Résumé

Cette étude a été réalisée en Haute Casamance dans le but d’apprécier la nuisibilité des adventices du sorgho pluvial. Des relevés phyto-sociologiques ont été réalisés entre 2015 et 2017 dans les champs de sorgho en zone Sud du Sénégal. Une analyse de l’importance agronomique des espèces de la flore adventices a été effectuée à partir de deux paramètres que sont le degré d’infestation et l’indice partiel de nuisibilité. Le diagramme d’infestation a mis en évidence 6 groupes d’espèces reflétant leur potentiel d’infestation. Ensuite, le classement des adventices selon leur indice de nuisibilité a révélé l’existence de 49 espèces potentiellement nuisibles vis–à-vis du sorgho dans la zone de l’étude. Ces espèces se répartissent en 3 groupes: 38 espèces à IPN inférieur à 500, 7 espèces à IPN compris entre 500 et 1000 et 4 espèces à IPN supérieur à 1000. L’appréciation de ces deux paramètres a permis de ressortir un pool de 15 espèces qui constituent un réel problème d’enherbement dans les cultures de sorgho en Haute Casamance. La connaissance de ces espèces est un préalable à l’élaboration de tout plan de gestion pour une lutte raisonnée dans le cadre de la promotion des stratégies intégrées de gestion de la flore adventice.


Mots clés: Degré d’infestation, Mauvaise herbes, Nuisibilité, Sorgho, Sénégal

INTRODUCTION

En Afrique subsaharienne, les contraintes biotiques comme les adventices sont un frein à l’augmentation de la production du sorgho malgré sa rusticité et son adaptation aux conditions bioclimatiques de la zone. Des études récentes ont montré que les mauvaises herbes peuvent occasionner entre 15 et 97% de chute de rendement (Arslan et al., 2016). Cependant, ces pertes de production dépendent de la variété, du cortège floristique, du niveau d’infestation, de la durée de l’enherbement et des conditions écologiques (Tamado et al., 2002). Néanmoins, il est admis que chaque semaine d’infestation se traduit par 3,6% de perte de rendement (Smith et al., 1990).

Les dépenses dues à la lutte contre les mauvaises herbes sont estimées à plus de 35% des dépenses agricoles (Kumar et al., 2013) et l’usage d’herbicides restent relativement faibles à cause de leurs coûts souvent élevés dans des zones où près de 70% de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté (ANSD, 2014). De plus, la gamme d’herbicide est restreinte chez le sorgho surtout en post-levée. La plupart des herbicides sont efficaces contre les adventices à feuilles larges alors que leur action est très limitée sur les graminées. Or, l’essentielle des études menée dans les zones soudano sahélienne d’Afrique (Touré et al., 2008 ; Takim et Amodu, 2013 ; Osawaru et al., 2014 ; Ahonon et al., 2018 ) et au Sénégal (Noba et al., 2004 ; Bassène et al., 2014) montre une dominance des Poaceae dans la composition floristique.

Au Sénégal et plus particulièrement en Haute Casamance, les méthodes de désherbage sont essentiellement manuelles. Ces stratégies s’avèrent pour la plupart inefficaces et consommatrices en main d’œuvre. Pourtant, une connaissance de la nature de la flore, de l’importance de l’infestation et de la période optimale d’intervention peuvent concourir à une augmentation de la production (Swanton et Weise, 1991 ; Zidane et al., 2010). La connaissance de ces aspects permet la mise en œuvre de stratégies de lutte efficaces et surtout accessibles aux producteurs et de mieux appréhender le fonctionnement des communautés de mauvaises herbes et de déterminer les facteurs écologiques et agricoles responsables de leur prolifération (Mangara et al., 2010). Faisant suite à l’étude de la flore, ce travail se propose d’aborder l’étude de la végétation du sorgho sous son aspect agronomique à travers le degré d’infestation et l’indice partiel de nuisibilité des espèces.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Inventaire de la flore adventice

Les inventaires ont été effectués en 2015, 2016 et 2017 en Haute Casamance aussi bien en milieu paysans que dans les stations de recherches. Sur le plan administratif la Haute Casamance correspond aux départements de Kolda, Vélingara et Médina Yoro Foullah et couvre une superficie de 21011 km2. Son climat est de type soudano-guinéen et est située entre les isohyètes 800-1200mm. Chaque année, les inventaires démarrèrent 20 jours après la première pluie utile et se sont poursuivis selon une périodicité de 15-20 jours jusqu’à la récolte. La technique de relevé floristique utilisée est celle du « tour de champ », qui consiste à parcourir la parcelle dans différentes directions (Maillet, 1981). Pour chaque relevé, les espèces présentes sont répertoriées et des coefficients d’abondance-dominance leur sont affectées (Tableau 1) selon l’échelle modifiée de Braun-Blanquet à 7 niveaux (Le Bourgeois, 1993 ; Lebreton et Le Bourgeois, 2005).Cette échelle varie de ‘r’ pour une espèce représentée par un ou de rares individus à ‘5’ pour une espèce dont le recouvrement dépasse 3/4 de la surface prospectée.

