Efficacité de quelques herbicides des céréales dans une culture du blé tendre conduite en semis direct
Résumé
Dans l’intérêt d’évaluer l’efficacité de 11 herbicides des céréales dans une culture du blé tendre en semis direct, deux essais ont été conduits dans la région de la Chaouia durant la campagne agricole 2014-2015. L’inventaire floristique a révélé la dominance des espèces graminées dans le site de Sidi El Aïdi à savoir le brome rigide (Bromus rigidus), l’ivraie raide (Lolium rigidum) et la folle avoine (Avena sterilis). Dans le site d’Ouled Said, les espèces suivantes ont été dominantes: la folle avoine (Avena sterilis), la centaurée élancée (Centaurea diluta) et le coquelicot (Papaver rhoeas). Les résultats obtenus sur l’impact des herbicides sur le brome (Bromus rigidus) ont révélé que «Pyroxsulam» et «Mesosulfuron Sodium +Iodosulfuron sodium» ont donné la meilleure efficacité sur cette espèce. Prosulfocarbe a permis un excellent contrôle de l’ivraie raide mais sans aucun effet sur le brome et la folle avoine. Les traitements antidicotylédones ont donné des niveaux de contrôle moyens à bons. Le traitement à base de « Mesosulfuron Sodium +Iodosulfuron sodium» doit être complété avec un traitement de rattrapage en présence de la centaurée élancée. Le traitement à base «Pyroxsulam» doit être mélangé avec un herbicide antidicotylédones pour élargir son spectre d’efficacité. Le traitement de prélevée à base de «Pendiméthaline» a permis d’anéantir les mauvaises herbes du début de cycle avec une bonne sélectivité vis-à-vis de la culture.
Mots clés: Semis direct, céréales, herbicides, mauvaises herbes, Chaouia
INTRODUCTION
Les céréales jouent un rôle primordial dans l’alimentation des marocains, elles procurent 2/3 de leurs besoins en calories et 3/4 des besoins en protéines (Karrou, 2003).La région de la Chaouia est la première en termes d’espèces recensées dans les céréales avec un effectif de 315 espèces(Taleb, 2000).L’effet des mauvaises herbes sur le rendement et l’efficience de l’utilisation de l’eau est significatif (Aboudrare et al., 2000). Les pertes de rendement sont, dans les céréales d’hiver en absence de toute intervention contre les mauvaises herbes, importantes et varient de 30% à Abda-Chaouia, 41 à 68% au Sais, 15 à 35% au Gharb et 31 à 42% au Tadla (Taleb, 2007). En plus, les infestations massives gênent les opérations de moisson (perte à la coupe) et peuvent aussi causer des problèmes de stockage si le produit n’est pas nettoyé (Boutahar, 2000; Hajjaj, 2010).
La lutte chimique et notamment le désherbage précoce reste le moyen de lutte le plus efficace contre les espèces difficiles à combattre dans les céréales. Sans désherbage précoce, les inputs investis ne seraient pas bien rentabilisés (Bouhache et al., 2000). Dans le même sens, le traitement herbicide (anti dicots + graminicides) coûte à l’agriculteur environ 2 quintaux de blé par hectare, il ne peut être rentable que si le gain de rendement est supérieur à 2 qx/ha. Généralement ce seuil a été largement dépassé dans tous les essais, surtout dans le cas du désherbage précoce (Mosseddaq, 2000).
Dans les régions semi-arides du Maroc, la transition du travail conventionnel du sol au semis direct a engendré un changement majeur dans la qualité des sols et l’amélioration des rendements à la fois dans les essais expérimentaux que dans les champs des agriculteurs (Mrabet, 2007a). En effet, le semis direct améliore le stockage et la séquestration du carbone et améliore les propriétés chimiques, hydrologiques et physiques du sol (Mrabet, 2007a).
