Les pâturages naturels de la périphérie de Lomé au Togo: Diversité, typologie et qualité du fourrage
Résumé
Les espèces fourragères ligneuses des parcours naturels de la périphérie de Lomé (Togo) sont répertoriées sur 43 relevés (50 m x 20 m) à partir des inventaires phytoécologiques et forestiers. La florule et la valeur pastorale des herbacées sont répertoriées sur 10 m x 10 m suivant des transects linéaires. Des enquêtes ethno-botaniques et des observations ont permis d’identifier les espèces fourragères au niveau des marchés à bétail et des pâturages. Deux cent soixante quatre espèces ligneuses (115) et herbacées (159) réparties en 193 genres et 67 familles ont été recensées, dont 62 fourragères dans les pâturages et 10 au niveau des marchés. Les espèces les plus usuelles sont Panicum maximum et Milletia thonningii. Trois pâturages sont identifiés, conformément aux résultats de la DCA: les pâturages à Lonchocarpus sericeus et Sporobolus pyramidalis (46 espèces fourragères, 67,6 % graminées pérennes, valeur pastorale calculée 71,6 %), les pâturages à Lonchocarpus sericeus et Paspalum scrobiculatum (42 espèces fourragères, 17,9 % autres fourrages, valeur pastorale calculée 66,2 %) et les pâturages à Mitragyna inermis et Brachiaria deflexa (22 espèces fourragères, 55,5 % graminées annuelles, valeur pastorale calculée 63 %). Les parcours étudiés sont diversifiés en espèces fourragères pour le développement de l’élevage, mais sont en dégradation.
Mots clés : Pâturages naturels, espèces fourragères, valeur pastorale, périphérie urbaine, Lomé, Togo.
INTRODUCTION
En Afrique de l’Ouest, 119 millions d’hectares représentent des aires de prédilection d’un cheptel de 250 millions de têtes de ruminants (FAO, 2012). Dans cette zone, l’élevage contribue à 44 % du PIB agricole pour la subsistance d’environ 170 millions de ruraux en générant 52,5 % des emplois (Mulumba et al., 2008; FAO, 2012; Diop, 2013). Mais, les pratiques du système d’élevage sont source d’exploitation extensive des prairies naturelles par les troupeaux d’éleveurs transhumants du sahel (Mali, Burkina Faso, Niger) en migration vers la côte (Côte d’Ivoire, Togo et Ghana) en quête d’eau, de pâturage et de marchés (RPCA, 2009 et 2010; Guibert et al., 2009; Corniaux, 2012).
A l’instar des autres pays côtier d’Afrique de l’Ouest, le Togo connaît la même situation qui entraîne la surcharge des pâturages. Malheureusement, l’envahissement des pâturages génère des contraintes socio-écologiques et des conflits entre les éleveurs transhumants et les agriculteurs autochtones. Aussi, le non-respect des couloirs de transhumance est-il source de dégradation de la végétation des aires protégées et celle des paysages agraires. De plus, le surpâturage, accentue la vulnérabilité des sols et détériore leur fertilité (Boutrais, 1993; Carrière, 1996; César, 2005 Studer, 2010). Ce qui a pour conséquence la perte de la biodiversité et l’extinction d’espèces émondées, étêtées, élaguées à des fins de fourrage ou mutilées par le passage d’animaux en saison sèche (Boutrais, 1993; Desjardins et al., 2000).
Les animaux en transhumance à la recherche des pâturages sont aussi vendus dans des marchés à bétail. Au Togo, cette vente est faite via des marchés de collecte intermédiaire disséminés sur le territoire (Kara, Sokodé, Kétao, Mango, Anié, Korbougou, Notsé, Nyamassila, etc.). Ces derniers ravitaillent les marchés de regroupement (Cinkansé, Koundjouaré). A partir des marchés de collecte et de regroupement de l’intérieur du pays, les animaux sont convoyés dans les marchés de relais ou d’arrivage (Adétikopé, Lomé) (Boutrais, 2001; Bonnet et Guibert, 2009). Ce qui engendre une forte pression, une surcharge des pâturages et la coupe intensive de fourrage (Kadévi, 2001) de végétation de la périphérie de Lomé. Dans un contexte de gestion durable, il urge de disposer d’outils d’aide à la prise de décision pour la pérennité de ces pâturages. Pour cela, une meilleure connaissance de la qualité, la diversité et la valeur fourragère des ressources des pâturages naturels s’avère indispensable.
