Résumé

Durant 8 semaines, une étude a été conduite sur l’effet d’incorporation de la farine de poisson sur les performances de croissances des juvéniles de Clarias gariepinus élevés en hapa à Kindu. Au total, 74 juvéniles de Clarias gariepinus ont été répartis dans 2 hapa à raison de 37 juvéniles par hapa. Le poids moyen initial des poissons varie entre 4,04 g et 5,35 g. Deux rations ont été formulées dosant 60% (R1) et 50% (R2) de protéine brute dans lesquelles la farine de poisson a été incorporée à raison de 10,9 et 11,3% dans chacune de ration. Les juvéniles sont nourris pendant 11 semaines et 3 jours et les résultats obtenus indiquent un taux de croissance spécifique moyen des juvéniles de 5,39 %/j avec R1 contre 5,57 %/j avec R2. Le poids final moyen varie respectivement de 39 g (R1) et 53 g (R2) avec un gain moyen oscillant entre 0,66 g/jour (R2) et 0,48 g/jour (R1). Il ressort de cette étude que les juvéniles de C. gariepinus valorisent mieux les rations composées de la farine de poisson.


Mots clés: Performances de croissance, juvéniles, Clarias gariepinus, hapa, Kindu

INTRODUCTION

En aquaculture intensive, le poste alimentation représente une part importante du coût de production des poissons. L’intérêt économique de ce type d’élevage est donc très dépendant de la disponibilité et du coût des aliments (Tacon, 1996; Hoffman et al., 1997). Ainsi, la réduction des charges liées à l'alimentation, et par conséquent la maîtrise du coût de production des poissons d'élevage, est l'une des priorités en aquaculture (Jauncey et Ross, 1982).

Les poissons requièrent pour leur croissance un rapport élevé en protéines. Les aliments représentant le coût principal de l’élevage aquacole, l’intérêt de l’aquaculture intensif est étroitement lié à la disponibilité en protéine et à leur coût (Hoffman et al., 1997, Tacan, 1996). La farine des poissons est en générales la composante majeure des aliments en aquaculture. Cette source conventionnelle de protéine représente 40 à 60% de protéines totales dans les aliments traditionnels pour les siluridés (Van Weerd, 1995).

Toutefois l’absence d’une alimentation locale adéquate et le coût élevé des aliments importés constituent un handicap pour le développement de cette activité. Il est donc impératif d’élaborer des aliments à partir des ingrédients disponibles localement. Il existe certes des formules standards d’aliments performants pour le clarias, toutefois il n’est pas indiqué de les adapter pour l’élaboration de régime alimentaire. Ceci en raison des matières premières disponibles localement et plus particulièrement la farine de poisson, qui constitue habituellement la principale source protéique des aliments, possède des compositions biochimiques très en deçà des ingrédients standards.

Il est donc utile de reformuler des aliments en tenant compte de la valeur nutritive des matières premières disponibles localement.

C’est dans ce cadre que des régimes expérimentaux ont été élaborés et testés sur des alevins de Clarias gariepinus en phase de prégrossissement.

L’objectif global de la présente étude est de formuler deux rations alimentaires afin de tester leurs influences sur les performances zootechniques des alevins de Clarias gariepinus conduit en happas à Kindu. Spécifiquement, il est question d’évaluer l'effet des teneurs protéiques des rations sur la croissance juvénile de Clarias gariepinus en happa.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Milieu d’étude

Cette étude a été réalisée dans la ville de Kindu qui se situe à 497m d’altitude, 25°55’ latitude Est et 2°55’de longitude Sud. L’essai a été mené dans la commune Kasuku, plus précisément dans le quartier Lwama, Bloc Modernité qui porte les caractéristiques éco géographique de la ville de Kindu. La température annuelle est de 27°C et la pluviométrie de 1600 mm par an (Anonyme, 2004).

Échantillonnage

Le matériel biologique était constitué de 74 juvéniles de C. gariepinus. Les poissons ont été obtenus auprès des reproducteurs piscicoles résidents la même zone expérimentale. Les juvéniles de C. gariepinus utilisés ont eu un poids compris entre 4,04g et 5,35g avec un poids moyen de 4,69 g.

