Résumé

L’usage des produits agrochimiques peut être source de problème de santé publique car ces produits peuvent laisser des résidus dans les denrées alimentaires et perturber le fonctionnement de l’organisme. Cette étude a pour but d’évaluer le risque phytosanitaire lié à la consommation de la laitue. Les résidus de pesticides ont été quantifiés par chromatographie en phase liquide à haute performance, puis les indicateurs de risque toxicologique (apport journalier estimatif et l’apport journalier maximal théorique) ont été calculés et comparés aux doses journalières acceptables afin d’évaluer le risque d’exposition du consommateur. Les résultats ont révélé que 83,3 % des échantillons de laitue contiennent au moins un pesticide dont la teneur est supérieure à la limite maximale de résidu en vigueur. L’évaluation du risque d’exposition des consommateurs de laitue aux résidus de pesticides, a relevé que 1,73 % des consommateurs de laitue sont exposés aux effets chroniques du manèbe; 1,7% des consommateurs de laitue sont susceptibles de développer les effets chroniques du carbendazime. Pour le chlorpyriphos éthyle, le chlorothalonil, la cyperméthrine, le diméthoate et la lambdacyhalothrine, ce sont respectivement 20,9 %, 68,4 %, 87,2 % et 97,1 % des consommateurs de laitue qui sont exposés aux effets chroniques de ces pesticides.


Mots-clés: Laitue, Lactuca sativa, pesticide, risque d’exposition

INTRODUCTION   

Les fruits et légumes sont activement impliqués dans l’alimentation humaine en raison de leurs effets bénéfiques sur la santé. A Abidjan, ces denrées alimentaires ont trois provenances essentielles qui sont: le milieu paysan (pays profond), l’importation (pays étrangers) et l’agriculture péri-urbaine. La production légumière péri-urbaine attire plus l’attention de la population urbaine car elle fait partie intégrante de la ville et fournit en toutes saisons aux villes, des légumes frais munis de leurs qualités nutritionnelle et organoleptique (Jouve et Padilla, 2007; Kouakou et al., 2010; Olahan, 2010).

Si les fruits et légumes d’origine péri-urbaine sont réputés pour leur qualité nutritionnelle, il n’en est pas de même pour leur qualité sanitaire. Les agriculteurs péri-urbains travaillent sur des sites soumis à plusieurs contraintes sanitaires (Koffi-Nevry et al., 2012). La plupart des sites de production se trouvent des endroits où débouchent les canalisations chargées d’effluents domestiques et industriels. Certains sites de production hébergent des ordures ménagères et les déchets industriels qui subissent fréquemment des incinérations (Matthys et al., 2006; Ahouangninou et al., 2011, Kanda et al., 2013). Hormis les déchets ménagers et industriels, les maraîchers utilisent abusivement les pesticides pour accroître la production légumière (Dembélé et al., 2008; Doumbia et Kwadjo, 2009; Tano et al., 2011).

Les contraintes sanitaires auxquelles les sites de production sont soumis discréditent les légumes produits par les maraîchers urbains car les polluants en général et les pesticides en particulier ont des effets chroniques sur la santé humaine. Les effets chroniques des pesticides sont la source de la majorité des problèmes de santé liés aux pesticides (De Jaeger et al., 2006 ). Les études de Meeker et al., (2008) montrent que l’exposition à long terme aux pyréthrinoïdes et au carbaryl (1-naphthyl méthyle carbamate) peut entraîner la baisse de la fertilité masculine. En outre, les pesticides sont soupçonnés de provoquer à long terme des perturbations endocriniennes, des malformations congénitales, la leucémie, des troubles neurologiques et des cancers de divers organes tels que le cerveau, les seins, les reins, les poumons, les ovaires, le pancréas, la prostate et l’estomac (Bassil et al., 2005; Multigner et al., 2005).

Pour dissiper toute forme de doute sur la qualité sanitaire des légumes d’origine urbaine et préserver la santé des consommateurs, l’évaluation du risque d’exposition des consommateurs aux polluants organiques et métalliques s’avère indispensable. Ce travail a donc pour objectif l’évaluation le risque phytosanitaire lié à la consommation de la laitue (Lactuca sativa L.) cultivée à Port-Bouët (Abidjan).

