Influence de quelques paramètres intrinsèques liés à l’animal sur la fréquence des mammites subcliniques des vaches laitières

Auteurs-es

  • Mohamed Walid HAMLAOUI Institut des sciences vétérinaires, Université de Constantine 1, Algérie
  • Fatima Zohra KAYOUECHE Institut des sciences vétérinaires, Université de Constantine 1, Algérie
  • Abdelmalek BENMAKHLOUF Institut des sciences vétérinaires, Université de Constantine 1, Algérie
  • Abderrahmane BADACHE Institut des sciences vétérinaires, Université de Constantine 1, Algérie
  • Lamine HAOUAR Vétérinaire Praticien, Hamma Bouziane, Constantine, Algérie

Résumé

L’objectif de cette étude consiste à déterminer les facteurs de risque des mammites subcliniques ainsi que l’effet de la race, du numéro et du stade de lactation des vaches sur leur fréquence dans les élevages de bovins laitiers de la région de Constantine. L’étude a concerné 20 petits et moyens troupeaux de bovins laitiers de la région de Constantine à l’Est algérien. Une enquête a été réalisée pour la collecte des données concernant le nombre de vaches, les races exploitées et le type d’élevage. Le California Mastitis Test (CMT) a été réalisé pour la détection des mammites subcliniques. Les résultats de l’enquête montrent que la Prim’Holstein est la race la plus exploitée par les producteurs laitiers. Le nombre de vaches laitières exploitées varie de 3 à 80 vaches. Le logement des animaux est constitué d’un sol bétonné dans 95% des exploitations. Les résultats du CMT montrent que la race la plus affectée par les mammites subcliniques est la Montbéliarde, ainsi, la fréquence des mammites est plus élevée au 1er tiers et au dernier tiers de lactation, cependant, la fréquence des mammites a été peu modifiée par le numéro de lactation des vaches.

Mots clés : bovins laitiers, mammites subcliniques, enquête, CMT, Constantine

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INTRODUCTION 

Les mammites sont la pathologie dominante des élevages laitiers loin devant les troubles de reproduction et les affections podales Angoujard (2015). La mammite est une des maladies les plus coûteuses pour l’industrie laitière dans les pays industrialisés Simon (2011). Les infections intra-mammaires (IIM) peuvent être ou non associées à des signes cliniques, on distingue alors les mammites cliniques des mammites subcliniques. Les mammites subcliniques sont souvent détectées à l’aide de mesures du comptage des cellules somatiques (CCS). La culture bactériologique du lait est cependant requise afin d’identifier le pathogène en cause Simon (2011). Une prévention des mammites peut être envisagée dans la mesure où les facteurs de risque de ces affections sont identifiés Bareille et al., (2003).

Ainsi, dans cette étude nous avons essayé de déterminer les facteurs de risque des mammites subcliniques dans les élevages laitiers de Constantine. Aussi, à l’aide du CMT, nous avons essayé de déterminer l’effet de la race, du numéro et du stade de lactation des vaches sur la fréquence des mammites subcliniques

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Description des exploitations et des animaux

L’étude s’est déroulée de mars à septembre 2016 sur un échantillon de 20 élevages de vaches laitières. Ces élevages sont répartis sur sept communes de la région de Constantine à l’Est algérien (Constantine, Ain Abid, El Khroub, Béni Hamidène, Hamma Bouziane, Didouche Mourad et Ibn Ziad). Ces élevages totalisent 417 vaches présentes dont 275 vaches en lactation. Les races exploitées sont différentes, il y a principalement des races importées (Prim’ Holstein et Montbéliarde), des races locales et des vaches issues de croisement entre races importée et locale. Le choix des exploitations s’est fait au hasard (Tableau 1).

La taille des troupeaux est variable, elle varie de 3 à 80 vaches laitières. L’élevage est surtout de type semi-intensif et la stabulation est entravée dans la majorité des élevages.

Description du logement des animaux

Le sol est bétonné dans la majorité des exploitations (95%). La litière est constituée de paille dans 80% des élevages. Seulement 7 élevages présentent un bon drainage avec un sol totalement sec. Le raclage de l’aire de stabulation se fait deux fois par jour dans la plupart des élevages (65%) (Tableau 2).

Déroulement de la traite

Chaque élevage à bénéficier d’au moins deux visites, dont une visite de traite. Durant l’assistance à la traite, ils ont été notés, la conduite de traite (lavage et essuyage des trayons, élimination et inspection des premiers jets, nombre de lavettes par vache), la préparation des trayeurs avant la traite (lavage des mains, tenue spéciale, port de gants), ainsi que le comportement des éleveurs face aux vaches à mammites.

La traite est biquotidienne dans 19 élevages sur 20. Cette traite est mécanique dans 70% des exploitations. La majorité des machines à traire des élevages visités sont récemment mises en service et date de moins de 3 ans.