En effet, le semis direct est une alternative pour les milieux arides et semi-arides afin d’améliorer la production agricole (Mrabet, 2001; Bendidi, 2006; Mrabet, 2007b; Razine, 2008; El Brahli,2009; El Gharras et al., 2010; Chaban, 2011; Essahat, 2015; Tanji, 2015). Cependant, les mauvaises herbes causent de sérieux problèmes au niveau du semis direct des céréales en favorisant les espèces vivaces et les mauvaises herbes graminées qui ne supportent pas l’enfouissement tels que le brome et l’ivraie raide ainsi que certaines espèces vivaces adaptées au non labour (Aboudrare et al., 2000; El Brahli et Mrabet, 2000; Aibar, 2006; Garcia et al., 2008). Le brome rigide (Bromus rigidus) est devenu une des mauvaises herbes parmi les plus redoutables au Maroc et sa nuisibilité varie d’une région à l’autre (Hamal, 1997; 2005; Bouhache, 2008; Hamal et al., 2010). L’ivraie raide envahit davantage les champs des céréales et son impact sur le rendement des céréales et très considérable. En outre, il a développé une résistance aux inhibiteurs de l’ACCase dans certaines régions du Maroc et dans huit pays de la Méditerranée dont l’Espagne et la France (Tanji, 2009; De Prado et al., 2010).
A côté des espèces graminées, les dicotylédones sont aussi à prendre en considération. Ainsi, le non labour peut favoriser certaines espèces comme le coquelicot, le gaillet et la capselle bourse à pasteur (Dorado, 2012). En général,plus la graine des mauvaises herbes est petite, plus elle est adaptée à l’environnement du non labour (Dorado, 2012). En outre, les bisannuelles ont généralement une grande racine pivotante qui se prolonge en profondeur dans les sols des champs non labourés. Les vivaces se propagent dans les sols avec peu ou pas de labour, où la reproduction végétative (par rhizomes, stolons, tubercules ou bulbes) peut permettre à quelques plantes de devenir une grande communauté dans peu de temps.
En absence d’intervention mécanique pour lutter contre les mauvaises herbes en semis direct,la gestion des mauvaises herbes dépend fortement de l’usage des herbicides. Le désherbage chimique en pré levée ou en post levée est recommandable. Au Maroc, les herbicides de pré levée possibles à appliquer sont: Glyphosate, Glufosinate-Ammonium et Paraquat (Tanji, 2015) ou Diquat (Index phytosanitaire, 2015).Plusieurs herbicides de post levée des céréales sont disponibles sur le marché marocain dont le choix dépend essentiellement de la nature de la flore adventice dominante. L’envahissement des mauvaises herbes est un grand défi dans les parcelles conduites en semis direct. Par conséquent, une bonne connaissance de l’efficacité des traitements et leur spectre d’action permet un désherbage réussi afin d’améliorer les rendements et surtout empêcher la réinfestation des parcelles en éliminant presque toutes les mauvaises herbes avant leur production des semences jusqu’à l’épuisement du stock semencier dans le sol (Mrabet, 2007b).
Le but de cette étude est l’évaluation de l’efficacité de quelques herbicides des céréales sur les espèces graminées et dicotylédones et la connaissance de leur spectre d’action dans une culture du blé tendre conduite en semis direct.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Conduite des essais
Les essais ont été conduits dans deux sites à savoir le domaine expérimental de l’INRA à Sidi El Aïdi et chez un agriculteur dans la région d’Ouled Saïd (Settat). Le semis est réalisé le 20 Novembre 2014 avec un semoir semis direct (modèle australien). Le matériel végétal utilisé est un blé tendre variété Arrehane. La dose de semis est de 140 kg/ha. Les principales opérations culturales effectuées sont données dans le tableau 1.
