Résumé

Les objectifs du présent travail, mené dans quatre sites de production des figues relevant des provinces de Chefchaouen (Beni Ahmed), El Jadida (Ouled Frej), Ouezzane (Zoumi) et Taounate (Bouhouda) consistent en premier lieu à caractériser les variétés de figuiers plantées dans ces sites, à faire une typologie des exploitations , à décrire la conduite technique adoptée et à identifier les variétés potentielles pour les nouvelles plantations. Pour ce faire, nous avons réalisé des enquêtes sur un échantillon de 72 exploitations dans différents sites. La caractérisation variétale a été complétée par le prélèvement et l’analyse d’échantillons de fruits et de feuilles au laboratoire. Les résultats relatifs à la typologie montrent que les exploitations dont la SAU dépasse 5 ha représentent 20% à Ouled Frej, 11% à Bouhouda et à Beni Ahmed et seulement 5% à Zoumi. L’âge moyen des plantations est de 15 ans à Ouled Frej, 37 ans à Zoumi et Beni Ahmed, et 43 ans à Bouhouda. La conduite technique dans le site d’Ouled Frej se distingue par la pratique de l’irrigation des vergers et l’apport d’engrais et de produits phytosanitaires justifiés par la commercialisation basée sur la vente des figues fraîches. Dans les autres sites, la conduite est généralement traditionnelle, les figues sont vendues séchées à cause de l’enclavement. Le profil variétal se compose de 43 variétés dont 4 sont de type Smyrne, 18 de type Commun et 21 de type San Pedro. Le profil variétal par site est de 3 à Ouled Frej, 11 à Beni Ahmed, 11 à Bouhouda et 19 à Zoumi. Les analyses statistiques (ACP et CHA) ont montré un rapprochement entre certaines variétés qui portent des appellations différentes (synonymie). Les variétés recommandées par ordre de priorité, pour les programmes de développement futurs du figuier, sont Messari (Homran/ Lamtel/Mtioui), Fassi, Ghouddane, Ghani et Lamdar pour la production des figues fleurs fraîches, Messari, Ghouddane, Fassi, Lassoune, Masfah, Aouad et Hamri pour la production des figues d’automne à l’état frais et Nabout, Koté, Masfah, Messari, Ghouddane et Fassi pour la production des figues d’automne séchées.


 Mots clés : Figuier, variété, séchage, conduite technique, commercialisation, caprifiguier.

INTRODUCTION 

Selon les statistiques de la FAO (2014), la majorité des superficies de figuier se trouvent dans la zone du bassin méditerranéen et du Moyen Orient. La plus grande superficie de figuier se trouve au Maroc avec 54 771 ha suivi par la Turquie avec 49 464 ha, l’Algérie avec 44 395 ha et l’Égypte avec 28 501 ha. Cependant, les données relatives à la production montrent que le Maroc se place en quatrième position (126 554 tonnes) alors que la Turquie se trouve en première position (300 282 tonnes) avec une production dépassant le double (2,37) de celle réalisée par le Maroc. Ceci est le résultat de rendements moyens de l’ordre de 6,07 t/ha en Turquie et 2,31 t/ha au Maroc. Notons que le rendement maximal, selon les statistiques de la FAOSTAT (2014), avoisinant 10 t/ha a été enregistré au Brésil.

Au Maroc, la majorité des plantations (85 % de la surface totale) se trouvent localisées au niveau de cinq provinces: Taounate (22 230 ha); Chefchaouen (7 050 ha) ; AI Hoceima (5 000 ha); Ouezzane (3 150 ha) et Tétouan (2 000 ha). Après une faible régression en termes de superficie entre 2007 et 2008 allant respectivement de 44 441 à 42 381 ha, la superficie ne cesse d’augmenter après le lancement du Plan Maroc Vert (PMV) pour atteindre une superficie avoisinant 69 000 ha en 2017. Le PMV englobe des projets de plantation du figuier et de valorisation des figues. Malgré les efforts déployés, certains vergers sont très âgés et conduits d’une manière traditionnelle d’où la nécessité de travaux de réhabilitation des anciennes plantations.

Une grande diversité variétale existe au Maroc et probablement beaucoup d’homonymies et/ou de synonymie d’appellation générant une situation extrêmement confuse dans la nomenclature du figuier. Certaines variétés sont communes à plusieurs régions, d’autres sont cultivées avec des noms différents et d’autres sont spécifiques à certaines régions. Comme exemple, 36 variétés/dénominations ont été dénombrées à Taounate, 29 à Ouezzane, 26 à Tétouan, 20 à Chefchaouen et 8 à Zerhoun, 3 à 5 variétés sont prédominantes dans chaque région. Certaines variétés se trouvent dans plusieurs régions, d’autres sont cultivées avec des noms différents et d’autres sont spécifiques à certaines zones (El Khaloui, 2010).