L’analyse floristique quantitative a permis d’évaluer la nuisibilité des adventices en déterminant le degré d’infestation et l’indice partiel de nuisibilité de chaque espèce.

Le degré d’infestation

Le recouvrement moyen de chaque espèce a été déterminé grâce à la transformation des codes d’AD en AD numérique. La projection du recouvrement moyen de chaque espèce en ordonnée et sa fréquence en abscisse a permis de dresser le graphique de l’infestation reflétant le potentiel de recouvrement de chaque espèce.

L’Indice Partiel de Nuisibilité

Pour évaluer la nuisibilité des adventices, l’Indice Partiel de Nuisibilité (IPN) a été déterminé selon la formule suivante : IPN = Somme des recouvrements moyens de l’espèce * 100 / Fréquence absolue (Bouhache & Boulet, 1984 ; Zidane et al., 2010). Dans cette étude, les espèces ayant une fréquence relative inférieure à 20% ne sont pas prises en compte.

Tableau 1:Transformation de l’abondance–dominance en pourcentage de recouvrement moyen (Gounot, 1969).

Indice d’abondance-dominance Classe de recouvrement Recouvrement moyen (%)

5 75-100 87,5

4 50-75 67,5

3 25-50 37,5

2 10-25 17,5

1 1-10 5,5

+ 0-1 0,5

RÉSULTATS

Structure de la flore

La flore adventice du Sorgho en Haute Casamance est composée de 232 espèces appartenant à 138 genres et 43 familles (Tableau 2). Cette flore est dominée par les dicotylédones qui renferment la majorité des espèces (72,4%), des genres (73,9%) et des familles (81,4%). Cette flore est dominée par la famille des Fabaceae et celle des Poaceae avec respectivement 24,1% et 15,9% des espèces recensées. Elles sont suivies par les Malvaceae (6,9%), les Cyperaceae (6,5%) et les Convolvulaceae (5,6%).

Tableau 2: Structure de la flore adventice du sorgho en Haute Casamance

Famille Classe NS Proportion (%)

Fabaceae D 56 24,1

Poaceae M 37 15,9

Malvaceae D 16 6,9

Cyperaceae M 15 6,5

Convolvulaceae D 13 5,6

Rubiaceae D 9 3,9

Asteraceae D 8 3,4

Amaranthaceae D 6 2,6

Combretaceae D 5 2,2

Cucurbitaceae D 5 2,2

Euphorbiaceae D 5 2,2

Lamiaceae D 5 2,2

Vitaceae D 5 2,2

Commelinaceae M 4 1,7

Apocynaceae D 3 1,3

Autre (28 familles) - 40 17,2

Total 232 100

*Autres= Ensemble des familles dont la contribution relative est inférieure à 1% de la flore; D= dicotylédones; M=monocotylédones, NS= Nombre d’espèces

Degré d’infestation

Le diagramme d’infestation réalisé à partir de l’abondance dominance moyenne et de la fréquence a mis en évidence 6 groupes d’espèces reflétant leur potentiel d’infestation donc leur importance agronomique (Figure 1).

Les lettres représentent les noms des espèces (en majuscule, les 4 premières lettres des genres et en minuscule, les trois premières lettres des épithètes d’espèces).

Figure 1: Diagramme de l'infestation des espèces

L’analyse de la relation entre la fréquence relative des espèces et leur abondance/dominance moyenne (Figure 1) met en évidence 8 groupes d’espèces, reflétant leur potentiel d’infestation, donc leur importance agronomique.

Les adventices majeures générales (G1) : Ce sont les espèces les plus infestantes dans les cultures de sorgho. Ce groupe est représenté par quatre espèces (Digitaria horizontalis, Hyptis suaveolens, Spermacoce stachydea et Mariscus squarrosus) qui ont été rencontrées dans plus de 50% des parcelles avec une recouvrement élevé (> 1,25). D’ailleurs, Digitaria horizontalis et Spermacoce stachydea ont été répertoriées dans plus de 85% des relevés.

