Cartographie et dynamique spatio-temporelle des formations végétales de la forêt protégée de Baban Rafi (Niger)

Auteurs-es

  • Soukaradji BARMO Département recherche en Gestion des Ressources Naturelles, Institut National de la Recherche Agronomique du Niger, Niamey, Niger
  • Abdou AMANI Institut National de la Recherche Agronomique du Niger, Niamey, Niger
  • Ali IDRISSA Institut National de la Recherche Agronomique du Niger, Niamey, Niger
  • Mourtala Maman BACHIR Centre National de Surveillance Ecologique et Environnementale, Niger
  • Ali MAHAMANE Université de Diffa, Niger

Résumé

Au Niger, les aires protégées perdent chaque année plusieurs hectares de leurs étendues sous les effets conjugués de la pression anthropique et des changements climatiques. Pour appréhender cette dégradation continue du couvert végétal, une étude a été menée dans la forêt protégée de Baban Rafi. Cette étude a pour objectif principal de mettre en évidence la dynamique spatio-temporelle des formations forestières entre 1996 et 2016 au moyen de la télédétection et des Systèmes d’information géographique (SIG). Pour ce faire, une exploitation des images satellitaires de type Landsat LT05 de l’année 1996, Landsat LE07 de l’année 2005 et Sentinelle T32PKV pour l’année 2016 couplée avec la vérité terrain à l’aide du GPS dont 17 points visités a été faite. Ceci a permis d’identifier 8 types d’occupation des terres que sont le cordon ripicole, la savane arborée, la savane arbustive, les cultures pluviales, la jachère, la zone habitée, les sols nus et le ravin. Les résultats cartographiques révèlent également une régression de la couverture forestière de l’ordre de 171,8 ha/an entre 1996 et 2016. Cette régression s’est faite au profit des zones de culture qui ont augmenté de 3 450 ha. Ces résultats suggèrent la mise en place d’une stratégie efficace de gestion durable de la forêt protégée de Baban Rafi pour éviter sa disparition à long terme.

Mots clés: Dégradation, télédétection, dynamique, gestion durable, Forêt protégée de Baban Rafi, Niger

Téléchargements

Les données relatives au téléchargement ne sont pas encore disponibles.

INTRODUCTION

Les ressources naturelles jouent un rôle fondamental dans la vie socioéconomique des populations des pays subsahariens (Tahirou et Germaine, 2006). En effet, l’exploitation incontournable mais incontrôlée, couplée aux impacts du changement et de la variabilité climatique, ne sont pas sans conséquences sur les écosystèmes semi-arides à arides (Wezel et Lykke, 2006). A l’instar des pays sahéliens, le Niger est confronté au problème de la dégradation et de la disparition progressive de son couvert végétal avec un taux annuel de réduction de 3,7% entre 1990 et 2000 (FAO, 2005). Ces dernières années, cette dégradation des ressources forestières est devenue un fléau alarmant et ce problème se pose avec acuité compte tenu de l’appartenance du pays à la bande saharo-sahélienne où la menace de la désertification est inquiétante. Ainsi, dans le cadre d’une politique de conservation de la biodiversité pour une gestion durable des ressources, l’Etat Nigérien a créé un certain nombre d’aires protégées dont la forêt de Baban Rafi (Inoussa, 2011). Aujourd’hui, vu les multiples sollicitations de la population dues à la fragilité du système socioéconomique et aux contraintes agro-écologiques, la forêt de Baban Rafi tend à devenir un espace convoité principalement pour les activités agricoles et pastorales affaiblissant du coup sa protection. Par conséquent, il s’avère nécessaire de faire un état des lieux de la végétation de la zone à travers des analyses cartographiques pouvant servir du support aux activités d’aménagement des écosystèmes.

Cette étude a pour objectif d’améliorer les connaissances sur l’état des ressources forestières de la forêt de Baban Rafi afin de donner aux gestionnaires des outils d'aide à la décision indispensable à la mise en place d’une politique de gestion durable des aires protégées au Niger. Spécifiquement, il s’agit plus de caractériser et cartographier les différents types d'occupation des terres et d’évaluer la dynamique forestière entre1996 et 2016. Pour atteindre ces objectifs fixés, les hypothèses émises étaient : (i) l’imagerie satellitaire offre un outil de description fine de l’occupation des terres ; (ii) les changements observés entre 1996 et 2016 sur la couverture végétale dans la forêt de Baban Rafi sont imputables aux activités anthropiques dans un contexte de variabilités climatiques.

MATERIEL ET METHODES

Zone d’étude

L’étude a été réalisée dans la forêt protégée de Baban Rafi et sa zone périphérique située dans le département de Madarounfa à 50 km au sud de Maradi. Cette forêt est comprise entre les latitudes 13° et 13°20’ Nord et les longitudes 6°40’ et 7°30’ Est et couvre une superficie d’environ 39 000 ha (Figure 1). Elle est limitée à l’est par la commune rurale de Gabi, à l’ouest par celle de Safo, au nord par les communes rurales de Safo et Sarkin Yamma, et au sud par la République Fédérale du Nigéria.

Figure 1: Localisation de la forêt de Baban Rafi

La zone d’étude est soumise à un climat de type sahélo-soudanien caractérisé par une longue saison sèche (8 à 9 mois) et une saison des pluies (3 à 4 mois) (Ichaou, 2004). La moyenne annuelle de la pluviométrie enregistrée de 1984 à 2015, s’élève à 501,44 ± 67,18 mm et les moyennes des températures moyennes maximales des mois les plus frais et chaud sont respectivement 14°C et 41°C. L’écart indique une forte variabilité de la pluviométrie entre les années (Figure 2). En effet, 17 années sont déficitaires sur les 32 ans soit environ une année sur deux.

