Caractéristiques physico-chimiques et phytotoxicité des composts à base des coques de cacao

Auteurs-es

  • Bernadette Ohôh ASSOH UFR Agroforesterie, Université Jean Lorougnon Guédé de Daloa Côte d’ivoire
  • Klotioloma COULIBALY Centre Nationale de Recherche Agronomique (CNRA), Programme cacao, Divo, Côte d’ivoire
  • Acka Jacques Alain KOTAIX Centre Nationale de Recherche Agronomique (CNRA), Programme cacao, Divo, Côte d’ivoire
  • Françoise Balé GOGBE-DIBI Centre Nationale de Recherche Agronomique (CNRA), Programme cacao, Divo, Côte d’ivoire
  • Boubacar Ismaël KEBE Centre Nationale de Recherche Agronomique (CNRA), Programme cacao, Divo, Côte d’ivoire
  • Ibrahim KONATE UFR Agroforesterie, Université Jean Lorougnon Guédé de Daloa, Côte d’ivoire

DOI :

https://doi.org/10.5281/zenodo.15553390

Mots-clés :

Cacao, déchets organique, éléments fertilisants, rapport C/N, germination, fertilité des sols

Résumé

La valorisation des coques de cacao par compostage représente une solution durable pour la gestion des déchets agricoles et la production d’amendements organiques. Cette étude vise à évaluer les caractéristiques physico-chimiques et la phytotoxicité de cinq types de composts issus de coques de cacao et d’autres déchets organiques. Après une période de 8 mois de compostage, les analyses physico-chimiques ont montré que les composts produits sont matures et stables. Ils présentent des teneurs adéquates en éléments fertilisants, un rapport C/N compris entre 15,4 et 21,7, ainsi qu’un pH basique, ce qui témoigne de leur capacité à améliorer la fertilité des sols, notamment ceux à caractère acide. Des tests de phytotoxicité ont été réalisés sur des cultures pour évaluer l’impact des composts sur la croissance des plantes. Les résultats ont montré que les doses de 25% et 50% de compost ont permis d’obtenir les meilleurs taux de germination (entre 60% et 90%), confirmant leur non-toxicité. En revanche, les doses de 75% et 100% ont entraîné une réduction significative des taux de germination (30% à 40%), indiquant une toxicité potentielle. Ces résultats suggèrent que les composts de coques de cacao, utilisés à des doses modérées, constituent un amendement organique performant pour l’agriculture.

Mots-clés: Coques de cacao, compostage, valorisation des déchets, analyse physico-chimique, phytotoxicité, fertilité des sols

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INTRODUCTION

La Côte d’Ivoire occupe une position dominante dans l’industrie mondiale du cacao, se classant comme le premier producteur et exportateur de cette précieuse denrée (Dago et Pei, 2025). Avec près de 50% de la production mondiale, la filière cacaoyère revêt une importance capitale pour l’économie ivoirienne (García et al., 2024). Elle constitue une source de revenus vitale pour des millions de personnes et représente un pilier essentiel de la stabilité économique et sociale du pays. Le cacao ivoirien, réputé pour sa qualité, approvisionne les industries chocolatières à travers le monde, allant des petites entreprises artisanales aux grandes multinationales (Asiedu, 2024).

La filière cacao revêt une importance socio-économique majeure dans le pays dont l’impact ne saurait être sous-estimé. Pour de nombreux agriculteurs, la culture du cacao constitue la principale source de revenus et de subsistance (Brou Kona, 2024). Les revenus issus du cacao contribuent à améliorer les conditions de vie des producteurs, à financer l’éducation des enfants et à faciliter l’accès aux services de santé (Calkins et Ngo, 2010). Par ailleurs, la filière cacao joue un rôle central dans le développement des infrastructures rurales, en soutenant la construction de routes, d’écoles et de centres de santé dans les régions productrices (Yao Kouadio et Aloko N’Guessan, 2020).