Le figuier produit une ou deux récoltes: variétés bifères à deux récoltes (figues fleurs et figues d’automne) et variétés unifères (figues d’automne) produisant une seule récolte (Vidaud, 1997). Au Maroc, les variétés bifères sont représentées essentiellement par Ournakssi, Ghouddane, El Khal, Embar El Khal, Fassi, Filalia, Jeblia, Hamra, Aounq El Hmam et Beida. Les variétés unifères concernent principalement: Embar Lebied, El Quoti Lebied, Hafer El Brhel, Chaari, Ferquouch Jmel, Nabout et Ferzaoui (MAPM, 2017). D’après l’étude de Tayou (1985) et Walali et al., (2003), six variétés sont cultivées à grande échelle au Nord du Maroc: El Messari ou Homrame ou Johri, Lembdar Labiad, Lembdar Lakhal, Rhouddane, El Koté et Aounq Hmam.

Au Maroc, de nombreux efforts ont été déployés pour développer la filière du figuier, surtout avec les projets pilier II du Plan Maroc Vert. A travers ces projets, l’État vise à augmenter la superficie des figuiers et à introduire des techniques de séchage plus performantes que le séchage traditionnel. Cependant, les variétés nationales plantées lors des réalisations de ces projets restent faibles par rapport à la diversité nationale des variétés de figuiers ainsi qu’un manque d’informations sur ces variétés et leurs caractéristiques qualitatives et quantitatives. En effet, Le souci majeur du développement des plantations du figuier réside actuellement dans le choix des variétés adaptées aux objectifs de production et de valorisation du produit dans son état frais ou sec. Les objectifs du présent travail, mené dans quatre sites de production relevant des provinces de Chefchaouen, El Jadida, Ouezzane et Taounate, consistent à identifier et caractériser les variétés de figuiers plantées dans ces sites; faire une typologie des exploitations et de la conduite technique dans chaque site; et répertorier les variétés potentielles pour les nouvelles plantations.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Les provinces sélectionnées de Chefchaouen, Taounate et Ouezzane constituent les principaux pôles de production des figues au Maroc, caractérisées par une grande diversité variétale et un savoir-faire ancestral en termes de séchage et de valorisation des figues. La province d’El Jadida a été choisie d’une part pour l’importance attribuée récemment à la culture du figuier dans le cadre du PMV à travers la réalisation de nouvelles plantations et l’établissement d’unités de valorisation et de plates-formes de commercialisation, et d’autre part pour sa proximité géographique des grands marchés (Casablanca, Rabat, Marrakech…).

La province d’El Jadida se caractérise par un climat semi-aride, un hiver tempéré et assez doux et un été généralement chaud et sec. La pluviométrie moyenne est de 280 mm (moyenne sur 20 ans) caractérisée par une grande irrégularité inter et intra-annuelle. La température moyenne annuelle est de 18 °C avec un minimum de 4 °C et un maximum de 40 °C. Le figuier est planté en majorité dans des sols peu à moyennement profonds, de type sablonneux légèrement argileux par endroits avec des affleurements caillouteux moyens. Dans le cadre de notre travail nous avons sélectionné, en consultation avec les services concernés, le douar Sidi Ali Ben Youssef (commune rurale de Sidi Ali ben Youssef) et le douar Charika (commune rurale de Boulaouane).

La province d’Ouezzane, située au cœur de la zone pré-rifaine, se caractérise par un paysage de collines et de coteaux d’une altitude généralement inférieure à 350 mètres. Le climat est de type méditerranéen, la pluviométrie moyenne annuelle est toujours supérieure à 350 mm et les variations interannuelles sont importantes (écart type: 343,5 mm). Les sols sont majoritairement calcimagnésiques à caractères vertiques au sommet des collines et calcimagnésiques dans les zones de moindre altitude. Le figuier s’étend dans la province d’Ouezzane sur une superficie de 3 500 ha. Le cercle de Zoumi a été choisi dans le cadre de cette étude à travers les douars Beni kaoulach (commune de Kalaât Boukoura) et Ouled bensbika (commune de Zoumi).

La province de Chefchaouen est située sur la chaîne montagneuse rifaine d’une structure géologique relativement récente, sont formées de couches siliceuses et calcaires très accidentées avec des sommets dépassant parfois 2 000 m. Le climat est humide en hiver et sec en été, les précipitations oscillent entre 900 et 1 300 mm/an. Ces fortes précipitations, conjuguées aux caractéristiques morphologiques du terrain, exposent cet espace rifain au phénomène de l’érosion et de l’éboulement. La superficie totale du figuier dans la province est estimée à 7 500 ha. Les exploitations enquêtées ont concerné deux douars au niveau du cercle de Beni Ahmed, Douar Boulida (commune rurale de Mansoura) et Douar Tar Tkaalou (commune de Beni Ahmed Charquia).

