Les Marchés à terme des importations de céréales au Maroc
Résumé
Les marchés à terme de matières premières connaissent un développement considérable dans le monde. L’intérêt de ces marchés réside dans la fonction de découverte et de gestion de risque de prix. Dans cet article, nous caractérisons à travers un travail d’enquête la place qu’occupent ces marchés dans les importations courantes de céréales au Maroc. Les résultats de l’enquête montrent que l’accès aux instruments de couverture contre le risque de prix pour les importateurs céréaliers reste limité et ne dépasse pas 26% des entreprises importatrices et concernent principalement les négociants et quelques marchands de grains. Les négociants couvrent près de 83% de leurs positions sur le marché physique pour le maïs et 75% pour le blé tendre (moyenne 2015-2018) tandis que les positions des marchands de grains sur le marché à terme sont de 46% pour le maïs et 42% pour le blé tendre. Le recours des marchands de grains aux contrats à terme n’est pas systématique. On estime que 1% seulement du volume importé est couvert en achetant des contrats d’option et 10% des positions sur le marché physique fait l’objet d’une couverture sur contrats futures. Les négociants couvrent plus de 78% de leurs positions sur le marché physique par l’achat (ou la vente) des contrats à terme. Ils couvrent près de 47% de leurs positions sur le marché physique par les contrats d’options et près de 32% de leurs positions sur les contrats futures. Face à cette situation, plusieurs mesures peuvent être appliquées pour revoir les coûts et les documents exigés pour les opérations de couverture et pour améliorer davantage la visibilité pour les importateurs marocains de céréales.
Mots clés : Marchés à terme, couverture, importations de céréales
Introduction
Le Maroc, à l’instar des autres pays importateurs de céréales, reste dépendant de ses importations. Pour le cas du blé tendre par exemple, le pays n’assure que partiellement la couverture de sa demande intérieure avec une variabilité annuelle de 30 à 67% selon le niveau de la production nationale (ONICL, 2018). Les importations marocaines de céréales sont estimées à près de 61 millions de quintaux avec un coût annuel moyen de 8 milliards de Dhs en moyenne entre 2008 et 2018 (DEPF, 2019; ONICL, 2018). Le prix des céréales, quant à lui, connait un accroissement graduel avec une volatilité croissante. A cet effet, la gestion du risque de fluctuations des prix des matières premières est une composante importante de la fonction des importateurs de céréales qui cherchent à minimiser les effets négatifs de ces fluctuations sur leurs revenus espérés.
Les marchés à terme de matières premières permettent aux importateurs de se couvrir contre le risque de variation des prix (hedging) en le transférant aux spéculateurs, qui profitent de ces variations pour réaliser un profit (Simon, 1981).
Plusieurs études et recherches ont été réalisées au niveau mondial (Berkman et al., 1997; Bodnar et al., 1998; Bailly et al., 2003; Rais, 2012) pour caractériser le niveau d’utilisation des contrats à terme ainsi que les pratiques de gestion de risque de prix de matières premières. Cependant, à notre connaissance, aucune étude académique n’a été menée à ce sujet dans le contexte marocain.
Le présent article donne un aperçu sur l’utilisation des instruments de couverture au niveau mondial et caractérise la situation actuelle de l’utilisation des marchés à terme pour les importateurs marocains de céréales afin de comprendre leur politique de gestion de risque de prix au marché international. Sa première section présente le cadre conceptuel et la littérature existante sur l’utilisation des instruments de couverture du risque. L’approche empirique appliquée au cas marocain est présentée dans la deuxième section. La troisième et dernière section rapporte et analyse les résultats obtenus à partir des données collectées par enquête auprès des opérateurs.
Cadre conceptuel
Les opérations de couverture de risque représentent une mesure de protection élémentaire contre les risques et constituent une pratique courante sur les marchés à terme. On distingue deux formes d’instruments de couverture :
Les instruments de couverture linéaires : ils constituent un engagement ferme et dé-finitif entre deux contractants de livrer ou de recevoir à une date future une quantité déterminée d’actifs à un prix déterminé. L’acquéreur de ces instruments est obligé à l’échéance du contrat de régler ses positions sans pouvoir profiter, le cas échéant, d’une évolution positive du cours qui aurait pu lui être favorable en l’absence de cou-verture. Ces instruments regroupent les contrats à terme de type forward, les con-trats à terme de type futures et les swaps. Les contrats forwards sont des contrats négociés sur le marché de gré à gré entre un acheteur et un vendeur qui s’engagent, pour un prix librement débattu au moment de la négociation à acheter (ou vendre) de la marchandise qui sera livrée et payée ultérieurement. Les forwards offrent l’avantage d’être plus flexibles avec un coût réduit du fait qu’aucune commission n’est prise par un intermédiaire financier. Toutefois, ils présentent un risque de dé-faut de contrepartie. A l’opposé, Les futures sont contrats standardisés et négociés sur des marchés organisés. Le contractant n’a pas besoin de connaitre sa contrepar-tie puisque les transactions sont garanties par une chambre de compensation qui exige des versements réguliers pendant toute la durée de vie du contrat (appels de marge). Un swap est un contrat qui oblige les deux parties contractantes à s’échanger une série de flux spécifiés à des dates précises. Les profils de flux de ces différents instruments, à la suite d’une variation des taux d’intérêts sont identiques. Ce type de contrat est majoritairement négocié sur le marché de gré à gré et n’est pas autre chose qu’un portefeuille agrégé de contrats de type forward (Smith et al., 1986).