La production de cacao en Côte d’Ivoire génère également une quantité importante de déchets, en particulier les coques de cacao, qui sont souvent laissées à l’abandon dans les plantations (Maleka, 2016). Chaque année, des millions de tonnes de ces coques sont produites, posant un défi environnemental majeur (Yapo et Koffi, 2013). Si elles ne sont pas traitées correctement, ces coques peuvent entraîner des problèmes environnementaux tels que la pollution des sols et des eaux et les émissions de gaz à effets de serre (Abo et Bakayoko, 2018). Les innovations conduisant à la valorisation de ces déchets seraient utiles pour traiter la grande quantité de déchets issus de la production du cacao en Côte d’ivoire. L’une de ces innovations est l’utilisation de ces déchets dans le compostage étant donné que les coques de cacao sont très riches en nutriments. Cette innovation offre une solution simple, écologique et économique, bénéfique tant pour l’homme que pour l’environnement (Tchikama et al., 2019). Le compostage présente de nombreux avantages, notamment l’amélioration de la fertilité et de la qualité des sols, ce qui favorise une augmentation de la productivité agricole, une meilleure biodiversité des sols, une réduction des risques écologiques et un environnement plus sain (Misra et al., 2005). Il permet de résoudre les problèmes de fertilisation des sols tout en réduisant les coûts de production liés à l’utilisation d’engrais minéraux par les producteurs (Garba et al., 2020). Ainsi, la présente étude a pour objectif de valoriser les coques de cacao dans la fabrication du compost en Côte d’ivoire. De façon spécifique, il s’agit de: i) fabriquer des composts à partir des coques de cacao et de quelques déchets organiques; ii) analyser la qualité des composts fabriqués à travers les caractéristiques physico-chimiques et iii) le test de phytotoxicité.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Milieu d’étude

La présente étude a été conduite sur la plateforme de compostage de la station de recherche du Centre National de Recherche Agronomique (CNRA) de la ville de Divo en Côte d’ivoire (Figure 1). Cette plateforme de compostage est située à 17 km de la ville de Divo. La ville de Divo bénéficie d’un climat tropical caractérisé par deux saisons humides (de mai à juillet et de septembre à novembre), alternant avec deux saisons sèches. La pluviométrie moyenne annuelle s’élève à 1 320 mm (Kouamé et al., 2007). La température moyenne est de 27°C, tandis que l’humidité moyenne, qui atteint 85%, connaît des variations saisonnières significatives, les valeurs minimales étant observées de novembre à mars. La durée annuelle d’ensoleillement varie entre 1800 et 2000 heures, avec les plus faibles enregistrements en août et les plus élevés en décembre (Kalms et Kesse, 1977).

Matériel expérimental

Pour la fabrication des différents composts des déchets organiques suivants ont été utilisés: du fumier sec des animaux (porc, bœuf et poule), les coques de cacao, le son de riz, du Panicum et la cendre de bois. Ces déchets organiques ont été pour la plupart achetés dans des fermes aux alentours de la ville de Divo. Le fumier de porc a été acheté dans le village de Datta à 17 km de Divo, le fumier de bœuf a été acheté dans le village Yobouékro à 3 km de la station de recherche du CNRA de Divo. Quant au fumier de poule, il a été acheté dans une ferme située sur l’autoroute du Nord à 76 km d’Abidjan. Le son de riz a été acquis dans un moulin de la ville de Divo. Les coques de cacao ont été ramassées dans les plantations cacaoyères de la station de recherche du CNRA de Divo et le Panicum a été récolté aux alentours des plantations de ladite station de recherche. Enfin, les cendres de bois ont été collectées auprès des femmes de ménage du village de la station de recherche.

Composition et fabrication des composts

Cinq (5) différents composts (C1, C2, C3, C4 et C5) ont été fabriqués à travers un mélange de déchets organiques (Tableau 1) au niveau de la plateforme de compostage du CNRA Divo. En effet, cette plateforme de compostage est un hangar de 20 m de long et 7 m de large (Figure 2a) où a été installé des barques en brique de dimensions 2,80 m x 1,65 m x 0,50 m (Figure 2b). Pour chaque compost, quatre barques en briques ont été installées pour faciliter le retournement du tas mis à composter. Ainsi 20 barques en briques ont été aménagées sous le hangar pour le traitement des cinq composts.