La province de Taounate, première zone de production des figues au Maroc, avec une superficie de 22 230 ha, est formée par un système de terrasses étagées et discontinues dominées par de basses collines. Le climat appartient à l’étage bioclimatique subhumide à hiver tempéré. La pluviométrie annuelle est entre 289 et 1 122 mm, les températures maximales moyennes sont de l’ordre de 36,1 °C pour le mois le plus chaud (Août) et 5,5 °C pour le mois le plus froid (Janvier) et la moyenne annuelle est de 17,4 °C. Les exploitations enquêtées se trouvent au niveau des douars Bouhouda et Ouled Hssayen relevant de la commune rurale de Bouhouda, réputée pour la diversité des variétés du figuier et la grande importance donnée par les agriculteurs au séchage des figues dont la coopérative la plus ancienne date de 2007 et abrite le plus ancien festival des figues au Maroc (depuis les années 70’s).

A cause de l’absence de données exactes sur le nombre d’agriculteurs cultivant le figuier dans chaque zone, un échantillonnage aléatoire a porté sur un total de 72 agriculteurs, à raison de 18 par zone.

MÉTHODOLOGIE

Caractérisation des exploitations

Les données collectées dans le cadre de cette étude ont porté sur la typologie de l’exploitation, la conduite technique adoptée, les aspects de valorisation et la commercialisation des figues.

Pour identifier et caractériser les variétés, on s’est basé sur les informations locales relatives au nom donné par la population autochtone pour chaque variété, son aire géographique, le type d’arbre, le type de fructification, la période de maturité des fruits et la productivité des variétés déclarée par les producteurs enquêtés et les aspects de valorisation et de commercialisation des figues.

Paramètres mesurés

Une fois les variétés identifiées et recensées dans chaque région, on a procédé à la caractérisation de l’arbre, des feuilles, et des fruits. La caractérisation concerne les figues fleurs et les figues d’automne. L’arbre choisi au hasard doit avoir un bon état sanitaire et être en pleine production.

• Cas de la Feuille: les paramètres ont porté sur: le nombre de lobes et leurs profondeurs, la longueur de la nervure principale de la feuille, la longueur du pétiole et la surface foliaire (Figure 2). Pour ce faire, nous avons pris cinq feuilles adultes par variété, une feuille par direction (Nord, sud, est, ouest) et une de l’intérieur de l’arbre.

Figure 2: Paramètres mesurés pour la feuille

Figure 3: Paramètres mesurés pour la figue

• Cas du Fruit: sur un échantillon de cinq fruits représentatifs par variété, prélevés comme dans le cas des feuilles, les mesures ont porté sur le poids à l’aide d’une balance de précision, le diamètre équatorial à l’aide d’un pied à coulisse, la forme, la longueur, l’ostiole, le pédoncule, le col, la couleur de l’épiderme, la présence ou l’absence des fissurations sur l’épiderme, la couleur et la texture de la pulpe, et l’indice réfractométrique à l’aide d’un réfractomètre digital HI96801.

L’analyse des données a été réalisée à l’aide des programmes Excel et XLSTAT incluant la conception d’une base de données, l’analyse en composantes principales (ACP) et la classification ascendante hiérarchique (CAH).

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Typologie des exploitations étudiées

Taille des exploitations

La classification des exploitations recensées selon leurs superficies montre que la part des SAU de moins de 2 ha représente entre 39 % et 45 %. Pour les SAU entre 2 et 5 ha, elles représentent près de 50 % à Zoumi et à Beni Ahmed, alors que les exploitations dépassant 5 ha représentent 40% à Ouled Frej et seulement 6 % à Zoumi (Tableau 1). En général, les exploitations ont un statut juridique Melk, cependant à Bouhida on trouve des vergers et des figuiers exploités en association (Bnass: ½ de la production pour le propriétaire et ½ pour l’associé).

Tableau 1: Classification des exploitations enquêtées selon leurs SAU dans les quatre sites

Pourcentage (%)

Superficie Ouled Frej Zoumi Beni Ahmed Bouhida

SAU<2 40 39 39 45

2

SAU>5 40 6 11 11

Part du figuier dans l’arboriculture fruitière

Dans les exploitations enquêtées dans le site d’Ouled Frej, le figuier représente 30 à 50 % de l’effectif des arbres fruitiers dont la vigne, l’olivier, et le grenadier. Dans le site de Zoumi, 78 % des exploitations enquêtées ont enregistré une part du figuier supérieure à 20 % de l’effectif des arbres fruitiers dont le prunier et l’olivier. Dans les autres sites, une part du figuier dépassant 40 % a été notée dans la majorité des exploitations enquêtées, à raison de 78 % dans Beni Ahmed et 72 % dans Bouhida.