Instruments de couverture non linéaires : Ces instruments comprennent principale-ment les contrats optionnels. Une option est définie comme étant un contrat dont le détenteur ou l’acheteur a le droit d’acheter (call ou option d’achat) ou de vendre (put ou option de vente) à terme un actif sous-jacent à un prix d’exercice appelé ‘’strike’’ à travers le versement d’une prime (Thi Nhung, 2016). Ce prix d’exercice est fixé le jour de la signature du contrat optionnel et désigne le prix auquel s’engage le déten-teur de l’option à vendre ou acheter l’actif sous-jacent. Les contrats d’option sont donc différents des contrats forward et futures. Ils permettent aux opérateurs de bé-néficier des opportunités de gains liées aux variations avantageuses des cours tout en limitant les niveaux de pertes. Nous pouvons distinguer l’option européenne qui ne peut être exercée qu’à la date d’échéance et l’option américaine qui procure à son détenteur le droit d’exercer son option tout au long de la durée de vie du contrat.
En plus de la réduction du risque, l’utilisation de ces instruments de couverture permet aux professionnels, de gérer d’autres paramètres notamment le financement des stocks et le gain sur les coûts de stockage .
Parallèlement aux avantages qu’offrent les opérations de couverture, l’utilisation de ces instruments connait un développement considérable dans le monde. L’analyse de la littérature existante sur le sujet a permis d’apprécier le niveau d’utilisation de ces produits au niveau mondial. Nous présentons dans ce qui suit quelques conclusions sur le sujet.
Les enquêtes menées, auprès des différentes entreprises non financières dans le monde, ont permis de couvrir plusieurs aspects de la gestion de risques notamment sur le niveau d’utilisation des instruments de couverture selon la taille ou le type d’entreprises (cotées ou non, secteur d’activité), la typologie des risques auxquels les entreprises sont exposées (risque de change, risque de prix de la matière première, risque de taux d’intérêt), les stratégies adoptées et les principaux instruments utilisés. Ainsi, Berkman et al. (1997) trouvent, à travers une enquête auprès de 79 entreprises néozélandaises, que l’utilisation des produits dérivés est plus élargie en Nouvelle-Zélande qu’aux Etats Unis (100% des grandes entreprises néozélandaises contre 65% des grandes entreprises américaines). Bodnar et al. (1998) montrent, sur la base d’une enquête auprès de 399 entreprises, que l’utilisation des produits dérivés est beaucoup plus répandue dans les grandes entreprises (83%) que dans les petites entreprises (12%) et plus élevée dans les entreprises de produits primaires (68%) et les fabricants (48%) que dans les entreprises du secteur des services (42%). Bodnar et Gebhardt (1999), quant à eux, observent que 56% des entreprises couvrent le risque prix par des dérivés. L’enquête réalisée par Bailly et al. (2003), sur un échantillon de 248 entreprises cotées au London Stock Exchange (LSE) montre que 72% de ces entreprises utilisent des produits dérivés pour se couvrir contre les risques financiers. Toutefois, ils constatent que seulement 19% des entreprises ont recours à ces produits pour gérer le risque de prix des matières premières contre 81% qui ne gèrent pas ce type de risque. Selon une enquête réalisée en 2009 par l’Association internationale des swaps et des dérivés (ISDA), plus de 94% des 500 plus grandes sociétés du monde utilisent des produits dérivés pour gérer leurs risques. Parmi les entreprises utilisant des produits dérivés, 88% ont pour objectif de gérer le risque de taux de change, 83% pour celui du taux d’intérêt et 49% pour celui des matières premières. Dans une recherche similaire sur plus de 400 entreprises non financières françaises, Rais (2012) trouve que 73% des entreprises se couvrent contre les risques financiers contre 26% qui ne mettent en place aucune politique de couverture. Il constate également que 31% des entreprises font appel aux produits optionnels et plus de 50% des entreprises françaises se couvrent contre les risques de prix des matières, toutes tailles et tous secteurs confondus.
Approche empirique
Pour répondre aux objectifs de la recherche, un travail d’enquête a été mené auprès de différents acteurs opérants dans la chaine d’importation des céréales notamment l’Office National Interprofessionnel des Céréales et des Légumineuses (ONICL) qui assure le suivi et l’approvisionnement du marché en céréales, l’Office des Changes, la Fédération Nationale des Négociants en Céréales et Légumineuses (FNCL) qui est une organisation professionnelle qui regroupe les professionnels du négoce en céréales et légumineuses, la salle des marchés d’une banque agréée et les importateurs céréaliers.
L’entretien avec la salle des marchés a été réalisé afin de :
comprendre le principe théorique et pratique de l’opération de couverture,
voir le processus d’exécution des ordres des couvertures,
apprécier le niveau d’utilisation des opérateurs céréaliers des marchés à terme des matières premières et,
synthétiser les types de contrats proposés aux professionnels.