L’assemblage des déchets organiques pour la fabrication des cinq différents composts a été réalisé en les disposant, dans les barques, en couches successives de bas en haut, selon l’ordre suivant: une couche de coque de cacao; une couche de fumier de bœuf; une couche de fumier de porc; une couche de fumier de poule; une couche de son de riz; une couche de Panicum; 150 litres d’eau et enfin une fine couche de cendre de bois. Cette superposition de couches a été répétée deux fois en vue d’atteindre 1000 kg de déchet organique par tas à composter. A la fin de la deuxième répétitions le tas a été recouvert avec une bâche en polypropylène tissée (Figure 2c).

La technique de compostage utilisée dans ce travail a été inspirée de la méthode de compostage rapide de Berkeley (Leal et al., 2022). Cette méthode est basée sur le retournement rapproché des andains (Figure 2d) pour leur assurer une bonne aération et faciliter la fermentation aérobie. Ainsi, pour ce compostage qui a débuté le 28 septembre 2020, 16 retournements (retournement + mélange) bimensuels ont été fait. À chaque retournement un volume d’eau a été apporté afin de réhumidifier les andains. Ce volume d’eau apporté à chaque andain n’a pas été quantifiée. Toutefois la méthode traditionnelle selon laquelle l’humidité d’un andain peut être vérifiée en appréciant par le touché, une poignée du mélange est celle qui a été utilisée pour réhumidifier les andains. Le compostage a duré 8 mois.

Composition chimique des déchets organiques compostés

Des échantillons représentatifs de chaque matière à composter (fumiers de porc, de bœuf et de poule, coques de cacao, son de riz, Panicum) ont été prélevés afin de déterminer leur teneur en matière organique (MO), en carbone total (C), en azote (N), en phosphore (P), en potassium (K), en calcium (Ca) et en magnésium (Mg).

Caractéristiques physico-chimiques des composts

La conduite du compostage a consisté à relever les paramètres de vérification du niveau de dégradation et de maturité du compost ainsi que sa valeur fertilisante. La prise de température de chaque tas de compost avait débuté deux (2) semaines après la mise en place des tas et s’est poursuivie tous les jours jusqu’à la fin du compostage. Cette température a été prise entre 9 heures et 10 heures du matin en enfonçant la sonde du thermomètre au milieu du tas et à mi-parcours de sa hauteur.

À la fin du processus de compostage, des échantillons composites de chaque compost ont été prélevés le long des diagonales de la barque dans laquelle les composts ont été placés, pour former un total de 500 g par compost. Ces échantillons ont été acheminés au laboratoire d’analyse de sol de l’Institut National Polytechnique Félix Houphouët-Boigny (INPHB) à Yamoussoukro (Côte d’Ivoire) pour déterminer le taux d’humidité, la valeur du pH, leurs teneurs en MO, en éléments fertilisants (C, N, P, K, Ca, Mg et Mn) et en éléments traces métalliques (Fe, Cu, Zn et Cd) de chaque compost.

Pour déterminer le taux d’humidité, 120 g de chaque compost frais (mf) a été mis à sécher à l’étuve (70°C pendant 48 heures). Après séchage la masse sèche (ms) de chaque compost a été pesée. Le taux d’humidité (H) est exprimé selon la formule suivante:

Le pH de chaque compost a été mesuré à l’aide d’un pH-mètre. La méthode consiste à peser 10 g de compost, à ajouter 25 ml d’eau distillée, puis à agiter le mélange pendant une heure avant de le laisser reposer pendant 30 minutes. La lecture du pH est ensuite effectuée à l’aide du pH-mètre. Le taux de matière organique (MO) a été déterminé selon la méthode de dosage du carbone par voie sèche (Carmo et Silva, 2012). Cette méthode implique de calciner les échantillons de composts à 500°C pendant 3 heures dans un four. Avant la calcination, le poids de la coupelle vide et celui de la coupelle avec les échantillons de compost sont mesurés. Après la calcination, le poids de la coupelle et celui des échantillons de composts calcinés sont de nouveau mesurés. Le taux de MO a été alors calculé en utilisant la formule suivante:

A partir de la proportion de la matière organique déterminée, le pourcentage de carbone contenu dans les différents échantillons a été déterminé en utilisant la formule ci-après:

Avec: MO: Matière organique; PCV: Poids de la coupole à vide; PC+E: Poids de la coupole et de l’échantillon avant calcination; P500°C: Poids de la coupole et de l’échantillon après calcination au four à 500°C.