Les adventices potentielles générales (G2) : Ce groupe est formé par des espèces ubiquistes qui se rencontrent dans la majorité des parcelles (Fr > 50%) mais leur infestation est moindre où très localisé quand elle est importante. Les espèces Mitracarpus villosus, Dactyloctenium aegyptium, Kyllinga squamulata, Commelina benghalensis et Fimbristylis hispidula forment ce groupe.

Les adventices générales (G3) : Ce groupe est formé d’espèces constantes mais avec recouvrement généralement faible. Ce groupe est formé de 6 espèces dont quatre Malvaceae (Hibiscus cannabinus, Corchorus tridens, Sida rhombifolia et Urena lobata) une Fabaceae (Senna obtusifolia) et une Convolvulaceae (Ipomoea eriocarpa).

Les adventices potentielles régionales (G5): Ce groupe est constitué par des espèces à amplitude écologique moyenne et un recouvrement moyen. Dans la flore du sorgho en Haute Casamance, cinq espèces (Pennisetum pedicellatum, Cyperus amabilis, Cyperus cuspidatus, Acanthospermum hispidium et Oldenlandia corymbosa) appartiennent à ce groupe.

Les adventices régionales (G6) : Ce groupe renferme des espèces à amplitude écologique moyenne (25% < Fr < 50%) et dont le recouvrement est relativement faible (Admoy <0,75). On y retrouve 28 espèces dont Brachiaria villosa, Phyllanthus amarus, Acanthospermum hispidium et Commelina gambiae.

Les adventices majeures locales (G7) : Ce sont des espèces peu fréquentes mais leur recouvrement est très élevé (Admoy>0,75). Ce groupe est formé de quatre espèces (Andropogon pseudapricus, Sesamum indicum, Oldenlandia herbacea et Striga hermonthica).

Les adventices potentielles locales (G8) : Ce groupe renferme vingt-huit espèces dont Cyperus rotundus, Hyptis spicigera, Cissus populnea et Hackelochloa granularis. Ces espèces n’ont été rencontrées que dans de rares parcelles mais où elles se révèlent très abondantes.

Les adventices mineures (G9) : Ce groupe renferme des espèces à fréquence et à recouvrement faibles. Leur nombre (162 espèces, soit 77% de la flore) ne nous permet pas de les détailler ici.

Le groupe G4 qui correspond aux adventices majeurs régionales ne compte aucun représentant dans cette flore.

L’Indice Partiel de Nuisibilité (IPN)

Le classement des adventices selon leur indice de nuisibilité a révélé l’existence de 49 espèces potentiellement nuisibles vis–à-vis du sorgho dans la zone d’étude. Ces espèces se répartissent en trois groupes : un groupe d’espèces à IPN inférieur à 500, un groupe d’espèces à IPN compris entre 500 et 1000 et un groupe d’espèces à IPN supérieur à 1000.

L’analyse du Tableau 3 montre que 8% des espèces de la flore ont un IPN supérieur à 1000 soit 4 espèces de la flore. Ces 4 espèces que sont Digitaria horizontalis, Hyptis suaveolens, Mariscus squarrosus et Mitracarpus villosus sont considérées comme les plus nuisibles dans les parcelles de sorgho et appartiennent respectivement à la famille des Poaceae, des Lamiaceae, des Cyperaceae et des Rubiaceae.

Les adventices à IPN compris entre 500 et 1000 forment un groupe intermédiaire et sont au nombre de 7 espèces soit 14% de la flore. Elles se répartissent entre les Cyperaceae (2 espèces), les Poaceae (2 espèces), les Rubiaceae (2 espèces), et les Commelinaceae (1 espèce).

Le troisième groupe est formé par les adventices à IPN inférieur ou égal à 500 considérées comme les moins nuisibles. Ce groupe renferme 78% des espèces de la flore qui sont réparties dans 13 familles : les Fabaceae (11 espèces), les Malvaceae (6 espèces), les Convolvulaceae et les Poaceae avec 5 espèces chacune, les Cucurbitaceae et les Cyperaceae 2 espèces chacune et enfin les Amaranthaceae, les Araceae, les Asteraceae, les Combretaceae, les Commelinaceae, les Icacinaceae et les Phyllanthaceae sont respectivement représentées par une seule espèce.