Le passage par l’office des changes a pour but de caractériser son rôle dans le cadrage des opérations de couverture contre le risque de fluctuation des prix de certains produits de base. Dans ce sens, un guide d’entretien a été formulé pour collecter ces informations utiles pour notre analyse.
Les entretiens avec les importateurs ont été programmés avec les responsables relevant de la direction générale ou, le cas échéant, de la direction du département achat des entreprises importatrices des céréales. Un questionnaire a été élaboré pour permettre la collecte et l’analyse des données sur les parties suivantes :
la caractérisation de la typologie et des activités de l’entreprise (niveau d’intégration, mode de transaction et d’importation, nature des produits importés et commercialisés…),
le niveau d’utilisation et d’appréciation des marchés à terme au Maroc ainsi que le coût et l’efficacité de l’opération de couverture,
les appréciations des professionnels par rapport à leurs contraintes et leurs attentes, et
le niveau d’aversion au risque des importateurs.
Le listing exhaustif des opérateurs a permis d’identifier 49 importateurs céréaliers ayant réalisé au moins une opération d’importation des céréales durant les années 2017 et 2018. La réalisation des entretiens avec certaines entreprises s’est avérée particulièrement difficile suite à leur réticence ou leur hésitation pour répondre à notre requête. Ainsi, les entretiens ont touché 38 opérateurs qui ont favorablement répondu à notre demande, soit près de 78% des importateurs. Ces entretiens se sont déroulés en deux grandes étapes selon un planning bien défini. En effet, un premier passage a été programmé auprès de quatre importateurs pour apprécier le flux informationnel et finaliser la première version du questionnaire. Cette étape a permis d’évaluer le contenu, la clarté des questions, les réactions de l’enquêté vis-à-vis les questions posées et enfin pour déterminer la durée nécessaire allouée pour l’entretien. Ensuite, après avoir apporté les modifications nécessaires à la première version, la collecte de données a été effectuée principalement au cours du 2ème passage. Chaque entretien durait entre 1h et 2h30 selon l’attitude du responsable, sa disponibilité et son intérêt pour la présente recherche. Les questionnaires renseignés ont été par la suite vérifiés et validés avant d’être saisis.
Analyse des résultats
Typologies des importateurs
La première étape de notre analyse consiste à identifier le nombre et la typologie des importateurs céréaliers qui exercent dans l’importation et la commercialisation des céréales. L’opération d’importation des céréales au Maroc a été réalisée par 49 entreprises durant les années 2017 et 2018. Elles peuvent être classées en trois catégories : La première catégorie regroupe les minoteries et les semouleries ayant réalisé pour leurs propres comptes des importations directes de blé tendre ou de blé dur. La deuxième catégorie comprend les provendiers qui opèrent dans le commerce ou la transformation des céréales destinées pour l’alimentation animale. Ils procèdent à l’importation directe du blé fourrager, de l’orge ou du maïs qui seront commercialisés par la suite à d’autres unités de production de provende ou seront transformés en interne par les opérateurs qui disposent d’une unité industrielle de transformation. La troisième catégorie concerne l’ensemble des organismes stockeurs qui opèrent dans l’importation et le commerce de toutes les céréales. Cette catégorie peut être repartie en deux sous-groupes : le premier groupe comprend les différents marchands de grains alors que le deuxième groupe concerne les négociants en céréales (figure 1).
Les organismes stockeurs constituent près des deux tiers des importateurs marocains de céréales. Ainsi, le marché céréalier connait la présence de 6 importateurs qui opèrent dans le négoce des céréales (soit près 12% des importateurs) et de 23 marchands de grains (soit près 47% des importateurs). Ces organismes stockeurs importent plus de 93% de la demande locale en céréales destinées à l’alimentation humaine et l’alimentation animale. Les négociants occupent le premier rang des sociétés importatrices en assurant près de 49% des besoins intérieures en céréales suivis par les marchands de grains avec 45% de la demande locale. Les industriels et les transformateurs n’assurent que 7% des importations du pays.
Les quantités importées diffèrent selon la capacité technique et financière de chaque importateur. A partir des résultats de notre enquête, les importateurs céréaliers peuvent être classés en trois groupes selon leurs capacités et leurs modes d’importation :
Groupe1 : il comprend les professionnels qui assurent un large approvisionnement du pays en céréales. Ils procèdent à l’importation pour leurs besoins propres et pour le compte d’autres opérateurs (marchands de grains, industriels).
Groupe 2 : il concerne les importateurs (marchands de grains, industriels) qui assu-rent uniquement le besoin propre de leurs industries (minoteries, provendiers). Ils réalisent des importations directes ou bien groupées avec d’autres importateurs (entre 2 à 5 opérateurs par navire).
Groupe 3 : il comprend les opérateurs qui n’assurent même pas leurs besoins par une importation directe c'est-à-dire ils procèdent à la réalisation de moins de deux opé-rations d’importation en groupement avec d’autres importateurs durant l’année (entre 5000 à 20.000 tonnes par opération). Ces derniers peuvent s’approvisionner auprès des autres importateurs du premier groupe pour répondre à leurs besoins en céréales.