PRÉSENTATION DU MILIEU D’ÉTUDE
Le milieu d’étude se localise dans la Région Maritime à cheval de la zone écologique V du Togo. Il est limité au Sud par le Golfe de Guinée, au Nord par la Région des Plateaux, à l’Est par le Bénin et à l’Ouest par le Ghana et couvre 6 395 km² soit 11 % du pays. Huit localités des préfectures du Golfe (Adidogomé, Gbossimé, Agoé, Cacaveli), du Zio (Adétikopé, Zanguéra) de l’Avé (Bagbe et Badja) situées entre 1 et 2° de latitudes Nord et entre 1 et 7° de longitudes Est (Figure 1). Le relief du milieu d’étude se compose de trois unités géomorphologiques: le littoral et des vallées alluviales, le plateau continental et la pénéplaine granito-gneissique.
Figure 1: Localisation des sites d’inventaire et du milieu d’étude au Togo
Le milieu jouit d’un climat tropical guinéen à régime bimodal. La moyenne annuelle de température est de 27,2°C, les précipitations moyennes sont de 900 mm/an. La durée moyenne d’insolation journalière est de 6,62 heures et la vitesse moyenne des vents est de 1,93 m/s. L’évapotranspiration moyenne est de 1540 mm/an et l’humidité relative moyenne varie de 70 à 90 %. Un système lagunaire (Lac Togo et lagune aménagée) et les cours d’eau Mono, Zio et Haho drainent la zone. L’étude porte sur le cordon littoral caractérisé par les sols minéraux bruts d’apports, les sols peu évolués d’apport, les sols hydromorphes semi-tourbeux et les sols hydromorphes moyennement humifères à hydromorphes (Millette et al., 1963). La végétation est dominée d’îlots de forêts sacrées dégradées, de savanes buissonnantes aux prairies herbacées, fourrés, friches et jachères (Kokou et al., 1999).
Le milieu concentre une frange importante de la population du pays, 2 398 915 habitants soit 41,7 % de la population du pays avec une croissance démographique de 2,88 % (4RGPH, 2011). Lomé commune compte 750 757 habitants soit 34,9%, Golfe et Lomé Commune comptent 1 348 619 habitants (23,4 %), le Zio compte 276 456 d’habitants et l’Avé 93181 habitants.
Le maïs, le manioc, l’arachide, le niébé et les légumes maraîchères sont cultivées. L’élevage de caprins, ovins, porcins, bovins et volailles est pratiqué. L’élevage de ruminants est extensif et axé sur l’exploitation des parcours naturels dominés par des bovins (Dao, 2013).
MÉTHODOLOGIE
Collecte des données
Les espèces fourragères consommées dans le milieu naturel par les ruminants sont identifiées à partir des enquêtes ethno-botaniques auprès des responsables de marchés, des vendeurs de bétail et de fourrage des marchés de Adétikopé, Adiddogomé, Cacaveli, Gbossimé, Agoe Assiyéyé et Agoe Zongo. Sur un échantillon de 12 focus groups composés de 2 à 7 personnes, les zones de provenance du fourrage vendu et les sites pâturés sont identifiées. Sur un autre échantillon de 6 focus groups composés de 2 à 6 personnes auprès de bouviers en pâturages à Adétikopé, Bagbe et Badja, les espèces apetées préférencielles des animaux sont notées (Yoka et al., 2013).
Sur cette base, un échantillonnage des sites d’étude est réalisé (Figure 1). Des inventaires floristique, forestier et écologique sont réalisés sur 43 placettes de 50 m x 20 m (1000 m²), soit 43 000 m². Des mesures dendrométriques (hauteur totale, hauteur fût, circonférence) ont été collectées pour les tiges d’arbres dbh ≥ 5 cm (Kaboyi, 2004). A l’intérieur de ces aires prédéfinies, les espèces herbacées sont inventoriées sur des placettes de 10 m x 10 m (100 m²). Il s’agit des inventaires linéaires floristiques ou des « points quadrats» ont été réalisés sur des transects de 10 m de longueur sur aires précédentes de 100 m². Les espèces fourragères herbacées touchant un piquet placé verticalement à chaque 10 cm sont recensées, soit 100 points par relevé en vue d’estimer leur fréquence et valeur fourragère dans les parcours conformément aux études analogues dans la sous-région (César, 2005; Yoka et al., 2013; Lesse et al., 2016).
