Résumé

La filière marocaine des fruits rouges a connu un essor consistant durant la dernière décennie, soutenue par la stratégie nationale agricole et tractée par l’expansion de la demande sur les marchés internationaux. Cependant, l’évolution qu’a enregistrée la production marocaine interpelle sur la pérennité et la bonne gestion des ressources hydriques. Cette étude vise à évaluer les implications du système de production des fruits rouges en matière d’utilisation et de valorisation de l’eau d’irrigation. Pour y répondre, nous avons calculé la valorisation financière et agronomique de l’eau, correspondant respectivement au rapport de la marge bénéficiaire nette et de la production totale sur le volume d’eau apportée. Les données ont été collectées sur le terrain moyennant un échantillonnage aléatoire et simple dans le périmètre du Loukkos sur 93 exploitations de fruits rouges. Au niveau de la valorisation financière, la myrtille affiche une rentabilité de 67,3 DH/m³ d’eau, expliquée principalement par son prix élevé, suivie de la framboise avec 54,2 DH/m³ puis de la fraise avec 12,4 DH/m³ d’eau. A l’inverse, la valorisation agronomique est plus importante chez la fraise avec 7,12 Kg/m³, suivie de la framboise avec 3,35 Kg/m³ puis de la myrtille à 1,96 Kg/m³. Cet article met l’accent sur les points cruciaux de la filière tels que la durabilité de l’apport hydrique, la disponibilité de la main d’œuvre qualifiée et le foncier. Il préconise également la conquête d’autres marchés d’export et la mise aux normes nationales des produits destinés à aux marchés internationaux.


Mots-clés: Fruits rouges, valorisation de l’eau, productivité de l’eau, Loukkos, Irrigation.

Introduction

La filière des petits fruits rouges au Maroc comprend trois principales cultures, à savoir la fraise, la framboise et la myrtille. Le développement qu’a connu cette filière durant les dix dernières années a été favorisé par la proximité géographique du Maroc de l’Europe, la disponibilité des ressources hydriques, la présence de la main d’œuvre qualifiée nécessaire pour les différentes étapes de la chaîne de valeur et la disponibilité des terres agricoles dans les trois principales régions caractérisées par un climat favorable à la production de ces cultures que sont Rabat-Salé-Kénitra, Tanger-Tétouan-Al Hoceima et Souss-Massa-Darâa (MAPMDREF, 2014).

Ces cultures ont connu une croissance remarquable depuis leur introduction dans le périmètre du Loukkos qui détient, selon les dernières statistiques, près de 80% de la production nationale et avec un chiffre d’affaires dépassant 2,73 MMDH sur plus de 3,3 MMDH à l’échelle nationale. Cette filière génère près de 23% de l’emploi agricole au niveau de la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima. La superficie totale des petits fruits rouges a atteint 8 400 Ha pour la campagne 2018-19 dont 52% dans la région de Rabat-Salé-Kénitra avec près de 65% de la production nationale, soit 127 400 T (IPBM, 2019).

Figure 1-2:.

Les fruits rouges sont actuellement parmi les spéculations fruitières les plus rentables avec une très haute valeur ajoutée. Elles sont très demandées par les marchés internationaux, notamment ceux de l’Europe et de l’Amérique. Le bon positionnement du Maroc sur le marché Européen, principale destination de la production nationale, est dû à la difficulté que connait ce marché pour satisfaire ses besoins en fruits rouges avant le début de l’été (Juin-Juillet) (MAPMDREF, 2014).

La marge nette moyenne peut aller de 75 000 DH/ha pour la fraise jusqu’à 750 000 DH/ha pour la myrtille, ce qui explique la reconversion des quelques producteurs de la fraise à la production de la myrtille. Cette reconversion s’avère difficile pour la plupart des agriculteurs vu le niveau d’investissement exigé pour l’installation du myrtillier qui peut aller jusqu’à 800 000 DH/ha.

La filière des petits fruits rouges au Maroc

Quelle évolution durant la dernière décennie ?

