Caractérisation des risques agroclimatiques liés à la culture du maïs (Zea mays) au nord du Togo sous la variabilité climatique
Résumé
La présente étude porte sur l’analyse des risques climatiques pouvant compromettre la culture du maïs (Zea mays) au Nord Togo dans ce contexte de variabilité climatique afin de réduire la vulnérabilité des producteurs de maïs dans la région des Savanes et de la Kara au nord du Togo. La caractérisation des risques agro climatiques dans l’optique de stratégies d’adaptation sont faites sur la base des données climatique de 1981 à 2017. L’analyse est basée sur le caractère déterministe des risques à travers la détection des tendances et de la variabilité de la pluviosité puis des variations thermiques locales. Les résultats révèlent des risques de démarrage précoces et fin tardive de la saison pluvieuse. L’avènement des fortes pluies et des jours secs en début de saison (Avril-Mai-Juin) ont montrés un risque d’inondation, de baisse de la qualité pluviométrique et des risques de sécheresses en début de saison. Globalement, les hausses des températures et des extrêmes thermiques révèlent des risques stress hydrique dans les deux régions, accentuant ainsi le stress thermique, l’échec de la fécondation, l’augmentation des besoins en eau et le raccourcissement du cycle du maïs entrainant ainsi la baisse des rendements dans la majeure partie de la zone d’étude.
Mots clés: Risque climatique, variabilité, stress, vulnérabilité, Savanes, Kara, Togo
Téléchargements
INTRODUCTION
En Afrique de l’ouest (AO), l’occurrence des extrêmes climatologiques provoquent des désastres et catastrophes sur les ressources (eau, terre, environnement, faunes) et sur les activités (agriculture, élevage, pêche, transport, commerce). Les populations rurales de cette zone de l’Afrique sont les plus sensibles et vulnérables aux événements climatiques extrêmes. La majorité des pays de l’AO ont une économie basée sur l’agriculture à l’instar du Togo, ce qui fait de ce secteur primaire un atout majeur de la réduction de la pauvreté, de l’amélioration de la sécurité alimentaire, et du développement économique.
Les péjorations pluviométriques rendent l’agriculture togolaise très vulnérable. Les irrégularités saisonnières et interannuelles sont dominées par l’augmentation de la température et une forte variabilité de la pluviométrie. La population rurale est majoritairement pauvre et vit spécifiquement de l’exploitation des ressources naturelles et de l’agriculture pluviale fortement exacerbée par les phénomènes climatiques. La production céréalière ne cesse de connaître un essor grandissant dans le secteur agricole. Du fait de l’importance socio-économique que connaissent les céréales au Togo, ils occupent chaque année encore plus de terre à vocation agricole qui sont non proportionnelle au rendement subséquent de nature très variable. La principale céréale cultivée et consommée par les populations est le maïs. Cependant, la culture du maïs est confrontée, depuis quelques années, aux différents chocs climatiques qui affectent sa productivité. À titre d’exemple, la sécheresse qui a frappé la région de la Kara au cours de la campagne 2013- 2014 a entraîné une baisse de 29 785 tonnes de céréales dont 12 804 tonnes de maïs. Cette situation a affecté 35 777 ménages, soit un total de 249 440 habitants affectés par une situation d’insécurité alimentaire aigüe (DSID, 2013d). Plusieurs efforts sont faits pour le développement agricole à l’instar du Programme National d’Investissement Agricole, de la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle (PNIASAN) et du Mécanisme Incitatif et de Financement de l’Agriculture (MIFA) qui regroupe des projets d’intérêt rural qui sont axés sur le partage de risques. Cependant, ces efforts présentent quelques insuffisances car ils n’intègrent pas de manière significative dans leurs planifications, l’information climatique sur les risques potentiel des cultures. En effet, le rôle et l’importance des services climatiques restent toujours sous-estimés quant à leur application dans une gamme variée du secteur agricole. Ces services peuvent faciliter la prévention et la réduction des risques de catastrophes en milieu agricole à travers une meilleure planification des activités agricole adaptée au paysage climatique. Dans ce contexte, si rien n’est fait, les risques climatiques de plus en plus récurrents et conjugués à la pauvreté rurale auront des effets néfastes sur la production céréalière, surtout celle du maïs.
Le nord du Togo est dominé par une population agricole dont la taille des parcelles n’est pas stable car, celle-ci varie en fonction des conditions agro-climatiques. Cette zone est marquée par des occurrences des pauses pluviométriques qui constituent également un facteur d’exposition au risque d’insécurité alimentaire et nutritionnelle (Lamboni, 2017).