Mode, densité et âge des plantations

Les figuiers sont plantés groupés sous forme de vergers ou dispersés et associés à d’autres arbres et cultures. Dans le site d’Ouled Frej, les vergers de figuier en monoculture représentent 72% des exploitations et il est associé à d’autres cultures dans 28 % des exploitations. La densité moyenne des plantations est de 290 arbres/ha avec une minimale de 152 arbres/ha (6 m*11 m) et une maximale de 625 arbres/ha (4 m*4 m). L’âge moyen des arbres est de 15 ans, on note la présence de figuiers très anciens qui ont plus de 50 ans et des vergers récemment plantés dans le cadre du Plan Maroc Vert.

Dans les sites de Zoumi et de Beni Ahmed, la culture de figuier est très ancienne et les arbres sont généralement âgés. L’âge moyen dans les exploitations enquêtées est de 37 ans avec des arbres qui dépassent les 80 ans et des arbres récemment plantés. Le renouvellement des vergers et l’importance donnée par les agriculteurs à cette culture a régressé durant ces dernières années, en faveur des cultures annuelles plus rentables. On trouve rarement des vergers entièrement réservés au figuier, les arbres sont plantés en association avec les autres arbres fruitiers (oliviers, prunier, vigne…) et les cultures annuelles.

Dans la commune rurale de Bouhouda, les figuiers se caractérisent par un vieillissement remarquable. En effet, 43 ans est l’âge moyen des plantations dont 60 % dépassent 40 ans. Cependant, les agriculteurs procèdent au rajeunissement des vergers à travers la réalisation de nouvelles plantations de figuiers. Généralement, Les figuiers sont plantés groupés en montagne avec des espacements allant de 1,5 m*2 m jusqu’à 2 m*5 m. Pour les collines et les plateaux, les arbres sont plantés en association avec l’olivier à des espacements non réguliers.

Profil variétal

Dans le site d’Ouled Frej, le profil variétal des exploitations enquêtées se compose principalement de trois variétés ‘Mtioui’ (68 %), ‘Kahouli’ (32 %) et ‘Hamouri’ variété bifère (moins de 1 %) (Tableau 2). Dans le site de Zoumi, 19 variétés de figuier ont été recensées, 10 bifères et 9 unifères. La variété ‘Homran’ est la plus abondante (20,2 %), suivie des variétés ‘El masfah’ ou ‘Koté Lazrak’ (19,0 %) et ‘Ghouddane’ (17,4 %). Dans le site de Beni Ahmed, 11 variétés de figuier ont été recensées, 8 bifères et 3 unifères ‘Lassoune’, ‘Laaouade’ et ‘Kouti’. Les quatre variétés dominantes, représentant sont ‘Messari’ (25 %), ‘Koté’ (18 %), ‘Ghouddane’ (16 %) et Fassi (15 %). Dans la commune de Bouhouda, le profil variétal se compose de 11 variétés dont 5 sont bifères: ‘Ariel’, ‘Lamtel’, ‘Sebti’, ‘Fassi’ et ‘Ghouddane l’hor’) et 6 unifères. La principale variété plantée est ‘Nabout’ (38 %), très appréciée pour son aptitude au séchage et sa qualité, suivie des variétés ‘Ariel’ (13 %), ‘Lamtel’ (11 %) et ‘Fassi’ (11 %).

Conduite technique du figuier dans les exploitations étudiées

Le bouturage est le mode de multiplication le plus utilisé dans les quatre sites, les agriculteurs plantent les boutures de 40 à 70 cm de longueur, dont 5 à 10 cm (2 à 3 bourgeons) constitue la partie aérienne, pendant la période allant de janvier jusqu’à fin mars.

Concernant le travail du sol, il est pratiqué en général à l’aide de l’araire traditionnel au profit des cultures intercalaires par tous les agriculteurs, et exceptionnellement dans les vergers de figuier en monoculture à Ouled Frej. Cependant, il n’est pas pratiqué dans les terrains accidentés à Beni Ahmed et à Bouhouda. La période du travail du sol varie selon les agriculteurs, octobre-novembre pour les céréales (orge, blé…) et cultures fourragères, décembre pour les légumineuses (lentilles, petits pois, pois chiche…), et mars-avril pour les vergers ensemencés par le cannabis à Beni Ahmed et Zoumi. La lutte contre les mauvaises herbes se fait manuellement en utilisant la sape

L’irrigation du figuier en monoculture n’est pratiquée que dans la zone d’Ouled frej à partir des puits ou des seguias de l’office ou même par pompage direct à partir de l’oued pour les vergers qui se trouvent à proximité. La quasi-totalité de l’irrigation se fait en gravitaire, seulement 6 % adoptent le système goutte-à-goutte.