Pour chaque espèce relevée, le coefficient d’abondance-dominance est attribué suivant l’échelle de Braun-Blanquet (1932) modifiée par Meddour (2011): 5- individus recouvrant plus de ¾ de la surface (+75 %); 4- individus recouvrant ½ à ¾ de la surface (50 à 75 %); 3- individus recouvrant ¼ à ½ de la surface (25 à 50 %); 2- individus nombreux recouvrant moins de 1/20 de la surface (5 à 25 %) 1- individus assez abondant avec un recouvrement faible (1 à 5 %) +- individus rare avec un recouvrement très faible ou insignifiant (0 à 1 %).
Aussi, les descripteurs écologiques: type de végétation, relief, sol, drainage, mode de gestion sont notés en même temps que l’inventaire floristique est dressé (Theau et al., 2010).
Traitement des données
Des analyses multivariées discriminent les types de pâturages à partir d’une double matrice avec les espèces en ligne et les relevés en colonne sous format Excel. Les analyses factorielles des correspondances (DCA) sont basées sur les coefficients d’abondance-dominance combinée au tableau des paramètres écologiques (type de végétation, sol, drainage, altitude, relief et pressions anthropiques). Les classifications ascendantes hiérarchiques (CAH) ont permis de grouper de relevées suivant les plans factoriels à base des coordonnées principales des ACP. Les pâturages sont nommés à partir des espèces les plus abondantes. La nomenclature des espèces, des familles et genres est conforme à celles de Brunel et al., (1984) et Akoégninou et al., (2006).
Les spectres bruts et pondérés des types biologiques (Raunkaier, 1934) et phyto-géographiques (White, 1986) sont dressés. Les fréquences relatives et absolues spécifiques sont calculées:
Fi =ni/N x 100
Où Fi est la fréquence relative de l’espèce i ; ni est le nombre de relevé où l’espèce i est présente et N le nombre totale de relevé.
Fai=Fi /∑Fi =100 x nii/(∑ni )
Où Fai = contribution spécifique de l’espèce i
Les indices de diversité ont été calculés, l’indice de Shannon-Weaver (H’) indiquant la diversité ou la richesse spécifique du milieu et l’indice d’équitabilité de Piélou (E) traduisant la qualité d’organisation d’une communauté. Il équivaut à 0 quand la quasi-totalité des effectifs est concentrée sur une espèce et 1 quand toutes les espèces ont la même abondance (Dibong et Njouondo, 2014).
H’=-∑s(i=1)(Ni/N) x log2 (Ni/N)
E= H’/H’max=(∑s(i=1)(Ni/N) x log2 (Ni/N))/(log2 (s))
Ni = nombre d’individus de l’espèce i; N = nombre total d’individus relevé; S = nombre d’espèces.
La densité, le diamètre moyen, la hauteur moyenne des arbres et la surface terrière sont calculées. La valeur fourragère de la strate herbacée et du pâturage sont estimés conformément à César (2005).
La valeur pastorale d’un pâturage est un indice global qui vise à apprécier la qualité fourragère d’un pâturage. Ces indices varient de 0 à 5, où les espèces jamais broutées sont notées à 0 et les plus appréciées à 5 (César, 2005; Lesse et al., 2016).
V= (∑(Ci×vi))/5
Où
Ci=(nombre de contact de l’ espèce i)/(nombre total de contacts)×100
V: valeur pastorale globale du pâturage, l’indice spécifique de valeur pastorale de l’espèce i; la contribution spécifique de l’espèce i.
RÉSULTATS
Caractéristiques des marchés de bétail
• Le marché à bétail d’Adetikope ouvert en 2000, couvre 2 hectares pour 2000 bovins (Figure 2). Il est géré par un promoteur privé et s’animé tous les jours à partir de 15 heures, au retour des animaux du pâturage sur la rive nord du Zio en saison propice. Mais les apports de fourrages ligneux hachés sont effectués durant la saison sèche (réserve de Bayémé, Adétikopé). Les races négociées sont: Moussidji (burkinabè et du nord togolais) à 80 %, Yakana (nigériane) à 5 %, Tchiwali (nigérienne) à 5 % et Malinkadji (malienne) à 10 %.