Même si a priori, selon Egbare (2007), le nord Togo dispose des conditions pluviométriques annuelles pour garantir la culture du maïs, peu d’études relatent le comportement spécifique du climat sur cette culture à l’échelle locale. Le caractère monomodal du régime pluviométrique des régions nord du Togo renforce en partie le seuil de pauvreté de ces régions qui est le plus élevé au Togo. Dans l’optique d'accroître les moyens d’existence des acteurs du paysannat, spécifiquement les producteurs de maïs, il est impérieux de trouver ou de proposer des alternatives à travers un diagnostic des risques climatiques de la zone afin d’améliorer la sécurité alimentaire et de réduire la pauvreté rurale. Ce diagnostic, permettra de mieux cerner la variabilité et les risques climatiques potentiels de la culture au nord du Togo. A cet effet, cette étude a pour objectifs spécifiques (i) d'analyser les grandes tendances de la variabilité climatique au nord Togo et (ii) de caractériser les risques climatiques majeurs de la culture pouvant affecter le maïs au nord du Togo.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Présentation de la zone d’étude
La zone d’étude (Figure 1) couvre une superficie d’environ 20 232 km² et est limitrophe au nord par le Burkina Faso, au sud par la région Centrale du Togo, à l’est par le Bénin et à l’ouest par le Ghana. Le climat de la zone d’étude est de type tropical soudanien avec en moyenne un cumul pluviométrique saisonnier de 1100 mm (MERF, 2015). Certes, suffisants pour couvrir les besoins en eau du maïs de 90 jours mais avec d’énormes variabilités interannuelles et intra-annuelles (Adjoussi, 2000).
Données de l’étude
Les données climatiques de la zone d’étude ont été collectées sur la période 1981-2017 sur quatre (04) stations synoptiques et un poste climatologique (Tableau 1). La répartition spatiale des stations choisies, ainsi que leurs caractéristiques, sont illustrées dans la Figure 1 et le Tableau 1.
Matériel végétal
L’Institut Togolais de la Recherche Agronomique (ITRA) au Togo, a développé des variété précoces adaptés aux conditions agro-écologiques dynamiques des zones de production agricoles. A cet effet, la variété de maïs IKENNE 9449-SR qui a un cycle variétal de 90 jours (Tableau 2) et un rendement potentiel de 5 t/ha (MAEP, 2012) a été utilisée.
Méthodologie de traitement des données
Critique des données climatiques
Avant toute analyse de données et quelle que soit l’échelle considérée, une étape préalable nécessaire est la critique des données, c’est-à-dire l’évaluation de la qualité et de l’homogénéité temporelle de la série d’étude. Puisque selon l’OMM (2011), les variations et les tendances gagnent en fiabilité quand les jeux de données utilisés sont homogènes.
Contrôle de qualité de la série chronologique
Un contrôle systématique des données des différentes stations a été effectué afin de déceler les valeurs aberrantes dans la série chronologique de chaque paramètre d’étude. Elles ont été détectées à l’aide de l’application Rclimdex pour apprécier la qualité des données, puis ont subies des corrections afin d'accroître la fiabilité du traitement des données.
Détection des ruptures d’homogénéité dans la série chronologique
De nombreux tests statistiques de détection de rupture ont été proposés dans la littérature pour des changements multiples et simples dans une série chronologique (Acharki et al., 2019). Dans cette étude, la démarche consiste à tester la pertinence et l’identification objective d’éventuelles occurrences de ruptures grâce au logiciel Khronostat. Pour cela, le test statistique non paramétrique appliqué aux données qui garantit ainsi la robustesse des résultats issus de l’analyse est le test non paramétrique de Pettitt au seuil de 5%. L’homogénéité des données ou d’absence de rupture dans les séries chronologiques de précipitations et de températures a été testée à un degré de signification fixé à 5 %.
Lorsque le test de Pettitt donne une ou deux valeurs significatives (α ≤ 0,05), la série globale est découpée en deux ou trois sous séries correspondant aux valeurs significatives obtenues. Ces sous séries sont à nouveau soumises aux tests de Pettitt jusqu’à ce qu’ils ne donnent plus de valeurs significatives (Lona, 2014).
