Résumé

En vue d’une évaluation de l’influence d’un additif alimentaire sur les performances de production chez la vache laitière, deux lots (témoin et expérimental) homogènes, sur base du stade de lactation et de l’état sanitaire, ont été constitués pour une période de deux mois. Le lot témoin recevait une ration alimentaire standard alors que la ration du lot expérimental était supplémentée à l’aide d’un additif alimentaire comportant des acides aminés et quelques oligoéléments. Les niveaux de production et la qualité du lait des deux groupes ont été comparés. Les résultats du contrôle laitier ont révélé une amélioration de la production laitière (18,0 kg du lait dans le lot expérimental vs 17.5 kg dans le lot témoin), et des paramètres physico-chimiques du lait: taux protéique (taux butyreux, lactose, densité et extrait sec dégraissé). Seuls les taux protéique et de lactose ont présenté des différences significatives. Cet additif a permis d’améliorer la production quantitative et qualitative du lait.


Mots clés: additifs alimentaires, production laitière, qualité du lait, quantité du lait, vache laitière

Introduction

Le lait constitue un produit de base dans le modèle de consommation algérien. Sa part dans les importations alimentaires totales du pays représente environ 22 %. Afin de combler le déficit en protéines d’origine animale, la population a recours généralement à la consommation du lait en raison de sa richesse en nutriments qui peut suppléer à d’autres produits coûteux tels que la viande. Néanmoins, la production, tant au niveau de l’industrie qu'à celui des exploitations laitières, n’a pas suivi le rythme de la consommation nationale (Bessaoud, 2019).

La production de lait d’une vache laitière dépend de quatre principaux facteurs, à savoir, le potentiel génétique, le programme d’alimentation, la conduite du troupeau, et la santé. Alors que le potentiel génétique des vaches s’améliore constamment, il est indispensable de perfectionner l’alimentation et la conduite du troupeau pour permettre à l’animal d’assurer une production à la mesure de ses aptitudes héréditaires (Wheeler, 1996).

Les approches nutritionnelles nécessitent des solutions alimentaires très élaborées à la fois pour extérioriser au mieux et dans les conditions les plus économiques ce potentiel laitier, et aussi pour limiter au maximum les troubles métaboliques et de reproduction dont l’incidence est augmentée à la fois par le haut niveau de production et par certains types de rations (Wolter, 1994).

Plusieurs actions ont été menées afin de corriger le profil alimentaire de la vache laitière pour avoir une meilleure production du lait durant toute la période de lactation en couvrant ses besoins. L’amélioration de l’autonomie alimentaire peut être obtenue par une amélioration de la qualité et de la quantité des fourrages et concentrés distribués, et aussi par la supplémentation de la ration par des additifs alimentaires tels les vitamines, les minéraux, les oligo-éléments et les acides aminés en vue d’une évolution quantitative et qualitative du lait produit (Afssa, 2003).

Cette étude consiste en la comparaison des performances de production des vaches laitières ayant reçues des additifs alimentaires en plus de la ration classique et des vaches ayant reçues une ration classique uniquement.

Matériel et Méthodes

L’étude a été menée pendant deux mois (novembre-décembre) sur deux (02) lots d’une même exploitation, comparés pour la quantité du lait produite, et l’analyse qualitative du lait produit.

Les animaux ont été choisis de façon à obtenir des groupes homogènes sur base du stade de lactation et du profil sanitaire (3 mois après le vêlage). Ils étaient âgés entre 3 et 5 ans, de race importée. Le régime alimentaire était à base du fourrage vert (fourrage de prairie riche en luzerne) (4kg/animal/jour), de concentré (4kg/animal/jour) et de foin (tableau 1) ad libitum

Tableau 1 : valeurs nutritifs des aliments ingérés

Aliment MS (⸓) UFL (/kg MS) MAD (⸓ MS)

Luzerne 21 0,80 185,3

Concentré 93 0,95 46,20

Foin 95 0,69 67,11

Un additif alimentaire pour bovins a été administré à un seul groupe (EXP) Cet additif comprenait comme composés actifs certains acides aminés et quelques oligo-éléments. Cet additif a été utilisé pendant 2 mois de façon journalière, à raison de 100g/jour/vache incorporé dans l’aliment pour le lot expérimental (la période d’adaptation étant de deux semaines). Le lot témoin (TEM) a reçu la ration classique uniquement.

Tableau 2: Composition de l’additif alimentaire utilisé (NRC, 2005)

Nutriment Teneur

(mg/kg) Apport journalier recommandé (mg/kg de MS)

Fer 3000 70

Zinc 4200 70

Cuivre 1500 35

Manganèse 2500 60

Méthionine 15000 1500

Choline 15000 1500

Les données de production laitière sont toutes issues des résultats du Contrôle Laitier. La quantité de lait produite par ces vaches a été mesurée hebdomadairement tout au long de la période expérimentale. Une mesure qualitative a été également réalisée pendant la même période (TB, TP, lactose, densité, extrait sec).

A chaque contrôle laitier, des prélèvements manuels de chaque vache et de chaque lot ont été réalisés et mélangés dans des flacons stériles de 60ml afin d’obtenir un lait de mélange des vaches de chaque lot pour l’analyse physico- chimique. Les récipients ont été étiquetés et placés dans une glacière froide à 4°C et acheminés au laboratoire de contrôle de qualité où ils ont été aussitôt analysés. Les prélèvements ont été analysés à l’aide d’un analyseur de chimie moderne adapté à l’analyse du lait (Lactostar (Ref. 3510)). Six paramètres physico-chimiques du lait cru ont été analysés : le taux butyrique, le taux protéique, la densité, le lactose, et l’extrait sec dégraissé.