Les opérateurs du premier groupe représentent près de 24,5% des importateurs et regroupent les négociants et certains marchands de grains. Le nombre d’opérations réalisées durant l’année s’élèvent à 13 navires en moyenne avec une quantité moyenne de 393.513 tonnes de céréales. Les opérateurs du deuxième groupe représentent près de 22,5% des importateurs et regroupent quelques industriels et marchands de grains. Le nombre d’opérations d’importations réalisées ne dépasse pas 5 opérations en moyenne par an avec une quantité moyenne de 95.303 tonnes de céréales. Quant aux importateurs du troisième groupe, ils constituent plus de 50% des professionnels et préfèrent l’importation en groupement. Ceux-ci ne réalisent même pas 2 opérations par an avec une quantité moyenne de 19.434 tonnes de céréales.
Même si l’opération d’importation directe peut générer une rentabilité économique plus élevée, elle ne concerne que 28% des opérateurs déclarés . Par ailleurs, les importateurs doivent maîtriser un certain nombre de facteurs techniques liés notamment à la capacité limitée des sites de stockages au niveau des villes portuaires (Casablanca, Tanger, Agadir…) et aux autres moyens logistiques. L’opération d’importation nécessite également une capacité financière relativement élevée et une gestion rationnelle des risques de prix.
Formes de contractualisation sur le marché mondial
L’opération d’importation se fait directement au marché mondial à travers le contact direct des chargeurs internationaux à différentes places dans le monde (Mer Noir, Amérique latine, Brésil, Argentine, USA, Europe). Les informations de prix des différentes céréales sont obtenues soit en appelant directement les chargeurs ou en se référant aux portails des bourses de marchandises (Euronext, CBOT (Chicago Board of Trade), KCBT (Kansas City Board of Trade)) ou bien en consultant d’autres bases de données qui publient l’évolution des prix des matières premières (Reuters et Bloomberg par exemple). Ceci dit, certains importateurs peuvent avoir recours à des sociétés marocaines de courtages. Ces courtiers, considérés comme étant des ‘‘apporteurs d’affaires’’, peuvent s’occuper du négoce et assurent l’exécution du contrat pour le compte de leurs clients importateurs céréaliers. Leur mission se termine après arrivage du navire et réception de la matière première.
Après avoir eu une idée sur les prix au niveau du marché international, deux principales formes de contractualisation peuvent être pratiquées par les importateurs marocains de céréales : contrat à prix ferme (appelé communément Achat FLAT) ou contrat à prime indexée au marché à terme (appelé communément Achat Over MATIF). La première forme d’achat porte sur la fixation, au moment de l’achat de la marchandise, du prix, la quantité ainsi que la date et le mode de livraison (livraison immédiate ou différée). La deuxième forme d’achat consiste à fixer uniquement la prime physique à payer au chargeur avec la quantité globale et la date de chargement de la marchandise. Cette prime peut être négative comme elle peut être positive.
L’incoterm le plus fréquemment utilisé par les importateurs de céréales est le Coût et Fret (CFR). Ce mode est caractérisé par le fait que le chargeur de la marchandise prend en charge les frais du transport jusqu'au port de destination désigné par l'importateur.
Ce dernier doit supporter tous les frais et risques de perte ou de dommage sur la marchandise dès que celle-ci est chargées sur le navire.
La prise de décision de la forme d’achat et de la date de livraison se fait par la direction générale de l’entreprise après avoir connu la tendance du marché et la politique d’approvisionnement de l’Etat. Les achats de matières premières sont libellés en Euro ou en Dollar selon la nature et l’origine de la marchandise. Ensuite, les caractéristiques de la matière première objet de l’opération d’importation sont discutées parallèlement avec le chargeur ou bien le courtier (origine, normes de qualité comme le poids spécifique, force boulangère et autre caractéristiques intrinsèques) avant de conclure le contrat.
Une fois le contrat avec le chargeur est conclu, une lettre de crédit est émise par une banque marocaine agréée suite à une demande de l’importateur pour mettre à la disposition du chargeur le montant facturé. C’est ainsi que le chargeur de la marchandise convient avec la société qu’il en fera l’expédition de la marchandise lorsqu’il sera en possession de cette lettre de crédit. La banque marocaine exige, de son coté, que cette opération n’ait lieu que contre remise, par la banque étrangère de l’expéditeur, d’un certain nombre de pièces comme la facture, le certificat d’origine, le connaissement et le certificat phytosanitaire. Ainsi, cette opération se dénoue à deux reprises, d'abord, entre la banque de l'importateur et celle du chargeur, et ensuite entre la banque de l'importateur et ce dernier, lequel lui rembourse les sommes que sa banque a versées pour avoir les documents nécessaires à l’opération de déchargement évacuation du navire.
Couverture contre le risque de prix
Nous avons commencé notre analyse sur l’utilisation des marchés à terme (MAT) en sollicitant le point de vue des opérateurs sur les raisons d’utilisation (ou non) des contrats à terme et sur leur avis sur les instruments de couverture proposés pour se prémunir contre le risque de prix. Nous avons demandé aux sujets par la suite s'ils étaient convaincus par rapport à la fonction de couverture assurés par les marchés à terme. Comme le montre le tableau 2, près de 66% des professionnels estiment que les instruments de couverture proposés permettent de se prémunir contre le risque de prix alors que 34% parmi eux ne partagent pas le même point de vue.