Caractère déterministe des risques: tendances et variabilité
Le caractère de la tendance a été effectué par le test de Mann-Kendall, proposé par Mann (1945) et Kendall (1975). Ce test non paramétrique, qui permet a priori de détecter des tendances non nécessairement linéaires dans une série de données climatiques, a permis d’effectuer la corrélation entre les rangs d’une série chronologique et leurs ordres. Dans cette étude, le caractère de la tendance est testé au seuil de 5% pour identifier la significativité des tendances. Pour une probabilité inférieure au seuil (p< 0,05), il existe une tendance qui est significative si τ est positive; et si le seuil de probabilité est supérieur au seuil (p >0,05), il n’existe pas de tendance.
La variation interannuelle des paramètres suivant le procédé de l’indice de Lamb (I) permet d’analyser la distribution des anomalies des années excédentaires et des années déficitaires par rapport à la normale climatique (1981-2010) d’une variable climatique.
xi = observation pour l’année i,
x = moyenne de la série 1981-2010 (normale climatique)
σ = écart type de la série 1981-2010 (normale climatique)
NB: I> normale climatique= année humide ou démarrage précoce selon le paramètre analysé;
I< normale climatique= année sèche ou démarrage tardive selon le paramètre analysé.
La variabilité des paramètres climatiques sur la série chronologique est appréciée autour de la moyenne grâce au coefficient de variation (CV). Il est déterminé suivant cette formule couramment utilisée en climatologie:
Méthodologies d’analyse des risques climatiques
Plusieurs travaux (Benoit et al., 2011; Allahassane et al,, 2013) font ressortir l’usage d’ indicateurs agro-climatiques pour l’analyse des risques climatiques potentiels des cultures en Afrique de l’ouest.
Cette étude de diagnostic de risque part de ces derniers et associe l’analyse de la variabilité thermique à ceux des précipitations saisonnières.
Dates de démarrage, de fin et de la longueur de la saison agricole: les critères de la Prévision Saisonnière en Afrique de l’Ouest (PRESAO) en zone soudanienne
Dans cette étude, la saison des pluies démarre en AO et spécifiquement pour le nord des pays du Golf de Guinée à partir du 15 Mars, lorsqu’on enregistre au moins 20 mm de pluie entre 01 à 03 jours consécutifs et ceci sans épisodes secs de plus de 10 jours dans les 30 jours qui suivent.
La date de fin de la saison des pluies est déterminée à partir de la méthode du bilan hydrique en considérant toutes dates à partir du 1er Octobre, lorsqu’un sol capable de contenir 60 mm d’eau disponible est complètement épuisé par une perte d’évapotranspiration quotidienne de 4 mm.
La durée ou la longueur de la saison est exprimée par la différence entre la date de fin et la date de début de la saison des pluies.
Séquences sèches (SS) durant la saison
Le démarrage de la saison est souvent précédé de jours sans événement pluvieux (<1 mm) qui constituent des séquences sèches souvent qualifiées de pauses pluviométriques (Salack, 2013). Elles sont d’une durée de deux à trois semaines. Parfois, elles sont observables de manière intermittente et assez intenses. Elles ont été déterminées pour cette étude sur la période de la saison pluvieuse Avril-Mai-Juin (AMJ) et Juillet-Août-Septembre (JAS) pour déterminer les risques de séquences sèches de plus de 5, 7 et 10 jours.
Le cumul pluviométrique saisonnier
Une analyse des cumuls pluviométriques saisonniers a été faite pour déterminer le risque de satisfaction des besoins totaux en eau du maïs sur la durée du cycle cultural. Ainsi, sur la longueur de la saison, l’analyse de l’indice du cumul pluviométrique saisonnier à travers l’indice de Lamb a été faite sur la série 1981-2017 par rapport à la normale 1981-2010.
Les pluies maximales cumulées en 3 jours
Durant la saison, l’existence de pluies dommageables sur trois jours sont considérées comme des cas d’extrêmes pluviométriques sur le très court terme. Les risques potentiels liés à l’inconfort hydrique (excès) ont été déterminés tout en observant le rythme interannuel des pluies max sur trois jours supérieurs au 90ème centile suivant la distribution de Gumbel par rapport à la normale climatique de ce paramètre. Cette analyse a permis d’identifier les périodes de retour de ces événements préjudiciables à la culture du maïs.
Traitement des données de températures
Elle consiste à analyser la variabilité saisonnière des températures (Tx et Tn) puis des extrêmes thermiques dans la zone d’étude. Les indicateurs des extrêmes ou indices thermiques des extrêmes climatiques (Tramblay, 2005; Lona, 2014; Ringard et al., 2014) représentent les queues de distribution (Tableau 3), c’est-à-dire les anomalies météorologiques dont les probabilités d’occurrence sont faibles (par exemple, moins de 10 % d’occurrence) (Abdelnour et al., 2005; Karimou Barké et al., 2015).
