Espaces verts dans une nouvelle extension urbaine: Cas de Hay Mohammadi à Agadir
Résumé
Les espaces verts sont essentiels pour atténuer plusieurs contraintes liées au contexte urbain des villes d’aujourd’hui, qu’elles soient d’ordre environnemental, social ou économique et cela grâce à l’ensemble des services écosystémiques et du sentiment de bien-être qu’ils sont capables de procurer. L’étude de la situation des espaces verts dans le quartier Mohammadi, à Agadir, a pour but d’évaluer la quantité et la qualité des espaces verts disponibles mais aussi le degré de satisfaction des besoins et des aspirations des habitants et de relever les principaux critères qui affectent leur appréciation. Plusieurs facteurs peuvent influencer la disponibilité et l’attractivité des espaces verts comme le type et la superficie, la fragmentation, l’accessibilité et la diversification des activités et des équipements dans ces espaces. Les résultats montrent que la quantité d’espaces verts actuellement réalisés ne procure que 5,5 m²/hab. et n’atteint donc pas le minimum recommandé (10 m²/hab.). La fragmentation élevée de certaines catégories d’espaces verts (espaces d’accompagnement) et la répartition inéquitable de ces espaces ainsi que le manque d’équipements affectent leur utilisation et leur capacité à fournir la plupart des services écosystémiques. La perception des espaces verts du quartier par les usagers appuie ces résultats. En effet, selon eux ces espaces ne sont pas en quantité suffisante et ne permettent pas de satisfaire leurs besoins et leurs aspirations en termes de qualité, de diversification et de disponibilité des équipements et des services. Ils considèrent aussi qu’ils ne sont pas disponibles à proximité de leurs lieux de résidence. Toutefois, l’étude du plan d’aménagement du quartier a permis de constater que les espaces verts projetés, une fois réalisés, permettront de doter la population d’un ratio de 12,4 m²/hab.
Mots clés: Espaces verts, Hay Mohammadi, Agadir, Services écosystémiques, qualité, ratio, appréciation par les habitants
Téléchargements
Introduction
L’urbanisation croissante, l’exode rural et les politiques qui en découlent: densification, programmes de logement social pour l’accès à la propriété, etc. font que de plus en plus de personnes vivent en ville et souvent dans des environnements résidentiels monofonctionnels, denses, sous-équipés et surtout dépourvus d’espaces verts (Groenewegen et al., 2006). En effet, le béton ravage les milieux naturels ainsi que les ceintures vertes aux alentours des villes. Les ceintures vertes qui pouvaient constituer un obstacle à l’insatiable expansion du bâti ne sont pas aménagées ou valorisées (Barbarino, 2005). Cette situation participe à la génération de quartiers dortoirs, fort artificialisés et denses. Le paysage urbain résultant est devenu de plus en plus fragmenté écologiquement (problème de connectivité) (M’Ikiugu et al., 2012), introverti et complexe. Par conséquent, la population citadine ne s’identifie plus à ce tissu urbain (absence de sentiment d’appartenance, de sociabilité et de convivialité) et les espèces végétales et animales n’y trouvent pas refuge (problème de migration et isolement, pollution lumineuse, pollution du sol et de l’air, îlots de chaleurs). L’insatisfaction des habitants se manifeste par des comportements insouciants et parfois destructeurs des équipements publics. En effet, la médiocrité du cadre de vie couplée aux conditions de vie difficiles donne naissance à un sentiment de frustration et de colère. Les personnes des couches les plus défavorisées sont les plus touchées (Groenewegen et al., 2006; Bakar et al., 2016).
Les espaces libres en général et les espaces verts en particulier sont essentiels dans la ville d’aujourd’hui pour atténuer plusieurs de ses fléaux comme la pollution et l’accroissement des températures (Makhelouf, 2009; Buyadi et al., 2013;Yang et al., 2017) et pour préserver la biodiversité (Prance et al., 2014; Robert et Yengué, 2017), promouvoir les interactions sociales (Rasidi et al., 2012) et améliorer la santé physique et morale et le bien-être des habitants (Tomao et al., 2016; McEachan et al., 2018; Seo et al., 2019). La quantité et la qualité des espaces verts dans la ville influencent largement le degré d’atténuation de ces effets négatifs et affectent la qualité de vie des habitants de façon directe ou indirecte. Les bienfaits des espaces verts et de la végétation sont d’ordre environnemental, social, psychologique et esthétique. Toutefois, le degré de leur influence sur l’environnement et les citadins est variable selon plusieurs critères comme le type, la taille, la forme, la répartition dans l’espace et l’abondance de la végétation (Gonzales et Magnaye, 2017; Vieira et al., 2018 ).
Espaces verts et qualité de vie des citadins
L’espace vert désigne généralement un lieu où la végétation occupe une partie ou toute l’étendue du terrain. Cependant, il n’existe pas de consensus sur la définition du terme «espace vert» et les types d’espaces qui appartiennent à cette catégorie. Ainsi deux principales visions ressortent: la première considère les espaces verts comme la «nature» et la deuxième considère les espaces verts comme une sous-catégorie de la nature, c’est la nature domestiquée et ordonnancée par l’homme en ville (Lotfi et al., 2017). La quantité et le type de végétation (naturelle ou plantée) ainsi que l’étendue et les fonctions de l’espace vert n’affectent pas sa désignation. Un espace de quelques mètres carrés et un autre d’une centaine d’hectares sont tous deux considérés comme espaces verts.
Les EV sont des lieux d’interaction avec la nature et entre les usagers. Ils sont les lieux de rencontre par excellence, permettant de stimuler les interactions sociales, les comportements pro-sociaux et la cohésion sociale (Roberts, 2017). Ils permettent d’engager le corps soit par la simple promenade, soit par le sport ou des activités de jardinage (Mytton et al., 2012). Ils contribuent à l’établissement d’un sens et d’une identité du lieu (Zhang et al., 2015) et de stimuler chez le citadins des sentiments d’appropriation (Roberts, 2017), de convivialité et de sécurité ( Maas et al., 2009; Hashim et al., 2016). Ces espaces sont aussi susceptibles de réduire les sentiments de stress (Thompson et al., 2014), de colère et de frustration, de diminuer les comportement agressifs et les taux de criminalité (Snelgrove et al., 2004) et d’accroître la satisfaction, l’attachement (Zhang et al., 2015) et le sens de responsabilité des citadins (Khotdee et al., 2012).