En ce qui concerne la fertilisation du figuier, elle est pratiquée par la majorité des agriculteurs d’Ouled frej sous les deux formes, manuelle (94%) et fertigation (6%). Certains agriculteurs apportent des engrais foliaires pour corriger des carences et du fumier en octobre. Pour Zoumi, Beni Ahmed et Bouhouda, les agriculteurs ne pratiquent pas de fertilisation pour le figuier, les engrais ne sont apportés que pour les cultures intercalaires.

L’état phytosanitaire du figuier dans le site d’Ouled frej montre trois problèmes principaux: les acariens tétranyques qui s’attaquent aux feuilles et aux fruits, la cochenille, surtout Ceroplastes rusci, qui cause des dégâts remarquables sur les rameaux et affaiblit l’arbre et la mouche de figuier qui attaque les fruits. Les moyens de lutte utilisés sont à base de pesticides. Dans les zones de Zoumi et de Bouhouda, les figuiers sont sujets à des attaques par des cochenilles, durant le mois d’août, sur les feuilles, l’écorce et les fruits par une sécrétion cireuse de couleur blanc-rosée. Aucun traitement phytosanitaire n’est utilisé contre ce parasite qui affaiblit l’arbre et diminue la qualité des fruits. Dans toutes les régions, on remarque la présence des mousses et des lichens sur les rameaux et l’écorce des arbres, seuls les agriculteurs d’Ouled frej les traitent en utilisant la chaux comme moyen de lutte.

La taille d’entretien est pratiquée par la quasi-totalité des agriculteurs enquêtés, durant la période décembre-janvier.

L’opération de caprification, opération nécessaire pour la quasi-totalité des variétés, s’étend de mi-mai à mi-juin à Ouled Frej, et du début juin au début juillet dans les autres sites. Les agriculteurs suspendent dans chaque arbre de figuier 2 à 6 chapelets de 2 à 6 caprifigues (à Bouhouda les agriculteurs utilisent 2 à 15 chapelets portant 2 caprifigues) enfilées sur un brin de palmier nain ou une ficelle plastique ou dans un seau, la quantité moyenne des caprifiuges utilisées est de 4 kg/arbre. Cette opération est répétée 2 à 3 fois espacées d’une semaine entre deux caprifications successives. La quantité moyenne des caprifigues utilisée est de 1,5 kg/arbre à Zoumi, 0,35 kg/arbre à Beni Ahmed et à Bouhouda.

Le profil variétal des caprifiguiers se compose de ‘Bousbiba’ (92% ) dans le site d’Ouled frej, ‘Baida’ (60%) et ‘Zarka’ (40%) dans le site de Zoumi, ‘Lahlou’(74%) et ‘L’mar’ (26%) à Beni Ahmed, ‘El miri’ (39%), ‘Mart Sbih’ (26%), ‘Hmimar’ (22%) et ‘Hlib’ (13%) à Bouhouda.

Le rapport nombre de caprifiguiers/ nombre de figuiers est de 2,6% à Zoumi, 2,3% à Beni Ahmed, 1% à Ouled Frej et 0,85% à Bouhouda. La période de maturité des caprifigues s’étend de mi-mai au début juillet. En cas d’insuffisance des caprifigues produites localement, les agriculteurs procèdent à l’achat des caprifigues pour assurer la réussite de la pollinisation des figues d’automne. Le prix moyen d’achat au kg est de 32 dh à Ouled frej, 10 dh à Zoumi, 17 dh à Beni Ahmed et 37 dh à Bouhouda. L’approvisionnement en figues se fait à partir des marchés locaux de chaque région.

Production des figuiers et qualité des fruits dans les exploitations étudiées

Le calendrier de récolte des figues dans les sites concernés montre deux périodes distinctes, la première s’étale du 20 mai à fin juin pour les figues-fleurs, et la seconde du 10 juillet à fin août pour les figues d’automne. Les premières récoltes précoces concernent la variété Mtioui dans le site d’Ouled Frej, à partir du 20 mai, suivie dix jours après par les récoltes des autres variétés dans les différents sites, sauf pour la variété Ghouddane, relativement tardive, dont les récoltes ne commencent que vers le 10 juin dans les sites de plantation, soit vingt jours après les variétés les plus précoces comme Mtioui. Les récoltes des figues d’automne, montrent une certaine précocité des variétés bifères, notamment les variétés Mtioui à Ouled Frej et Hajjar à Zoumi, Messari et Fassi à Beni Ahmed. Par contre, pour les variétés tardives dont les récoltes s’étalent jusqu’à mi-septembre on trouve Lassoune à Beni Ahmed et Nabout à Bouhouda. Le décalage entre les productions des figues fleurs et celles des figues d’automne est de l’ordre de trois à six semaines, respectivement dans le site d’Ouled Frej et les autres sites.