Analyses de données agro-météorologiques
Le logiciel Instat a permis de faire des statistiques descriptives (cumul, moyenne interannuelle, écart type, coefficient de variation) appliquées aux variables agro-climatiques. L’analyse agro-climatiques (occurrence de séquences sèches, date de démarrage de saison tardive, fin de saison précoce, hivernage court, pluies maximales cumulées) a permis d’identifier les risques climatiques de la culture du maïs. Par ailleurs, la loi de Gumbel a permis de traiter le comportement stochastique de la queue supérieure ou inférieure de la distribution initiale des températures qui peuvent être une contrainte environnementale (Anis, 2010; Sauquet et al., 2006, cités par Karimou et al., 2015).
La variabilité interannuelle des paramètres agro-climatiques de la saison a été déterminée grâce à la qualité de la tendance à la hausse ou à la baisse. Pour cela, et pour restituer plus facilement les différents graphiques de la variabilité temporelles des indices de précipitations et des températures, le langage R a été utilisé.
RÉSULTATS
Pré-traitements des données climatiques
L’application du test de Pettitt sur toutes les stations révèle que seules les stations de Dapaong et Pagouda présentent une rupture d’homogénéité respectivement en 1993 et 1997 pour les cumuls pluviométriques. Quant aux températures (min et max), seules les stations de Mango et Kara présentent des ruptures pour les températures maximales en 1997 et Niamtougou en 1995. Aussi, une rupture d’homogénéité pour les températures minimales a été observée à Kara et à Mango en 2001. Ces observations sont analogues à celles de Badameli et Dubreuil (2015) qui ont démontré l’existence d’un réchauffement continuel dans ces localités entre 1991-2010 sur une étude menée sur la série 1961-2010.
De manière générale la considération des lois de distribution des variables testées par Pettitt au seuil de 5 %, dénote que ces données sont utilisables pour la poursuite de cette étude.
Identification et analyse des risques climatiques liés à la pluviosité
Variabilité des dates de démarrage de la saison des pluies
L’application de l’indice de Lamb sur les séries chronologiques des dates de démarrage montre globalement une variabilité interannuelle au nord Togo. Dans la région des Savanes, le test de significativité de Man Kendall montre une tendance à la baisse (démarrage précoce), non significative (p> 5%) des dates de début de saison à Dapaong (Figure 2a), tandis qu’à Mango (Figure 2b) une tendance légèrement à la hausse, non significative (démarrage tardif). La variabilité de ces dates est peu accentuée (CV=15%) sur l’ensemble des deux stations. En moyenne le démarrage de la saison à Dapaong se situe au 2 Mai soit le 123ème jours julien (jj) avec un écart type de 19 jours, et à Mango, elle est au 31 Avril avec un écart type de 18 jours.
Par ailleurs dans la région de la Kara (Figure 3), la variabilité des dates de démarrage est plus marquée que dans la région des Savanes. Le test de Man Kendall révèle une tendance légèrement à la baisse (démarrage précoce), non significative (p> 5%) dans la région. Par rapport à chaque station dans cette région, les dates moyennes de démarrage de saison se situent respectivement au 18, 15 et 21 Avril; avec des écarts types de près de 21 jours pour les deux premières stations (Figure 3a et 3b) et de 25 jours pour la dernière.
Une particularité est soulignée dans le comportement de ce paramètre agro-climatique à Pagouda: il s’agit d’une tendance à la baisse qui est marquée par une dominance des dates de démarrage précoces à partir de 2007 (Figure 3c).
Variabilité des dates de fin de la saison des pluies
Les dates de fin de saison varient peu dans la région des Savanes. En effet, la date moyenne de fin de saison se situe au 19 Octobre (293ème jj) à Dapaong et au 22 Octobre (296ème jj) à Mango; avec des écarts types respectifs de 11 et 9 jours. Ce paramètre agro-climatique connaît une tendance à la hausse (fin tardive) non significative sur ces deux stations situées dans l’extrême nord du Togo (Figure 4).
Dans le sud de la zone d’étude, la figure 5 indiquent respectivement pour chaque station de la région des tendances à la hausse non significatives relevant une tardivité de la fin de la saison. En moyenne les dates de fin de saison se situent au 2 Novembre (306ème jj) à Kara, au 7 Novembre (311ème jj) à Niamtougou et au 29 Octobre (303ème jj) à Pagouda.