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Échantillonnage et préparation des échantillons de laitue

Le matériel biologique de cette étude est constitué de feuilles fraîches de laitue (Lactuca sativa L.), achetées chez les maraîchers exerçant dans les alentours du 43è Bataillon d’infanterie de marine (BIMa) et de l’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA). Ces deux sites se situent dans la commune de Port-Bouët à Abidjan (Côte d’Ivoire). Cinq échantillons élémentaires de deux kilogrammes (kg) chacun ont été prélevés chez chaque maraîcher pris au hasard. Ces cinq échantillons élémentaires sont fusionnés pour former un échantillon composite de 10 kilogrammes. L’échantillonnage a été fait sur 30 maraîchers, soit quinze maraîchers par site ; ce qui a permis d’obtenir 30 échantillons de laitue au total. Les échantillons de laitue ont été recouverts de papier aluminium afin d’éviter d’éventuelles contaminations aux pesticides et la photodégradation des pesticides. Ils ont été ensuite conservés dans une enceinte adiabatique puis transportés au Laboratoire Central d’Agrochimie et d’Ecotoxicologie (LCAE), pour la détermination de leurs teneurs en résidus de pesticides. Une fois au Laboratoire, chaque échantillon de laitue est débarrassé des tiges et des impuretés, puis broyé à l’aide d’un mixeur.

Analyse chimiques et quantification des résidus de pesticides

L’extraction et la purification ont été faites selon les recommandations d’Ambrus et al., (1981) et de Tekel et Hatrik (1996). Pour extraire les résidus de pesticides de la laitue, 50 g de broyat de laitue ont été prélevés puis 50 ml d’eau bi-distillée et 100 ml d’acétone y ont été ajoutés. Ce mélange a été homogénéisé pendant 3 minutes à l’aide d’un mixeur Ultra Turax. L’homogénat obtenu a subi une filtration sur du papier Whatman contenant de la laine de verre et de l’anhydre sulfate de sodium. Pour séparer la phase aqueuse de la phase organique, 20 g de NaCl (FLUKA) ont été ajoutés au filtrat puis le mélange a été secoué vigoureusement. Après l’agitation, le mélange est laissé au repos pendant quelques minutes dans une ampoule à décanter. Le surnageant a été recueilli puis son volume a été réduit à 10 ml à l’aide d’un évaporateur (BUCHI). Une colonne en verre contenant 20 g fluorisil (ACROS) activé a été conditionnée avec 5 ml d’acétone, les 10 ml d’extrait ont été passés dans la colonne 1 à 2 gouttes par seconde. Le filtrat a été recueilli dans un ballon à fond rond et secoué pendant environ une minute puis laissé au repos pendant 10 à 15 minutes. Un aliquote de 5 ml du filtrat est évaporé à sec à 40°C. Après l’évaporation, le ballon à fond rond est laissé refroidir pendant une minute. Les pesticides ont été récupérés avec 5 ml d’hexane de la qualité Unisolv et transvasés dans des vials pour la quantification des résidus de matières actives.

La détection des pesticides a été faite à l’aide d’une chaîne de CLHP (SHIMADZU) munie d’un échantillonneur SIL-20A, d’une pompe LC-20AT, d’un réservoir TRAY, d’un dégazeur DGU-20A5, d’un four (CTO-20A) et d’un détecteur UV/VIS (SPD-20A). L’acquisition des données est faite à l’aide d’un ordinateur muni du logiciel LC solution.

La phase mobile était constituée d’eau (10 % - 30 %) et d’acétonitrile de qualité Hipersolv (70 % - 90%). L’élution a été réalisée en mode isocratique. La phase stationnaire était constituée d’une colonne en phase inverse Shim pack VP-ODS (250 L x 4,6). Les longueurs d’onde se sont situées entre 210 nm et 271 nm tandis que les volumes d’injection étaient 10 µL et 20 µL. La température du four a été fixée à 40°C.