Ensuite, lorsqu'on a demandé aux sujets s'ils étaient convaincus que les marchés à terme sont en mesure de répondre aux objectifs escomptés dans le contexte actuel et en vertu de la législation en vigueur, seuls 8% étaient très convaincus alors que 26% sont moyennement convaincus. Ainsi, seulement 34% d’entre eux ont exprimé une quelconque confiance dans les fonctions des marchés à terme, alors que 45% sont peu convaincu et que 21% ne le sont pas. Le manque de confiance sur les fonctions des marchés à terme peut être expliqué par plusieurs facteurs : d’abord, le coût élevé des instruments de couverture proposés par les salles des marchés constitue pour 64% des sujets la raison principale du non recours aux marchés à terme. Ce coût reste plus cher par rapport aux autres bourses de marchandises et à la valeur de l’option elle-même (option d’achat ou de vente). Ensuite, le manque d’informations et le faible niveau d’exposition au risque de prix ont été déclarés par 21% des sujets. Enfin, le manque de visibilité par rapport aux taux des droits de douane à l’importation durant l’année constitue pour certains sujets un facteur explicatif.
De l’autre côté, les sujets qui ont exprimé une certaine confiance par rapport aux fonctions des marchés à terme estiment que la couverture contre les fluctuations des cours permet une certaine stabilité des résultats de l’entreprise. Pour cela, le business model doit être tellement fiable qu’il permettra à l’entreprise de gagner sur l’exploitation, c’est à dire l’opération globale d’importation de la matière première et non pas sur le cours de la matière première .
Il importe de signaler qu’il n’existe pas un marché organisé de matières premières au Ma-roc. Les opérateurs font appel à plusieurs bourses de marchandises dans différentes places mondiales par l’intermédiaire des banques marocaines agréées. Toutefois, l’accès aux ins-truments de couverture contre le risque de fluctuations des matières premières reste limité. La plupart des sociétés importatrices ne mettent en place aucune stratégie de couverture et subissent en conséquence les risques de prix. En effet, parmi les importateurs céréaliers, on trouve seulement 10 à 11 opérateurs qui ont eu recours au marché à terme de matières premières entre 2015 et 2018, soit 26% du total.
L’évolution de l’utilisation des marchés à terme pour les importateurs céréaliers a connu une certaine stagnation entre 2015 et 2018 (figure 2). Ainsi, tous les négociants utilisent les contrats à terme contre 24% seulement pour les marchands de grains. Les industriels et les autres provendiers ne font pas de couverture sur les marchés à terme. Ceci peut être expliqué par le fait que le prix de vente de la matière première n’est pas stable pour les négociants, contrairement aux industriels qui connaissent d’avance le prix de vente de leurs produits finis (farine par exemple). Par conséquent, une mise en place d’une stratégie de couverture parallèle à la politique d’achat pour les négociants de céréales est indispensable pour rester connecté avec les prix du marché.
Le blé tendre et le maïs sont les seules matières premières qui font l’objet des contrats à terme sur les bourses de marchandises dans le monde. A l’exception des deux opérateurs spécialisés dans le négoce des produits de la provende, tous les négociants recourent aux contrats à terme sur blé tendre et sur maïs tandis que seulement un seul marchand de grains qui a recours au contrat maïs. Les autres marchands qui se couvrent sur le marché à terme de matières premières font appel aux contrats à terme sur blé tendre.
Les marchés à terme constituent un outil de gestion de risque et de découverte de prix au niveau des marchés transparents. L’objectif recherché par le hedger est de garantir une cer-taine stabilité des résultats à travers la mise en place des stratégies qui peuvent protéger son entreprise contre le risque de fluctuations des cours de la matière première et/ou de fluctuations du taux de change. Plusieurs bourses de marchandises peuvent être consultées : Le CBOT (Chicago Board of Trade) et le MATIF (Marché à terme international de France) représentent les principales places boursières consultées par les importateurs marocains. S’ajoutent à cela le KCBT (Kansas City Board of Trade) et le MGEX (Minneapolis Grain Ex-change) qui peuvent être consultés par certains opérateurs. Les contrats de base négociés sur les marchés à terme sont les « Futures » et d’autres contrats à base d’options ou de combinaison de futures et d’options (simple ou parfois complexe).
Stratégies de couverture
Plusieurs stratégies de couverture peuvent être pratiquées pour la réalisation des opérations d’importations de céréales. La première stratégie porte sur l’achat ou la vente des contrats futures dans le but de réaliser un gain (ou perte) qui va compenser la perte (ou gain) sur le marché physique. La deuxième stratégie de couverture comprend l’achat des contrats d’options (call et/ou put) ou la combinaison des contrats future et d’options (simple ou parfois complexes afin de se protéger contre une hausse (ou baisse) du prix du contrat sous-jacent tout en permettant de profiter d’une baisse (ou hausse) des cours sur le marché. La dernière stratégie porte sur l’achat des primes indexées sur les marchés à terme pour avoir une gestion individualisée du risque de prix.