Variabilité de la durée de la saison agricole (DSA)
La variabilité interannuelle de la durée de la saison agricole au nord Togo est perçue avec une tendance à la hausse (allongement de la saison), non significative à Dapaong (Figure 6a); et une très légère tendance à la baisse (raccourcissement) non significative de la durée de la saison agricole à Mango (Figure 6b) dans la région des Savanes. Ces deux stations présentent des durées moyennes de saison de 170 et 176 jours avec des écarts types de 22 jours. L’analyse fréquentielle montre que 8 années sur 10, la longueur de la saison est en dessous de 191 jours à la station de Dapaong et de 199 jours à Mango.
Dans la région de la Kara (Figure 7) la variabilité des durées de saison montre des tendances à la hausse non significatives. Les durées de l’hivernage sont plus longues dans cette région que celles des Savanes. En moyenne la durée de la saison agricole à la station de Kara est de 197 jours avec un écart type de 24 Jours, celle de Pagouda est de 191 avec un écart type 30 jours, à la station de Niamtougou elle est de 205 jours avec un écart type de 26 jours. Aussi, l’analyse fréquentielle révèle que pour ces différents écarts, la majorité des années (4/5) ont la chance d’obtenir une durée de saison moins de 216, 229 et 218 jours respectivement dans chaque station de la région de la Kara.
En somme, la variabilité des paramètres clés de la saison agricole de la zone d’étude montre un dérèglement des calendriers culturaux à l’échelle locale d’une année à une autre. Le tableau 4 met en exergue les risques agro-climatiques déterminants de la culture du maïs sur la base de l’analyse des données de l’étude assortis d’un constat général et des risques potentiels directement liés aux maïs.
Constats:
• Variabilité des DDS, DFS et DSA.
• Les démarrages de saison sont globalement précoces et les fins tardives ce qui se traduit par un léger rallongement de la longueur de la saison dans les deux régions.
• La variabilité des DDS, DFS et DSA induisent un démarrage et fin hésitant dans les deux régions.
Risques climatiques: baisse de la qualité de l’hivernage au démarrage et à la fin pouvant entraîner des re-semis, perturbation du cycle du Maïs et des opérations culturales.
Analyse des séquences sèches
Occurrences des séquences sèches (SS) au cours de la saison
Le maïs est une culture qui tolère les séquences sèches inférieures ou égales à 7 jours mais supporte difficilement celles supérieures à 10 jours, d’où l’importance d’analyser les probabilités de séquences sèches au cours de la première partie (Avril, mai, juin [AMJ]) et de la deuxième partie (Juillet, août, septembre [JAS]) de la saison agricole (Figure 8):
• Sur la période AMJ, la probabilité d’avoir d des séquences sèches ≥ 7 jours est inférieure à 25% pour toutes les stations sauf celle de Mango où elle est égale à 30% et celle d’avoir des séquences sèches ≥10 jours est inférieure à 15% pour toutes les stations. En outre les SS en début de saison sont très dispersées (cv compris entre 26 et 34) et l’analyse fréquentielle révèle qu’en début de saison les SS sont supérieures à une semaine sur 50% de la période d’étude et moins de dix jours dans 80% des années de la période d’étude (Tableau 9).
• Sur la période JAS, la probabilité d’avoir des séquences sèches ≥ 7 jours est inférieure à 15% pour la quasi-totalité des stations (à exception de Mango où elle est supérieure à 30%) et celle d’avoir des séquences sèches ≥ 10 jours est inférieure 10% pour toutes les stations. Les SS sont très variables dans la zone d’étude (cv compris entre 44,9 et 82,6) avec une moyenne de plus de deux semaines dans la majeure partie de la zone d’étude.
• Les séquences sèches ≥ 7 jours pouvant impacter négativement la période d’initiation et de croissance végétative et la période de reproduction et de maturation des grains du maïs ont respectivement une probabilité d’apparition inférieure à 25% et 15%, qui sont des seuils de risques tolérables pour un agriculteur. Pour toutes les périodes, la station de Mango présente une probabilité de séquences sèches supérieure au seuil de risque tolérable. Cependant, en début de saison, le risque de stress hydrique lié à l’installation du maïs existe malgré le seuil tolérable de 25%.
Constats:
• Forte variabilité des séquences sèches en début et fin de saison;
• Hausse des séquences sèches en début de saison.