La production des petits fruits rouges est passée de presque 107 300 T en 2010 à plus de 196 000 T en 2019. La reconversion des producteurs de la fraise en la production de la framboise et la myrtille explique l’évolution remarquable de la production de ces cultures durant les trois dernières compagnes agricoles. En effet, la production de framboise est passée de 2 004 T en 2010 à 24 500 T en 2019, alors que la myrtille a atteint un niveau de production de 23 060 T en 2019 contre seulement 1 317 T en 2009 (IPBM, 2019).

Figure 3:.

Malgré l’évolution de la superficie et la production de la framboise et la myrtille, la fraise reste la principale culture pratiquée au Maroc vu le coût d’installation et les charges variables relativement faibles par rapport aux autres cultures (MAPMDREF, 2014).

Evolution des superficies et des productions par culture

La fraise

La production marocaine de fraise durant la campagne 2018-19 a atteint 148 554 T, soit en augmentation de 6,1% par rapport à la campagne précédente. Cette augmentation est expliquée par l’augmentation de la superficie de 7,2%, en passant de 3 300 Ha en 2017-18 à 3 537 Ha en 2018-19 (IPBM, 2019).

Figure 4:.

Malgré son introduction au Maroc depuis les années cinquante, la culture du fraisier n’a démarré qu’au début des années 80 principalement dans le périmètre du Loukkos et un peu moins au niveau du Souss-Massa. A partir de la campagne agricole 1994-95, cette culture s’est étendue au périmètre du Gharb qui détiendra par la suite près de 78% de la production nationale (MAPMDREF, 2014).

La framboise et la myrtille

La superficie nationale de framboise est passée de 30 Ha en 2006-07 à plus de 2 400 Ha en 2018-19, en passant d’un niveau de production de 780 T à environ 24 500 T. Quant à la myrtille, la superficie nationale a atteint 2 306 Ha avec une production totale de 23 060 T, soit une moyenne de 10 T/Ha (IPBM, 2019).

Figure 5:.

Figure 6:.

Les premières tentatives d’introduction de la culture de la framboise et la myrtille ont débutés par les agriculteurs du périmètre de Loukkos au début des années 2000. Les variétés importées au début rencontraient un problème de développement vu leur exigence en froid. En 2004, Quelques producteurs du même périmètre ont réussi à introduire plusieurs variétés à faible exigence en froid et à offrir des conditions favorables de développement de ces cultures (MAPMDREF, 2014).

Importance économique du secteur des petits fruits rouges

Malgré le faible niveau de production de la myrtille, le chiffre d’affaires de cette culture reste le plus élevé vu l’importance du prix de vente qui peut dépasser les 70 DH/kg selon les variétés et les campagnes agricoles. A titre d’exemple, le chiffre d’affaires des exportations de la myrtille en 2017/2018 a atteint 1,3 Milliards de Dirhams, contre 1,02 Milliards de Dirhams pour la fraise et 980 Millions de Dirhams pour la framboise (IPBM, 2019).

Le niveau des exportations des petits fruits rouges frais et surgelés a connu une évolution très importante en passant de 60 570 T en 2006 à 107 523 T en 2018, soit une évolution de 77,5% (IPBM, 2019).

Figure 7:.

Les circuits de commercialisation

Le secteur des petits fruits rouges présente plusieurs niveaux d’intégration et les producteurs peuvent être classés en trois groupes principaux : (i) Les exploitations à grande échelle intégrées, (ii) les exploitations à grande échelle non intégrés et (iii) les petites exploitations.

Le premier groupe contient les exportateurs étrangers (espagnols, français, belges, australiens et émiratis) intégrés qui produisent la fraise, la framboise et/ou la myrtille avec des surfaces supérieures à 50 Ha. Ce groupe, en plus de leur accès facile au marché international, ils ont la capacité de contrôler les importations des plants au Maroc vu leur relation avec les pépinières spécialisées étrangères. En plus, la plupart de ces producteurs joue un rôle d’agrégateur et prend en charge les opérations de commercialisation au niveau du marché international moyennant une commission sur les exportations. Le deuxième groupe, constitué des producteurs marocains partenaires des groupes agroindustriels du premier groupe, est centré sur l’exportation des produits frais et surgelés généralement à travers les grands producteurs. En ce qui concerne le dernier groupe, il est comporte les petits producteurs marocains qui commercialisent essentiellement au niveau du marché local (MAPMDREF, 2014).