Plusieurs des bienfaits que procurent les EV à l’homme et son environnement sont liés essentiellement à leur composante végétale (Brunet, 2016). En effet, le couvert végétal en ville permet de créer un environnement urbain sain, confortable et productif grâce à sa capacité de filtrer l’air, d’éliminer la pollution, d’atténuer le bruit, de diminuer les températures, d’infiltrer les eaux pluviales, de reconstituer les eaux souterraines et de fournir de la nourriture ( Prance et al., 2014; Wolch et al., 2014). L’ensemble des bienfaits des EV et du couvert végétal en général sont appelés «services écosystémiques». Certains de ces services ont été largement étudiés, notamment l’impact du végétal sur le microclimat urbain (régulation thermique)(Zhang et al., 2017) et sur la pollution atmosphérique alors que d’autres n’ont pas suffisamment été mis en évidence par des études tels que les rôles économique, socioculturel, urbanistique, paysager et de loisirs ainsi que les fonctions religieuses et spirituelles, de valorisation de l’image de la ville et de préservation de l’intimité des citadins (Lotfi et al., 2017). En effet, une étude réalisée par Lotfi et al. (2017), analysant 170 articles parus en 10 ans, avant 2011, traitant des EV ou du couvert végétal en milieu urbain, a permis d’identifier 56 services écosystémiques urbains qui peuvent être classés en 7 catégories principales: qualité de l’air, qualité de l’eau et du sol, bien-être, services paysagers, services économiques, services de planification urbaine et préservation de l’équilibre écologique (Lotfi et al., 2017).
Quels que soient les services écosystémiques à offrir par un espace vert dans un projet de planification urbaine, leur effet et leur efficacité dépendent, de manière différentielle, de plusieurs critères propres à ces espaces et à leur insertion dans le tissu urbain. Il s’agit en particulier de la morphologie du tissu urbain, de la répartition dans la ville, de la dimension, de la forme et de la qualité du design, des espèces choisies, de leur densité, de leur taille et de leur distribution ainsi que des équipements et services. Par exemple l’intensité et la distance de l’îlot de fraîcheur d’un parc dépend de sa taille, de sa forme et de la masse végétale (Xiao et al., 2018; Aram et al., 2019). Ainsi, les grand parcs et les forêts urbaines ont la capacité de réduite la température du jour jusqu’à 0,94°C (Aram et al., 2019) et leurs aires d’influence surpassent leurs étendues; un parc de 500 mètres de diamètre est susceptible de diminuer la température sur un rayon de 500 mètres environ (Brunet, 2016). L’impact d’un grand parc arboré dépasse largement celui de plusieurs petits espaces verts totalisant la même surface (Brunet, 2016).
Ratio, fragmentation, accessibilité et perception des espaces verts
Ratio d’espaces verts par habitant
Le ratio d’espaces verts par habitant est considéré comme l’indicateur classique de la disponibilité des espaces verts en ville. Il est souvent utilisé comme seuil de comparaison entre les villes en termes de degré de disponibilité d’espaces végétalisés. Il permet de donner une idée globale sur la quantité d’espaces verts dans un quartier ou dans une ville (Texier et al., 2018). A l’échelle internationale, l’ONU-habitat recommande un minimum de 9 m² et préconise d’atteindre un seuil de 60 m² par habitant pour un objectif de développement durable (Prance et al., 2014). En France, le ratio de 10 m²/hab. est considéré comme le minimum recommandé pour les espaces verts urbains et de proximité, tandis qu’un objectif de 25 m²/hab. est préconisé pour les espaces verts destinés aux activités de fin de semaine comprenant les forêts urbaines, les espaces péri-urbains boisés et forestiers (MINEP, 1973). Au Maroc, une étude commanditée par le ministère de l’habitat et de l’urbanisme a été réalisée par un groupe d’Architectes urbanistes aboutissant à l’élaboration d’un «guide des plans verts». Cette étude décline ce ratio en trois variantes supposées être adaptées au contexte urbain marocain. Ces variantes prennent en compte plusieurs catégories d’espaces et des intervalles de densités de population (Benabdeljalil et Boujmal, 2008). Le guide propose 3 seuils: un seuil minimal de 10 m²/hab. pour un tissu urbain à forte densité, un seuil moyen de 15 m²/hab. pour un tissu urbain à densité moyenne et un optimum de 25 m² pour une faible densité (Benabdeljalil et Boujmal, 2008). Cependant, ce document reste non opposable aux tiers, ce qui laisse la place à plusieurs décalages entre les recommandations et la réalité des espaces verts dans les villes marocaines.
Fragmentation
Au-delà de l’étendue et de la qualité des espaces naturels, le problème d’isolement est devenu un vrai enjeu à la conservation de la biodiversité. Ce phénomène est le résultat principalement de la grande fragmentation et du manque de connectivité dus aux grandes distances entre ces espaces et à la présence de barrières infranchissables (autoroutes, équipements, bâtiments, etc.) constituant une grande contrainte aux déplacements et à la migration des espèces et de leurs constituants.
L’aménagement d’espaces verts et de parcs en ville est normalement une opportunité pour la préservation ou la création de la biodiversité et de continuités écologiques. Toutefois, les EV ne sont pas capables d’assurer ce rôle lorsque les superficies ne sont pas suffisamment grandes combinées à une fragmentation élevée et une mauvaise répartition. En outre, on peut dire que lorsque les EV sont très morcelés, ils ne permettent pas d’assurer certains des services écosystémiques de la même manière qu’un grand jardin ou un parc beaucoup moins fragmentés. Ainsi la fragmentation est un aspect négatif pour l’attractivité, l’usage et l’efficience écologique des espaces verts.
Accessibilité et proximité
L’accessibilité est la facilité d’un espace à être accédé par un utilisateur. Cette facilité est conditionnée par plusieurs critères d’ordre spatial, socio-économique, esthétique et même psychologique. La distribution, la densité et la quantité des espaces verts dans la ville sont les principales caractéristiques qui affectent leur accessibilité. Elle peut aussi être influencée par la morphologie du tissu urbain, la densité du bâti, les points d’accès, l’ouverture ou la fermeture de l’espace, sa lisibilité à partir des autres espaces, la présence d’obstacles …. La carence en espaces verts n’est pas ressentie de la même manière dans un quartier de villas que dans un tissu urbain dense (Legenne, 2009); dans un paysage fortement fermé qu’ouvert. L’accessibilité d’un espace vert peut aussi être est limitée par la congestion et la compétitivité.
La proximité est considérée comme l’un des plus importants éléments favorisant l’accès à un espace, souvent exprimée en termes de distance linéaire (distance de marche) ou de temps de desserte nécessaire. La plupart des mesures se basent sur la distance maximale entre l’espace vert et les usagers. Cela permet de définir les aires d’attraction théoriques des espaces verts dans une ville ou dans un quartier ou d’identifier les zones d’habitat (ou la population) qui y ont accès. Cependant, il n’y a pas de consensus entre les pays concernant les recommandations pour l’accessibilité (en termes de distance maximale) des espaces verts en fonction des types et des superficies (Tableau 1).
Aire de desserte ou rayon d’attraction: La délimitation des aires d’attraction permet de «localiser les zones de carence en espaces verts». Le rayon d’attraction théorique repose sur la distance maximale qu’une personne est disposée à parcourir à pied pour atteindre un espace de loisir. Il est fonction aussi de la superficie, du type d’espace vert et de son offre en équipements et en services. Ces derniers conditionnent les usages possibles, les catégories d’âges desservis ainsi que la fréquentation (Barbarino, 2005). Par exemple, la vocation récréative d’un jardin augmente largement sa fréquentation, surtout par les enfants et les adolescents. Une grande superficie et une ambiance naturelle procurant un dépaysement sont appréciées pour une fréquentation de fin de semaine même si le site est éloigné (Legenne, 2009).