Risques climatiques: sécheresses en début (phase végétative) et fin de saison. Les plants de maïs sont ainsi marqués par de fortes demandes climatiques entraînant le rétrécissement de certains stades phénologiques.
Variabilité du cumul pluviométrique saisonnier
Dans la zone d’étude, la moyenne du cumul pluviométrique saisonnier varie entre 952,9 mm et de 1285,7 mm (Tableau 7). La variabilité du cumul pluviométrique saisonnier (cv compris entre 15,3 à Niamtougou et 21,1 à Dapaong), associée à l’analyse fréquentielle de ce paramètre montrent que 4 années sur 5, le cumul pluviométrique saisonnier:
• Dans la région des Savanes, est inférieur à 1135,2 mm à la station de Dapaong et 1112,2 mm à la station de Mango et;
• Dans les régions de la Kara, il est inférieur à 1367,0 mm à la station de la Kara, 1496,4 mm à la station de Niamtougou et 1374,6 mm à la station de Pagouda.
L’analyse des anomalies standardisées des cumuls de pluies saisonnières des stations montre une alternance rapprochée entre années déficitaires (sèches) et années excédentaires (humides) à partir de 2010 à Dapaong et à Niamtougou. Spécifiquement une persistance des années sèches à Mango est relevée dans cette analyse (Figure 9b). La tendance à la hausse de la pluviométrie saisonnière est statistiquement significative au seuil de 5% dans les stations de Dapaong et Pagouda avec respectivement des p-value de 0,013 et 0,01 (Figure 9a et Figure 10c).
La tendance des risques potentiels liés au cumul pluviométrique saisonnier est indiquée dans le tableau 8.
Constats:
• Alternance rapprochée entre années sèches et années humides et persistance de la sécheresse dans toutes les stations depuis 2010;
• Augmentation quantitative de la pluviométrie.
Risques climatiques: la baisse de la qualité de la pluviométrie consécutive à une alternance rapprochée entre années sèches et années humides. Une augmentation quantitative de la pluviométrie pouvant engendrer des inondations des champs de maïs et une baisse des rendements est mise en évidence.
Variabilité des pluies max cumulées sur 3 jours
Les pluies maximales varient fortement dans la zone d’étude (cv compris entre 20% et 33,3%) (Tableau 9). L’analyse des moyennes des pluies cumulées sur trois jours varient de 96,7 mm avec un écart type de 24,6 mm à Mango et une moyenne de 106,3 mm avec un écart type de 28,8 à Kara. Globalement, pour un temps de retour de deux ans de cet événement climatique les valeurs de ce paramètre sont supérieures à 90 mm, et supérieures à 110 mm chaque 5 ans.
Le 90ème percentile des pluies maximales retenues par l’OMM comme seuil à partir duquel on considère qu’une pluie est maximale est de 149 mm et 128 mm Dapaong et Mango. Dans la seconde région, ce seuil est de 144,8 mm, 125,2 mm et de 132,8 respectivement aux stations de Kara, Niamtougou et Pagouda.
La variabilité climatique par rapport à la normale de ces pluies maximales cumulées fait ressortir dans la région des Savanes:
• Une tendance à la hausse significative (p=0,007) à Dapaong (Figure 11a);
• Une tendance à la hausse non significative (p= 0,44) de cet événement à la station de Mango (Figure 11b).
Dans la région de la Kara, on souligne:
• Une tendance à la hausse mais non significative à Kara (Figure 12a) et à Pagouda (Figure 12c) avec des p-value respectifs de 0,33 et 0,22;
• Une légère hausse à la station de Niamtougou, non significative (p-value = 0,86) (Figure 12b).
Les risques afférents à cette analyse des pluies maximales cumulées sont variables suivant les stations (Tableau 10).
Constats:
• Forte variabilité interannuelle du maximum de pluie cumulée en trois jours;
• Tendance à la hausse des pluies extrêmes dans la zone d’étude.
Risques climatiques: inondations dans les deux régions pouvant engendrer l’asphyxie du maïs.
Risques climatiques liés aux températures maximales et minimales de la saison des pluies (Tmax, Tmin).
Évolution des températures maximales (Tmax)
L’évolution des températures maximales (Figure 13) sur la période d’Avril à Octobre (la saison des pluies) montre que les données de toutes les stations présentent une tendance à la hausse. Dans la région des savanes les tendances à la hausse sont non significatives au seuil de 5% alors que dans la région de la Kara, les tendances à la hausse sont toutes significatives sur toutes les stations.