Pour chaque pesticide, un étalonnage a été réalisé à partir du standard pur de la concentration connue (Dr. Ehrenstorfer). A partir de cet étalonnage, le pic du pesticide a été identifié sur les chromatogrammes des échantillons. Les surfaces des pics (standards et échantillons) ont permis de quantifier les différentes matières actives présentes dans les échantillons de laitue. Les différentes teneurs de pesticides ont été calculées à partir de la formule suivante:

Cp: concentration de la matière active (mg/kg)

Sc : surface du pic de l’échantillon

Se: surface du pic du standard

Ce: concentration du standard (mg /L)

V1: volume à purifier (L)

V2: volume après purification (L)

Vf: volume final (L)

Me: masse de l’échantillon (kg)

F: facteur de dilution

Les statistiques descriptives des teneurs de pesticides des différents échantillons de laitue ont été calculées à l’aide logiciel XLSTAT 7.5.2. Les teneurs des pesticides ont été comparées aux limites maximales (LMR) en vigueur afin de juger de la qualité des différents échantillons de laitue.

Détermination de la consommation de la laitue

La consommation individuelle de la laitue au sein de la population de Port-Bouët, a été réalisée par le biais d’une enquête dans les ménages de la dite commune. Au cours de cette enquête il s’est agi de relever le prix de la laitue consommée par repas, le nombre de personnes consommant ce repas (laitue), la fréquence de consommation de la laitue et le poids corporel de chaque consommateur. Une balance pèse personne a été utilisée pour déterminer le poids de chaque consommateur. La masse de la laitue consommée par chaque ménage a été obtenue en réalisant un calibrage. A cet effet, dix (10) échantillons de laitue de 250 francs CFA ont été achetés chez différentes vendeuses afin de déterminer la masse moyenne de ces échantillons qui est de 357 ± 0,5 grammes (g). Partant de cette corrélation «masse-prix», les différentes masses de laitue consommées par les ménages ont été obtenues à partir d’une règle de trois:

250 FCFA 357g

FCFA g); étant le prix de la laitue consommée par ménage

; y étant la masse de laitue achetée chaque jour par ménage.

Ce calibrage étant réalisé, l’étape suivante a consisté à calculer la masse de laitue consommée par jour et par poids corporel (p.c.) du consommateur. Cette grandeur a été calculée selon la formule ci-dessous:

C: masse de laitue consommée / jours / poids corporel (kg/p.c./jour),

m: masse de laitue par personne /jour en kilogramme (kg),

M: poids du consommateur en kilogramme (kg),

0,79: proportion de la partie consommable de la laitue.

Les statistiques descriptives des consommations journalières de laitue par poids corporel ont été déterminées en utilisant la version 7.5.2 du logiciel XLSTAT.

Détermination des indicateurs toxicologiques

A partir des limites maximales de résidus des pesticides, des médianes de teneurs des pesticides dans la laitue et de la consommation journalière par poids corporel des individus, l’apport journalier maximal théorique (AJMT) et l’apport journalier estimatif (AJE) ont été calculés pour chaque pesticide. L’AJMT a été déterminé suivant l’expression (FAO/OMS 1999):

: Limite Maximale de Résidu du pesticide dans l’aliment i (mg/kg)

: Consommation de l’aliment i (en mg / kg p.c. / jour ou en mg / personne / jour).

L’AJE qui évalue le risque d’exposition réel du consommateur aux effets d’un pesticide à long terme, a été calculé selon l’expression ci-après (Afssa, 2005; Solecki et al., 2005).

; où Medi: médiane des résidus.

La contribution de la laitue à dose journalière acceptable (DJA) de chaque pesticide a été obtenue en faisant le rapport de chaque indicateur toxicologique à la DJA. Les statistiques descriptives des indicateurs toxicologiques ont été déterminées à l’aide de XLSTAT 7.5.2.

RÉSULTATS 

Niveau de contamination de la laitue

Au total trente (30) échantillons de laitue ont été analysés pour la recherche de sept matières actives à savoir le chlorothalonil, le manèbe, le chlorpyriphos, le carbendazime, la cyperméthrine, la lambdacyhalothrine et le diméthoate qui font partie des matières actives les plus utilisées par les maraîchers de Port-Bouët.