Au Maroc, le document d’insertion des équipements différentie uniquement entre deux types d’espaces verts dont la création est fonction du seuil d’habitants atteint: un petit jardin (450 m² pour 1000 habitants) et un grand jardin (6 ha pour 20 000 habitants) (MUAT, 2005). Le guide du plan vert apporte plus de précisions en termes de superficie et d’accessibilité pour différentes catégories d’espaces verts comme un petit jardin public (450 m²), un jardin public (1 à 10 ha) et un parc public (>10 ha) (Benabdeljalil et Boujmal, 2008). Les recommandations d’autres pays apportent différents degrés de précision (Tableau 1). Vu que les normes marocaines d’accessibilité des espaces verts sont ambiguës et vagues, dans cette étude, les normes françaises seront utilisées comme base de comparaison vu qu’elles sont intermédiaires.
Perception des espaces verts
Le ratio d’espaces verts par habitant et leur accessibilité peuvent donner une idée générale sur leur disponibilité. Toutefois, ils ne donnent pas d’indications sur l’offre réelle en activités et en services et sur l’attractivité de ces EV tels qu’ils sont perçus par les usagers. Plusieurs autres facteurs physiques ou environnementaux, esthétiques, perceptuels et psychologiques peuvent entrer en jeu. Le type d’espace et les activités offertes, la connectivité, l’accessibilité piétonne, la sécurité perçue, la propreté, le calme et la présence d’éléments naturels comme les plans d’eau, sont autant de facteurs qui peuvent augmenter l’attractivité (Morar et al., 2014; Zhang et al., 2015).
L’approche qualitative peut être utilisée pour évaluer les fonctions des espaces verts ou le degré de satisfaction des besoins et des aspirations des habitants en termes de détente et de loisir en ville. Il s’agit alors de procéder par «immersion, observation ou enquête» (Barbarino, 2005) afin d’identifier la population bénéficiaire, son usage, son interaction avec l’espace ainsi que les activités pratiquées.
Espaces verts et services écosystémiques au Maroc
Au Maroc, comme dans d’autres pays en voie de développement, la catégorie d’EV est souvent jugée accessoire dans le cadre de vie. Le divertissement, la promenade, le jeu, le sport sont jugés accessoires car d’autres besoins vitaux sont plus urgents (accès au logement et au travail, déplacement, approvisionnement …). Les villes souffrent en général d’un grand déficit en espaces verts et quand ils existent, ils sont en deçà des besoins et des aspirations des habitants et leur qualité est souvent médiocre.
Plutôt que de planifier la ville avec des boisements et des parcs comme espaces structurant la ville, les EV sont souvent projetés dans des espaces interstitiels ou des zones inconstructibles et se limitent à des espaces d’accompagnements de bâtiments ou de voirie. Avec des surfaces souvent réduites et une couverture végétale pauvre (densité et diversité), ces espaces ne permettent pas d’offrir de services écosystémiques. Au Maroc, la végétation est encore considérée comme un simple décor à adjoindre au tissu urbain en dernier lieu omettant l’ensemble de ses services écosystémiques potentiels. Dans certains cas, les espaces verts se transforment en de «nouvelles catégories d’espaces collectifs» qu’on peut qualifier de «non-lieux» (Delbaere, 2010). Ils sont négligés et condamnés à devenir des terrains vagues voire même des lieux de dépôts de détritus et de gravats à cause de la banalité de leur aménagement, du manque d’entretien et de l’insuffisance de la composante végétale.
La prise en compte des services écosystémiques des espaces verts dans la planification urbaine est nécessaire. Cela permettra de profiter de leurs avantages, d’assurer le bien-être de la population, et de créer un environnement urbain sain et un paysage urbain attractif et identitaire. Pour le cas du Maroc, certains services écosystémiques urbains peuvent être considérés particulièrement importants vu les contextes climatique, urbain, économique et culturel du pays.
Atténuation des îlots de chaleur et création de refuges de biodiversité
La capacité des EV à générer des îlots de fraîcheur et à maintenir la biodiversité doit être prise en considération lors de la planification urbaine et lors du choix des espèces à planter (Lotfi et al., 2017). Le phénomène d’îlot de chaleur est particulièrement alarmant pour un pays comme le Maroc où les effets du réchauffement climatique peuvent l’exacerber. Ce phénomène peut être atténué par la création de parcs de superficies suffisamment grandes et bien distribués dans la ville, par la plantation de diverses catégories de végétaux, par la création de toitures vertes et par le choix de matériaux urbains avec un pouvoir réfléchissant élevé (Brunet, 2016). L’aménagement de zones boisées à l’intérieur ou à l’orée des villes peut contribuer à créer la biodiversité surtout si des couloirs sont maintenus entre la ville est son environnement naturel.
Services paysagers et économie
Contrairement à ce que l’on peut croire, les EV urbains peuvent être, de façon directe ou indirecte, économiquement rentables pour les villes. Ils contribuent à l’économie d’énergie, à l’amélioration de la qualité de l’air et du sol ainsi qu’à la génération de revenus par le tourisme (Prance et al., 2014). L’amélioration de l’image de la ville, l’esthétique, la préservation et la valorisation de l’identité paysagère des villes, la fonction de dépaysement et de rupture avec la ville (forêts urbaines, ceintures vertes, espaces naturels) sont parmi les services paysagers les moins pris en considération dans la planification urbaine au Maroc. Il suffit de déambuler dans une ville marocaine pour remarquer la myriade d’agressions du paysage urbain et la rareté d’occasions de dépaysement. Avec le développement du tourisme urbain, la reconnaissance paysagère de la ville est un enjeu d’intérêt public. Le Maroc doit tirer profit de ses atouts naturels et historiques tout en investissant dans la valorisation du patrimoine culturel et paysager en ville et dans la requalification du paysage urbain pour en augmenter l’attractivité et la compétitivité. La tendance des «villes vertes» ou «villes écologiques» a montré l’importance et l’intérêt porté à la composante végétale en milieu urbain, à l’engagement pour la protection de l’environnement et leur effet sur la valorisation de l’image et de l’identité des villes.
Préservation de l’intimité
Dans le contexte d’une densification du tissu urbain due à la prolifération des lotissements d’habitat économique, la préservation de l’intimité de l’habitat est devenue de plus en plus un souci pour l’habitant. Il n’est pas étonnant de voir les habitants s’emparer d’une partie du terrain mitoyen à leurs maisons pour les clôturer avec une haie ou pour créer un jardin anarchique. Dans les nouvelles agglomérations, il est important de respecter les hauteurs et les distances entre façades préconisées tout en adoptant un agencement qui assure la préservation de l’intimité par la création d’espaces verts structurants.