Au cours de cette expérience, les matériels utilisés se composaient d’une balances électroniques de marque Kitchen scale-301 de précision 0,01 g et 0,1 g, de portées respectives 1g à 5000 g; deux gros bassins en plastique pour l’homogénéisation et la granulation des aliments, deux moustiquaires installées comme happa pour la pêche dans les bassins lors des contrôles de croissance et des ingrédients pour la formulation de la ration.

Dispositif expérimental

L’expérience a duré 8 semaines et au total 74 juvéniles ont été réparties en deux traitements de 37 poissons dans 2 étangs de 3,4 m2 de superficie à raison de 2 m de long x 1,7m de large avec une profondeur de 1,4 m. Chacun d’étang était muni d’un dispositif d’happa installé à l’aide des moustiquaires.

Ration expérimentale

Deux types des rations ont été formulés et les compositions centésimales de chacune des rations sont présentées dans le tableau 1ci dessous.

Tableau 1. Composition centésimale de chaque ration

Régimes

Ingrédients R1 R2

Farine de poisson 10,9 11,3

Farine de maïs 35,7 33,9

Farine de soja 5,9 5,7

Tourteaux palmistes 43,5 45,1

Farine d’os 4 4

Protéines brutes (%) 60 50

Source : Hugues expérimentation, 2019

Signalons que les différents ingrédients utilisés dans la formulation des rations étaient obtenus localement sur les marchés. L’aliment était distribué aux juvéniles au mode Sky a day (1 sur 2) à raison de 300g pendant les deux premières semaines et 600g par la suite jusqu’à la fin de l’expérience

Contrôle de la Croissance

Le contrôle de la croissance des juvéniles consistait à peser tous les spécimens de chaque étang à l’aide d’une balance. Ce contrôle permet d’évaluer l’évolution de la biomasse. Après le contrôle, les poissons sont remis dans les bassins après avoir nettoyé ceux-ci.

Les paramètres zootechniques ci-dessus ont fait objets de nos observations

Taux de croissance spécifique

TCS=(ln(Poids final))-ln(Poids initial))/Durée

Gain de poids consiste à ressortir la différence de poids entre nos périodes des prélèvements des données de croissance.

Les données sont encodées à l’aide d’un tableur Excel 2010 et sont traitées statistiquement à l’aide du logiciel Past.

RÉSULTATS

Taux de croissance spécifique

Le tableau 2 présente les valeurs moyennes du TCS (%/j) en fonction des traitements au cours de l’expérience.

Tableau 2. Variation du TCS en fonction des traitements et des dates des collectes des données.

T1 (%) T2 (%)

22/03/2019 4,9 4,93

21/04/2019 4,97 5,2

22/05/2019 6,31 6,6

Moyenne 5,39 5,57

TCS : Taux de croissance spécifique

Les résultats du tableau 2 montrent que le TCS le plus élevé est enregistré au cours de la 8ème semaine au niveau des poissons du traitement T2 (6,6 %/j) tandis que le TCS le plus faible est enregistré au niveau des poissons du traitement T1 (4,9 %/j) au cours de la première semaine d’essai.

En général le TCS moyen le plus élevé enregistré en fin d’expérience est observé au niveau des poissons du traitement T2 et le plus faible demeure dans T1 avec des moyennes respectives de 5,39 %/j au T1 contre 5,57%/j au T2.

Le test d’ANOVA n’indique aucune différence significative entre les traitements (p= 0,83 > 0,05). La figure ci-dessous montre la variation moyenne de TCS entre les traitements.

Figure 2. Variation moyenne de TCS entre les traitements

Gain de poids

La figure 1 ci-dessus illustre les résultats de la variation de la croissance journalière en fonction des dates des collectes des données et des traitements

Figure 1. Variation moyenne des croissances entre les 2 traitements

A l’analyse de la figure 1 ci-dessus, il se dégage que les alevins de traitement 2 ont un poids final de 53,3g supérieur à ceux de traitement 1 (39g). Cependant, les sujets de lot 2 ont aussi affiché un gain de poids moyen supérieur durant toute la période expérimentale que ceux de lot 1 respectivement avec des valeurs moyennes de 0,66g par jour contre 0,48g par jour.