Les paramètres analytiques à savoir le taux de recouvrement de la méthode (TR), la limite de détection des molécules (LD) et la limite de quantification de la méthode (LQ) sont consignées dans le tableau 1. Le taux de recouvrement de la méthode d’extraction varie entre 75 % et 98 %. Quant aux limites de détection des différentes molécules, elles oscillent entre 0,0054 mg/L et 0,0082 mg/L. Les limites de quantification de la méthode sont comprises entre 0,0162 mg/Kg et 0,0246 mg/Kg. L’identification et la quantification des matières actives a permis d’obtenir les teneurs consignées dans le tableau 2 et les statistiques descriptives de ces teneurs ont été regroupées dans le tableau 3. Les teneurs obtenues ont été comparées aux normes des pesticides fixées par le Codex Alimentarius ou l’Agence Américaine de Protection Environnementale (EPA). Ces différentes normes figurent dans le Tableau 4. Comparés aux différentes normes, plusieurs échantillons de laitue ont des teneurs en pesticides supérieures aux normes.

Tableau 1: Taux de recouvrement des différents pesticides

Taux de recouvrement (%) LD

(mg/Kg) LQ

(mg/Kg)

Chlorothalonil 95 0,0054 0,0162

Manèbe 85 0,0071 0,0213

Chlorpyriphos 79 0,0065 0,0195

Carbendazime 90 0,0082 0,0246

Cyperméthrine 93 0,0034 0,0102

λcyhalothrine 97 0,0074 0,0222

Dimethoate 98 0,0066 0,0198

Tableau 4: Normes officielles des limites maximales des résidus de pesticide

Matières actives LMR (mg/kg) Références

Chlorothalonil 0,3 Codex Alimentarius

Manèbe 5

Diméthoate 0,3

Carbendazime 5

Cyperméthrine 0,7

λcyhalothrine 2 EPA

Chlorpyriphos éthyle 1

Le tableau 5 présente les pourcentages des échantillons acceptables et non acceptables pour chaque matière active.

Lorsqu’on considère simultanément toutes les matières actives, 83,33 % des échantillons (Teneur de matière active > LMR) sont impropres à la consommation. Seulement 16,2 % des échantillons sont consommables (Teneur de matière active ≤ LMR). Pris individuellement, le manèbe et le carbendazime sont les matières actives pour lesquelles tous les échantillons de laitue peuvent être consommés sans risque (0% teneur de matière active > LMR contre 100% de teneur en matière active ≤ LMR) tandis que la lambdacyhalothrine est la molécule chimique qui présente le plus fort pourcentage d’échantillons non consommables (66,67 % d’échantillons dont la teneur excède la LMR).

Détermination de la consommation de la laitue

L’enquête sur la consommation de la laitue a porté sur un total 78 ménages de Port-Bouët. Sur les 78 ménages, 50 ménages sont consommateurs de laitue; ce qui représente 64,2 % des ménages. Le nombre total d’individus sur l’ensemble de ces 50 ménages s’élève à 117 (Tableau 6). La diète journalière par ménage varie entre 0,93 g et 565,6 g. La quantité totale de laitue consommée par tous les ménages en un jour est de 4180 g soit 4,18 kg. La plus petite valeur de la diète par ménage est de 0,93 g tandis que la diète maximale est de 565,56 g. La diète moyenne journalière par ménage est de 83,60 g.

Les statistiques descriptives relatives à la consommation journalière de laitue par poids corporel sont données par le tableau 7. Les valeurs de la diète varient entre 0,00 g/kg p.c./j et 5,660 g/kg p.c./j la valeur moyenne de la diète est 0,68 g/kg p.c./j.