Figure 2: Troupeau de bœufs destiné à la vente dans le marché à bétail d’Adétikopé
• Le marché de Gbossimé a une capacité maximale de 3500 têtes (1500 moutons, 1500 chèvres, 50 bovins) et s’anime tous les jours. Les animaux alimentés au fourrage herbacé sont dans des parcs modernes et de fortunes-bordant la périphérie- du marché.
• Le marché de Cacaveli est inauguré en janvier 2013. Il s’anime tous les jours avec une affluence jeudi et dimanche où 2000 à 3000 têtes de petits ruminants sont alimentés par le fourrage convoyé à voitures, motos ou à pieds par les femmes.
• Le marché d’Agoé Assiyéyé est créé en 2001 et s’anime tous les cinq jours pour les petits ruminants (cinquantaine). Ces derniers sont nourris au fourrage venu de Zanguéra, Aképé, Assahoun (Figure 3).
• Le marché à bétail d’Adidogomé est créé en 1996 qui s’anime mardi et samedi. La capacité totale du marché est d’une centaine de têtes de caprins et d’ovins. Le fourrage commercialisé vient d’Assahoun, Aképé et Zanguéra.
• Le marché d’Agoé Zongo est temporaire et installé en 2014 pour la vente de mouton à l’occasion de la fête Tabaski. Environ 30 000 têtes de moutons sont négociées du 15 août au 12 septembre chaque année. Les fourrages commercialisés proviennent des alentours du marché ou Alinka.
Figure 3: Parc de vente de chèvres et de moutons dans le marché à bétail d’AgoéAssiyéyé
Bilan floristique et richesse spécifique
L’étude a recensé 264 espèces végétales ligneuses et herbacées appartenant à 193 genres et 67 familles dont les Fabaceae (11,6 %), les Poaceae (11,4 %), les Rubiaceae (6,65 %), les Asteraceae (6,23 %) et les Euphorbiaceae (5,38 %) sont les plus représentées (Figure 4).
Figure 4: Spectre spécifique des familles des formations pâturées
Les espèces les plus fréquentes sont: Sporobolus pyramidalis (76,7 %), Lonchocarpus sericeus (72,1 %), Sarcocephalus latifolius (65,1 %), Chromolaena odorata (60,5 %), Annona sengalensis (55,8 %) et Azadirachta indica (53,5 %).
La strate herbacée comporte 159 espèces réparties en 100 genres et 39 familles. Les familles les plus dominantes sont les Poaceae (23 %), les Fabaceae (16,1 %) et les Asteraceae (11,4 %). S’agissant des strates hautes, les nanophanérophytes (25,1 %) et les microphanérophytes (22,4 %) sont les plus abondants, dont les contributions pondérées respectives sont de 26,1 % et 26,5 % (Figure 5).
La strate haute est dominée par les espèces guinéo-congolaises et soudano-zambésienne avec une fréquence brute des espèces de 64,5 % et une fréquence pondérée de 64,6 % (Figure 6).
Figure 5: Spectre biologique des pâturages étudiés (mp: microphanérophyte ; np : nanophanérophyte; H: hémicryptophyte, Th: thérophyte; Lmp: microphanérophyte lianescent; mP: mésophanérophyte; Ch: Chaméphyte; Lnp: nanophanérophyte lianescent; G: géophyte; Gr: géophyte rhizomateuse; Hyd: hydrophyte; MP: mégaphanérophyte)
Figure 6: Spectre phytogéographique des pâturages étudiés (SZ: espèce soudano-zambésienne; GC: espèce guinéo-congolaise; GC-SZ : espèce guinéo-congolaise et soudano-zambésienne; i: espèce introduite; GCW: espèce du massif forestier occidental)
Structure de la végétation
L’indice de diversité de Shannon est de 5,56 bits, preuve d’une diversité spécifique relative et l’équitabilité de Piélou de 0,43 confirme une variabilité spécifique au sein des relevés (Tableau 1).
La densité est de 7,90 tiges/ha à dbh ≥ à 5 cm dont le diamètre moyen des arbres est de 27,7 cm pour une hauteur moyenne de 11,3 m (Tableau 1), caractéristiques des savanes arbustives et des fourrés avec une abondance des tiges d’arbres de 7 et 9 m de haut (35 %) (Figure 7).
La distribution des tiges par classes de diamètre montre l’abondance des arbres de faibles diamètre et très peu d’arbres de grands diamètres (Figure 8).