Évolution des températures minimales (Tmin)
Des augmentations des températures minimales sont aperçues sur la grande partie de la zone d’étude. Les stations de Mango et de Kara présentent des tendances à la hausse très significative (p-value=1,392e-06 et 0.0002) (Figure 14b et 14c). Par contre à Dapaong et Niamtougou, il est observé un comportement semblable à celui de l’évolution des jours froids et nuits froides (Figure14a et 14d).
Évolution des extrêmes climatiques
Globalement, la zone d’étude connaît une tendance à la hausse des températures extrêmes (tableau 11) qui sont significatives surtout dans le centre de la zone d’étude où les nuits froides tendent à disparaître car les minima des températures minimales sont supérieurs aux seuils limites.
Constats généraux se dégagent:
• Hausse interannuelle et saisonnière des températures minimales et maximales,
• Hausse de tous les extrêmes chauds (Tx90, Tn90) et réchauffement des nuits froides (Tn10).
Risques climatiques: risques d’évaporation des plans d’eaux, d’évapotranspiration et d’assèchement des sols dans les deux régions accentuant ainsi le stress thermique, l’échec de la fécondation, l’augmentation des besoins en eau et le raccourcissement du cycle pouvant entrainer la baisse des rendements.
DISCUSSION
L’Analyse des paramètres de la saison agricole des régions des Savanes et de la Kara, a permis de mettre en évidence la variabilité climatique dans la zone. Les dates de début de saison dans l’ensemble de la zone d’étude sont très instables vue l’étendue des valeurs qu’offre l’analyse fréquentielle de cet indicateur comparé à la normale climatologique (1981- 2010). Globalement la zone offre des dates de début de saison dans la période de transition entre 3ème décade d’Avril à la première décade du mois de Mai. Ces dates sont précoces sur la zone d’étude sauf à Mango (légère tardivité) et présentent une forte variabilité. Ces résultats s’opposent à ceux obtenus par Alhassane et al., (2013) en Afrique de l’Ouest Soudano Sahélienne où les dates de début de saison sont tardives. La nature variable ou irrégulière des pluies à l’instar de la région subsaharienne qui est caractérisée par une variabilité interannuelle et inter-saisonnière des pluies (Nicholson et Grist, 2003; Laux et al., 2009 cités par Waongo, 2015) rend plus complexe la prise de décision liée au démarrage de la saison. Contrairement aux dates de fin saison la disparité spatiale est moins prononcée, car elles se situent globalement selon l’analyse fréquentielle dans la transition entre la 3ème décade du mois de Octobre à la première décade du mois de Novembre. Pour les 2/3 des années de la période d’étude, la longueur de la saison varie entre 191 et 229 jours suivant un gradient décroissant entre Dapaong et Niamtougou sauf à Pagouda.
Dans une planification agricole l’objectif principal est de minimiser les risques agricoles qui se rapportent à la dégradation de la qualité de la saison afin de maximiser les chances d’un semis réussi et des rendements optimaux. En début et en fin de saison, les risques de séquences sèches matérialisés selon l’analyse fréquentielle relatent des risques de pauses pluviométriques avec un seuil non tolérable pour le maïs sur les 2/3 de la période d’étude. Spécifiquement en fin de saison, les jours secs très variable, dégagent une tendance à la hausse sur la majeure période de l’étude avec de faible risque de compromettre la culture du maïs dans la zone d’étude. Cependant, cette tendance à la hausse présente le risque de sécheresse qui est le facteur principal influençant non seulement l’installation des cultures (car le succès de semis dépend entièrement du régime des pluies), mais surtout en fin de saison où il est observé une partie des phases sensibles de la reproduction. Le manque d’une quantité d’eau suffisante aux besoins physiologiques de la plante mène tout simplement à la perte des rendements puis des semences selon Bacci et al. (2016) qui représente un investissement énorme pour les agriculteurs. Ce qui requiert une option d’adaptation de la part des producteurs afin d’assurer des rendements acceptables.
La variation intra-saisonnière soumise à une mauvaise distribution des pluies induit inévitablement des perturbations dans la planification agricole entraînant des effets pervers dans les rendements grain du maïs. L’avènement récurrent des pluies extrêmes cumulées sur trois jours dans la zone d’étude surtout dans la région des Savanes expose plus le maïs à des risques d’inondation. Selon le GIEC (2007), une modification de la pluviométrie et un accroissement de la fréquence des événements climatiques extrêmes sont envisageable avec un niveau de confiance élevé. Ces événements sont traduits sur la nature à la hausse des pluies cumulées sur trois jours.