California Mastitis Test (CMT)

Le test du CMT pour la détection des mammites subcliniques a été réalisé. Au total 100 vaches en lactation appartenant à 20 élevages ont été testées. Le choix des vaches a été réalisé aléatoirement. Le nettoyage des trayons et l’élimination des premiers jets ont été réalisés avant le recueil du lait de chaque quartier dans la coupelle correspondante. Après élimination du lait excédentaire, une quantité équivalente de réactif (soit environ 2 ml) a été ajoutée.

L’interprétation du résultat a été réalisée immédiatement après agitation du plateau de façon circulaire et horizontale pendant quelques secondes.

La réaction a été considérée positive lorsqu’il y a formation d’un gel plus ou moins visqueux et où le score du CMT varie avec l’importance du gel formé.

Analyse statistique

Le test d’indépendance du khi-deux pour l’étude de la liaison entre deux variables qualitatives a été réalisé pour chacune des variables: la race, le numéro et le stade de lactation des vaches. L’analyse statistique a été réalisée avec le logiciel SPSS version 24.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Conduite de la traite

Préparation de la mamelle et nettoyage des trayons

Élimination et examen des premiers jets

Malgré l’importance de cette étape dans la détection des mammites, l’élimination des premiers jets n’est réalisée que par 40% des éleveurs seulement, cette élimination se fait souvent sans utilisation du bol à fond noir, elle se fait directement sur le sol sous la vache. Nos résultats sont meilleurs que ceux rapportés dans une autre étude en Algérie, où ils ont constaté que l’élimination des premiers jets dans les élevages étudiés n’est pas systématique Bouaziz (2005). Et aussi en Tunisie, seulement 04 éleveurs sur 21 réalisent l’élimination des premiers jets (soit 19%) Mtaallah et al., (2002).

En effet, l’observation des premiers jets présente plusieurs avantages, elle permet d’évaluer la qualité du lait (s’il contient des caillots ou du sang), et elle constitue la meilleure façon pour bien stimuler la vache avant la traite Levesque (2003a). Elle reste la méthode de référence pour la détection des mammites cliniques Le Guenic (2011). Selon Noireterre (2006), la qualité de détection des mammites conditionne la rapidité de mise en œuvre du traitement et donc de son efficacité. En outre, l’élimination des premiers jets permet d’éliminer les germes contenus dans le trayon ce qui diminue la charge microbienne du lait Noireterre (2006).

Nettoyage des trayons

Le nettoyage des trayons avant la traite a été réalisé avec de l’eau seulement parfois cette eau était additionnée d’eau de javel. L’eau utilisée pour le nettoyage des trayons était surtout l’eau des puits (40%) et l’eau des robinets (30%) qui était de bonne qualité macroscopique. La fréquence du changement de l’eau a été différente entre les élevages. Pour la majorité des éleveurs (60%) l’eau de nettoyage a été changée entre 3 à 4 vaches. Dans 25% des élevages, les trayons de toutes les vaches traites ont été nettoyés avec la même eau. Dans le reste des exploitations (15%), aucun nettoyage des trayons n’a été réalisé.

Le nettoyage des trayons a été effectué avec une lavette collective dans la majorité des élevages (60%), seulement 5% des éleveurs utilisaient des lavettes individuelles. En effet l’utilisation de la même serviette pour plus d’une vache augmente la transmission de bactéries Levesque (2003b). Nos résultats sont différents de ceux rapportés dans une étude réalisée en Tunisie où ils ont trouvé que 38% des éleveurs utilisent une lavette collective contre 14% qui utilisent une lavette individuelle Mtaallah et al., (2002), et selon une autre enquête, la majorité des éleveurs utilisent une lavette collective pour le nettoyage des trayons M’sadak et Mighri (2015).

Essuyage des trayons

Malgré l’importance de cette étape pour assurer une bonne qualité de lait, l’essuyage des trayons après nettoyage n’a été réalisé que par 50% des éleveurs seulement. L’essuyage minutieux des trayons élimine l’eau contaminée par les bactéries en plus d’empêcher que cette eau contaminée se retrouve dans le lait Levesque (2003b). En Tunisie, 67% des éleveurs pratiquent l’essuyage des trayons M’sadak et Mighri (2015), alors qu’en Algérie, selon une étude réalisée au nord du pays, l’essuyage des trayons et l’élimination des premiers jets étaient très rarement pratiqués Boufaida et al., (2012).

Préparation des trayeurs avant la traite

Lavage des mains

Le lavage des mains avant la traite a été réalisé par la totalité des trayeurs. Ce lavage a été réalisé avec de l’eau seule sans aucune désinfection. Cette eau a été additionnée parfois d’eau de javel. Le lavage des mains a été réalisé une seule fois avant le début de la traite. Aucun lavage n’a été réalisé entre les vaches.