Loisirs et sport
Cette fonction des espaces verts est l’une des plus revendiquées par les habitants et celle qui fait défaut dans une grande partie des espaces verts. Ce besoin grandissant de divertissement et de sport est dû aux changements des habitudes des marocains, aux pressions et aux contraintes de la vie citadine (travail, bruit, stress, exigüité des logements) et à la prise de conscience de l’importance de l’activité physique. Il est important de créer des EV de proximité intégrant des espaces de sport et de loisirs desservant différentes catégories d’âge et répartis de manière équitable dans la ville.
Espaces verts dans un nouveau lotissement: étude de cas et méthodologie
Aire de l’étude
Hay Mohammadi est une des nouvelles extensions urbaines de la ville d’Agadir (Figure 1) qui s’étend sur une superficie de 465 ha qui va, à terme, abriter 100 000 habitants selon les premières projections.
Ce quartier profite de plusieurs atouts paysagers dont sa localisation, son altitude par rapport à la ville, la proximité des piémonts du Haut Atlas couverts d’arganiers (Figure 2). Le Maître d’Ouvrage de Hay Mohammadi (Groupe Al Omrane) a fait établir un plan d’aménagement par un groupe d’architectes. Ce plan qui a évolué avec le temps représente la voirie et ses connexions avec le reste de la ville, les zones des différents types d’habitats, les équipements publics et les EV projetés. Les travaux de construction ont été entamés en 2002 et les gens ont commencé à s’installer au quartier en 2007, douze ans après (2019), le quartier est toujours en construction.
Méthodologie
Afin de juger l’importance et l’attractivité des espaces verts à Hay Mohammadi, une approche quantitative et spatiale a été adoptée en premier lieu afin de déterminer la quantité d’espaces verts et leur organisation dans l’espace (ratio, fragmentation, accessibilité). Ensuite une enquête a été réalisée pour évaluer la disponibilité et l’attractivité des espaces verts et de loisirs du quartier tels que perçues par les usagers (approche qualitative).
Les surfaces des différentes catégories d’espaces sont basées sur le plan d’aménagement du Hay Mohammadi et rectifiées selon l’état actuel suite à des visites du terrain. La surface totale considérée est de 513 ha.
Statut foncier
Le statut de foncier est un aspect important à considérer dans l’évaluation des espaces verts disponibles pour les utilisateurs. On distingue entre les espaces verts publics et les jardins privés des maisons et des villas individuelles ainsi que les espaces verts à accès restrictif des immeubles et des résidences.
Dans cette étude, seuls les espaces verts privatifs d’immeubles et de résidences qui desservent un nombre important d’habitants (même si l’accès est limité aux résidents) sont comptabilisés avec les EV publics.
Ratio d’espaces verts par habitant
Le ratio est la mesure la plus utilisée pour évaluer la quantité disponible des espaces verts dans une agglomération. Pour calculer ce ratio dans le cas de Hay Mohammadi, le plan d’aménagement du lotissement a été soigneusement étudié en veillant à sa mise à jour grâce aux photos satellites (GIS Map). Les surfaces dédiées aux espaces verts ont été mesurées et rapportées au reste de l’espace. La distinction entre espace public et privé (résidences et immeubles) a été faite par des visites sur le terrain. La superficie obtenue est rapportée à la population projetée (100 000) pour obtenir le ratio par habitant.
Indice de fragmentation
L’indice de fragmentation est utilisé dans le domaine de l’écologie du paysage pour évaluer le degré de fractionnement des éléments écologiques. Cet indice a été calculé pour chaque catégorie d’espaces verts vu la grande différence entre les tailles des parcelles.
Il est calculé par la formule (N-1)/A où N est le nombre des parcelles et A la surface moyenne des parcelles. Cet indice peut être utilisé pour donner une indication sur la fragmentation des espaces verts (Gong et al., 2016).
Accessibilité et proximité
Pour déterminer les aires de desserte relatives aux espaces verts projetés, le plan d’aménagement a été utilisé comme référence. Selon la recommandation française adoptée dans cette méthodologie, les rayons d’attraction utilisés sont 100 m si la superficie est inférieure à 1 ha et 500 m si elle est supérieure.
Perception des espaces verts
Pour comprendre comment les habitants et les visiteurs perçoivent la disponibilité, l’accessibilité et la qualité des espaces verts dans le quartier, des visites et des entretiens informels avec certains habitants ont été effectués. Cela a permis d’observer la fréquentation et l’interaction des usagers avec ces espaces et de recueillir leurs impressions sur leur cadre de vie et les thèmes qui les intéressent le plus. Sur la base de ces observations, un questionnaire a été élaboré et une enquête a été réalisée en ligne (sur internet). En effet, il était difficile de retenir les enquêtés vu la longueur du questionnaire. Pour réaliser l’enquête en ligne, le questionnaire a été posté sur Facebook sur une page réservée à Hay Mohammadi. Le questionnaire a été rédigé en Français et en Arabe (Google forms) et a été testé en ligne avant d’être posté le 4 mai 2016. Une annonce a été effectuée une fois par semaine avec un filtre relatif à la ville d’Agadir et à l’âge (>18 ans pour écarter les mineurs). Un suivi du nombre de visiteurs et des réponses a été fait régulièrement avant de les récupérer le 17 Juin 2017. Les réponses ont été ensuite traduites en français, encodées et analysées avec le logiciel Minitab.
Dans le questionnaire de l’enquête, certaines questions traitent de la disponibilité des espaces verts, de leur qualité et de leur proximité. Elles vont permettre de répondre à trois questions principales:
• Les espaces verts et de loisirs du quartier sont-ils suffisants ?
• Comment les espaces verts et de jeux existant sont-ils appréciés par les habitants ?
• Répondent-ils à leurs besoins ?
Résultats et discussion
Importance spatiale des espaces verts
La figure 3 représente les espaces verts et les terrains de sport de Hay Mohammadi distinguant ceux projetés et ceux réalisés ou en cours de réalisation. Les espaces verts aménagés sont distribués en 3 catégories: un jardin public occupant le linéaire de la bande centrale de l’opération «Islane» (appelé Mail Central) d’une superficie de 3,64 ha, soit 31,6 % de la superficie des EV aménagés, les espaces verts publics d’accompagnement (EV publics résidentiels et EV sur voies publiques) représentent 47,9 % de la surface aménagée et les espaces verts privatifs d’immeubles occupent 20,41% de cette surface (Tableau 2).
Environ 3 % des espaces verts planifiés (espaces résiduels) ont été convertis en voies carrossables (Tableau 2). Ces espaces verts résiduels avaient été prévus dans une zone d’habitat individuel social groupé (R+2 et R+3). Ils sont dispersés sur une surface proche de 33 % de la surface totale. Ainsi, le manque en termes d’espaces verts est particulièrement ressenti dans cette partie à cause de la densité des logements (35 log/ha). L’impression de densité est amplifiée par la structure urbaine, par l’agencement dans l’espace des volumes des immeubles et par les paysages introvertis qui en découlent. Les espaces verts non aménagés représentent 69 % de la surface totale projetée (Tableau 2) qui inclut les petits jardins de proximité, le grand jardin public, les promenades, les deux oueds et leurs affluents, les ronds-points, les terre-pleins centraux, les alignements, les espaces verts résiduels, les espaces verts d’accompagnement et les terrains de sport.