Dans la zone d’étude en moyenne, les cumuls pluviométriques saisonniers satisfont aux besoins en eau durant le cycle du maïs, avec une relative augmentation des risques d’inondation suite aux valeurs graduelles liés à la variabilité climatique des pluies maximales cumulées dans certaines stations de manière significative et aux dates de retours des événements climatiques. Les résultats des travaux de Kafando (2010) sur le maïs en zone soudanienne au Burkina Faso confirment en partie cet aspect. Ce dernier trouve que la satisfaction des besoins en eau totaux du maïs (besoins cumulés pour tout le cycle), ne constitue pas un risque pour la culture du maïs dans la zone soudanienne au sud du Burkina Faso.
L’analyse des températures a montré, qu’un accroissement des pics de températures est observé dans la majeure partie de la zone d’étude suivant le comportement des extrêmes de températures qui corrobore les résultats du GIEC qui montre une augmentation systémique du réchauffement avec des conséquences sur la production agricole. L’augmentation des températures saisonnières est très variable d’une station à une autre. En clair, dans les deux régions la température maximale connaît des accroissements à dominance significative suivant le rythme des tendances thermique. Cela place la culture du maïs dans un inconfort dans les années à venir, car la demande climatique risque d’être de plus en plus élevé sur toute la zone.
Il est clair que le paramètre climatique le plus discuté dans le contexte du réchauffement global connaît des hausses dans cette partie de la zone soudanienne du Togo avec un réchauffement des nuits et jours froids. Ces hausses réduisent le différentiel journalier des composantes de la température. Ainsi, Braganza et al., (2004) trouvent qu’une baisse de l’amplitude thermique est caractérisée par une augmentation plus rapide des températures minimales. Aussi, Karimou et al. (2015) confirme cette allure au Sud-est du Niger à Gouré et Mainé Soroa où, les températures minimales connaissent une hausse significative avec un risque compromettant de la fécondation du mil.
La conjugaison de l’ensemble des tendances et du caractère déterministe de la variabilité climatique reflètent des risques de plus en plus accrus sous l’effet des phénomènes climatiques extrêmes avec un niveau de confiance élevé.
Le PNACC (2016) met en évidence l’aspect de ces résultats lorsqu’il pointe une reprise des précipitations, constatée dans certaines stations en concomitance avec une tendance à un réchauffement climatiques dans les projections climatiques aux horizons 2025, 2050, 2075 et 2100 au Togo. Cette reprise est marquée par des pluies extrêmes dans la région des savanes mais aussi avec de longue séquences sèches dans toutes la zone d’étude. Au regard de ce diagnostic, le climat au Togo devrait s’assécher davantage parce que les augmentations de précipitations sont trop faibles pour compenser l’augmentation de l’évapotranspiration résultant des fortes augmentations de températures au cours de la saison. Ces résultats sont de nature à fournir des infos sur l’exposition du maïs aux risques climatiques avec un effet conjoncturel sur la sensibilité de la culture.
CONCLUSION
La caractérisation des risques agroclimatique qui ressort de cette étude vise à fournir des éléments pour la prise de décision utiles aux agriculteurs et aux décideurs politiques. En fonction des objectifs de l’étude, l’analyse des risques climatiques potentiels du maïs dans cette partie du nord Togo révèle l’existence des risques durant la saison. En effet les divers risques dévoilent des tendances à l’augmentation du régime pluviométrique avec une certaine variabilité du cumul pluviométrique saisonnier (alternance des années sèches et humides) tout en faisant cas d’extrêmes de pluie dont l’avènement est de plus en plus probable vu la nature des quantités selon la durée de retour de ces événements. L’analyse révèle également de potentiel risques thermique dont l’augmentation à l’échelle saisonnière est assimilée d’une manière globale aux tendances mondiales du réchauffement. Ces risques thermiques amplifient la demande climatique qui associé aux pauses pluviométriques accentue la sécheresse. Certes, la nature des tendances de ces risques est multidimensionnelle rendant ainsi contraste et complexe la prise de décision à l’échelle locale.
Vue de l’incertitude du climat, la pauvreté des populations rurales et la nécessité d’assurer la sécurité alimentaire des populations au Togo, il est indispensable de protéger les actifs des producteurs de maïs au Togo à travers l’adoption de stratégies d’adaptations locales faces à ces risques climatiques.
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