Tableau 3: Indice partiel de nuisibilité (IPN) des espèces

Espèce Fa Fr IPN

Digitaria horizontalis 120 88,9 1639

Hyptis suaveonlens 103 76,3 1354

Mariscus squarrosus 68 50,4 1099

Mitracarpus villosus 78 57,8 1004

Spermacoce stachydea 118 87,4 965

Kyllinga squamulata 72 53,3 839

Dactyloctenium aegyptium 110 81,5 810

Pennisetum pedicellatum 44 32,6 789

Commelina benghalensis 70 51,9 704

Oldenlandia corymbosa 27 20,0 694

Cyperus amabilis 50 37,0 545

Fimbristylis hispidula 72 53,3 483

Cyperus cuspidatus 37 27,4 449

Acanthospermum hispidium 37 27,4 366

Brachiaria villosa 31 23,0 361

Eragrostis tremula 47 34,8 356

Autres (33 espèces)

Fa= fréquence absolue ; Fr= fréquence relative

DISCUSSION

L’étude quantitative de la flore adventice du sorgho en Haute Casamance a été mise en évidence à partir de deux paramètres agronomiques que sont l’infestation et la nuisibilité potentielle.

Le groupe des adventices majeurs générales renferment les espèces les plus infestantes dans les cultures de sorgho. On y retrouve Digitaria horizontalis, Hyptis suaveolens, Spermacoce stachydea et Mariscus squarrosus. L’importance de Digitaria horizontalis est due à la précocité de sa levée, à sa forte production de graines (Merlier et Montégut, 1982 ; Le Bourgeois et Marnotte, 2002) et à son adaptation aux pratiques culturales. Pendant la saison des pluies, l’espèce peut se multiplier par bouturage à partir des fragments des tiges qui s’enracinent au niveau des nœuds (Le Bourgeois et Merlier, 1995). En outre, ces quatre espèces appartient aux herbacées annuelles qui sont caractéristiques des milieux perturbés par les interventions agronomiques (Fenni, 2003). Les thérophytes d’après Godron (1974) représente le stade ultimes de l’adaptation du végétales aux milieux fortement artificialisées. Les adventices potentielles générales renferment cinq espèces dont Dactyloctenium aegyptium qui est caractérisé par sa capacité à lever tout le cycle cultural pourvu que le sol soit suffisamment humide (Le Bourgeois et Marnotte, 2002). Le Striga hermonthica fait partie des adventices majeurs locales et se caractérise par un recouvrement très élevé (1,25) cependant sa fréquence est très faible. Cet état est dû au fait que l’espèce n’est pas visible en début de cycle malgré que ces dégâts interviennent dès la phase de fixation sur les racines de l'hôte et la phase souterraine de son développement (Ramaiah et al., 1983, Le Bourgeois, 1993). Cette fixation sur la plante hôte se fait au niveau du xylème racinaire via l’haustorium. Dès lors, la nutrition carbohydratées du striga dépend entièrement de l’hôte jusqu’à deux à quatre mois plus tard, temps nécessaire à l’émergence du parasite et de la fabrication de ses propres photosynthéats (Ramaiah et al., 1983) .

Les adventices potentielles locales, régionales et mineures renferment la majorité des espèces de la flore et ne posent pas de problèmes particuliers, sauf qu’elles occupent l’espace cultivé. La présence de certaines d’entre elles est dues à la difficulté à les éliminées. Il s’agit des plantes à bulbe (Icacina oliviformis, Ledebouria sudanica…), des géophytes (Stylochaeton hypogaeus, Asparagus flagellaris…) et de certaines Cyperaceae.