Malgré cette diversité des groupes, la commercialisation des petits fruits rouges connait beaucoup moins d’intermédiaires par rapport aux autres cultures produites au niveau national. Cette situation peut être expliquée par les prix élevé de ces cultures, et par conséquent la présence des intermédiaires est conditionnée par la disponibilité d’un capital important.

Implication du secteur des petits fruits rouges sur les ressources en eau au niveau du périmètre du Loukkos

Problématique

L’expansion de la filière des petits fruits rouges, ou du moins sa subsistance, interpelle communément sur la question de l’eau dont la perspective est la plus déterminante, mais aussi malencontreusement, la plus critique. Le système fruits rouges/eau traduit une interaction réciproque faisant que la surexploitation de l’eau induirait, en revers, un déclin de cet écosystème agricole des plus réussis.

Dans une région continentale caractérisée par une irrégularité de la pluviométrie, et dans une circonstance critique du Maroc en matière de pénurie d’eau et de rabattement de la nappe, s’ajoutant à l’accroissement structurel de la demande en eau et en produits agricoles sous l’effet de la démographie, la disponibilité de l’eau -et par anticipation- l’impact de l’agriculture en général sur ce même disponible rejailli parmi les grandes problématiques du moment.

Conscience prise du fait que la sécurité alimentaire passe désormais par une gestion optimale et efficiente des ressources hydriques, le Maroc a repositionné sa politique de gestion de l’eau sur la mobilisation mais aussi la rationalisation et la « valorisation » des ressources en eau conventionnelles et non conventionnelles à travers trois programmes du Plan Maroc Vert (Sadiki, 2017).

La filière des petits fruits rouges, épanouie et mise en avant au terme d’un co-investissement massif par les agriculteurs et l’Etat, portant un chiffre d’affaire de plus de 2,7 MMDH dans le périmètre du Loukkos, et contribuant à l’emploi et à l’export, ne peut que requérir une attention particulière quant à sa subsistance et son développement, et donc à la valorisation de son utilisation de l’eau de la région qui nécessite d’être évaluée, que ce soit à titre singulier ou comparatif.

Objectif

Dans ce contexte où la pérennité de la production des petits fruits rouges, hydrivores de surcroît, est remise en question, la présente étude vise pour sa part à évaluer les implications de leur système de production actuel dans le périmètre du Loukkos en matière d’utilisation et de valorisation de l’eau d’irrigation tant sur le plan agronomique que financier.

Méthodologie

Valorisation et productivité de l’eau d’irrigation

Le concept de la valorisation de l’eau correspond au rapport entre l’output d’un produit et l’input en eau. Ce concept constitue un exemple important à analyser afin de tirer les enseignements pour une meilleure utilisation de cette ressource (Mali, 2016).

La valorisation de l’eau peut avoir différentes catégories en fonction de l’échelle d’analyse. Pour notre cas, et puisque l’échelle d’analyse est l’exploitation agricole, la valorisation de l’eau se réfère à la productivité et à la rentabilité. Par conséquent, on va s’intéresser à la valorisation agronomique (productivité) et la valorisation financière (rentabilité).

La valorisation financière de l’eau d’irrigation est définie comme étant le rapport entre la marge bénéficiaire nette de la production et le volume d’eau apporté pour aboutir à cette production par unité de surface, et elle est exprimée en DH/m³ (idem).

La valorisation financière (DH/m³) = Marge bénéficiaire nette (DH)/Le volume d’eau apporté (m³)

Quant à la productivité de l’eau, elle est définie comme étant le rapport entre la production totale de la culture étudiée et le volume d’eau apporté, et elle est exprimée en Kg/m³ (idem).

La productivité de l’eau (Kg/m³) = Production totale (Kg)/Le volume d’eau apporté (m³)

Il est à noter que la marge bénéficiaire nette se définie comme suit :

La marge bénéficiaire nette (DH/ha) = Produit brut (DH/ha) – Les charges totales (DH/ha)

Échantillonnage

Afin de répondre à notre problématique et atteindre les objectifs fixés par le présent travail, une enquête de terrain a été effectuée avec les producteurs des trois principales cultures de la filière des petits fruits rouges, et ce à l’aide d’une fiche enquête.