Ratios des espaces verts
La superficie totale des espaces verts projetés pour les 100 000 habitants initialement prévus pour Hay Mohammadi est 97,3 ha après la soustraction de ceux convertis en voies carrossables, procurant un ratio de 9,72 m2 par habitant qui s’approche du minimum recommandé. Cependant, la superficie actuellement aménagée n’atteint que 11,51 ha. Elle procure un ratio de 5,49 m2/ hab. pour les 20 932 habitants recensés en 2014 (HCP, 2014); ce qui est bien inférieur au minimum recommandé de 10 m2, surtout si l’on considère que la population a bien augmenté depuis le dernier recensement.
Les équipements sportifs projetés s’étalent sur une superficie de 27 ha soit 21,73% de la superficie totale des EV et des terrains de sport projetés. Le taux de réalisation représente 21,19% de la superficie projetée. Ce taux inclut un complexe sportif qui est en cours de réalisation (5,22 ha) et des terrains de sport de proximité (0,5 ha) (Tableau 2). Si on considère que les terrains de sport contribuent à certains services écosystémiques et sont inclus dans la catégorie des espaces verts, le ratio total devient alors 12,42 m²/hab. pour le nombre d’habitants prévu et dépasse le minimum recommandé. Cependant celui des espaces verts aménagés pour le nombre d’habitants recensés en 2014 n’atteint que 8,23 m²/hab. reste toujours inférieur au minimum.
Si on compare les ratios par catégorie d’espaces verts aménagés à ceux recommandés par le guide d’élaboration des plans verts urbains (Tableau 3), le jardin public (Mail Central) procure un ratio de 1,74 m2 par habitant qui n’atteint pas le minimum recommandé de 2,8. Les espaces verts résidentiels procurent un ratio de 3,22 m2 /hab. bien au-dessus du ratio recommandé. Notons que certains de ces espaces sont à accès restrictif, très dispersés et diffèrent en termes de qualité et d’équipements d’une résidence à une autre. Les espaces verts sur voies publiques ne procurent que 0,54 m²/hab. et n’atteignant pas le minimum recommandé de 0,8. Les terrains de sport quant à eux, une fois le complexe sportif achevé et ouvert au public, procureront un ratio 2,73 m²/hab., se rapprochant de la valeur moyenne recommandée.
Ces ratios sont en réalité plus faibles si on considère que la population actuelle (2019) est sûrement bien supérieure aux 20 932 habitants recensés en 2014. De plus, la population qui profite réellement du jardin public excède largement celle du quartier vu la fréquentation par les habitants des villages qui se trouvent à la périphérie du quartier et dont la population dépasse 10 000 habitants (HCP, 2014). Par ailleurs, les habitants d’autres quartiers environnants fréquentent également le jardin à défaut d’espaces verts dans leurs propres quartiers, ce qui peut créer des problèmes de congestion, voire des conflits d’usage.
Le quartier ne dispose pas d’espaces verts suffisants en termes de quantité et de diversité: on note l’absence ou l’insuffisance d’E.V sur les voies publiques dont les alignements, les espaces verts d’accompagnant des bâtiments publics (équipements, écoles, etc.), l’absence de circuits piétons et cyclables et l’insuffisance des aires de jeux et des terrains de sport de proximité pour différentes catégories d’âge.
Fragmentation des espaces verts
Un jardin ou un parc urbain se distingue pour son étendue et sa faible fragmentation, c’est le cas pour le jardin public du mail central dans le quartier dont l’indice de fragmentation est très faible (Tableau 4).
Les espaces verts publics d’accompagnement sont les plus fragmentés avec un indice de 1,45 (Tableau 4). Ils incluent surtout les espaces résiduels qui accompagnent les immeubles ou la voirie. Ces espaces résiduels ont une superficie moyenne de 194,4 m². Alors qu’il est normal que l’indice de fragmentation soit faible pour cette catégorie d’espace vert, ils représentent la part la plus importante des espaces verts aménagés (32,0 %) après les terrains de sport. Malgré leur importance pour l’agrément, ils ne permettent pas d’assurer certaines fonctions des espaces verts comme la promenade, la détente et le divertissement ainsi que la création et le refuge de la biodiversité. De plus, certains espaces verts publics d’accompagnement (terre-plein centraux, alignements, giratoires) sont généralement de qualité médiocre et ne reçoivent pas d’entretien régulier contrairement au jardin public (Mail Central) et aux espaces verts privatifs ou à accès restrictif.
Accessibilité des espaces verts
Les espaces verts d’accompagnement procurent une attractivité immédiate dont profitent les habitants de l’immeuble ou les passants de la voie, tandis que le jardin public (Mail Central) procure une attraction de proximité. Ce dernier, d’une superficie de 3,64 ha, a un rayon d’attraction théorique de 500 m. La représentation de ce rayon prend en considération les accès au jardin. Elle montre qu’environ 37% de la surface totale de l’habitat est localisée dans le rayon d’attraction de 500 m. La partie du jardin avec une aire de jeux dispose d’un rayon d’attraction théorique de 100 m. La figure 4 montre les rayons d’attraction du jardin du Mail Central à Hay Mohammadi.
L’habitat économique groupé, localisé dans le rayon d’attraction du jardin, ne représente que 24 % de la superficie occupée par ce type. Cette partie, caractérisée par une forte demande en espaces de loisirs, souffre le plus du manque d’espaces verts de proximité. L’habitat le plus éloigné du jardin est localisé à environ 1,5 km et à plus de 2 km de l’aire de jeux (en prenant en considération le réseau routier).
Les visites du jardin public du Mail Central permettent de se rendre compte de l’effet de l’aménagement sur l’attractivité d’un jardin et son utilisation. La seule présence d’un équipement ou d’un service augmente significativement la fréquentation de l’espace. Alors que ce jardin peut être utilisé pour la promenade, le jeu et la détente, on remarque une fréquentation différentielle conditionnée par l’offre d’activités et la qualité de l’aménagement. En effet, une seule partie du jardin (divisé en 5 parties par les voies carrossables) est la plus fréquentée car elle contient la seule aire de jeux pour enfants dans le quartier. Elle est fréquentée surtout par les enfants et les mères de famille. Cette partie a reçu également un traitement paysager visiblement meilleur que les autres parties (étant la première partie à être aménagée). Les autres parties du jardin sont surtout utilisées pour la marche, le vélo ou le football par des enfants ou des préadolescents (bien que l’espace ne s’y prête pas).