L’azote total (N) a été déterminée par distillation selon la méthode de Kjeldahl tandis que les dosages des éléments fertilisants et traces métalliques ont été obtenus par spectrophotométrie d’absorption atomique. Le rapport C/N de chaque compost est établi par le carbone total contenu dans chaque échantillon de compost sur l’azote total obtenu.

Test de phytotoxicité

Le test de phytotoxicité a été réalisé pour évaluer l’effet des composts sur la capacité germinative de trois cultures (maïs, tomate et laitue). Pour cela, 10 graines de chaque culture ont été semées dans des alvéoles de germination. Pour chaque type de compost (C1, C2, C3, C4 et C5), les traitements étaient les suivants:

T0: 100% sable (témoin),

T1: 25% compost + 75% sable;

T2: 50% compost + 50% sable;

T3: 75% compost + 25% sable

T4: 100% compost

L’arrosage a été effectué quotidiennement pour maintenir une humidité favorable à la germination. Après 10 jours d’incubation, la toxicité du compost a été évaluée en fonction du pourcentage de germination obtenu pour chaque traitement par rapport au témoin. Les résultats du témoin (sable seul) ont servi de référence et ont été considérés comme représentant 100%. Le taux de germination a été calculé en utilisant la formule suivante (Dieng et al., 2019):

Analyse statistique

Les données collectées ont été saisies dans le logiciel Excel 2020 avant d’être importé dans le logiciel R version 4.3.1 (R Core, 2023) pour une statistique descriptive. Les résultats ont été présenté sous forme de tableaux et de graphiques.

RÉSULTATS

Composition chimique des déchets organiques compostés

La composition chimique des déchets organiques utilisés pour la fabrication des différents types de compost est consignée dans le tableau 2. La composition des déchets organiques a varié selon leur origine. Le fumier de poule a présenté la teneur en N la plus élevée (3,14%), suivi respectivement du fumier de porc (1,18%) et de la coque de cacao (1,12%). Les concentrations les plus fortes en P ont été enregistrées pour les fumiers de poule (0,70%) et de porc (0,62%). En ce qui concerne le K, la coque de cacao a affiché la teneur la plus élevée (2,39%), suivie de la fiente de poule (1,08%). Par ailleurs, la fiente de poule a également montré la teneur en Ca la plus forte (2,72%), devançant la coque de cacao (2,4%).

Évolution de la température

La figure 3 présente l’évolution de la température moyenne des tas de compost (C1, C2, C3, C4 et C5) durant le processus de compostage. Elle met en évidence deux tendances principales, communes à tous les tas de compost. La première tendance correspond à la phase d’oxydation et de minéralisation, marquée par une augmentation de la température allant jusqu’à 61°C, tandis que la seconde tendance correspond à la phase de maturation et de refroidissement, caractérisée par une diminution progressive de la température.

Taux d’humidité et pH

La figure 4 illustre le taux d’humidité et le pH des différents types de composts produits. A maturité, tous les composts présentaient des taux d’humidité similaires, oscillant entre 40,4% et 42,3%. Les valeurs de pH des composts produits se situent toutes dans une plage basique. Cependant, la valeur la plus faible a été enregistrée pour le compost C2 (7,2), tandis que les valeurs les plus élevées ont été observées pour les composts C4 (8,7) et C5 (8,3).