Un échantillon aléatoire et simple a été choisi afin d’allouer une chance à tous les producteurs du périmètre du Loukkos d’être sélectionnée indépendamment de la taille de leurs exploitations et leur appartenance à un des groupes cités au-dessus. Aussi, cette méthode d’échantillonnage semble la plus appropriée vu l’homogénéité et le nombre élevées des producteurs des fruits rouges dans la région.

La taille de l’échantillon enquêté a atteint un total de 93 exploitants, dont 33 producteurs de la fraise, 40 producteurs de la framboise et 20 producteurs de la myrtille. L’enquête du terrain effectuée et les données collectées concernent la campagne agricole 2017-18.

Résultats

La marge bénéficiaire nette

Pour les exploitations de fraise, l’analyse des données collectées révèle une marge brute moyenne de l’échantillon de 77 571,86 DH/ha, cet indicateur économique varie entre – 257 261 et 388 343,22 DH/ha. La valeur négative de la marge représente un cas de perte qu’un producteur avait déclaré et qui est due à une forte perte de plants qui est arrivée à 60%. Les autres exploitations, malgré les aléas climatiques désastreux qu’avait connu le périmètre durant la campagne agricole 2017-18, n’affichent que des marges brutes positives qui sont loin du potentiel de la culture de fraise mais qui assurent un gain encourageant aux producteurs.

Tableau 1:.

Les coûts d’installation de la framboise et la myrtille sont élevés. La myrtille en l’occurrence nécessite un coût moyen d’installation de 800 000 DH/ ha en plus des charges d’entretien annuel, ce qui s’explique d’une part par le coût des variétés des plants importés et l’installation des serres et d’autre part par le niveau d’exigence en main d’œuvre qualifiée surtout lors de la récolte avec plus de 1 000 journées de travail par hectare.

La marge bénéficiaire de la framboise a une moyenne de 475 451 DH pour l’échantillon des producteurs de la framboise. En ce qui concerne la myrtille, cette marge moyenne s’élève à 754 435 DH.

La valorisation financière de l’eau

La valorisation financière moyenne est estimée à 12,4 DH/m³ pour la culture de la fraise, 54,2 DH/m³ pour la framboise et 67,26 DH/m³ pour la myrtille.

Tableau 2:.

La valorisation financière peut atteindre jusqu’à 53,69 DH/m³ pour la fraise, 72,55 DH/m³ pour la framboise et 114,35 DH/m³ pour la myrtille.

La disparité existante entre les exploitations est expliquée par la différence dans le choix de l’équipement hydraulique et la gestion de ses ressources en eau. Généralement, les grandes valeurs de valorisation financière reviennent aux grandes exploitations capitalistes qui cherchent à opérer de façon optimale et efficiente.

La productivité de l’eau

La productivité de l’eau moyenne est estimée à 7,12 Kg/m³ pour la fraise, 3,35 Kg/m³ pour la framboise et 1,96 Kg/m³ pour la myrtille.

Tableau 3:.

Malgré la disponibilité des résultats relatifs à la valorisation financière et la productivité de l’eau, il est difficile de trouver un lien direct entre ces deux indicateurs vu la variation du prix de vente qui dépend de la destination de la production.

Discussions

La filière des fruits rouges rencontre des contraintes qui peuvent se manifester à long terme ; les exploitations sont spécialisées dans les fruits rouges alors il y a absence de rotation ce qui fatigue le sol et diminue sa fertilité de plus en plus d’où le besoin d’amendement organique et minéral.

La gestion de la demande d’eau nécessite une productivité accrue de l’eau dans l’agriculture, des allocations d’eau rationnelles pour différents secteurs et une réduction des pertes d’eau à tous les niveaux. L’amélioration de la valorisation et la productivité de l’eau peut entraîner une augmentation de la production agricole et des revenus.

Actuellement le périmètre du Loukkos est caractérisé par une pluviométrie importante vu sa situation géographique ce qui permet la recharge de la nappe et l’alimentation des puits et forages, mais la pression exercée sur la nappe phréatique augmente de plus en plus avec l’expansion de la superficie des fruits rouges et d’autres cultures. Cette situation pousse à poser la question sur le taux de régénération de la nappe et sa préservation pour les générations futures et surtout ne pas répéter le drame des nappes du périmètre de Souss qui ont atteint un niveau critique vu leur surexploitation.