Figure 7: Structure verticale de la végétation
Figure 8: Structure diamétrique de la végétation
Diversité des fourrages commercialisés dans les marchés et préférence au niveau des parcours naturels
Les enquêtes auprès des marchés à bétail signalent 10 espèces fourragères (8 ligneuses et 2 herbacées) fréquemment vendues (Tableau 2). Pour les enquêtés, Panicum maximum (58 %) et Millettia thonningii (18 %) représente le fourrage préférentiel commercialisé dans les marchés. La disponibilité, l’accessibilité et de l’appétibilité de la ressource favorisent son choix. Soixante deux (62) espèces fourragères herbacées apêtées, appartenant à 19 familles et 47 genres sont recensées (Tableau 3), les Poaceae (27,9 %) et les Fabaceae (19,7 %), étant représentatives.
Typologie des pâturages du milieu d’Étude
Les analyses statistiques ont permis de discriminer trois principaux types de pâturage. L’ordination des relevés par la DCA montre leur distribution sur le plan factoriel des axes 1 et 2 de différents gradients écologiques. L’axe 1 indique vers sa partie positive un gradient croissant d’humidité du sol (ou encore vers sa partie négative, un gradient croissant de « drainage » du sol). L’axe 2 indique dans sa partie positive un gradient topographique croissant (Figure 9).
Trois types de pâturages sont dégagés, ce que confirme le dendrogramme de la classification sur la base des indices de similarités (Figure 10):
• le pâturage à Lonchocarpus sericeus et Sporobolus pyramidalis (G1) des savanes arbustives et des fourrés sur sols à texture sablo-argileuse des plaines humides, d’altitude moyenne de 58,5 m;
• le pâturage à Lonchocarpus sericeus et Paspalum scrobiculatum (G2) des savanes arbustives et de champs sur sols limono-argileux des plaines non humides, de hautes altitudes de la zone (70,6 m en moyenne);
• le pâturage à Mitragyna inermis et Brachiaria deflexa (G3) des savanes arbustives et jachères de sols argileux de bas-fonds non humides à basse altitude (en moyenne 25 m).
Figure 10: Classification hiérarchique ascendante des relevés sur la base des indices de similarité de Sorensen
Pâturage à Lonchocarpus sericeus et Sporobolus pyramidalis (G1)
Regroupe 205 espèces appartenant à 60 familles et 155 genres dont 89 espèces lignueses. Les plus dominantes étant Lonchocarpus sericeus (15,1 %), Sarcocephalus latifolius (9,54 %), Pseudocedrela kotschyi (8,73%) et Piliostigma thonningii (7,77 %). La strate herbacée, comprend 116 espèces dominées par Sporobolus pyramidalis (54,3 %), Digitaria horizontalis (5,11 %), Urera obavata (3,29 %) et Andropogon africanus (2,95 %) et une variabilité significative des caractéristiques stracturales spécifiques (Tableau 4).
Onze espèces fourragères sont communes aux trois pâturages, 22 espèces sont communes aux pâturages G1 et G2, 3 espèces sont communes aux pâturages G1 et G3 et 1 espèce est commune aux pâturages G2 et G3. Les graminées pérennes représentent 67,6 % ± 7,35 et annuelles 8,33 % ± 5,4, les refus 6,94 % ± 3,2 et légumineuses fourragères 8,53 % ± 6,35. La valeur pastorale est de 71,6 % (± 7,34) (Tableau 5).
Pâturage à Lonchocarpus sericeus et Paspalum scrobiculatum (G2)
Comprend 137 espèces appartenant à 47 familles et 117 genres avec une strate arbustive à dominance de Lonchocarpus sericeus (24,4 %), Pseudocedrela kotschyi (11,7 %), Elaeis guineensis (8,85 %) et Annona senegalensis (7,26 %). La strate herbacée est dominée par Paspalum scrobiculatum (16,5 %), Andropogon africanus (16,1 %), Panicum maximum (11,5 %) et Imperata cylindrica (9,49 %).
La diversité spécifique et les caractéristiques structurales sont relativement faibles (Tableau 4).
Quarante-deux (42) espèces fourragères sont identifiées (Tableau 6), les graminées vivaces représentent 69,8 % (± 10,2), les graminées annuelles représentent 1,30 % ± 3,00, les autres fourrages étant de 17,9 % ± 7,12 dont les légumineuses sont estimés à 2,83 % ± 5,07 et les refus 8,05 % ± 6,45. La valeur pastorale est de 66,1 % ± 18,34.