Détermination des indicateurs toxicologiques

Plusieurs AJE et AJMT des pesticides recherchés sont supérieurs aux DJA des ces derniers. Ainsi, pour le chlorothalonil, la proportion des AJE supérieurs à la DJA a été de 35,0 % et la proportion des AJMT supérieurs à la DJA a été de 71,8 %. Concernant le manèbe, 33,3 % des AJE sont supérieurs à la DJA tandis que 71,0 % des AJMT sont supérieurs à la DJA. Pour le chlorpyriphos Ethyle, 20,7 % des AJE et 65,0 % des AJMT sont supérieurs à la DJA. Au niveau du carbendazime, 1,5 % des AJE ainsi que 96,9 % des AJMT excèdent la DJA. La cyperméthrine quant à elle, présente 67,5 % des AJE et 84,6 % des AJMT plus grands que la DJA. La lambdacyhalothrine présente 97,4 % des AJE et 92, 3 % des AJMT supérieurs à la DJA. Enfin le diméthoate possède 90,6 % des AJE et 97,4 % des AJMT supérieurs à la DJA. La lambdacyhalothrine est la matière active qui possède le plus grand pourcentage des AJE supérieurs à la DJA (97,4 %) tandis que le plus grand pourcentage des AJMT (98,1 %) supérieurs à la DJA revient au diméthoate. Le carbendazime est la molécule qui a le plus faible pourcentage des AJE supérieurs à la DJA (1,7 %). Au niveau de l’AJMT, le plus faible pourcentage revient au chlorpyriphos éthyle (65,0 %).

Étant donné que l’AJE et l’AJMT de chaque pesticide ont été calculés pour chaque consommateur, les différentes proportions énumérées ci-dessus correspondent aux proportions des consommateurs exposés aux effets néfastes liés aux pesticides étudiés suivant l’AJMT et l’AJE (Figure 1). Au-delà de la détermination de l’AJE et l’AJMT par consommateur et par échantillon, la moyenne de chacun de ces indicateurs de risque d’exposition a été déterminé pour chaque matière active; cela nous a conduit aux résultats ci-dessous (Tableau 8).

La contribution moyenne de la laitue à la DJA de la plupart des pesticides étudiés (chlorothalonil, manèbe, cyperméthrine, lambdacyhalothrine et diméthoate) est forte. Elle oscille entre 135 % et 11250 %. Le chlorpyriphos éthyle et le carbendazime sont les pesticides pour lesquels la contribution de la laitue à la DJA est inférieure à 100 %. Cette contribution est 70 % pour le chlorpyriphos éthyle et 23 % pour le carbendazime.

DISCUSSION

La contamination excessive des échantillons de laitue par les résidus de pesticides pourrait s’expliquer le non-respect des bonnes pratiques phytosanitaires. La plupart des producteurs urbains péri-urbains de plantes maraîchères des villes ouest africaines, n’observe pas les délais avant récolte (DAR) des pesticides. Les travaux d’Ahouangninou et al., (2011), réalisés au Bénin sur les maraîchers de la commune de Tori-Bossito, l’attestent bien. En effet, les travaux de ces auteurs ont montré que plus de 70 % des maraîchers n’observent pas les DAR réglementaires. En plus du non respect du DAR, les maraîchers de la commune de Port-Bouët ne respectent pas les doses recommandées par les fabricants de produits agrochimiques (Doumbia et Kwadjo, 2009).

La forte contamination de laitue pourrait également s’expliquer par la fréquence d’application des pesticides. Etant donné que les doses recommandées ne sont pas respectées, certains ravageurs et agents responsables des maladies des cultures peuvent se montrer résistants aux produits agrochimiques en cas de faible dose. Voulant forcément éliminer ces ravageurs ou maladies, les maraîchers augmentent soit la fréquence d’application; ce qui provoque la présence en permanence des molécules chimiques dans les cultures ou sur les cultures.

En fin, la présence excessive de la lambdacyhalothrine pourrait se justifier par la forte concentration de cette matière active dans les spécialités agrochimiques destinées à la culture du cotonnier; produits qui sont malheureusement utilisés par les producteurs de cultures maraîchères de Port-Bouët (Doumbia et Kwadjo, 2009).

La consommation moyenne journalière de la laitue la population de Port-bouet est faible (0,68 g/kg p.c./j) par rapport aux autres légumes tels que l’oignon et la tomate dont les consommations journalières sont respectivement 7,3 et 16,5 (GEMS/Food regional diets, 2003).

Malgré sa faible consommation, la laitue cultivée à Port–Bouët est un véritable vecteur de chlorothalonil, de manèbe, de carbendazime, de chlorpyriphos éthyle, de cyperméthrine, de lambdacyhalothrine et de diméthoate chez plusieurs consommateurs. Pour le chlorothalonil 35,0 % des consommateurs ont un AJE > à la DJA; cela signifie que ces consommateurs pourraient développer les effets chroniques liés à cette molécule. En ce qui concerne le chlorpyriphos éthyle, 20,51 % des consommateurs de laitue sont réellement exposées aux effets à long terme de cette molécule car leur AJE > DJA. Quant au manèbe, au carbendazime et à la cyperméthrine, ce sont respectivement 33,3 %, 1,7 % et 67,5 % de consommateurs de laitue qui sont exposés aux effets chroniques et néfastes des ces différentes matières actives.