L’évaluation de la nuisibilité potentielle a révélé l’existence de 49 espèces potentiellement nuisibles vis–à-vis du sorgho au Sud du Sénégal. La présence des petites cypéracées (Cyperus amabilis, Mariscus squarrosus, Kyllinga squamulata, Fimbristylis hispidula) dans le groupe des adventices potentiellement nuisibles est une caractéristique de la dégradation des sols (Le Bourgeois, 1993). Il faut noter que dans les systèmes de cultures traditionnels tropicaux, la culture de sorgho ne reçoit pas d’engrais ou, au plus, bénéficie du reliquat de la fertilisation appliquée sur les cultures de rente qui le précèdent dans la rotation (Chantereau et al., 2013). Cette situation explique d’ailleurs l’importance de l’infestation du Striga dans les parcelles de sorgho, dont la présence est un indicateur de baisse de la fertilité (Chantereau et al., 2013). L’importance de Mitracarpus villosus pourrait s’expliquer par sa chronologie de levée qui se caractérise par deux pics au cours du cycle cultural (Le Bourgeois et Merlier, 1995). Les espèces Cyperus rotundus et Commelina benghalensis constituent elles aussi une contrainte majeure des agriculteurs de la zone à cause d’une grande adaptation aux pratiques culturales. En effet, Cyperus rotundus cumule les modes de reproduction à partir de graines, de rhizomes et d’autres propagules végétatives, favorisée par le travail du sol (Le Bourgeois et Marnotte, 2002). L’infestation de Commelina benghalensis s’explique par sa résistance aux herbicides, une multiplication sexuée et asexuée, le polymorphisme des graines et des besoins germinatifs et une longévité des graines qui peuvent rester viables pendant plus de 20 ans dans le sol (Merlier et Montégut, 1982 ; Le Bourgeois et Marnotte, 2002). Outre ces deux espèces, Hyptis suaveolens est devenu la principale mauvaise herbe des parcelles paysannes en Haute Casamance. Elle colonise tous les types de cultures et est retrouvée aussi bien dans les champs de case, de brousse et les zones de pâturages. C’est une espèce qui s’adapte bien au système agraire de la zone dont le caractère rudimentaire explique la quasi-absence de l’utilisation d’herbicides et de labour en profondeur. L’étude du degré d’infestation et de l’indice partiel de nuisibilité a aussi révélé la contrainte que constituent les Fabaceae dans les cultures de sorgho en zone soudanienne du Sénégal. Le succès des Fabaceae s’expliquerait par la longévité de leurs semences qui peuvent rester très longtemps enfouies dans le sol (Baskin, 1998). Parmi ces Fabaceae on retrouve Senna obtusifolia et Indigofera hirsuta qui lèvent tout au long du cycle et peuvent constituer un sérieux problème d’enherbement. Le groupe des adventices à IPN inférieur à 500 renferme 78% des espèces de la flore. Ces espèces sont considérées comme les moins nuisibles de la zone. Mais, les adventices sont connues comme des espèces qui évoluent rapidement dans le temps et dans l’espace (Touré et al., 2008). C’est pourquoi certaines de ces espèces doivent faire l’objet, d’une attention particulière pour leur contrôle car leur développement est inféodé à de nombreux facteurs d’ordre climatiques, anthropiques et édaphiques. On retrouve dans ce groupe des espèces très difficile à éliminer (Icacina oliviformis) ou maintenu à un faible niveau de nuisibilité par l’absence d’apport de matières organiques (Ipomoea eriocarpa). Ce groupe renferme aussi des souches d'espèces ligneuses de la végétation originelle qui n'ont pu être arrachées par les paysans au cours des défrichements et du travail du sol à cause de leur enracinement profond (Combretum apiculatum, Piliostigma reticulatum...). La présence de ses souches en zone soudanienne serait le résultat de la régression des grands arbres et une tendance vers la savanisation.

CONCLUSION

Ce travail avait pour objectifs de caractériser la flore adventice du sorgho en Haute Casamance et d’apprécier la nuisibilité des espèces à travers le degré d’infestation et l’indice partiel de nuisibilité. Il ressort de cette étude que la flore adventice du sorgho est constituée de 232 espèces, réparties dans 138 genres et 43 familles. L’étude du degré d’infestation a montré que 15 espèces forment le pool des espèces adventices les plus infestantes dans les cultures de sorgho en Haute Casamance. Par ailleurs, l’étude de l’indice partiel de nuisibilité a révélé l’existence de 49 espèces potentiellement nuisible vis-à-vis du sorgho dont quatre possède un IPN supérieur à 1000. Enfin, le croisement des résultats du degré d’infestation et de l’indice partiel de nuisibilité a permis de ressortir un pool d’espèces qui constituent un réel problème d’enherbement en Haute Casamance. Il s’agit de Digitaria horizontalis, Hyptis suaveolens, Mariscus squarrosus, Spermacoce stachydea, Mitracarpus villosus, Dactyloctenium aegyptium, Kyllinga squamulata, Commelina benghalensis, Fimbristylis hispidula, Hibiscus cannabinus, Sida rhombifolia, Senna obtusifolia, Corchorus tridens, Ipomoea eriocarpa, Urena lobata et Striga hermonthica. Toute stratégie d’amélioration de la production et de la productivité agricole dans cette zone devra prendre en compte la gestion de ces espèces dont la maîtrise participera à une augmentation substantielle des rendements tant en quantité qu’en qualité.

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