Tableau 1: Calendrier des opérations effectuées dans les parcelles d’essais à Sidi El Aïdi et Ouled Saïd
Date Opération
20/11/2014 Semis (Semoir combiné pour semis direct)
20/11/2014 Engrais de fond (150 kg de DAP)
28/12/2014
et 20/01/2015 Engrais de couverture (200 kg d’ammonitrate, fractionné en deux apports)
15/02/2015 Traitement fongique (Falcon 0,8 L/ha de en début montaison)
Dispositif expérimental
Les deux essais ont été conduits suivant un dispositif en blocs aléatoires complets avec quatre répétitions. La distance entre les blocs est de 2 m et celle entre les parcelles de 1 m. La taille de la parcelle élémentaire est de 2 m x 2 m (4 m²).Chaque bloc comprend 13 parcelles élémentaires dont 11 parcelles sont traitées avec 11 herbicides différents des céréales et deux parcelles non traitées (témoins).
Présentation des produits utilisés
Au total 11 herbicides, mis sur le marché pour le contrôle des mauvaises herbes des céréales, ont été testés (Tableau 2).Il s’agit de quatre antidicots de post levée, trois anti-graminées de post levée, trois hebicides» antigraminées et antidicots» de post levée et un herbicide «anti-graminée et antidicots» de prélevée. Pour les traitements anti-graminées, il s’agit de juger leurs efficacités vis-à-vis des espèces graminées présentes sur les deux sites. Pour les traitements anti-dicotylédones, il s’agit de mettre en évidence leurs effets dans le contrôle des espèces dicotylédones seules. Pour les traitements qui sont la combinaison d’anti-dicotset d’anti-graminées, il s’agit de déterminer la meilleure efficacité qui permettra une bonne efficacité vis-à-vis des graminées seules ainsi que des dicotylédones seules.
Application des herbicides
Les traitements de post-levée ont été appliqués le 6 Janvier 2015 qui coïncide avec le stade plantule des mauvaises herbes. En pré semis, une application du glyphosate (720 g/ha) a été effectuée sur l’ensemble de la parcelle expérimentale. Prowl Aqua a été appliqué en prélevée le 20 Novembre 2014. Les traitements ont été réalisés à l’aide d’un pulvérisateur à dos à pression constante (3 bars) muni d’une buse à miroir. Le volume de bouillie a été de 200 l/ha au niveau de chaque essai. Les conditions climatiques avant et après l’application des traitements sont présentées dans la figure 1.
Observations et mesures
Les observations ont concerné la sélectivité des traitements vis à vis du blé tendre et leur efficacité sur les mauvaises herbes.
La sélectivité (phytotoxicité) consiste à estimer visuellement les dégâts des traitements sur la culture selon une échelle allant de 0 à 100% avec 0% = pas de dégâts et 100%=destruction totale de la culture. Quant à l’efficacité, elle consiste à évaluer visuellement l’effet des herbicides sur les mauvaises herbes selon une échelle allant aussi de 0 à 100% avec 0% = pas d’efficacité et 100% = destruction totale des mauvaises herbes. Les notations visuelles ont été effectuées à 30 et 60 jours après traitement (JAT) sur les mauvaises herbes et la culture.
Analyse statistique
Préalablement, les conditions d’application de l’ANOVA ont été vérifiées. La méthode paramétrique de l’ANOVA ne pourrait être appliquée dans notre cas. Comme alternative, la méthode non-paramétrique de Friedman, qui utilise les rangs au lieu des valeurs observées, a été utilisée (Siegel et Castellan, 1988). Dans le cas du rejet de l’hypothèse nulle, une comparaison multiple des rangs moyens a été réalisée en utilisant le test de Nemenyi (Siegel et Castellan, 1988). Les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel statistique SAS 2004.