Le diméthoate et la lambdacyhalothrine sont les pesticides que la laitue véhicule plus aux consommateurs. Ainsi, 90,18% des consommateurs de cette sont exposés aux effets chroniques du dimethoate et 97,43 % des consommateurs de laitue sont susceptibles développer les chroniques de la lambdacyhalothrine. Ces effets chroniques des pesticides sont multiples. Les pyréthrinoïdes provoquent à long terme la dégradation de la qualité du sperme et la réduction de la motilité des spermatozoïdes (Meeker et al., 2008). Les autres effets chroniques que peuvent développer les consommateurs de laitue chez qui AJE > DJA sont les perturbations endocriniennes, des malformations congénitales, la leucémie, des troubles neurologiques et des cancers de divers organes tels que le cerveau, les seins, les reins, les poumons, les ovaires, le pancréas, la prostate et l’estomac (Bassil et al., 2007; Multigner, 2005; Regelions, 2007).

Le dépassement de la DJA chez certains consommateurs est dû aux teneurs élevées de résidus de pesticides étudiés dans la laitue, teneurs qui elles-mêmes sont corollaires des mauvaises pratiques agricoles observées par les producteurs de cultures maraîchères de Port-Bouët.

CONCLUSION

La laitue produite à Port-Bouët renferme dans 83,33% des cas, des résidus de pesticides qui excédent les limites maximales officielles de résidus. La santé des consommateurs de laitue cultivée sur les deux grandes zones de production (43è BIMa et ASECNA) est probablement compromise car la consommation de cette laitue entraîne une importante ingestion de résidus de pesticides qui excèdent parfois les doses journalières acceptables (DJA). Suivant les matières actives, la proportion des consommateurs de laitue exposés oscille entre 1,7 % et 97,4 % lorsqu’on utilise l’AJE comme indicateur toxicologique de référence. Parmi les molécules étudiées, le lambdacyhalothrine, la cyperméthrine, le diméthoate et le chlorpyriphos-éthyle sont les molécules pour lesquelles la laitue constitue un vecteur potentiel. La contribution moyenne de la laitue à la DJA de ces pesticides se situe entre 70 % et 11250 %. Pour protéger les consommateurs de laitue contre les dangers liés aux résidus de pesticides, les maraîchers doivent être formés à la bonne utilisation des produits phytosanitaires.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Agence française de sécurité sanitaire et des aliments (Afssa) 2005. Évaluation des risques pour la santé humaine liés à une exposition au fipronil. Afssa, 96p.

Ahouangninou C., Fayomi B.E., Martin T. (2011). Évaluation des risques sanitaires et environnementaux des pratiques phytosanitaires des producteurs maraîchers dans la commune rurale de Tori-Bossito (Sud-Bénin). Cahiers Agricultures 3: 216-222.

Ambrus A., Lantos J., Visi E., Csatlos I., Sarvari L. (1981). General method for determination of pesticide residues in samples of plant origin, soil and water: Extraction and cleanup. Journal of Association of Official Analytical Chemists 64: 733-742.

assil K.L., Vakil M., Sanborn M., Cole D.C., Kaur K.J., Kerr M. 2007. Cancer health effects of pesticides. Canada Family Physician 53: 1704-1711.

De Jaeger C., Voronska E., Fraoucene N., Cherin P. (2012). Exposition chronique aux pesticides, santé et longévité. Rôle de notre alimentation. Médecine et Longévité 4: 75-92.

Dembélé A., Oumarou B., Traore S.K., Mamadou K., Coulibaly D.T., Abba T. (2008). The chemical control of the pests in the truck farming and the quality of vegetables in african urban cities: the health hazards and security of consumers. European Journal of Scientific Research 20: 836-843.

Dembélé. A., Oumarou B., Abba T. (2011). Quality of vegetables and pests control in african urban cities, pesticides in the modern world - risks and benefits, InTech, 32 p.