Ainsi, les entreprises qui réalisent leurs importations sans avoir recours aux opérations de couverture représentent 61% des importateurs (figure 3). Certains opérateurs estiment que la couverture ne serait avantageuse que lorsqu’on couvre un volume important de contrats (plus 200.000 tonnes) et dans le cas où il y a une visibilité très claire par rapport à la politique d’approvisionnement en matière de périodes de suspension et des taxes à l’importation du blé tendre. D’autres parlent du coût élevé des instruments de couverture (c'est-à-dire la prime de l’option) proposés par les salles des marchés des banques marocaines par rapport aux coûts proposés par d’autres structures étrangères (banques américaines ou françaises par exemple). Pour les autres sociétés qui font des stratégies de couverture, 29% des importateurs ont recours aux contrats futures et/ou aux contrats d’options sur les marchés à terme tandis que seulement 11% des importateurs préfèrent l’achat d’une prime indexée au marché à terme.
Par rapport à la typologie des importateurs céréaliers, le recours aux contrats futures et/ou d’options intéressent principalement les négociants de matières premières (4 sur 5 négociants) tandis que le recours aux contrats futures et aux contrats à prime indexée (appelés aussi Against Actual ou contrats AA) concernent principalement les marchands de grains (9 sur 21 soit près de 41% des marchands de grains) (figure 4).
Les négociants couvrent près de 83% de leurs positions sur le marché physique pour le maïs et 75% pour le blé tendre (moyenne 2015-2018) alors que les positions des marchands de grains sur le marché à terme sont de 46 % pour le maïs et 42% pour le blé tendre.
Le recours des marchands de grains sur le marché à terme pour la couverture de l’opération d’importation n’est pas systématique. En effet, on estime que 1% seulement du volume importé est couvert en achetant des contrats d’option et 10% des positions sur le marché physique fait l’objet d’une couverture sur contrats futures. Les négociants, quant à eux, couvrent près de 79% de leurs positions sur le marché physique par l’achat (ou la vente) des contrats à terme. Ils couvrent près de 47% de leurs positions sur le marché physique par l’achat des contrats d’options et près de 32% de leurs positions sur les contrats Futures. La figure 5 montre les postions couvertes et non couvertes des marchands de grains et des négociants.
Durée de couverture
La durée de couverture sur le marché à terme porte sur la période entre le moment de l’ouverture et celui de la liquidation de la position. Elle est de 8 semaines (2 mois) pour le blé tendre (moyenne 2015-2018) puisqu’il n’y a pas une visibilité plus ou moins claire sur la politique d’approvisionnement de l’Etat en blé tendre (Timing exact de l’ouverture des frontières et le taux de droits de douanes). Pour le maïs, la durée de couverture moyenne oscille entre 1 et 4 mois. Ainsi, Les opérateurs essayent généralement d’étaler la couverture sur le marché à terme sur la durée globale du contrat sur le marché physique c'est-à-dire entre la date de conclusion de contrat et la date d’arrivage de la marchandise. L’objectif est d’avoir un prix moyen qui correspond à la moyenne des cours observés sur le marché durant cette période. Par exemple, pour une durée de 3 mois, le ratio moyen de couverture qui peut être choisi est de 25% réparti sur 4 sous périodes. D’une manière générale, plus la durée est courte plus on essaye de placer le maximum de positions de couverture au début de la période en mettant en place un programme de couvertures à ratio dégressifs (c'est-à-dire un ratio de couverture de 50% ou 60% au niveau de la première sous période par exemple). Cette technique permet de surveiller le marché pour que la valeur moyenne de la marchandise soit proche de la moyenne des valeurs observées sur le marché au maximum possible.
Exécution des opérations de couverture
Le processus d’exécution des opérations de couverture passe par certaines étapes. En effet, après avoir signé un contrat cadre avec une banque intermédiaire agréée, une ouverture d’un compte client s’impose. Le client (importateur) doit obligatoirement exercer dans la filière céréalière, ce qui signifie pratiquement que les entreprises qui veulent utiliser des contrats à terme sur matières premières à des fins de spéculations est quasiment impossible. L’exécution des ordres clients se fait soit suite à un appel téléphonique enregistré soit en plaçant un ordre à travers l’accès au compte propre de la société sur la salle des marchés de la banque. Cette dernière doit s’assurer que le montant couvert ne dépasse pas le montant de la transaction réalisée et que cette opération de couverture est adossée à une opération d’importation courante. L’adossement doit être matérialisé par la présentation au moment de la souscription de la couverture par tout document engageant l’importateur à accomplir la transaction notamment le contrat ou la facture définitive. Ensuite, un message de confirmation de la transaction est transmis au concerné et doit comprendre plusieurs éléments entre autres : le nom de la matière première, le prix, type de contrats (achat ou vente), la quantité et la maturité du contrat.
Malgré l’importance de la composante ‘’prix d’achat de la matière première’’ sur les résultats financiers des entreprises importatrices des céréales, la gestion professionnelle du risque de fluctuation de prix est limitée à quelques importateurs qui disposent d’une cellule ou d’un département pour l’analyse et la gestion du risque tandis que d’autres se basent uniquement sur l’avis et l’anticipation personnelle de la direction générale.