En représentant les aires d’attraction des espaces verts et de loisirs projetés, l’ensemble du quartier sera desservi à l’exception d’une surface d’environ 7 ha localisée dans la zone d’habitat économique groupé (Figure 5).
Les espaces verts projetés aux périphéries de Hay Mohammadi sont de grandes superficies, entre 1 et 10 ha ou parfois même supérieurs à 10 ha, procurant des aires d’attraction de 500 m ou 1000 m. Ils permettront, une fois aménagés, de desservir d’autres quartiers de la ville d’Agadir comme les quartiers Bouargane, Najah, les Amicales, El Khyam 2 et El Wafa au Sud et les quartiers Taddart et Illigh à l’Ouest ainsi que les villages du piémont (Aït Taoukt, Aït El Mouden et Ighil Ouderdour) et le quartier Abaraz au Nord. Notons que ces quartiers souffrent d’un grand déficit en espaces verts (Figure 5).
Perception des espaces verts par les usagers
La notion d’espace vert auprès du grand public peut être différente d’une personne à une autre. On peut considérer qu’un espace vert peut signifier tout espace planté quelle que soit sa nature et son étendue. Par contre, un jardin est mieux cerné avec des parties végétalisées et d’autres minérales et une différenciation des espaces et des activités (détente, repos, promenade, terrains de sport, aires de jeux…). Les questions de l’enquête traitent trois catégories d’espaces les plus reconnus par les habitants : espaces verts ou jardin, terrains de sport et aire de jeux.
Profil des enquêtés
Cette partie de l’enquête a reçu un taux de réponse important par les enquêtés pour la plupart des questions, ce qui montre l’intérêt porté au thème des espaces verts et de loisirs. Le questionnaire était adressé aux habitants et aux visiteurs du quartier et 388 personnes ont répondu avec 6,44% des répondants qui n’habitent pas le quartier (25 répondants).
Plus des 2/3 des répondants sont des hommes (68,3 %) et la plupart des répondants (73,4 %) étaient âgés de 18 à 39 ans. Environ la moitité des répondant ont déclaré habiter dans un appartement, 14,2 % dans un étage de maison et 32,2 % dans une maison individuelle. Plus de 60% des répondants sont des actifs, majoritairement des cadres (30%), ont une profession libérales (14,7 %) ou sont employés (12,1%) et 20,4% sont des étudiants (Figure 6).
Offre d’espaces verts dans le quartier: quantité, qualité, proximité et fréquentation
A la question de savoir s’il existe un espace vert ou un jardin à proximité des lieux de résidence des enquêtés, 26,5% ont affirmé la présence d’un espace vert dans le voisinage contre 73,5% qui déclarent n’avoir aucun espace vert ou jardin à proximité (Figure 7). Malgré ce pourcentage élevé, on peut suspecter que la notion de proximité peut être interprétée différemment d’une personne à une autre. Huriot et Perreur (1997) expliquent que «la proximité évoque le voisinage, la contiguïté, la ressemblance, la faible distance». Elle est généralement évaluée en fonction de la distance entre le lieu de résidence et une destination. Cependant cette distance n’est pas seulement objective (distance effectivement parcourue), elle est aussi cognitive ou perçue. Celle-ci dépend de plusieurs critères dont les caractéristiques personnelles, sociales, économiques de l’individu, «la valorisation subjective» de la destination ou le motif de déplacement, ainsi que «les caractéristiques de l’itinéraire emprunté» notamment sa qualité et la présence de repères (Huriot et Perreur, 1997).
La deuxième question concernait la quantité d’espaces verts dans tout le quartier au-delà du seul critère de proximité du lieu de résidence. La grande majorité des répondants (95,1%) considèrent insuffisante la quantité d’espaces verts dans le quartier (Figure 8).
La qualité des espaces verts du quartier est jugée négativement par 61,6% des répondants, 35,5% voient que la qualité est moyenne et seulement 1,8% des répondants jugent positivement la qualité des espaces verts (Figure 9). Cette évaluation négative peut être expliquée par l’état actuel des espaces verts non entretenus ou par le manque d’activités et de services qu’offrent les espaces verts dans le quartier.
A la question de savoir s’il y a assez de mobilier urbain dans les espaces verts en particulier et dans le quartier en général, 92,8% des répondants considèrent que la quantité est insuffisante (Figure 10). Ce constat est normal vu que le mobilier urbain ne se retrouve que dans le jardin du Mail Central.
Pour la question de la fréquentation d’un jardin quelconque à Agadir, 38,7% seulement déclarent en visiter (Figure 11). Quant aux jardins fréquentés ou favoris des habitants dans le quartier ou dans la ville, 27,7 % seulement ont répondu à cette question, certains répondants ont justifié leur abstention par l’absence d’un jardin à proximité de leur lieu de résidence.
Le jardin public du Mail Central est le jardin qui est le plus mentionné par les répondants qui fréquentent un jardin (47,7%) (Figure 12). Les raisons justifiant ce choix exprimés par les répondants sont principalement le fait qu’il soit le seul jardin dans le quartier, sa proximité et la présence d’une aire de jeux pour enfants. D’autres raisons ont été citées comme la propreté, la superficie, la sécurité, la pratique de la marche, la promenade du chien. Les jardins de résidences viennent en deuxième place pour les espaces verts fréquentés avec 11,7% des répondants (Figure 12). Ceci montre l’importance de la proximité des espaces verts pour les habitants du quartier.
Par contre le Jardin Olhao (10,8%) et La vallée des oiseaux (6,3%) sont choisis par les habitants pour des raisons autres que la proximité, principalement la propreté, le confort, la sécurité, la lecture, le calme, la nature (Olhao) et la diversité des activités et des services (Vallée des oiseaux). Notons que ces deux jardins sont localisés en centre-ville, éloignés d’environ 3 km de la limite ouest du quartier Mohammadi. Les autres espaces verts choisis sont aussi localisés loin du quartier comme le jardin public Ibn Zaydoun et la promenade sur la corniche ou dans d’autres quartiers de la ville comme Dakhla, Les amicales et le jardin Lalla Meriem. La proximité malgré son importance n’est pas le seul critère qui affecte la fréquentation (Figure 13). Les choix de jardins plus éloignés montrent que certains habitants sont prêts à se déplacer plus loin pour atteindre des espaces verts qui procurent plus de diversité de services et d’ambiances et qui permettent un dépaysement.
Aires de jeux dans le quartier
A la question de connaître la disponibilité des aires de jeux pour enfants dans le voisinage, 72,9% des répondants ont déclaré ne pas avoir d’aires de jeux à proximité (Figure 14). Les aires de jeux sont surtout perçues comme des espaces pour enfants. Les adultes sans enfants ne sont probablement pas trop préoccupés par ces équipements; c’est pour cela que 19,8% n’ont pas répondu à cette question et 6,2% en ignoraient l’existence. Interrogés sur la fréquence des visites à l’aire aire de jeux, environ 50% des répondants ont déclaré ne jamais y aller ou très rarement; 28,3 % ont déclaré la visiter régulièrement (une fois par semaine), 11,3% la fréquentent une fois par mois et seulement 4,4 % y font une fréquentation quotidienne.