Concernant les niveaux de production, ils sont cités à titre indicatif pour distinguer les variétés sachant cependant que plusieurs facteurs interfèrent, en particulier l’âge, la densité et le mode de conduite des plantations.

Les productions les plus élevées des figues d’été (≥ 40 kg/arbre) ont été enregistrées pour les variétés Hommran et Khadri Lakhal (site de Zoumi), Assal, Lamdar Labied et Messari (Site de Beni Ahmed), et lamtel (Site de Bouhouda). Les productions les plus élevées des figues d’automne (≥ 40 kg/arbre) ont été enregistrées pour les variétés Hamouri, Kahouli, et Mtioui (Site d’Ouled Frej), Ghouddane et El masfah/Koté (Site de Zoumi), Messari et Lassoune (Site de Beni Ahmed), et Harcha (Site de Bouhouda).

Certaines variétés se distinguent par leurs faibles niveaux de production comme la variété Ounq Lhmam (Site de Zoumi) qui a totalisé 25 kg/arbre soit 10 et 15 kg/arbre respectivement pour les figues d’été et celles d’automne; la variété Hamri rkiwake (Site de Beni Ahmed) ayant totalisé 18 kg/arbre soit 5 et 13 kg/arbre respectivement pour les figues d’été et celles d’automne. Pour les variétés unifères, la variété Gwizi (Site de Zoumi) a enregistré la faible production avec 12 kg/arbre.

Le poids moyen des figues d’été des 28 variétés est de 68,8 g/fruit avec un écart type de 19,5 g. Les variétés Lamdar Lak’hal (119,7 g), Lamtal (100,68 g) et Lamdar labyed (98,6 g) ont enregistré les poids les plus élevés alors que les variétés Hamri (43,8 g) et Hamri Rkiwake (35,7 g) comme son nom l’indique localement, ont enregistré les poids les plus faibles.

Le poids moyen des figues d’automne des 43 variétés est de 45,1 g avec un écart type de 16,3 g, les variétés Mtioui (99,6 g), Lamdar Lak’hal (79,2 g) et Layssone (77,4 g) se distinguent par un poids élevé des fruits tandis que les variétés Noukal (28,2 g) et Harcha (17,8 g) ont enregistré une production des fruits de petite taille (Figure 4).

Le taux de sucres moyen des figues fleurs des 28 variétés est de 17,0 °Brix avec un écart type de 1,99 °Brix. Les figues fleurs les plus sucrées sont celles des variétés Messari (20,2 °Brix), Ounq Hmam (20,1 °Brix), Fassi (19,7 °Brix) de Bouhouda, les moins sucrées correspondent aux variétés Hamouri (14,5 °Brix), Mtioui (13,7 °Brix) et Ghouddane (12,6 °Brix) d’Ouled frej (Figure 5).

Pour les figues d’automne, le taux de sucres moyen des 43 variétés est de 20,3 °Brix avec un écart type de 2,32 °Brix. Les fruits les plus sucrés correspondent aux variétés Harcha à Bouhouda (25,7 °Brix) et Harache à Beni Ahmed (24,9 °Brix). Les moins sucrés correspondent à Noukal (16,17 °Brix) et Mtioui (15,94 °Brix).

Les autres mesures se rapportant aux fruits (diamètre et longueur du fruit), et aux feuilles (surface foliaire, longueur de la nervure principale, et longueur du pétiole) ne sont pas rapportées mais elles ont été prises en considération lors de l’analyse descriptive.

En se basant sur les résultats d’enquêtes réalisées auprès des agriculteurs des quatre sites de production, nous avons identifié selon la destination du produit, une gamme de variétés potentielles que l’on peut recommander pour les programmes futurs de développement du figuier (Tableau 3).