La stratégie de gestion de risque varie par la suite par rapport à la spécificité de matière première en question et la durée de l’opération d’importation c'est-à-dire entre la date de fixation de l’achat de la marchandise et celle de l’arrivage du navire. En effet, pour les importations dont la durée n’excède pas 30 jours, le comportement observé consiste en la fixation d’une couverture minimale de 50% à 60% lors de la validation de l’importation tout en essayant de défendre le cours fixé à la date d’achat. Pour les importations dont la durée dépasse 30 jours, une couverture systématique importante peut exposer les importateurs à des variations importantes des cours. A cet effet, l’objectif recherché étant que les positions initiées restent compétitives, les couvertures peuvent être étalées sur l’ensemble de la période d’importation.
Par ailleurs, la nature de la matière première et le mode de commercialisation de celle-ci constituent des éléments qui peuvent jouer sur le mode de gestion de risque préconisé. Ainsi, le blé tendre est acheté sur le marché international en Euro ou en Dollar (USD) alors que les autres céréales (blé dur, maïs et orge) sont généralement achetées en USD. Ces produits sont commercialisés sur le marché local en USD et/ou en dirhams. Les ventes en USD sont réalisées normalement entre la date de fixation de l’achat de la marchandise et la date de son dédouanement tandis que les ventes en dirhams peuvent avoir lieu après l’arrivage du navire et le dédouanement de la marchandise. Ainsi, il semble que les négociants préfèrent le premier mode de commercialisation vu que leur exposition au risque matière première et risque de change est limitée. L’importateur négociant peut systématiser la fixation des contrats Futures au rythme de la fixation des contrats par ses clients (organismes stockeurs, industriels). Dans ce cas, l’exposition au risque matière et risque de change est nulle.
Avantages et contraintes révélés
La gestion de risque du prix des matières premières par les importateurs de céréales présente plusieurs avantages et certaines contraintes. Elle permet d’anticiper et de gérer les mouvements de trésorerie, de sécuriser la dette de l’entreprise et limiter la volatilité des résultats et aussi de préserver la compétitivité des importateurs sur le marché. Toutefois, la gestion du risque de fluctuation de prix de la matière première reste une opération assez délicate à partir du fait que le prix de vente au marché local ne correspond pas toujours à la valeur de remplacement. Ainsi, la prise des positions sur le marché à terme de matières premières à travers la fixation des contrats futures expose les importateurs couverts (hedgers) au risque d’une baisse du prix au marché dont d’autres concurrents non couverts pourraient bénéficier en répercutant cette baisse sur les prix de vente au marché local. Les mêmes effets négatifs peuvent prévaloir dans le cas de hausse de prix en situation de non couverture. Par conséquent, la collaboration entre l’équipe commerciale et le responsable en charge de couverture constitue l’une des options privilégiées pour que ce dernier puisse avoir des informations régulières sur les prix de vente et les conditions de commercialisation. Cela permet d’assurer un pilotage des positions de couverture malgré les contraintes contradictoires précitées.
Prise de décision et coût des instruments de couverture
La décision de la forme d’achat et les positions sur le marché à terme est prise par le premier responsable de l’entreprise après concertation avec ses collaborateurs en tenant compte de la situation des niveaux des stocks et des besoins sur le court et le moyen terme. L’analyse de la tendance du marché peut également être demandée avant la prise de décision.
Le coût direct des instruments de couverture (contrats future et contrats d’options) comprend principalement la commission de salle des marchés et d’autres charges relativement faibles (frais de gestion de compte et frais financiers). Ainsi, pour les contrats futures, le coût est relativement stable et est de l’ordre de 1,25 Dh/tonne tandis que le coût des contrats d’option dépend de plusieurs paramètres . Les importateurs céréaliers, quant à eux, considèrent que l’accès aux contrats d’option est coûteux au Maroc par rapport à d’autres salles de marchés dans le monde, ce qui explique le manque d’utilisation de ces instruments par certains opérateurs qui préfèrent le recours à des combinaisons de contrats futures et de ‘’calls’’ et de ‘’puts’’ afin de minimiser le coût des options ou encore de l’annuler. Parallèlement, les importateurs peuvent avoir des coûts indirects liés à la gestion de risque et l’utilisation des bourses de matières premières notamment l’abonnement à certaines bases de données comme Reuters ou Bloomberg qui varient entre 0,25 et 0,45 Dh/tonne.
Volet règlementaire des opérations de couverture
Au Maroc, les opérations de couverture sur les matières premières sont encadrées par le législateur à travers la mise en place des textes qui régissent l’aspect réglementaire, entre autres, la Circulaire de Bank Al-Maghrib N° 8/DTGR/04 du 16 janvier 2004 relative à la couverture des risques sur produits de base, la Circulaire de l’Office des Changes N°1/2018 du 19/01/2018 relative aux opérations de couverture et l’Instruction Générale de l’Office des Changes du 16/11/2011.