Éléments fertilisants

Les paramètres chimiques analysés ont montré des variations selon le type de compost (Tableau 3). Le compost C3 a affiché la teneur en carbone organique total la plus élevée (35,1%), suivi respectivement par les composts C2 (29,2%), C5 (28,1%), C1 (27%) et C4 (26,8%). Cependant, cette tendance diffère pour la teneur en azote total, où les valeurs les plus élevées ont été observées pour les composts C2 (1,9%) et C1 (1,8%), tandis que la teneur la plus faible a été enregistrée pour le compost C5 (1,4%). De façon générale, les rapports C/N ont varié de 15,4 à 21,7, avec les valeurs les plus faibles enregistrées pour les composts C1 et C2 (15,4 chacun) et la valeur la plus élevée pour le compost C3 (21,7). La concentration en phosphore total a varié entre 2800 et 4100 mg/kg, avec la valeur minimale observée dans le compost C4 et la valeur maximale enregistrée dans le compost C3. Le compost C3 a affiché la teneur en potassium la plus élevée (13620 mg/kg), suivi respectivement par les composts C1 (10050 mg/kg), C2 (8860 mg/kg) et C5 (7670 mg/kg), tandis que le compost C4 a présenté la teneur la plus faible (5290 mg/kg). Le compost C3 a affiché la teneur en calcium la plus élevée (16210 mg/kg), alors que les teneurs les plus faibles ont été observées pour les composts C5 et C1. Par ailleurs, le compost C4 a présenté la concentration en magnésium la plus forte (10730 mg/kg) et la teneur en manganèse la plus faible (0,8 mg/kg).

Éléments traces métalliques

Les concentrations en éléments traces métalliques dans les composts produits sont présentées dans le tableau 4. La teneur en fer la plus faible a été mesurée pour le compost C4 (8,9 mg/kg), tandis que les teneurs les plus élevées ont été observées pour les composts C2, C3 et C5 (11,1 mg/kg chacun). Les teneurs en cuivre des composts ont varié de 18 à 20,9 mg/kg, avec un minimum pour le compost C5 et un maximum pour le compost C2. Pour le zinc, les concentrations ont oscillé entre 10,3 et 12,1 mg/kg, le compost C4 affichant la valeur la plus basse et le compost C3 la plus élevée. Concernant le cadmium, les concentrations les plus fortes ont été relevées pour les composts C3 (4 mg/kg), C2 (3,9 mg/kg) et C1 (3,5 mg/kg), tandis que les valeurs les plus faibles ont été observées pour les composts C5 (2,7 mg/kg) et C4 (2,9 mg/kg).

Test de germination

Les résultats du test de germination sont présentés dans le tableau 5. Quel que soit le type de compost ou de culture (maïs, tomate ou laitue), les taux de germination les plus élevés (entre 60% et 90%) ont été enregistrés avec des doses de 25% et 50% de compost. En revanche, les doses de 75% à 100% de compost ont donné des taux de germination plus faibles, se situant entre 30% et 40%.

DISCUSSION

L’évolution de la température durant le compostage constitue un indicateur clé reflétant le degré de dégradabilité des déchets au cours du processus (Dieng et al., 2019). Dans le cas de la présente étude, la température a suivi une évolution similaire dans les différents types de composts tout au long du processus de compostage. Des augmentations de température étaient clairement observées après chaque retournement. L’élévation des températures en début de compostage serait attribuable à l’activité intense des micro-organismes thermophiles, favorisée par la présence abondante de matières organiques facilement biodégradables (Finore et al., 2023). Toujours dans le même sens d’idée, certains auteurs ont rapporté que les montées de températures relativement fortes et rapides pourraient être attribuées à la nature et à la composition des mélanges initiaux, ainsi qu’à l’activité des micro-organismes présents dans le compost, qui ont entamé la dégradation des substrats (Garba et al., 2020). Les résultats indiquent que la température maximale atteinte lors du compostage des déchets organiques a été de 61°C, une valeur qui dépasse le seuil de 55°C nécessaire pour éliminer les microorganismes pathogènes et une grande partie des substances phytotoxiques (Noble et Roberts, 2004). La production de chaleur par les micro-organismes est proportionnelle à la masse du tas, et comme le volume des tas de compost dans cette étude était important, leur taille a diminué progressivement au cours du processus de compostage. Cette diminution s’explique par la consommation de la matière organique par les micro-organismes présents, ce qui entraîne également une baisse progressive de la température. Ainsi, la baisse de la température observée pendant la phase de maturation et de refroidissement des composts résulte d’une activité réduite des micro-organismes, causée par l’épuisement des matières organiques (Bambara et al., 2019).