Pâturage à Mitragyna inermis et Brachiaria deflexa (G3)
Cent onze (111) espèces appartenant à 43 familles et 93 genres sont recensées. La strate arbustive est dominée par Mitragyna inermis (15,9 %), Mezoneuron benthamianum (9,14%) et Albizia zygia (9,14 %). La strate herbacée est dominée par Brachiaria deflexa (26,04%), Chromolaena odorata (16,2 %) et Panicum laxum (14,5 %). Vingt-deux (22) espèces fourragères (Tableau 7) sont identifiées dont kes graminées annuelles représentent 55,5 % ± 8,15, pérennes 33,3 % ± 12,3 et les refus 10,6 % ± 5,40. La valeur pastorale calculée est de 63,0 % ± 13,8.
DISCUSSION
Diversité floristique et structure des pâturages
L’étude montre une richesse spécifique considérable par type de pâturage qui reste inférieur à celui trouvé par Kokou et al., (2005) dans les milieux pâturés du voisinage des îlots forestiers au sud du Togo. Dans le cas précis, l’étude porte uniquement sur les milieux pâturés d’une portion de la plaine côtière focalisée. La strate herbacée est dominée par les Poaceae, Fabaceae et Asteraceae, espèces à grande possibilité de tallage et à capacité de repousse après broutage ou passage de feu. Ce qui cadre bien aux travaux antérieurs de César, (1991) et d’Akossoua et al., (2010) en zone guinéenne.
La diversité indique une hétérogénéité de facteurs écologique et environnementale. Ces facteurs couplés aux actions anthropiques influencent la structure et la composition des parcours étudiés. Ces résultats concordent avec ceux de Marion (2010), Polo-Akpisso (2010) et Dimobé (2010) qui admettent que l’intensité de pâturage, des activités agricoles et la fréquence des feux de végétation, etc., modifient la flore.
Les microphanérophytes, les nanophanérophites et thérophytes traduisent un début de dégradation des pâturages. Ce qui vient confirmer les travaux de César, (1991). Ce qui explique la prolifération des plantes annuelles au détriment des graminées pérennes, signe de détérioration de la qualité des pâturages, essentiellement due à la surcharge. Les pâturages à Mitragyna inermis et Brachiaria deflexa sont relativement plus dégradés et ceci est la résultante de la forte charge pastorale couplée aux feux de végétations tardifs et aux défrichements aux fin agricoles relévées, constat conforme aux travaux de Lesse et al., (2016) au Bénin.
Le cortège floral des pâturages est à dominance des espèces guinéo-congolaise et soudano-zambésienne. Ce qui prouve bien que l’action du climat sur la végétation a favorisé l’installation d’espèces soudaniennes et un début d’envahissement des espèces introduites corolllaire d’un milieu sous forte perturbation anthropique. Les parcours sont pauvres en espèces ligneuses de grands diamètres et hauteurs, ce qui confirme le degré d’anthropisation des pâturages étudiés. Les arbres à faibles diamètres (10 à 20 cm) sont les plus dominants. Ces résultats sont en concordance avec les travaux de Proffit (1999), César (2005), Dumont et al., (2007) et Studer (2010) qui évoquent en effet, une dynamique régressive sur la florule des parcours sous l’action des grands herbivores. Aussi, l’émondage anarchique des espèces ligneuses et le surpâturage impactent négativement la qualité et la quantité du fourrage.
Diversité fourragère dans les parcours naturels
Le fourrage vendu sur les marchés à bétail est à dominance de Panicum maximum et Milletia thonningii indépendamment des saisons, génère des revenus aux femmes actrices des filières de la vente et de la coupe. Les hommes assurant le transport et l’alimentation du bétail. L’exploitation de ces plantes est importante dans la périphérie de Lomé que des études devraient être menées sur leurs potentiels impacts dans le milieu naturel. Il faut souligner que Griffonia simplicifolia et Sarcocephalus latifolius très appréciés par les ovins sont uniquement retrouvées dans le marché à bétail temporaire d’Agoe Zongo. Quels serait donc l’impact des prélèvements en milieu naturel ?