Ainsi, les importateurs marocains de céréales sont autorisés à couvrir leur exposition au risque de prix des matières premières auprès des banques intermédiaires agréées ou auprès des courtiers négociateurs étrangers sur un marché organisé à condition que les flux de devises objets des opérations de couverture transitent par un compte dédié ouvert auprès d’une banque marocaine. La réglementation des opérations de couvertures contre le risque de fluctuation de prix a fait l’objet d’une révision par l’office des Changes en janvier 2018 pour inclure de nouvelles facilités. Ainsi, les opérations de couverture relatives à la nouvelle circulaire peuvent porter aussi bien les produits de base ‘’importés et stockés’’ que ceux importés ou exportés. Ceci permettra aux importateurs céréaliers qui procèdent au stockage de la marchandise de couvrir leurs stocks contre une baisse des cours durant la période de stockage, c'est-à-dire entre la mise en place de la marchandise dans les entrepôts et la vente.
En outre, les opérations de couverture peuvent donner lieu à la compensation des positions nées de ces opérations et que les banques peuvent proposer à leur clientèle dans le cadre d’une même opération, une combinaison d’instruments. Cependant, la réglementation exige que toute opération de couverture doit être adossée à des transactions commerciales réelles à l’exclusion de toute opération à caractère spéculatif. Chaque opération de couverture doit être dûment justifiée par la présentation d’un document justifiant l’adossement, notamment le contrat commercial, les titres d’importation ou d’exportation, la facture définitive ou le bon de commande par l’entreprise étrangère.
Selon les importateurs marocains de céréales, la réglementation marocaine qui cadre les opérations de couverture est considérée en phase avec la maturité du marché des céréales. Toutefois, certaines contraintes et limites ont été signalées par les professionnels. Le premier problème qui se pose est le fait que la réglementation est restée vague quant à la nature des instruments de couverture utilisés. A titre d’exemple, le législateur n’évoque pas la possibilité de faire une combinaison de futures avec une ou plusieurs options dans une même opération de couverture ce qui laisse le champ d’interprétation large. Ainsi, certaines positions de couvertures ne sont pas interprétées de la même manière par les professionnels et les inspecteurs de l’Office des Changes. Ces derniers estiment que certaines positions ne relèvent pas du hedging mais de la spéculation.
Une autre contrainte réglementaire soulevée par les importateurs est l’adossement c'est-à-dire l’obligation d’avoir le document justificatif de la transaction commerciale avec le chargeur pour pouvoir souscrire une couverture alors que parfois les importateurs peuvent se retrouver dans des situations avantageuses sur le marché avant même de conclure un contrat commercial physique. S’ajoute à cela la valeur des prix des options facturée par les banques marocaines qui reste très chère selon la majorité des opérateurs, ce qui limite le choix des importateurs et augmente les coûts liés à l’opération de couverture.
Conclusion
Le présent article est le fruit d’un travail empirique réalisé sur la base d’enquêtes avec les responsables de 78% des entreprises importatrices de céréales en plus des intervenants dans l’opération d’importation et de couverture de risque. Ces enquêtes, qui constituent, à notre connaissance, la première recherche académique sur l’utilisation des marchés à terme au Maroc, ont permis d’examiner les pratiques de gestion de risque de prix et de caractériser le niveau d’accès des importateurs marocains de céréales aux instruments de couverture ainsi que leurs avis quant aux fonctions des contrats à terme.
Ainsi, même si l’opération d’importation peut présenter quelques avantages en matière de gain sur le prix de revient de la matière première en question, il semble qu’il existe plusieurs facteurs qui peuvent jouer sur la prise de décision. Il s’agit des facteurs techniques liées à la capacité limitée des sites de stockage au niveau des villes portuaires (Casablanca, Tanger, Agadir…), de moyens logistiques ainsi que de moyens financiers puisque l’opération d’importation nécessite également une capacité financière relativement élevée. A cela s’ajoute les facteurs liés à la gestion rationnelle des risques de prix.
Au-delà de la protection contre le risque, la problématique est de mieux anticiper l’évolution des cours et de déterminer le moment opportun pour déclencher un ordre de couverture. Par conséquent, l’entreprise importatrice doit avoir une analyse claire de son niveau d’aversion au risque vis-à-vis les fluctuations de prix de la matière première.
D’un autre côté, l’offre marocaine en instruments de couverture contre le risque de fluctuations des cours des matières premières permet au pays d’être en phase avec les besoins des importateurs. Elle permet d’anticiper et de gérer les mouvements de trésorerie, de sécuriser la dette de l’entreprise et de limiter la volatilité des résultats. Toutefois, l’accès aux instruments de couverture contre le risque de prix reste limité et ne dépasse pas 26% des entreprises importatrices.
Concernant le développement des marchés à terme, les opérateurs ont besoins de plus de flexibilité par rapport à l’utilisation des instruments de couverture notamment la réglementation du fait que certains importateurs considèrent la couverture en tant qu’une ‘’charge supplémentaire’’. En effet, la possibilité de souscrire des couvertures uniquement avec des banques marocaines agrées et non pas avec d’autres intervenants notamment des banques américaines ou européennes limite le choix des importateurs, augmente les coûts liés aux produits de couverture et limite la concurrence dans le marché financier. Ensuite, l’obligation de présenter des contrats au moment de la couverture empêche les importateurs à prendre des positions avantageuses sur le marché financier avant de conclure la transaction avec le fournisseur.
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