Doumbia M., Kwadjo K..E. (2009). Pratiques d’utilisation et de gestion des pesticides par les maraîchers en Côte d’Ivoire: Cas de la ville d’Abidjan et deux de ses banlieues (Dabou et Anyama). Journal of Applied Biosciences 18: 992 -1002.

FAO/OMS. 1999. Ingestion de résidus de pesticides: rapport sur les études relatives à l’ingestion de résidus de pesticides. La Haye (Pays-Bas), 24 p.

GEMS/Food regional diets. 2003. Regional per capita consumption of raw and semi-processed agricultural commodities, Geneva, Switzerland, 27 p.

Jouve A.M., Padilla M. (2007). Les agricultures périurbaines méditerranéennes à l’épreuve de la multifonctionnalité: comment fournir aux villes une nourriture et des paysages de qualité ? Cahiers Agricultures 16: 311-317.

Kanda M., Wala K., Batawila K., Ahanchede A., Akpagana K. (2009). Le maraîchage urbain à Lomé, risques sanitaires et dynamiques spatiales. Cahiers Agricultures 18: 356-363.

Kanda M., Djaneye-Boundjou G., Wala K., Gnandi K., Batawila K., Sanni A., Akpagana K. (2013). Assessment of pesticide residues and trace element contamination in market gardens of Togo. African J. Env. Sci. and Tech., 6:380-390.

Koffi-Nevry R., Assi-Clair B.J., Assemand E.F., Affou S.W., Koussemon M. (2012). Origine des témoins de contamination fécale de l’eau d’arrosage de la laitue (Lactuca sativa) cultivée dans la zone périurbaine d’Abidjan. J. of Applied Biosciences 52: 3669-3675.

Kouakou Y.E., Koné B., Bonfoh B., Kientga S.M., N’Go YA, Savane I., Cissé G. (2010). L’étalement urbain au péril des activités agro-pastorales à Abidjan. Vertigo- la revue électronique en sciences de l’environnement, Hors-série 3 10(2), consulté le 10 décembre 2015.

Matthys B., Adiko A.F., Cissé G. (2006). Le réseau social des maraîchers à Abidjan agit sur la perception des préoccupations et des risques sanitaires liés à l’eau, Vertigo - la revue électronique en sciences de l’environnement, Hors-série 3.

Meeker J.D., Barr D.B., Hauser R. (2008). Human semen quality and sperm DNA damage in relation to urinary metabolites of pyrethroid insecticides. Human Reproduction 23:1932-1940.

Multigner L. (2005). Effets retardés des pesticides sur la santé humaine. Environnement, Risques et Santé 4:187-194.

Olahan A. (2010). Agriculture urbaine et stratégies de survie des ménages pauvres dans le complexe spatial du district d’Abidjan. Vertigo, VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement, 10(2).

Regelions R.V., Guadalupe O.G., Victor H.B.A, Javier M., Mariano E.C.G. (2007) Organophosphorus pesticide exposure decreases sperm quality: association between sperm parameters and urinary pesticide level. J. Appl. Toxicology 28: 674-680.

Solecki R., Davies L., Dellarco V., Dewhurst I., Raaij M.V., Tritsche A. (2005). Guidance on setting of acute reference dose (ARfD) for pesticides. Food and Chemical Toxicology 43: 1569–1593.

Tano B.F., Abo K., Dembélé A., Fondio L. (2011). Systèmes de production et pratiques à risque en agriculture urbaine: cas du maraîchage dans la ville de Yamoussoukro en Côte d’Ivoire. International Journal of Biological and Chemical Sciences 5: 2317-2329.

Tekel J., Hatrif H. (1996). Pesticide residue analyses in plant material by chromatography methods: clean-up procedures and selective detectors. Journal of Chromatography A 754: 397-410.

Wyrobek A.J., Watchmaker G., Gordon L., Wong K., Moore D., Whortont D. (1981). Sperm shape abnormalities in carbaryl-exposed employees. Environmental Health Perspectives 40: 255-265.

www.codexalimentarius.org/normes-officielles/fr/

www.epa.gov /ecfr.gpoaccess.gov/cgi-bin/text-idx