La zone présente regorge des espèces fourragères qui sont très appréciées par les bovins et à haute valeur pastorale. Ce cortège floristique est similaire à celui des travaux de Akossoua et al., (2010) en Côte d’Ivoire. Le cortège floristique des pâturages à Mitragyna inermis et Brachiaria deflexa de la présente étude est similaire à celui des travaux de César (1991). Les fourrages herbacés sont abondants durant la saison des pluies, préférentiel des bovins. Dicrostachys cinerea, Khaya senegalensis et Pterocarpus erinaceus ont été cités comme des fourrages en saison sèche ou de période « de soudure » selon Yanra (2004) au Burkina Faso.
Qualité des pâturages et valeur fourragère
L’abondance des Poaceae est un bon signe de qualité nutritive chez un pâturage étant donné qu’ils constituent l’essentiel de l’alimentation des ruminants. Ces résultats sont concordant aux constats de Akossoua et al., (2010) en Côte d’Ivoire et Yoka et al., (2013) en République du Congo. La prospérité de Sporobolus pyramidalis dans tous les parcours est à préciser. César (1991) affirme pourtant que l’abondance de cette espèce est un indice de surpâturage ou de mauvaise gestion pastorale.
La présence des légumineuses fourragères est un indicateur appréciable de la qualité des parcours (Desmodium scorpiurus, D. adscendens, Clitoria ternatea, Calopogonoium mucunoïdes). En effet, la teneur en azote des légumineuses constitue une source de protéines, d’où leur intérêt pour l’alimentation animale selon Martin, (1970). C’est aussi, un indicateur de déséquilibre écologique dû à une forte pression de pâture ou à une saison climatique défavorable. Pourtant, cela est défavorable aux graminées vivaces les plus appréciées par les ruminants en se référant aux travaux de César (1991).
Des espèces fourragères de soudure, à valeur fourragère, autres que les graminées et les légumineuses, peu appétables et peu énergétiques pour les animaux, sont notées. À titre d’exemple, Hibiscus asper, Mariscus cylindristachyus et Melanthera scandens sont cités par les bouviers comme d’excellents fourrages, nommés « autres fourrages ».
D’après la classification de César, (2005) basée sur la composition de la strate herbacée, les pâturages (G1, G2) sont qualifiés de « très bons » et « moyen » pâturages (G3) du fait de la contribution des graminées pérennes. La valeur pastorale des savanes en bon état varie de 70 % à 90 % (César, 2005). Le spectre fourrager présente une contribution des graminées pérennes atteignant 67,6 %, et les légumineuses fourragères 8,33%.
CONCLUSION
Cette étude a permis de recenser 264 espèces végétales appartenant à 67 familles et 193 genres, dont 159 espèces sont des herbacées. Dix espèces fourragères sont vendues sur les marchés à bétail où Panicum maximum et Milletia thonningii sont les plus exploitées. Au niveau des pâturages naturels 62 espèces végétales fourragères sont identifiées. Les pâturages à Lonchocarpus sericeus et Sporobolus pyramidalis sont constitués de savanes arbustives et fourrés de plaines humides. 205 espèces fouragères, dont 46 sont cités par les bouviers. Les graminées pérennes fourragères représentent 67,6 % étant de « très bons » pâturages avec une valeur pastorale de 71,6 %. Les pâturages à Lonchocarpus sericeus et Paspalum scrobiculatum ou savanes arbustives et des champs de plaines non humides ont 137 espèces dont 42 sont fourragères. Les « autres fourrages » représentent 17,9 % des espèces et une valeur pastorale de 66,1 %. Ils sont qualifiés de « très bons » pâturages. Les pâturages à Mitragyna inermis et Brachiaria deflexa ou savanes arbustives et des jachères de bas-fonds indiquent 111 espèces végétales dont 22 fourragères. Les graminées annuelles représentent 55,5 %. La valeur pastorale calculée est de 63 %. Ils sont qualifiés de pâturages de moyenne qualité.
La périphérie de la ville de Lomé possède une potentialité fourragère de qualité pour le développement de l’élevage pastoral très diversifié, mais ces parcours sont en cours de dégradation. La forte pression pastorale, les feux de végétation et les défrichements aux fins agricoles exercent de fortes pressions sur la végétation. La prolifération des espèces moins appréciées par les bovins (principalement graminées annuelles) est le reflet de cette dégradation.
Ces écosystèmes particuliers méritent une protection en définissant des zones de parcours et celles de protection intégrale. Pour une gestion durable de ces pâturages, il urge de restaurer les zones dégradées, de limiter le phénomène sur les zones épargnées, de sécuriser l›alimentation du bétail et de gérer les conflits.
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