L’Analyse de la variance à un critère (ANOVA 1) calculé a indiqué l’inexistence d’une différence significative (p=0,87>0,05) entre les 2 régimes. La figure ci-dessous illustre les résultats comparatifs de gain de poids moyen par poisson en fin d’expérience pour chacun des deux régimes.

Figure 2. Influence du régime alimentaire sur le gain de poids des juvéniles de C. gariepinus.

En ce qui concerne l'évolution du poids moyen à 60 jours, il a été remarqué que les sujets de traitement 2 (53,3g) présentaient de poids moyen légèrement élevé par rapport aux alevins de traitement 1 (39g) ainsi que le gain moyen de poids de lot 2 reste aussi légèrement supérieur que ceux de lot 1 (0,66g par jour contre 0,48g par jour).Cette situation peut s'expliquer par la différence de proportion protéinique qui s'est créée au sein de deux aliments (50% et 60% PB).

DISCUSSION

Partant des résultats des performances de croissance des poissons, le meilleur taux de croissance spécifique sont obtenus avec les poissons des traitements T2 (6,60%/j) et T1 (6,31%/j) dans lesquels la farine de poisson a été valorisée par les spécimens. Les faibles performances de croissance ont été enregistrées chez les poissons de traitement T1 (4,9%/j) et T2 (4,9 %/j) dans lesquels les rations de poisson ont été partiellement valorisées. Les valeurs du taux de croissance spécifique qui sont supérieurs à celles de 4,14 et 5,80 %/j obtenues par Imourou T. (2007) chez Clarias gariepinus. Elles restent légèrement supérieures à celles obtenues par Gandaho (2007) chez la même espèce, qui se situent entre 4,78 et 5,8 %/j. Nos valeurs sont également supérieures à celles de 4,26, 4,05 et 3,85 %/j obtenues respectivement pour les aliments à Azolla (0 %, 30 %, et 50 %) (Kanangire, 2001).

Ainsi, Abdel-Warith et al. (2001) la remplacèrent par des sous-produits issus de l’élevage de poulets (Poultry By-product Meal, PBM), et nourrirent 10 semaines durant des juvéniles de Clarias d’un poids initial de 16,5 g avec des régimes isoprotéiques (35 g de protéines par 100 g de poids sec) dans lesquels la PBM substituait 20 à 100 % de la farine de poissons. Leur poids final oscillait entre 100 et 180 g, ce qui correspond à des SGR allant de 2,83 à 3,68 %.j-1. Le régime exempt de farine de poissons et contenant 45,5 % de PBM donna les résultats les plus médiocres, mais ces chercheurs observèrent qu’il était possible d’incorporer jusqu’à 80 % de la farine de poissons par ces sous-produits aviaires tout en conservant des taux de croissance spécifique tout à fait acceptables.

En 2005, Micha a trouvé après 38 jours d'élevage, le poids moyen global était de 8,95 ± 6,97g dans les étangs et de 6,03 ± 5,88 g dans les bassins soit un poids moyen général de 7,25 g. Lyagabo (2008) a observé que le poids et la taille de la larve de six semaines variaient de 5 à 427,5mg et de 6,8 à 3mm de longueur totale. Il a aussi constaté qu'au cours de trois premières semaines, le poids des larves augmentait plus rapidement tandis qu'au cours de trois dernières semaines le poids aurait évolué plus lentement. Mais ces différences enregistrées pour la taille et le poids n'étaient pas significatives(p>0,05).

Selon la littérature, l'hétérogénéité installée a entraîné l'établissement des hiérarchies avec l'apparition d'individus dominants et territoriaux conduit à de multiples interactions sociales qui provoquent souvent une diminution de la consommation de nourriture des individus dominés. Dans ce cas, les différences de taille enregistrées ne feront que s'accroître au cours du temps, car la croissance des grands individus est supérieure à celle des petits sujets, Micha (2005) a remarqué également que les poids moyens ont été affectés de très grands écarts-types, signe d'une grande hétérogénéité de croissance qui s'est développée au sein des traitements.