RÉSULTATS
Importance de la flore adventice rencontrée
La flore adventice dans les deux sites a été relativement diversifiée avec un total de 34 espèces appartenant à 14 familles botaniques. Le nombre d’espèces a varié de 28 espèces à Sidi El Aïdi et 25 à Ouled Saïd (Tableau 3). Le liseron des champs a été la seule espèce vivace observée. Cinq familles ont contribué aux deux tiers de l’effectif total à savoir: les Asteraceae (26,5%), Fabaceae (11,8%), Poaceae (11,8%), Apiaceae (8,8%), Papaveraceae (8,8%). Dans le site de Sidi El Aidi il y’avait une forte infestation de Bromus rigidus, Lolium rigidum, Avena sterilis, Centaurea diluta et Papaver rhoeas. Dans le site d’Ouled Saïd, l’infestation par les graminées est relativement faible et la flore adventice a été dominée par Avena sterilis, Centaurea diluta, Chrysanthemum coronarium, Sonchus oleraceus et Papaver rhoeas.
Sélectivité des traitements
Excepté «Pallas» et «Cossak», tous les autres herbicides étudiés ont été parfaitement sélectifs du blé tendre (variété Arrehane). En effet, les parcelles traitées avec» Pallas « ou «Cossak» ont manifesté des symptômes de phytotoxicité passagère exprimée par un arrêt de croissance et enroulement des feuilles du blé à 30 JAT. Effectivement, après cette date, les symptômes de phytotoxicité ont commencé à disparaître.
Efficacité des traitements sur les graminées
Efficacité sur le brome
Les efficacités obtenues avec Prowl Aqua, Cossack, Everest et Pallas ne sont pas statistiquement différents (Tableau 4).Les notations visuelles de l’efficacité des herbicides ont révélé que Pallas a donné une bonne efficacité sur le brome à 30 jours après traitement. A 60 jours après traitement, Pallas et Cossack ont manifesté une bonne efficacité sur le brome avec une suprématie de Pallas dans le contrôle de cette espèce (93%). Les traitements à base Prowl Aqua et Everest ont donné des résultats de contrôle moyens à bons vis-à-vis cette espèce. Il est important de mentionner il y a eu présence de quelques résidus de paille de la culture précédente dans la parcelle d’essai qui éventuellement ont agi comme écran sur le sol vis à vis la solution herbicide lors de la pulvérisation de Prowl Aqua en pré levée ce qui pourrait compromettre d’atteindre sa performance maximale. Les traitements à base de Boxer, Axial et Traxos n’ont pas permis le contrôle du brome en enregistrant des efficacités sans intérêt pratique ne dépassant pas 20% (Tableau 4).
Tableau 4:Efficacité des anti-graminées (en %) sur le brome
Traitements Sidi El Aidi Ouled Said
30 JAT 60 JAT 30 JAT 60 JAT
Prowl Aqua 78 ab* 75 ab 83 a 81 ab
Boxer 20 b 20 b 20 a 20 b
Cossack 76 ab 88 ab 78 a 88 ab
Everest 73 ab 71 ab 71 a 72 ab
Pallas 83 a 93 a 83 a 91 a
Axial 20 b 20 b 20 a 20 b
Traxos 20 b 20 b 20 a 20 b
P α=0,05 <,0001 <,0001 <,0001 <,0001
*Les chiffres suivis, dans une même colonne, d’une même lettre ne diffèrent pas significativement selon le test de Nemenyi à 5%.
Efficacité sur la folle avoine
Dans les deux sites, la folle avoine a été bien contrôlée par tous les traitements à l’exception de Boxer qui a enregistré des efficacités très négligeables sans intérêt pratique ne permettant pas de limiter l’infestation des parcelles traitées. Ainsi, Cossack, Everest, Pallas, Axial et Traxos ont très bien contrôlé la folle avoine. Les efficacités enregistrées pour ces derniers herbicides ne sont pas différents statistiquement (Tableau 5) Cependant, il est important de noter qu’en général Prowl Aqua appliqué en prélevée a donné des bonnes efficacités sur la folle avoine ayant atteint 85% de contrôle (Tableau 5).