Partant de ces constats, l’autorisation de la construction des puits et forages s’avère nécessaire pour préserver le patrimoine de la zone et le gérer d’une manière durable. Aussi il est opportun de penser à améliorer la qualité physique de l’eau du barrage durant toute l’année, car les agriculteurs qui ont accès à cette eau déclarent ne pas pouvoir l’utiliser durant une courte période de l’année.

Aussi, il est nécessaire de signaler que la main d’œuvre qualifiée peut être un facteur limitant du secteur des fruits rouges surtout en période de récolte vu que c’est un stade qui demande un grand nombre d’ouvrières qui, durant cette période, sont difficile à trouver vu leur déplacement en Espagne dans le but de chercher des salaires meilleurs et des conditions de travail plus agréables. Cela constitue, selon la Fédération interprofessionnelle marocaine des fruits rouges, un risque de pénurie de main d'œuvre dans les principaux bassins de production de fruits rouges au Maroc, surtout que la campagne de récolte au Sud de l'Espagne connaît un démarrage précoce.

Sachant que parmi les avantages concurrentiels de la filière des fruits rouges, il y a le coût faible de main d’œuvre, une éventualité qui peut changer à tout moment. Le Maroc est un vivier de main d'œuvre, mais les opérations de recrutement ne doivent pas se faire massivement dans les zones de production de fruits rouges où les professionnels ont relevé, depuis près de 30 années, le niveau de qualification et de formation des ressources humaines, notamment dans les régions du Gharb, Loukkos et Souss-Massa.

Les producteurs des fruits rouges optent pour des plants certifiés souvent importés des pépiniéristes espagnoles d’où la dépendance des producteurs marocains vis-à-vis de ces fournisseurs de plants. Donc la campagne de production est conditionnée par la disponibilité et la viabilité des plants importés, c’est pourquoi il faut penser à développer des variétés autochtones qui s’adapterons mieux aux conditions et exigences du contexte nationale en créant des centres de recherche nationaux et des laboratoires de recherches scientifiques pour encourager l’innovation et la recherche dans le domaine agricole et diminuer la dépendance de l’étranger. En effet, les producteurs des fruits rouges sont sous contrôle de ces fournisseurs de plants dans le choix de la variété, le prix de vente des plants et les délais de livraison. A titre d’exemple, le prix du plant en motte de la myrtille est compris entre 40 et 50 DH par unité, une charge qui qui influence la marge bénéficiaire de l’agriculteur et alourdie le coût d’installation initiale.

Dans ce même contexte, la première destination d’export des fruits rouges est l’Union Européenne. Le Maroc doit œuvrer à la diversification des marchés et des offres afin d’améliorer ses exportations et remédier à cet égard aux fluctuations de la demande sur le marché européen. Certes, ce constat a été bien assimilé par les producteurs, mais il est nécessaire de signaler que cela représente une urgence pour cette filière. S’ouvrir sur de nouveaux marchés va garantir aux producteurs de négocier des prix plus élevés que ceux offert par le marché européen ainsi qu’une meilleure valorisation de la production nationale et une amélioration de la rentabilité de ces spéculations.

Les stations de conditionnement achètent la production des agriculteurs et assurent la fourniture des plants et les produits d’emballage. Elles jouent le rôle d’intermédiaire entre les producteurs de fruits rouges et les parties exportatrices, ainsi elles bénéficient de la marge entre le prix d’achat qu’elles offrent aux producteurs et le prix de vente. En plus ces stations assurent aussi le stockage dans des chambres froides des petits fruits rouges jusqu’à leur export, mais avec l’extension remarquable des superficies des fruits rouges et la production qui augmente, la question se pose sur la capacité de ces unités de continuer de jouer ce rôle pour l’ensemble des producteurs ou favoriser leur client fidèle en dépit des producteurs qui viennent d’installer leur culture. Par ailleurs, les stations de conditionnement veillent à l’accompagnement technique des producteurs qui livrent leur production à elle et vérifient le respect des normes et exigences établies par les pays exportateurs. C’est pourquoi, et dans l’absence d’un modèle d’agrégation pour les producteurs des fruits rouges dans le périmètre du Loukkos, une question de pose à ce niveau : Ces stations de conditionnement sont-elles des agrégateurs ou des intermédiaires ? Cette question reste toujours valable tant qu’un modèle d’agrégation n’est pas mis en place.

