regain de la demande d’importation en Asie. Cette état de chose impacte l’économie de pays en voie de développement, en détruisant la valeur de revenue et de l’épargne et pénalise tout particulièrement les ménages qui ont un revenu fixe (Galtier, 2011).

Tendance générale de taux de change en USD

Le taux de change a connu une progression croissante d’une année à une autre dans la série temporelle (Figure 2). En effet, cette dévaluation de la monnaie a été fonction de plusieurs facteurs tels que l’incohérence des politiques macro-économiques (politiques budgétaire et monétaire), la production de biens et services, l’exportation et la sécurité sociale. Ce constat est devenu structurel en RDC.

Malgré les interventions de la Banque Centrale du Congo, les observations faites sur l’ensemble des provinces montrent une dépréciation progressive du franc congolais face au dollar américain sur le marché de change (FAO, 2009).

Selon un sondage d’opinion réalisé par l’agence catholique DIA, les habitants de Kinshasa sont de plus en plus inquiets de la poursuite de la dépréciation de la monnaie locale, le franc congolais. Ils mettent en cause toutes les dernières stratégies développées par la Banque Centrale du Congo, afin que l’ajustement puisse jouer en faveur du Franc congolais, notamment les opérations d’adjudication. L’étude révèle que beaucoup de Kinois, y compris la presse locale, commencent à penser qu’il n’y a pas assez de volonté au niveau du Gouvernement pour maîtriser les différents paramètres qui concourent à la maîtrise de la situation monétaire (FAO, 2007).

En outre, en RDC la dépréciation du franc congolais fragilise le marché des biens et services car le pays étant un importateur net de ces derniers. Ces résultats s’accordent avec ceux obtenu en chine où le taux de change joue aussi un rôle dans la formation des anticipations d’inflation et possède un impact très significatif sur l’inflation (Guerineau et Guillaumont, 2003). Ces résultats peuvent s’expliquer par le fait que le pays étant caractérisé par un niveau élevé de dollarisation, la dépréciation du franc congolais face au dollar amène les agents à se dessaisir de la monnaie nationale au profit de la devise, plus précisément le dollar américain, pour préserver un minimum de pouvoir d’achat surtout que le panier de calcul de l’indice des prix à la consommation est essentiellement constitué par les biens et services importés. Il s’en suit que les anticipations à la hausse de la demande des devises accélèrent la dépréciation de la monnaie nationale.

Évolution comparée de l’indice simple de prix des produits et de l’indice simple du taux de change

Les variations de l’indice du prix alimentaire des différents produits considérés (viande de bœuf, viande de Porc, viande boucanée et de poulet vif) en glissement annuel ont connu quasiment une même allure dans la série chronologique (Tableau 1). La variation de l’indice de prix des produits a été généralement positive pour le poulet vif, viande de porc et la viande boucanée sauf à l’année 2017 où l’indice s'est révélé négatif de l’ordre de 8,68 et 3,51 respectivement pour la viande boucanée (de singe) et la viande de Porc. Néanmoins, la variation de l’indice de prix de la viande de bœuf est tantôt à la hausse tantôt à la baisse dans la série temporelle. De 2011-2013, l’indice a connu un accroissement de l’ordre de 11,5; 7,18 et 1, 57 et une réduction s’en est suivie c’est-à-dire une diminution des prix de la viande de bœuf de l’ordre de 5,85; 15,4; 14,9; 30,3; ceci peut s’expliquer par un phénomène récent d’abattage clandestin des bovins soi-disant des «Mbororo». En revanche, l’indice du taux de change (franc congolais/USD) a suivi en général une augmentation d’abord douce puis brusque ou de façon exponentielle, avec un minimum de 13,1; un maximum de 84,6 et un écart type de 27,2 et jamais négatif au cours de la série. Toutefois, entre 2013-2014 les indices simples de taux de change ont connu une légère stagnation. L’augmentation brusque constatée aux deux dernières années de notre période d’étude peut s’expliquer non seulement par les facteurs macro-économiques, mais aussi et surtout par les turbulences politiques de fin de mandat du président Kabila et soubresauts des élections présidentielles, législatives nationales et provinciales. Quant aux produits agricoles, Yalombe et al. (2018), a remarqué que durant la même période les prix de maïs et le riz variaient de manière proportionnelle avec le taux de change de l’ordre de 88,9% suite au régime monétaire flottant qui a caractérisé le système économique du pays. Gagnon et Ihrig (2004) constatent que l’incidence des variations du taux de change sur les prix dépend en parti de facteurs macro-économiques. En particulier, la rigidité des prix qui s’expliquent par les coûts que leur ajustement entraîne pour les entreprises et l’ajustement lent des prix des produits peuvent rendre les prix intérieurs moins réactifs aux mouvements des taux de change. Dans ce cas, la répercussion des variations du taux de change aux prix est retardée, mais elle n’est pas nécessairement incomplète.

L’approche d’élasticité taux de change-prix

Applicables dans le cas des variations significatives de prix, comme c’est le cas pour les produits échantillonnés, l’approche d’élasticité taux de change-prix a permis de vérifier empiriquement l’effet de la dépréciation du taux de change sur les prix des produits carnés.