Tableau 5: Efficacité des anti-graminées (en %) sur la folle avoine
Traitements Sidi El Aidi Ouled Said
30 JAT 60 JAT 30 JAT 60 JAT
Prowl Aqua 77 ab 81 ab 81 ab 85 ab
Boxer 20 b 20 b 20 b 20 b
Cossack 85 ab 93 ab 85 ab 93 ab
Everest 82 ab 92 ab 83 ab 90 ab
Pallas 87 ab 93 ab 86 ab 93 ab
Axial 88 a 95 a 88 a 93 ab
Traxos 88 a 95 a 88 a 95 a
P α=0,05 <,0001 <,0001 <,0001 <,0001
*Les chiffres suivis, dans une même colonne, d’une même lettre ne diffèrent pas significativement selon le test de Nemenyi à 5%.
Efficacité sur l’ivraie raide
Tous les traitements dans les deux sites ont permis un bon à très bon contrôle de l’ivraie raide. En effet, l’analyse statistique n’a pas révélé de différence statistique entre les traitements au site de Sidi El Aïdi à 30 et 60 JAT et celui d’Ouled Saïd à 30 JAT. Cependant, une différence statistiquement significative et révélée entre les traitements au site d’Ouled Saïd à 60 JAT avec une suprématie de l’efficacité de Traxos en enregistrant une très bonne efficacité de l’ordre de 97% (Tableau 6).
Tableau 6: Efficacité des anti-graminées (en %) sur l’ivraie raide
Traitements Sidi El Aidi Ouled Said
30 JAT 60 JAT 30 JAT 60 JAT
Prowl Aqua 82 a 86 a 81 a 80 b
Boxer 81 a 90 a 80 a 91 ab
Cossack 86 a 93 a 86 a 96 ab
Everest 85 a 92 a 80 a 93 ab
Pallas 85 a 93 a 86 a 92 ab
Axial 88 a 95 a 87 a 96 ab
Traxos 86 a 95 a 90 a 97 a
P α=0,05 0,0501 0,0004 0,0010 <,0001
*Les chiffres suivis, dans une même colonne, d’une même lettre ne diffèrent pas significativement selon le test de Nemenyi à 5%.
Efficacité sur les dicotylédones
Les traitements contre les dicotylédones dans les deux sites étaient variables suivant les espèces. Cependant, l’efficacité globale dans les parcelles traitées a permis de classer les herbicides suivant leur niveau général de contrôle qui a varié de moyen à bon (Tableau 7). Dans les deux sites, Boxer et Pallas étaient les moins efficaces avec des efficacités moyennes à 30 et 60 JAT alors que Cossak, Deft, Lancelot, Mustang et Sekator ont permis un bon contrôle des mauvaises herbes dicotylédones. En effet, la centaurée élancé a été très sensible au Mustang et Lancelot mais moyennement sensible à Cossack et Pallas, le chrysanthème couronné très sensible au Sekator mais moyennement sensible à Boxer, le coquelicot était très sensible à la majorité des traitements avec une grande sensibilité à Cossak, le laiteron maraîcher très sensible à Cossack, Sekator et Mustang mais moyennement sensible à Pallas. Les sensibilités de chaque espèce aux herbicides testés sont consignées au Tableau 8.
Tableau 7: Efficacité des anti-dicots (en %) sur les dicotylédones
Traitements Sidi El Aidi Ouled Said
30 JAT 60 JAT 30 JAT 60 JAT
Boxer 67 bc 71 b 71 b 70 b
Cossack 81 abc 87 ab 81 ab 92 a
Deft 82 abc 88 a 80 ab 88 ab
Lancelot 80 abc 83 ab 83 ab 87 ab
Mustang 85 ab 86 ab 85 ab 87 ab
Pallas 65 c 75 ab 75 ab 78 ab
Sekator 86 a 86 ab 86 a 87 ab
P α=0,05 <,0001 <,0001 0,0023 0,0002
*Les chiffres, dans une même colonne, d’une même lettre ne diffèrent pas significativement selon le test de Nemenyi à 5%.