La qualité des aires de jeux existants est jugée négativement par 73,5% des répondants et positivement par 11,6% (Figure 15). La seule aire de jeux ouverte au public dans le quartier est localisée dans le jardin du Mail Central. Elle reçoit des visiteurs de plusieurs parties du quartier (enfants de tous âges), des villages du piémont et de certains quartiers environnants. Ce qui crée un problème de congestion et de sur-utilisation. Par conséquent, cela aboutit au délabrement des équipements en nombre restreint et non adaptés à certaines catégories d’âges.
Terrains de sports
A la question de la proximité d’un terrain de sport, 83,5% des répondants ont déclaré ne pas avoir accès à un terrain de sport dans le voisinage contre 1% seulement qui ont un terrain de sport à proximité (Figure 16). Quant à la quantité des terrains de sport disponibles dans tout le quartier 81,7% des répondants considèrent qu’il n’y a pas assez de terrains de sport et 13,1% ont déclaré ne pas avoir d’informations sur la quantité (Figure 17).
L’équipement des terrains de sport est satisfaisant pour seulement 4,8% alors que 66,4% considèrent que les terrains de sport ne sont pas bien équipés (Figure 18). En effet, les deux terrains de sport de proximité n’ont été aménagés que dernièrement (après la réalisation de l’enquête) et le complexe sportif n’est pas encore achevé. Des terrains de football temporaires sont utilisés par les jeunes et les enfants, ce qui explique leur appréciation négative (75,8% des répondants) (Figure 19).
Conclusion
Le quartier Mohammadi d’Agadir est un nouveau lotissement d’une grande étendue spatiale (465 ha). Il peut être considéré comme une ville nouvelle vu les ambitions du maître d’ouvrage qui a essayé de le doter de divers équipements et services. Toutefois, la négligence de la composante végétale comme élément structurant du lotissement laisse une impression de dominance du bâti. En effet, bien que la composante naturelle domine son environnement proche (piémonts, vallons, peuplements d’arganiers), le paysage au sein du quartier est marqué par la prédominance des constructions et caractérisé par le manque d’aménagement des espaces publics (trottoirs, places, espaces verts, berges des oueds, etc.), ce qui participe à l’accentuation de l’aspect inachevé et à la création de points noirs dans le quartier (dépôts de déchets et de gravas dans les oueds et les périphéries du quartier).
Le nombre de mètres carrés d’espaces verts par habitant est un indicateur de disponibilité de ce type d’équipement. Toutefois, il serait plus juste de le calculer pour différentes catégories d’espaces verts (privés/publics) et de préciser les types qui sont inclus dans le calcul du ratio total. Le ratio peut facilement être surestimé ou sous-estimé en fonction des catégories prises en compte (forêts non aménagées en espace périurbain, espaces végétalisés mais inaccessibles ou inutilisables). Les espaces verts résidentiels à accès restrictif ou privatif sont aussi importants pour atténuer le manque d’espaces verts et d’espaces récréatifs publics mais la population qui en profite reste limitée d’où la confusion du statut de ces espaces verts (Texier et al., 2018). Il faut aussi noter que leur qualité est souvent meilleure vu qu’ils sont entretenus plus régulièrement. Leur dimension, leur qualité et leur offre en services diffère d’une résidence à une autre.
Le ratio d’espaces verts calculé pour Hay Mohammadi (5,49 m²/hab.) est inférieur au minimum recommandé. Ce manque est aussi confirmé par la population qui juge insuffisante la quantité d’espaces verts et de loisirs dans le quartier. Malgré cela, on peut soupçonner que le ratio d’espaces verts n’est pas une mesure exacte pour un quartier ou une extension urbaine, car il ne tient pas compte de tous les utilisateurs potentiels. De plus, le ratio ne donne pas d’idée sur le type ou la qualité des plantations, ni sur la diversité des services offerts.
Il faut rappeler que le quartier est en cours de peuplement et que les 20 932 habitants recensés en 2014, pris en compte dans le calcul des ratios ont au moins doublé. En effet, en utilisant le taux de croissance de la ville d’Agadir tel que déterminé par le recensement de 2014 (2,73 %), le nombre d’habitants de Hay Mohammadi doit avoir dépassé 23 000 habitants en 2019. De plus, vu que le quartier est en cours de peuplement, de nouveaux habitants arrivent chaque année, augmentant la population bien au-delà du taux différentiel. De plus, les visiteurs qui fréquentent le jardin du Mail Central ne se limitent pas aux habitants du quartier. Ceci montre que les ratios calculés sont en réalité beaucoup moins importants, ce qui explique la perception négative des espaces verts par les usagers.
Le manque d’espaces verts n’est pas propre au quartier Mohammadi, mais concerne plusieurs quartiers de la ville. En effet, la superficie totale des espaces verts dans la ville d’Agadir s’étend sur 232,4 ha (communication du service des espaces verts d’Agadir, 2019) procurant un ratio de 5,51 m²/hab. qui est inférieur au minimum recommandé. On peut alors supposer, dans ces conditions, que le risque de la sur-fréquentation est inéluctable pour chaque nouvel espace vert aménagé dans la ville notamment à Hay Mohammadi.
La fragmentation est un critère important à prendre en compte dans l’évaluation des espaces verts. Dans cette étude, les espaces verts résidentiels et d’accompagnement sont la catégorie qui présente la part la plus importante (46%) mais qui présente la plus grande fragmentation. De plus, le manque de diversité des types et des services d’espaces verts font que plusieurs objectifs ne sont pas atteints malgré leur importance pour l’agrément. Il s’agit en particulier des activités physiques, du rafraîchissement de l’atmosphère par l’ombre et l’évapotranspiration, de l’atténuation du bruit et des poussières, de l’isolement du vacarme de la ville …
Il est inutile d’adopter une approche uniforme et arithmétique dans la définition de la quantité nécessaire d’espaces verts dans une agglomération. Cette quantité doit varier selon le contexte urbain en question, les densités, les typologies d’habitat, les configurations spatiales, les indicateurs socio-économiques et les spécificités environnementales, paysagères et climatiques de chaque ville (Benabdeljalil et Boujmal, 2008). Par exemple, le manque d’arbres, en particulier, est plus ressenti dans une ville ensoleillé toute l’année, comme c’est le cas de la ville d’Agadir, et cette carence d’espaces verts est d’autant plus accentuée dans un quartier à grande densité.