Port de gants et de tenue spéciale pour la traite

Aucun trayeur de l’échantillon étudié ne portait de gants ou de tenue spéciale pour la traite. Pour la totalité des éleveurs, la traite a été réalisée avec la même tenue utilisée pour travailler dans la ferme (raclage, élimination du fumier…) et avec les mains nues.

Fréquence des mammites en fonction des différents paramètres étudiés

Fréquence des mammites subcliniques en fonction de la race

La race la plus touchée par les mammites subcliniques a été la Montbéliarde avec une fréquence d’atteinte de 50%. La race la plus résistante aux mammites est la race locale avec 39% d’atteinte (Tableau 3).

Cela peut être expliqué par le fait que la race locale est plus rustique et mieux adaptée aux conditions d’élevage algériennes que les autres races et elle est moins productrice.

Nos résultats concordent avec ceux trouvés dans une autre région de l’Algérie, où ils ont constaté que la race locale est la plus résistante aux mammites subcliniques (8,33%), par rapport aux races importée et améliorée (avec 34,28% et 34,48% respectivement) Saidi et al., (2010).

Fréquence des mammites en fonction du numéro de lactation des vaches

La fréquence des infections augmente avec le numéro de lactation des animaux, cette observation est imputable aux modifications morphologiques de la glande mammaire avec l’âge Hanzen (2015). Aussi, selon d’autres auteurs, il y a surtout une augmentation jusqu’à la 5ème lactation (augmentation de la production laitière et du diamètre du canal du trayon) Baillet (2009). Cependant nos résultats montrent que la fréquence des mammites a été peu modifiée par le numéro de lactation des vaches. Cette fréquence a été de 33% pour les vaches de 1ère lactation et elle est de 50% pour les vaches en 6ème lactation (Tableau 4).

Nos résultats sont similaires à ceux trouvés par Rakotozandrindrainy et al., (2007) à Madagascar où ils trouvent que le taux de positivité du CMT ne varie pas selon le rang de lactation des vaches. Cependant, en Algérie Bouaziz (2005) constate que l’incidence des mammites augmente avec le rang de lactation des animaux et qu’il existe une différence significative entre le rang 1 et le rang ≥5.

Fréquence des mammites en fonction du stade de lactation

Les mammites cliniques interviennent de manière plus ou moins importante selon le stade de la lactation. Elles sont plus fréquentes en péri-partum et lors du tarissement Baillet (2009). Ainsi, la fréquence des mammites a été plus élevée au 1er tiers et au 3ème tiers de lactation, avec 39% et 49% respectivement, par rapport au 2ème tiers de lactation (32%) (Tableau 5).

Nos résultats sont similaires à ceux trouvés dans une autre étude en Algérie, où ils ont constaté une fréquence élevée de mammites en début et en fin de lactation (47% et 88% respectivement) Bouchoucha (2007).

CONCLUSION 

Cette étude réalisée sur de petits et moyens troupeaux de bovins laitiers de la région de Constantine à l’Est algérien, a permis de constater que, la quasi-totalité des éleveurs ne respectent pas l’hygiène de traite (entre autres, élimination des premiers jets, nettoyage et essuyage des trayons).

Ainsi, la détection des mammites subcliniques, réalisée avec le California Mastitis Test (CMT), a permis de constater une différence d’atteinte entre les races, qui peut être reliée au niveau de production différent. Aussi, l’incidence des mammites est différente en fonction du stade de lactation des vaches.

RÉFÉRENCES

Baillet M. (2009). Les principales urgences médicales chez les bovins. Thèse pour le Doctorat Vétérinaire. ENV D’Alfort. 222 p.

Bareille N., Djabri B., Beaudeau F., Seegers H. (2003). Facteurs de risque de mammite clinique et de nouvelle infection des vaches laitières primipares autour du vêlage. Renc. Rech. Ruminants, 10: 285-288.

Bouaziz O. (2005). Contribution à l’étude des infections intramammaires de la vache laitière dans l’Est Algérien. Thèse de doctorat d’état. Université Mentouri de Constantine, 235 p.

Bouchoucha B. (2007). Les mammites subcliniques des vaches laitières dans les régions de Mila et Constantine. Thèse de Magister. Centre universitaire d’El-Tarf, Algérie. 113 p.

Boufaida A. Z., Butelm J., Ouzrout R. (2012). Prévalence des principales bactéries responsables de mammites subcliniques des vaches laitières au nord-est de l’Algérie. Revue d’élevage et de médecine vétérinaire des pays tropicaux, 65: 5-9.

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Le Guenic M. (2011). Optimiser le traitement des mammites. Herbivores, TERRA / 23-30 décembre. 3-6.

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Publié-e

15-09-2019

Numéro

Rubrique

Production et Santé Animales