Analyse statistique

Le logiciel R a été utilisé pour les analyses statistiques. Le test non paramétrique de Wilcoxon-Mann-Whitney a été utilisé pour comparer les différentes variables mesurées entre les 2 groupes.

Le seuil alpha de 5% a été utilisé pour décider de la significativité des différences. Les autres données ayant été obtenues sur des échantillons poolés, n’ont pu faire que l’objet d’analyses descriptives simples.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Les résultats des mesures sont résumés dans le tableau 3.

Tableau 3: Paramètres du lait

Groupe 1 Groupe 2 SEM P-value

Quantité du lait (l/j)) 17,5 18,0 0,18 0,65

MG (%) 3,67 4,01 0,16 0,13

Protéine (%) 2,98 3,06 0,03 0,06

Lactose (%) 4,49 5,35 0,12 0,004

Densité 29,2 30,0 0,32 0,09

Quantité du lait:

Les quantités du lait produites par l’ensemble des vaches de l’exploitation sont présentées dans la figure 1.

Figure 1: Evolution de la production laitière de vaches supplémentées (EXP) ou non (TEM) à l’aide d’un complément d’oligo-éléments et d’acides aminés

Du point de vue de la dynamique de production, celle du groupe témoin est restée stable et proche de 17,5 l/j. Par contre, une augmentation linéaire du volume du lait produit dans le lot expérimental a été observée durant les quatre premières semaines jusqu'à atteindre un plateau à 18.3 kg qui est resté stable jusqu’à la fin de l’essai.

De Peters et Cant (1992) ont rapporté que la production de lait peut augmenter lorsque des acides aminés résistants à la rumination (habituellement de la méthionine ou de la lysine) sont fournis à la vache. Rulquin (1992) a indiqué que l’emploi d’un seul de ces deux acides aminés est moins efficace que leur association.

Composition chimique et qualité du lait

Bien que les paramètres de composition chimique et de qualité du lait n’aient pu être mesurés que sur des échantillons poolés, leur comparaison entre lots reste intéressante à réaliser.

Les taux butyreux ont été semblables dans les deux lots. Dans le lot expérimental, les valeurs ont correspondu aux normes de 35 g/l (Vrankovic et al., 2017) durant toute la période d’étude. Par ailleurs, des valeurs inférieures à 35 g/l ont été enregistrées chez les vaches du lot témoin (Figure 2).

Figure 2: Différence (en % du témoin) des compositions du lait entre des vaches témoins et des vaches ayant reçus un additif à base d’oligo-éléments et d’acides aminés (TP : taux protéique ; TB : taux butyreux ; L : lactose)

Les vaches du lot expérimental ont présenté des taux protéiques numériquement plus élevés que le lot témoin. Froidmont et al. (2002) et Rondia et al. (2005) ont rapporté que les acides aminés libres peuvent échapper à la dégradation ruminale et permettre ainsi une amélioration de la valorisation de l’azote d’autant meilleure que la ration est pauvre en protéines. L’apport post-ruminal de méthionine avec de la lysine permet d’obtenir un accroissement significativement plus élevé du taux protéique qu’avec de la méthionine seule ou de la lysine seule.

La teneur en lactose dans le lait recueilli dans le lot expérimental a montré des valeurs supérieures à celles du groupe témoin, tout au long de l’expérimentation. Dans ce dernier groupe, les valeurs étaient proches des normes (47g/l) (Leboeuf et al., 2002).

Le ratio TB/TP est, selon certains auteurs, un paramètre plus fiable de prévision de déficit énergétique que le TP ou le TB seul. Le ratio TB/TP maximum est fixé à 1,4 ; seuil utilisable sur les 63 premiers jours de lactation. Certains auteurs proposent un seuil de 1,5 (Buttchereit et al., 2010; Toni et al. 2011). Cependant, une étude préalable réalisée sur notre base de données a montré que le seuil de 1,4 dans l’évaluation du déficit énergétique que la valeur de 1,5. Le rapport taux protéique/ taux butyreux (TB/TP) est utilisé comme indicateur de maladies métaboliques, les rapports supérieurs à 1,5 étant significatifs d’un état subcétosique alors que les rapports inférieurs à 1 sont évocateurs de subacidose (Ennuyer, 2008). Les rapports TB/TP élevés ont été notés dans plusieurs études, associés à un effet négatif sur la fertilité, un allongement de l’anoestrus postpartum et une augmentation du taux de réforme pour infécondité (Ponsart et al, 2006 ; Seegers et al, 2005).

Les valeurs du TB/TP obtenues dans cet essai sont toutes dans les normes admises.

Tableau 4: Calcul du TB/TP du lait entre des vaches témoins et des vaches ayant reçus un additif à base d’oligo-éléments et d’acides aminés

Semaine Expérimental Témoin

Semaine1

Semaine2

Semaine3

Semaine4

Semaine5

Semaine6

1.40

1.38

1.30

1.18

1.13

1.47 1.45

1.07

1.27

1.36

1.08

1.11

TB/TP N: [1-1.5]

Conclusion

Il ressort que les performances de production chez la vache laitière peuvent être améliorées sous l’effet de la supplémentation de la ration alimentaire classique à l’aide d’un mélange d’oligo-éléments et d’acides aminés. Ces améliorations sont quantitatives et qualitatives.

Références bibliographiques

Afssa, 2003. Evaluation nutritionnelle et sanitaire des aliments issus de l’agriculture biologique. Rapport du 29 juillet 2003

Bessaoud, O., Pellissier J.-P. (coord.), Rolland J.-P. (coord.), Khechimi W. (coord.). (2019). Rapport de synthèse sur l’agriculture en Algérie. Montpellier (France) : CIHEAM-IAMM. 82 p. Rapport de synthèse. Initiative ENPARD Méditerranée (Commission Européenne).

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