Au-delà de la quantité, c’est aussi la qualité des espaces verts qui affecte leur attractivité, leur fréquentation et leur utilisation. La perception de la qualité est aussi liée au confort et à la sécurité ressentis par les usagers
De nombreuses villes marocaines souffrent d’un grand déficit en espaces verts en termes de quantité et de qualité. De plus le problème d’accessibilité et de différenciation de la qualité d’une zone à une autre, participent à la perception négative des espaces verts et à la frustration ressentie par les habitants. En effet, la répartition spatiale inéquitable des espaces verts en ville peut conduire à la sur-fréquentation ou à la désertion de certains espaces ou sites par les usagers. De plus, le manque d’aménagement participe, avec d’autres facteurs, dans la prolifération de points noirs dans la ville et peut conduire à plusieurs problèmes environnementaux, sociétaux et sanitaires. Alors qu’il est difficile de reconstruire les villes marocaines, les nouvelles agglomérations et extensions urbaines devraient tenir compte de plusieurs critères d’ordre physique, spatial, écologique et psychologique lors de leur planification tout en respectant les spécificités de chaque site et en répondant aux besoins et aux aspirations des habitants. Au-delà du simple calcul de ratio par habitant, il est plus opportun de considérer les espaces verts comme des espaces structurants de la ville à l’instar de la voirie et d’envisager les services écosystémiques potentiels de ces espaces à prendre en considération lors de la définition de leurs caractéristiques et de leur répartition dans la ville.
Références
Aram F., García E.H., Solgi E., Mansournia S. (2019). Urban green space cooling effect in cities. Heliyon, 5:e01339.
Bakar N.A., Malek N.A., Mansor M. (2016). Access to Parks and Recreational Opportunities in Urban Low-income Neighbourhood. Procedia-Social and Behavioral Sciences, 234:299‑308.
Barbarino N. (2005). De la qualité de vie au diagnostic urbain, vers une nouvelle méthode d’évaluation: Le cas de la ville de Lyon. Thèse de doctorat, Université Lumière Lyon 2. En ligne.
Brunet Y. (2016). Impact de la végétation sur le microclimat urbain et la qualité de l’air, Mediachimie. Présenté à Chimie et grandes villes, p. 217-233, https://www.mediachimie.org.
Delbaere D. (2010). La fabrique de l’espace public: Ville, paysage et démocratie. In La France de demain. Paris: Ellipses.
Gong F., Zheng Z.-C., Ng E. (2016). Modeling Elderly Accessibility to Urban Green Space in High Density Cities: A Case Study of Hong Kong. Procedia Environmental Sciences, 36:90‑97.
Groenewegen P.P., van den Berg A.E., de Vries, S., Verheij, R. A. (2006). Vitamin G: Effects of green space on health, well-being, and social safety. BMC Public Health, 6:149.
Hashim N.H.M., Thani S.K.S.O., Jamaludin M.A., Yatim N.M. (2016). A Perceptual Study on the Influence of Vegetation Design Towards Women’s Safety in Public Park. Procedia - Social and Behavioral Sciences, 234: 280‑288.
HCP (2014). Recensement général de la population et de l’habitat. Haut-commissariat au Plan du Maroc. https://rgph2014.hcp.ma/downloads/Publications-RGPH-2014_t18649.html
Khotdee M., Singhirunnusorn W., Sahachaisaeree N. (2012). Effects of Green Open Space on Social Health and Behaviour of Urban Residents: A Case Study of Communities in Bangkok. Procedia-Social and Behavioral Sciences, 36: 449‑455.
Legenne C. (2009). La desserte en espaces verts, un outil de suivi de la trame verte d’agglomération. Institut d’aménagement et d’urbanisme Ile-de-France. https://www.iau-idf.fr/nos-travaux/publications/la-desserte-en-espaces-verts.html
Lotfi M., Christiane W., Pietro Francesca D., Wissal S. (2017). Les services écosystémiques urbains, vers une multifonctionnalité des espaces verts publics: Revue de littérature. Environnement Urbain/Urban Environment, (Volume 11).
Makhelouf A. (2009). The effect of green spaces on urban climate and pollution. Iranian Journal of Environmental Health Science & Engineering, 6: 35-40.
M’Ikiugu M. M., Kinoshita I., Tashiro Y. (2012). Urban Green Space Analysis and Identification of its Potential Expansion Areas. Procedia-Social and Behavioral Sciences, 35: 449‑458.
Morar T., Radoslav R., Spiridon L.C., Păcurar L. (2014). Assessing Pedestrian Accessibility to Green Space Using Gis. Transylvanian Review of Administrative Sciences, 10: 116‑139.
MUAT (2005). Normes urbaines des équipements collectifs de proximité, Ministère de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire. https://www.muat.gov.ma/doc/doc14.pdf
Mytton O.T., Townsend N., Rutter H., Foster C. (2012). Green space and physical activity: An observational study using Health Survey for England data. Health & Place, 18: 1034‑1041.
Oh K., Jeong S. (2007). Assessing the spatial distribution of urban parks using GIS. Landscape and Urban Planning, 82: 25‑32.
Prance G.T., Dixon G.R., Aldous D.E. (2014). Biodiversity and Green Open Space. In G.R. Dixon & D.E. Aldous (Éd.), Horticulture: Plants for People and Places, 2: 787‑816.
Robert A., Yengué J.L. (2017). What Ideal Green Spaces for the City of Tomorrow, Providing Ecosystem Services? Procedia Engineering, 198: 116‑126.
Roberts H.V. (2017). Using Twitter data in urban green space research: A case study and critical evaluation. Applied Geography, 81: 13‑20.
Seo S., Choi S., Kim K., Kim S.M., Park S.M. (2019). Association between urban green space and the risk of cardiovascular disease: A longitudinal study in seven Korean metropolitan areas. Environment International, 125: 51‑57.
Thompson C.W., Aspinall P., Roe J. (2014). Access to Green Space in Disadvantaged Urban Communities: Evidence of Salutogenic Effects Based on Biomarker and Self-report Measures of Wellbeing. Procedia - Social and Behavioral Sciences, 153: 10‑22.
Van Herzele A., Wiedemann T. (2003). A monitoring tool for the provision of accessible and attractive urban green spaces. Landscape and Urban Planning, 63: 109‑126.
Wolch J.R., Byrne J., Newell J.P. (2014). Urban green space, public health, and environmental justice : The challenge of making cities ‘just green enough’. Landscape and Urban Planning, 125: 234‑244.
Xiao X.D., Dong L., Yan H., Yang N., Xiong Y. (2018). The influence of the spatial characteristics of urban green space on the urban heat island effect in Suzhou Industrial Park. Sustainable Cities and Society, 40: 428‑439.
Zhang H., Gao Z., Ding W., Zhang W. (2017). Numerical Study of the Impact of Green Space Layout on Microclimate. Procedia Engineering, 205: 1762‑1768.
Zhang Y., van Dijk T., Tang J., Berg A. (2015). Green Space Attachment and Health: A Comparative Study in Two Urban Neighborhoods. International Journal of Environmental Research and Public Health, 12: 14342‑14363.
Publié-e
Numéro
Rubrique
Licence
Revue Marocaine des Sciences Agronomiques et Vétérinaires est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.
Fondé(e) sur une œuvre à www.agrimaroc.org.
Les autorisations au-delà du champ de cette licence peuvent être obtenues à www.agrimaroc.org.