DISCUSSION
Dans le site de Sidi El Aïdi, l’infestation est dominée par les adventices graminées. Cependant, il y avait présence de certaines espèces problématiques dicotylédones à savoir la centaurée élancée (Centaurea diluta) et le coquelicot (Papaver rhoeas). Dans le site d’Ouled Saïd, l’infestation par les graminées est relativement faible et la flore adventice est dominée par la folle avoine (Avena sterilis), la centaurée élancée (Centaurea diluta), le chrysanthème couronné (Chrysanthemum coronarium),le laiteron maraîcher (Sonchus oleraceus) et le coquelicot (Papaver rhoeas). En effet, ces infestations sont similaire d’une part à celles des parcelles des agriculteurs de la Chaouia en semis direct caractérisées par la dominances des espèces graminées (Hajjaj et al., 2015) et d’autre part aux relevés floristiques effectués dans les céréales dans la Chaouia (Taleb et al., 2000) ayant révélé des fréquence relative de 65%, 24%, 21% et 18% respectivement pour Papaver rhoeas, Chrysanthemum coronarium, Avena sterilis et Sonchus oleraceus.
Les résultats obtenus montrent que les traitements permettent de contrôler différemment les mauvaises herbes. Dans le cas des anti-graminées, l’herbicide Pallas a manifesté un bon contrôle contre le brome. Cette espèce est très redoutable pour la céréaliculture marocaine vu sa compétition sévère vis-à-vis du blé ainsi que sa grande production de semence. En outre elle échappe à plusieurs herbicides anti-graminées homologués au Maroc. D’ailleurs, El Brahli et al., (1997)ont montré que cette espèce cause des infestations massive dans les essais sur le semis direct dans les stations expérimentales de Sidi El Aidi et Jemaa Shaim qui sont dues à la faible efficacité des herbicides testés sur cette espèce. Cependant, Pallas contient du Pyroxsulam qui est une nouvelle matière active appartenant à la famille des triazolopyrimidines. Cette famille présente le même mode d’action que les sulfonylurées (inhibition de l’ALS) dont Cossack et Everest. Il ne devrait pas apporter de solution en cas de résistance. D’ailleurs, la résistance de l’ivraie raide aux inhibiteurs de l’Accase et aux inhibiteurs de l’ALS dont les sulfonylurées est déjà déclarée à Doukkala et Tadla (Baye, 2013; Tanji, 2014). Dans la région méditerranéenne, il y a une grande augmentation du nombre des cas de résistance des espèces à cette famille chimique avec presque 60 espèces, la France et l’Espagne se distinguent avec 32 cas (De Prado J.L. et al., 2010). De plus, cet herbicide devra nécessairement être complété avec un herbicide antidicots pour élargir son spectre d’action contre le coquelicot et les fumeterres.
Prowl Aqua semble être une bonne solution au désherbage de prélevée en semis direct, il a permis de contrôler les graminées lors des premiers stades de la culture. C’est un herbicide qui contrôle les mauvaises herbes en cours de germination en inhibant la formation des microtubules, ceci lui confère un site d’action différent de tous les autres herbicides. Dans les travaux réalisés par El Brahli et al., (1997), il est recommandé d’utiliser les herbicides de pré semis résiduels mais s’il y a présence des mauvaises herbes au moment du semis l’application du glyphosate, paraquat, MCPA ou 2,4D est nécessaire. Cependant, l’insuffisance de l’humidité du sol et la présence abondante des résidus des cultures précédentes pourrait compromettre son efficacité qui empêcherait le contact de l’herbicide avec le sol lors de la pulvérisation. Cette contrainte était un peu présente (quelques résidus) dans les deux sites expérimentaux néanmoins elle est peu accentuée chez les agriculteurs de la région car le semis direct tel qu’il est pratiqué dans la Chaouia néglige toujours de garder les résidus. Ceci est principalement dû au pâturage des chaumes, le brûlage et l’enlèvement de la paille pour la combustion (Mrabet, 2007a). En outre, il est important d’effectuer le traitement avant l’émergence des mauvaises herbes afin d’atteindre sa performance maximale sinon son efficacité serait limité seulement aux mauvaises herbes n’ayant pas encore émergé.