Un autre intermédiaire phare dans la filière est la personne qui se charge de grouper la main d’œuvre nécessaire pour chaque opération du cycle de production. Si jamais le producteur a rompu sa relation avec ces personnes pour une raison ou une autre, il risque de perdre sa production et son investissement surtout en période de récolte et subir des pertes importantes.

La majorité des exploitations de l’échantillon ont un mode de faire valoir indirect dont le terrain est d’origine collectif ou domanial, ce qui constitue un frein au développement de la filière des fruits rouges. En effet, cette offre foncière est contraignante pour la promotion de l’investissement au sein du périmètre. En effet le morcellement continu des terres agricoles, dû à la pression démographique qui s'exerce sur la terre et, en particulier, sur les terres de statut "Melk" soumises à de constants partages, suite aux transmissions successorales (Bajeddi, 2007). Aussi, d’après Bajeddi,‘’les problèmes de l'indivision de la propriété issus du fait que la grande majorité des propriétés foncières appartiennent à un nombre sans cesse grandissant d'héritiers qui, faute de pouvoir procéder à un quelconque partage, sont acculés à rester dans cette situation forcée de l'indivision (idem). Cet état de fait est réconforté, d'une part, par le manque de possibilités d'accès à la terre ou de trouver une alternative de travail dans le milieu urbain qui oblige les gens à rester en indivision, et d'autre part les répercussions de l'obsession du foncier comme patrimoine premier, voire comme richesse symbolique et non comme facteur de production à fructifier, chez beaucoup d'agriculteurs. Une autre forme de foncier, ce sont les terres collectives sous leurs formes actuelles, sont considérées comme des obstacles majeurs au développement agricole, car elles n’offrent pas les conditions de sécurité et de stabilité nécessaires à l’intensification agricole et à l’investissement privé. Par conséquent, les investisseurs privés nationaux en agriculture se heurtent principalement à la difficulté de trouver les terres agricoles nécessaires’’.

La filière des fruits rouges qualifiée à haute valeur ajoutée doit être portée par des jeunes leaders ayant des compétences et un savoir-faire agricole et économique pour atteindre le potentiel de production attendu. L’Etat doit encourager les jeunes investisseurs à travers l’introduction des incitations en plus de celles existantes à présent afin de diminuer la lourdeur de financement qui pose souvent l’obstacle indépassable devant les grandes ambitions des jeunes entrepreneurs. Les organismes de conseil et d’encadrement agricole doivent élargir leur spectre d’intervention via la mise en œuvre d’un programme de formation annuel établi selon le besoin exprimé par les producteurs et les objectifs fixés par les organismes publics régissant la filière.

Aussi, les exploitations doivent adopter un système de contrôle de qualité autonome de celui qu’assure les sociétés d’export que les producteurs admirent par obligation et non pas par conviction de sa nécessité. L’Etat doit mettre en œuvre un cahier de charge que les producteurs doivent suivre avant de se lancer dans la production des fruits rouges afin d’augmenter la compétitivité de la production marocaine sur le marché mondial.

Références bibliographiques

▪ Bajeddi, M. (2007). Développement agricole et régimes fonciers au Maroc, publication web : https://www.bajeddi.com/publications/2007/1/15/developpement-agricole-et-regimes-fonciers-au-maroc.

▪ IPBM Maroc (2019). Note sur la filière des fruits rouges, pp 1-14.

▪ Mali, S. Santosh. (2016). Approaches to Improve Agricultural Water Productivity, Chapter 1: Basic Concepts of Water Productivity, Satish Serial Publishing House, Edition: 2016, pp 1-13.

▪ MAPMDREF (2014). Note de veille, filière fruits rouges. Publication web: http://www.agriculture.gov.ma/pages/veille/note-de-veille-filiere-fruits-rouges, pp 0-2.

▪ Sadiki, M. (2017). La rareté de l’eau : défis et opportunités -cas du secteur agricole au Maroc-, Séminaire « rareté de l’eau : défis et opportunités », Rome, Italie, 17 novembre 2017.