Les prix se sont révélés quasiment élastiques par rapport au taux de change dans la série temporelle. Cela s’observe pendant l’année 2014 pour la viande de bœuf; 2010 et 2011 pour la viande de Porc; 2010, 2011, 2012, et 2014 pour celle boucanée (de singe) et 2010, 2012, 2014 pour le poulet vif. En ces points, une augmentation du taux de change de 1% a entraîné un accroissement du prix de plus de 1%. En effet, globalement les coefficients d’élasticités en 2013, 2015 et 2017 indiquent que les prix sont inélastiques c’est-à-dire que le changement en pourcentage du prix est inférieur au changement en pourcentage du taux de change.

Ces points supposent qu’une augmentation du taux de change de 1% a été traduite par une diminution de prix de moins d’1%. Ce résultat confirme ceux trouvés par Guillaume et al., (2006) et Akitoby (1997). Selon ces auteurs, la dépréciation de 1% du taux de change entraine une augmentation de moins de 1% de l’indice des prix de produits locaux.

Quant à ce qui concerne les années, 2010, 2011 et 2016 pour la viande de bœuf; 2016 pour la viande boucanée; 2011 et 2016 pour le poulet vif, les prix se manifestent inélastiques.

Estimation des modèles

Les modèles sont estimés pour chaque produit pris isolément. Sur ce, un modèle de régression simple mettant en relation les prix pour la viande de bœuf, viande de porc, viande boucanée (de singe), poulet vif et de taux de change nominal de franc congolais par rapport au USD a été construit.

Le niveau de corrélation existant entre le taux de change en USD et le prix de la viande de bœuf en franc congolais est démontré sur la figure 3. A l’issue de l’analyse, il s’est observé que le taux de change explique à 67,3% le prix de la viande de bœuf. Le coefficient de corrélation a révélé qu’il existe un lien positif entre le prix de la viande de bœuf et le taux de change à 82,0%.

En revanche, le résultat de l’analyse du niveau de corrélation existant entre le taux de change en USD et le prix de la viande de porc en franc congolais a montré que le taux de change explique à 22,5% le prix de la viande de Porc. Le coefficient de corrélation laisse constater qu’il existe un lien entre le prix de la viande de Porc et le taux de change à 47,4% (Figure 4).

Cependant, le taux de change explique à 49,5% le prix du Poulet vif. Par ailleurs, le coefficient de corrélation a révélé qu’il existe un lien entre le prix du poulet vif et le taux de change à 70,3% (Figure 5). L’analyse issue de la figure 6 montre la corrélation entre le taux de change et le prix de la viande boucanée (de singe). Le taux de change a expliqué à 53,6% le prix de la viande boucanée. En plus, le coefficient de corrélation a montré qu’il existe un lien entre le prix de la viande boucanée et le taux de change à 73,2%.

Par ailleurs, il découle du résultat de la corrélation entre le taux de change et les prix moyens annuels de produits carnés (Figure 7) que le taux de change explique à 55,5% les prix moyens annuels de produits carnés. Cependant, il s’observe à 74,5 % un lien de causalité entre les prix moyens annuels de produits carnés et le taux de change. Ces résultats vont dans le même sens avec ceux trouvé par Kamara et al., (2021), pour les produits vivriers de base (farine de manioc, de maïs, banane plantain et riz blanc) qui montrent une corrélation positive avec un coefficient de corrélation de l’ordre de 84,8%. Cette situation obéit à la théorie de l’équilibre global. D’après cette théorie, les prix moyens de produits carnés varient proportionnellement avec le taux de change et cela de deux manières: lorsque la demande de ces produits est plus élevée que celle de devise, la faible variation du taux de change entraîne une forte fluctuation du prix de ces denrées alimentaires. Tandis que lorsque l’offre de produits carnées est abondante et que la demande de la devise est plus élevée et la forte variation du taux de change n’engendre qu’une faible fluctuation du prix moyens de produits carnés (Bales, 2012).

CONCLUSION

La dépréciation monétaire qualifie la baisse de la valeur d’une monnaie par rapport à une ou plusieurs autres monnaies. La présente étude a eu pour but général d’évaluer l’incidence de la dépréciation du franc congolais par rapport au dollar américain sur les prix de denrées alimentaires, spécialement les produis carnés disponibles dans le marché de Kisangani.

La collecte et l’analyse des données ont été réalisées grâce à la technique documentaire et l’analyse de série chronologique.

Les résultats ont montré que les indices des prix de produits carnés à l’occurrence la viande de bœuf, de porc, viande boucanée (de singe) et poulet vif sont globalement à la hausse dans la série temporelle. Cependant, l’indice du taux de change (franc congolais/USD) a suivi en général une augmentation de façon exponentielle. Concernant les élasticités, les prix se sont révélés quasiment élastiques par rapport au taux de change dans la série chronologique. L’analyse des résultats des coefficients de la droite de régression simple nous a révélé l’existence d’une corrélation significative entre le cours de change et les prix moyens de produits étudiés de l’ordre de 74,5%.

Eu égard à ce qui précède, il est important de souligner que la situation de prix mérite une attention particulière de la part de autorités monétaires en RDC, afin de pallier à la volatilité de ce dernier et ainsi maintenir le pouvoir d’achat de la monnaie nationale.

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Publié-e

15-12-2022

Numéro

Rubrique

Économie Agricole et Rurale