Boxer n’a pas contrôlé le brome et la folle avoine. Cependant, son efficacité est remarquable sur l’ivraie raide. Tenant compte de son efficacité sur cette dernière espèce ainsi que son site d’action (inhibition de la synthèse des gibbérellines) différent des autres germinicides homologués sur ivraie raide,il peut jouer un rôle primordial dans le contrôle de l’ivraie raide résistant.
Axial a bien contrôlé la folle avoine et l’ivraie raide. Cet herbicide contient de la Pinoxaden. Cette molécule est sélective à l’orge (Index phytosanitaire, 2015). Son avantage serait plutôt senti dans le désherbage chimique de l’orge en semis direct.
Il est important de noter que lors des observations des parcelles traitées avec Sekator, on a pu constater un effet du traitement sur la croissance de la folle avoine et de l’ivraie raide par rapport au témoin non traité. Ceci mène à supposer un effet graminicide de Sekator si une dose supérieure serait appliquée. En effet, le coût de cet herbicide reste bon marché eu égard aux prix élevés des anti-graminées au Maroc. Cependant, dans une étude sur l’évaluation de différentes doses de l’Iodosulfuron-méthyl-sodium, il a été mentionné que les doses supérieures de cet herbicide ne permettaient pas l’augmentation des rendements de l’orge malgré l’amélioration de l’efficacité vis-à-vis les mauvaises herbes (Barros et al., 2016). En effet, lors de l’évaluation du comportement d’un herbicide, l’objectif est à la fois un bon contrôle des mauvaises herbes sans nuire aux rendements des cultures d’où la nécessité de confirmer cette hypothèse par des essais expérimentaux et évaluer l’efficacité et la sélectivité de Sekator dans la culture du blé.
Les efficacités des différents antidicot ont été généralement satisfaisantes. Cependant, quelques espèces ont échappé au contrôle de certains traitements. Ainsi, le coquelicot (Papaver rhoaes) a été faiblement contrôlé par Boxer et Pallas. En effet, cette espèce est très compétitive et ayant déjà développé des résistances au sulfonylurées dans certains foyers au Maroc. La fumeterre (Fumaria parviflora) semble être faiblement contrôlée par Pallas et Deft. Pourtant, ce dernier herbicide a bien contrôlé dans le site d’Ouled Saïd l’aneth des moissons (Ridolfia segetum), espèce de fin de cycle très problématique dans les céréales. Dans le même sens, une autre espèce dans les deux sites a été faiblement contrôlée par Cossack, il s’agit de la centaurée élancé (Centaurea diluta). Alors, que Mustang et Lancelot ont permis un excellent contrôle de cette espèce. Malgré que Cossack ait permis de détruire toute les mauvaises herbes, il est nécessaire de compléter avec un traitement de rattrapage avec Mustang ou lancelot en cas de présence de la centaurée élancée pour pallier à ce problème. Il est important de noter que Pallas et Sekator ont peu contrôlé le lamier amplexicaule (Lamium amplexicaule) espèce présentant quelques pieds dans certaines parcelles dans le site d’Ouled Saïd.
CONCLUSION
La lutte contre les mauvaises herbes dans la culture du blé en semis direct est indispensable afin de limiter la compétition et assurer des rendements élevés. Les herbicides à base de ʺMesosulfuron Sodium +Iodosulfuron sodium +Mefenpyrdiethylʺ et ʺPyroxsulam + Cloquintocet-méthyleʺ sont recommandés dans le contrôle du brome dans le blé tendre en semis direct. Les efficacités des traitements anti-dicots sont généralement satisfaisantes sur la majorité des espèces. Cependant, le choix d’un herbicide doit tenir compte de la flore adventice problématique dominante. ʺMesosulfuron Sodium + Iodosulfuron sodium +Mefenpyrdiethylʺ doit être complété avec un traitement de rattrapage en cas de présence de la centaurée élancée.
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