Tableau 3: Variétés recommandées selon les objectifs des projets de figuiers

Figues fleurs Figues d’automne

Produit frais Produit frais Produit sec

Groupe 1 Messari1 , Fassi2 , Ghouddane

Groupe 2 Ghani

Lamdar

Lassoune

Hamri

Aouad

Masfah3 Nabout

Koté

1Synonymes: Homran/ Lamtel/Mtioui, 2Synonyme: Khadri Lak’hal

3Synonyme: Koté Lazrak

Classification ascendante hiérarchique (CHA)

Cette classification a permis de classer regrouper les variétés en 3 groupes (classes) distincts (Figure 6 et Tableau 5):

• Le premier groupe (d=18152,5) regroupe toutes les variétés bifères (28 variétés).

• Le deuxième groupe (d=19484,5) regroupe 4 variétés unifères caractérisées par des valeurs élevées concernant les paramètres des feuilles. Elle contient les variétés: Koté Lazrak, Smantina, Khoubzi et Nokal.

• Le troisième groupe (d=19484,8) regroupe 11 variétés unifères, caractérisée par une surface foliaire, une longueur de la nervure principale de la feuille et une longueur du pétiole plus importantes que le deuxième groupe.

A des niveaux de similarité (Coefficient de corrélation de Pearson) plus élevée et en intégrant les paramètres qualitatifs surtout la couleur de l’épiderme, on peut tirer les résultats suivants:

• Des rapprochements sont enregistrés entre les trois cultivars suivants: Lassoune, Aouad et 7’O Rkod, cependant selon les déclarations des agriculteurs, ces variétés sont différentes en terme de période de récolte (Lassoune est plus tardive que les autres), et de qualité du produit (Lassoune est plus appréciée qu’Aouad pour le marché frais et le séchage).

• On note des rapprochements entre Nabout (Bouhouda) et Har (Zoumi).

• Il y a des rapprochements entre Koté (Beni Ahmed), Koté Hamdi (Zoumi) et Harcha (Bouhouda), Koté Hamdi est originaire de la zone de Beni Ahmed comme son nom l’indique donc Koté et Koté Hamdi représentent la même variété.

• Il existe des ressemblances entre Khoubzi (Bouhouda) et Koté Lazrak (Zoumi), entre Hamri et Hamri Rkiwake de Beni Ahmed, pour ces deux dernières le calibre et le °Brix sont les seules différences remarquables.

• Il y’a de fortes similarités entre Assal (Beni Ahmed) et Massaour (Zoumi), d’après nos observations et des discussions avec quelques agriculteurs, il est fort probable qu’elles représentent la même variété.

• Des rapprochements sont enregistrés entre Khadri lak’hal (Zoumi), Fassi (Bouhouda), Fassi (Beni Ahmed). D’ailleurs, quelques agriculteurs confirment que ces trois désignations représentent le même cultivar.

• Il y a une dissimilarité entre Fassi/Kahli (Zoumi) d’une part et Fassi (Bouhouda) et Fassi (Beni Ahmed) d’autre part en plus des différences en termes des caractéristiques qualitatives (couleur d’épiderme, ostiole…). Donc, l’hypothèse d’une homonymie entre Fassi (Zoumi) et Fassi (Beni Ahmed et Bouhouda) pourrait être proposée.

• Même-si le dendrogramme n’a pas montré des rapprochements entre Lamdar (Beni Ahmed), Lamdar Labyed (Zoumi) et Sebti (Bouhouda), on peut suggérer, selon nos observations, qu’il s’agirait de la même variété, donc ce sont des synonymes. Ceci s’applique pour les variétés suivantes:

- Lamtel (Bouhouda), Messari (Beni Ahmed), Homran

(Zoumi) et Mtioui (Ouled frej);

- Ghouddane, Ghouddane Hor et Kahouli;

- Ariel (Bouhouda) et Lamdar lak’hal (Zoumi);

- Khadri ou Horiche (Zoumi) et Harache (Beni Ahmed).

Analyse en Composantes Principales (ACP)

Cette analyse a été effectuée sur la base de l’ensemble des paramètres pomologiques quantitatifs de la première et la deuxième récolte des figues (figues fleurs et figues d’automne) et les paramètres quantitatifs des feuilles.

Les valeurs propres obtenues par l’ACP indiquent que les deux premières composantes expliquent 63,0 % de la variabilité totale, la première composante F1 explique 40,1 % et la deuxième composante F2 explique 22,9 % (Tableau 6).

Tableau 6: Valeurs propres et variabilité des composantes

F1 F2 F3 F4

Valeur propre 4,4 2,5 2,0 0,9

Variabilité (%) 40,1 22,9 18,5 8,2

% Cumulé 40,1 63,0 81,4 89,7

Les variables poids, diamètre, longueur, et °Brix du fruit d’été, longueur du fruit d’automne et surface foliaire sont corrélées positivement à la composante F1 (Tableau 7). La deuxième composante F2 est corrélée positivement au poids et diamètre du fruit d’automne, et la longueur du pétiole tandis qu’elle est corrélée négativement au °Brix du fruit d’été.