Le taux d’humidité recommandé pour un compost mûr varie selon les études, mais un consensus suggère qu’un taux compris entre 30 et 50% est optimal pour garantir la stabilité et l’activité microbienne (Richard et al., 2002; Parthasarathi, 2007; Wortmann et Shapiro, 2012). Cette plage favorise une décomposition efficace tout en évitant les conditions anaérobies. Les composts matures produits dans cette étude présentent tous un taux d’humidité situé dans cette fourchette

Un pH basique en fin de compostage serait un indicateur du bon déroulement du processus, tandis qu’un pH acide résulterait de la présence d’acides acétique et lactique dans le tas durant le compostage (Tremier et al., 2007). L’augmentation du pH, atteignant des valeurs comprises entre basiques, serait due à la libération d’ions NH4+ dans les composts matures (J.-C. Tang et al., 2004). Selon Biekre et al. (2018), le pH constitue un indicateur clé de la maturité du compost, les composts mûrs affichant un pH compris entre 7 et 9, tandis que les composts immatures présentent un pH acide. Pour ces auteurs le pH des composts mûrs varie entre 7 et 9 alors que celui des composts immatures serait acide. Les valeurs de pH obtenues dans cette étude, comprises dans cette plage, confirment la maturité des composts produits. De plus, ces valeurs basiques peuvent contribuer à réduire l’acidité des sols et limiter le transfert des métaux lourds des sols vers les plantes (Bolan et al., 2003; Bougnom et al., 2009).

Le rapport C/N est un paramètre essentiel pour évaluer la qualité et la maturité d’un compost. Les normes AFNOR recommandent un rapport compris entre 15 et 25 pour garantir un compost stable, équilibré et bénéfique pour les sols et les plantes. Un rapport C/N élevé (> 25) indique un compost immature, susceptible d’immobiliser l’azote du sol et de nuire à la croissance des plantes, tandis qu’un rapport C/N faible (< 15) peut révéler un compost trop riche en azote, potentiellement phytotoxique pour les plantes (Negiş et al., 2023; Yao et al., 2024). Les rapports C/N des différents types de composts produits (entre 15,4 et 21,7) se situent dans les plages recommandées par l’AFNOR, ce qui confirme leur maturité et leur capacité à améliorer la fertilité des sols ainsi que la nutrition des plantes. La différence observée entre les rapports C/N supérieurs des différents types de composts est imputable à la composition des matières premières utilisées.