Selon M. Soumaili et al., 2016, la farine de viande d’escargot incorporée à 40% à induit le meilleur gain de poids (5,68 ± 2,22g) chez des alevins de C. gariepinus, leurs résultats ne corroborent pas à nos résultats (1,06 et 1,19). Cela s’explique par le mode de conduite d’élevage où dans notre expérimentation l’élevage se fait en happas dans un étang contrairement à ceux de M. Soumaili et al., 2016 en pleine étang.

Lorsqu’on compare les gains de poids des régimes 1 et 2, ceux de Balogun et Ologhobo (1989), remplacèrent la farine de poissons par du tourteau de soja cuit ou cru. Quels que soient les taux d’inclusion de ce tourteau (11, 22, 33 ou 45 % de l’aliment, substituant 25, 50, 75 ou 100 % de la farine de poisson, respectivement), les gains de poids sont largement supérieurs pour les régimes à base de farine de soja cuite, variant entre 0,20 et 0,25 %.j-1, alors qu’ils ne font que de décroître lorsqu’il s’agit de soja cru, passant de 0,13 à 0,06 %.j-1quand la teneur des régimes en farines de soja augmente de 11 à 45 %. Cela est vrai pour le poisson-chat africain, mais également pour d’autres espèces telles que le saumon (Novel 1979 in Balogun et Ologhobo, 1989).

CONCLUSION

La contrainte majeure qui se pose à l’heure actuelle dans de nombreux pays en voie de développement est un problème de mal nutrition, voire de sous-nutrition. Face à ce problème, le développement de l’aquaculture, et plus particulièrement de la pisciculture, est une des solutions pour y pallier, encore faut-il qu’il s’agisse d’une pisciculture durable et intégrée. Quant à l’aspect intégré de la pisciculture, il faut favoriser l’utilisation de produits localement disponibles sur place, afin de ne pas reporter le coût du prix d’achat des farines de poissons sur l’importation de sous-produits spécifiques.

Nous avons donc cherché à démontrer à travers cette étude qu’il était possible d’utiliser les poissons localement disponibles à Kindu dans l’alimentation du bon convertisseur de protéines animales qu’est le poisson-chat africain, Clarias gariepinus. Il s’agit d’une espèce qui présente un taux de croissance rapide et qui supporte aisément des conditions environnementales peu favorables à l’élevage d’espèces plus exigeantes, conditions qui prévalent dans la plupart des pays en voie de développement.

Pour ce faire, deux rations ont été formulées afin de tester leurs influences sur la performance de croissance des alevins de Clarias gariepinus à Kindu. Un dispositif expérimental de deux étangs où nous avons des happas pour le contrôle de croissance et les résultats ci-dessous ont été obtenus:

Les spécimens de traitement 2 ont enregistré un taux de croissance spécifique le plus élevé (6,6 %/j) que ceux de traitement 1 (4,9 %/j) mais l’analyse statistique montre l’inexistence de différence significative entre les traitements (p> 0,05) ;

Les alevins de traitement 2 ont un poids final supérieur (53,3g) et un gain de poids moyen supérieur avec la valeur respective de 0,66g par jour contre un poids (39g) et 0,48g par jour au traitement 1 ainsi que l’ANOVA calculé indique aucune différence significative (p>O,O5).

Les perspectives consécutives à cette étude sont multiples. Il serait tout d’abord intéressant d’étudier la manière dont seraient modifiés nos résultats si les juvéniles de Clarias étaient élevés en bassins extérieurs, l’apport d’une nourriture endogène au plan d’eau permettant peut-être d’obtenir des résultats meilleurs encore. Une étude similaire soit menée en intégrant des répétitions afin de cerner nos résultats.

Références bibliographiques

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Gandaho, S. (2007.). Etude des performances de croissance des juvéniles de clarias gariepinus (Burchell, 1822) nourris a base de Moringa oleifera et de sous-produits locaux. Dissertation présentée en vue de l’obtention du grade de Docteur en Sciences.

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