La composante F1 a distingué les variétés Mtioui, Hamouri, Lamdar lak’hal, Ghouddane, Lamdar labyad et Ghouddane 3 (Beni Ahmed), qui sont des variétés bifères, ayant un poids, un diamètre, une longueur et un °Brix des figues fleurs plus élevés, par rapport aux variétés unifères Gwizi, Koté Hamdi, Lhar, Banquetta, Koté, Harcha, Ghouddane(Bouhouda) et Nabout.

La composante F2 a permis la distinction des variétés Mtioui, 7’o Rkod, Koté Lazrak, Layssone, Khoubzi, Smantina, Laaouade et Noukal, qui sont caractérisées par un poids et un diamètre du fruit d’automne et une longueur du pétiole de la feuille plus élevés que les variétés Khadri ou Horiche et Harache.

Tableau 7: Corrélations entre les variables et les facteurs

F1 F2

Poids du fruit d’été 0,895 -0,360

Diamètre du fruit d’été 0,901 -0,411

Longueur du fruit d’été 0,897 -0,393

°Brix du fruit d’été 0,820 -0,514

Poids du fruit d’automne 0,435 0,652

Diamètre du fruit d’automne 0,376 0,628

Longueur du fruit d’automne 0,562 0,453

°Brix du fruit d’automne -0,286 -0,351

Surface foliaire 0,537 0,385

Longueur de la nervure principale 0,411 0,450

Longueur du pétiole 0,368 0,547

CONCLUSION

Si les productions du figuier dans la région de Doukala (Ouled Frej) sont en train de prendre un esssort considérable en matière de développement et de valorisation, en revanche, l’état du figuier dans les pôles historiques de production (Chefchaouen, Ouezzane et Taounate), semblent virer vers un déclin de plus en plus alarmant dont les causes principales sont:

• Le vieillissement des plantations, notamment dans les régions de Chefchaouen et d’Ouezzane où le figuier a été délaissé au profit de la culture du cannabis considérée comme activité vivrière prioritaire depuis une quarantaine d’années.

• Les périodes de sécheresse répétées à l’origine d’irrégularité de la production du figuier, une année sèche peut avoir des répercussions sur deux années successives de production. Le faible développement de la pousse d’une année aride a pour conséquence une faible production de la figue d’automne et un manque considérable de la fleur mâle pour l’année suivante même en conditions climatiques favorables.

• Une absence d’infrastructures de valorisation du produit figue et d’un marché structuré, mis à part quelques initiatives engagées dans la région de Bouhouda (Taounate) en faveur de la valorisation de la figue séchée Nabout et l’unité de valorisation d’Ouled Frej. Les projets actuels du développement de figuier dans les régions de Chefchaouen et d’Ouezzane procurent beaucoup d’espoirs pour les producteurs.

Le souci majeur du développement des plantations du figuier réside actuellement dans le choix des variétés adaptées aux objectifs de production et de valorisation du produit dans son état frais ou sec.

Les variétés du groupe 1, représentées par les bifères, dans l’ordre d’importance qualitative, Messari, Fassi et Ghouddane sont des figues très appréciées pour leurs calibres et leurs qualités gustatives et très demandées sur le marché. Les variétés de ce groupe ont l’avantage d’assurer une productivité de la figue fleur et de la figue d’automne, destinée aussi au séchage.

Le groupe 2 regroupe les figues fleurs, les figues d’automne et les figues d’automne séchées. Pour les figues fleurs, deux variétés Ghani et Lamdar de haute valeur commerciale, calibre important et qualité gustative sans équivalent ont de bonnes aptitudes à la conservation et au transport. L’inconvénient relatif à ces variétés, c’est qu’elles sont peu productives pour la figue d’automne. D’ailleurs, dans la région d’Ouezzane, on évite la caprification afin de mieux favoriser la figue fleur de l’an prochain.

Pour les figues d’automne destinées au marché frais, on trouve Lassoune, Hamri, Aouad et Masfah, ayant des fruits de très bonne qualité. La variété Lassoune présente une maturation relativement plus tardive dans la saison.

Pour les figues d’automne séchées, les variétés Nabout et Koté, se classent en premier, leurs productions sont très demandées sur le marché et les prix sont très encourageants.

Enfin, il importe de préciser que la variété Ghouddane mérite d’être considérée avec beaucoup d’intérêt dans tous les types des projets. Elle a une très bonne réputation pour ses qualités de figues fraîches ou sèches. De plus, c’est une variété bifère qui n’a pas besoin d’être caprifiée, elle permet d’assurer, de ce fait, une production importante et assez régulière d’une année à l’autre.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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