La plante trouve ses éléments essentiels dans deux sources principales: l’air et le sol. L’air lui fournit le carbone (sous forme de CO₂) et l’oxygène, assimilés via la photosynthèse, tandis que le sol lui apporte les éléments minéraux et l’eau (Ponette, 2010). Parmi ces éléments minéraux, trois sont considérés comme primaires ou majeurs en raison des quantités importantes nécessaires à la plante: N, P et K (Maathuis, 2009; White et Brown, 2010). Ces trois éléments sont donc couramment intégrés dans la composition des composts et engrais chimiques. En complément, trois éléments secondaires, requis en quantités plus faibles, sont également essentiels: S, Ca et Mg (Bekele et Birhan, 2021). Pour un compost de bonne qualité, les teneurs recommandées par l’Association Française de Normalisation (AFNOR) sont généralement comprises entre 0,5 % et 3 % pour l’azote total, entre 2000 et 15000 mg/kg (ou ppm) pour le phosphore, et entre 5000 et 25000 mg/kg (ou ppm) pour le potassium. Sur la base de ces normes, les teneurs en azote, phosphore et potassium des composts produits sont jugées acceptables. Comparé à de nombreux types de compost obtenus pars divers auteurs (Compaoré et al., 2010; Konate et al., 2018), nos résultats ont démontré que le compost à base de coque de cacao est très riche en nutriments. La concentration élevée d’éléments fertilisants dans le compost à base de coque de cacao est probablement due aux fumiers et à la forte teneur en nutriments des coques de cacao. Ce résultat est similaire à celui rapporté par Doungous et al. (2018) au Ghana. La connaissance de la composition des composts en éléments traces métalliques (ETM) revêt une importance majeure pour plusieurs raisons (Doelsch, 2004). Premièrement, elle garantit la protection de l’environnement en prévenant l’accumulation de métaux lourds dans les sols et les eaux, ce qui pourrait perturber les écosystèmes. Deuxièmement, elle assure la sécurité alimentaire, en limitant l’absorption des métaux lourds par les plantes, évitant ainsi leur entrée dans la chaîne alimentaire et les risques associés pour la santé humaine. Enfin, une analyse précise des ETM permet d’optimiser l’utilisation des composts en agriculture, tout en respectant les normes en vigueur, afin de maximiser leurs atouts agronomiques et de réduire leurs impacts négatifs (Baize et al., 2006; Tang et al., 2020). Pour un compost de bonne qualité selon la FAO, les teneurs admissibles en ETM sont: 100 à 150 mg/kg pour le Cu; 300 à 400 mg/kg pour le Zn et 1,5 à 3 mg/kg pour le Cd. Les teneurs en Cu et en Zn des différents composts produits dans cette étude respectent les normes de la FAO. En revanche, seuls les composts C4 et C5 présentent des teneurs en Cd conformes à ces normes, ce qui pourrait s’expliquer par leur forte proportion en coque de cacao. Bien que les composts C1, C2 et C3 affichent des teneurs en Cd relativement élevées, cela ne pose pas de problème majeur pour les cultures, car ce métal reste principalement stocké dans le compost plutôt que d’être transféré aux plantes (Al Mamun et al., 2016). Ainsi, tous les composts produits dans cette étude peuvent être considérés comme acceptables et utilisables comme fertilisants.

Les résultats de cette étude indiquent que les doses de 25% et 50% de compost, indépendamment du type de compost considéré, ont donné les meilleurs taux de germination. Ces résultats concordent avec ceux rapportés par plusieurs auteurs (Chennaoui et al., 2016); (Dieng et al., 2019). Selon ces études, une dose de compost est considérée comme non toxique lorsque son indice de germination dépasse 50%. En revanche, les doses de 75% et 100 % des différents types de compost testés peuvent être considérées comme toxiques, car les taux de germination obtenus avec ces doses sont systématiquement inférieurs à 50%, quel que soit le type de culture utilisé.

CONCLUSION

Le compostage des déchets organiques est une méthode de valorisation visant à produire un compost capable d’améliorer la fertilité des sols et de réduire l’utilisation d’engrais chimiques. Dans cette optique, des déchets organiques, notamment des coques de cacao, ont été compostés pendant 8 mois afin d’obtenir des composts à forte valeur fertilisante. Les analyses physico-chimiques réalisées sur ces composts à base de coques de cacao révèlent qu’ils sont matures, stables et contiennent des éléments fertilisants à des teneurs acceptables. De plus, ces composts présentent un pH basique, confirmant leur qualité et leur aptitude à être utilisés comme amendements pour les sols acides. Par ailleurs, les résultats de cette étude montrent que les doses de 25% et 50% de ces composts ont permis d’obtenir les meilleurs taux de germination, ce qui en fait les doses recommandées pour une utilisation optimale. Des recherches futures se concentreront à évaluer l’effet de ces composts sur la productivité du cacaoyer et dans la suppression des maladies telle que la pourriture brune des cabosses.

Remerciement

Nous tenons à remercier le Centre National de la Recherche Agronomique (CNRA) qui a financé cette étude.

RÉFÉRENCES

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cocoa shells compost

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Publié-e

02-05-2025

Comment citer

ASSOH, B. O., COULIBALY, K., KOTAIX, A. J. A., GOGBE-DIBI, F. B., KEBE, B. I., & KONATE, I. (2025). Caractéristiques physico-chimiques et phytotoxicité des composts à base des coques de cacao. Revue Marocaine Des Sciences Agronomiques Et Vétérinaires, 13(2), 136–143. https://doi.org/10.5281/zenodo.15553390

Numéro

Rubrique

Production Végétale et Environnement

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