Figure 2: Variabilité interannuelle de la pluviométrie de la zone de 1984 à 2015 (sources des données: Station Météorologique de l’Aéroport de Maradi)

Sur le plan pédologique, la forêt est caractérisée par des sols ferrugineux lessivés typiques sur sable faiblement argileux, des sols ferrugineux peu lessivés à marbrure et concrétion et des placages sablo-argileux issus d’alluvions à galets (Mahamane et al., 2007).

La végétation naturelle de la forêt est constituée de savanes arborées, savanes arbustives et de cordons ripicoles généralement établis sur des sols ferrugineux tropicaux. Les espèces ligneuses les plus dominantes sont Guiera senegalensis J.F.Gmel, Combretum micranthum G.Don, Combretum nigricans var elliotii (Engl. Ex Diels) Aubrev. et Acacia macrostachya. La strate herbacée est dominée par des graminées telles que Tripogon minimus (A.Rich.) Hochst.Ex Steud. Schizachyrium exile (Hochst.) Pilger. et Cenchrus pedicellatus(Trin.) Morrone.

L'agriculture et l'élevage constituent les principales activités économiques de la zone. A celles-ci s'ajoute également l'exploitation du bois de chauffe à travers les 22 marchés ruraux de bois mis en place en 1997 à la suite du plan aménagement de la forêt de Baban Rafi. Un marché rural de bois est comme un site rural de vente de bois-énergie géré par une structure locale de gestion et agréée par l’administration en charge de l’environnement. Ce marché est approvisionné par une zone d’exploitation délimitée d’un commun accord entre la population locale, la structure locale de gestion et l’administration de l’environnement (Alain, 1995). Les principales espèces exploitées sont Combretum nigricans, Combretum. Micranthum, Combretum glutinosum Perr. ex DC. et Guiera senegalensis. La superficie des terroirs agricoles riverains de la forêt est estimée à 50 439 ha représentant 62% des unités d’occupation de terre de la commune de Gabi et est essentiellement consacrée à la production céréalière (Mahamane et al., 2007). A cela, s’ajoutent les cultures de niébé, arachide et sésame considérées comme des cultures de rente. L’accès aux terres reste l’une des principales préoccupations de la population locale avec les terres qui s’appauvrissent devant une poussée démographique galopante.

Le cheptel est estimé à environ 216 700 têtes dont 35 547 têtes de bovins, 52 771 têtes d’ovins, 115 060 têtes de caprins, 3 128 têtes de camelins, 3 220 têtes d’équins et 6 981 têtes d’asins (MEL, 2015). Cette zone accueille également des troupeaux transhumants du nord-Niger et du sud Nigeria. Ainsi, Ichaou (2009) a recensé environ 45 800 têtes d’animaux pâturant à l’intérieur de la forêt.

Matériel utilisé

Pour les besoins de travaux plusieurs logiciels ont été utilisés (Excel, Arcgis10.5, Envi) et des images satellitaires Landsat 5 et 7 pour les années 1984 et 2005 et Sentinelle 2A pour l’année 2016. La plateforme Google earth et le site web Earth explorer de la Nasa ont été également utilisés respectivement pour la photo-interprétation et le téléchargement des images satellitales. Les dates de prise de ces images correspondent à la période de saison sèche afin de maximiser les différences spectrales entre les éléments de la couverture végétale.

L’identification des images satellitaires couvrant la zone d’étude a été faite à l’aide d’une grille (vecteur) des images sentinelles et Landsat de l’ensemble du Niger. Ainsi, il s’est agi de superposer la limite de la forêt sur chacune de ses deux grilles Landsat et Sentinelle (Tableau 1) et d’identifier les scènes couvrant la forêt. Le site Earth explorer a été également utilisé pour le téléchargement des deux types d’images utilisées.

Tableau 1: Références des images Landsat et Santinelle utilisées

Méthodes

La connaissance approfondie du secteur d’étude a guidé le choix en faveur de la méthode de classification non supervisée automatique couplée avec la vérité terrain à l’aide du GPS dont 17 points ont été visités (Tableau 2).

Tableau 2: Coordonnées géographiques des points visités dans la forêt de Baban Rafi

Prétraitements des images acquises

Il s’agit à ce niveau de procéder à un certain nombre de correction, notamment radiométrique et atmosphérique des bandes du visible et du proche infrarouge (PIR) uniquement. Ce choix s’explique du fait que ces longueurs d’onde contiennent à elles seules 90% des informations spectrales relatives à la végétation vivante (Baret et al., 1988)

Ainsi les bandes 2, 3 et 4 des images Landsat 5 et 7 et les bandes 2, 3, 4 et 8 de l’image sentinelle sont combinées séparément pour créer les images multi-spectrales «Fausses couleurs» afin de mieux apprécier les états de surface des années 1996, 2005 et 2016.

Comme la composition colorée en fausses couleurs offre une meilleure discrimination des pixels (Sarr, 2009, Kpedenou et al., 2017) et la meilleure forme de visualisation des signatures spectrales, elle, est utilisée pour l’identification des unités d’occupation et d’utilisation des sols. Les signatures spectrales méconnaissables sont géo-localisées sur l’image multi spectrale (fausses couleurs) puis caractérisées sur le terrain grâce à un récepteur Global Positioning System (GPS).

Reconnaissance spectrale des classes d’occupation du sol

La détection des différentes catégories d’occupation du sol à partir des seules images satellites est difficile, c’est pourquoi il est nécessaire de s’appuyer sur des données terrain (Sarr, 2009). La vérité terrain a pour but de reconnaître et de définir les éléments paysagers de la zone d’étude et d’effectuer des relevés de points GPS représentatifs de chaque classe d’occupation du sol précédemment définies. Les données ainsi obtenues devaient permettre d’aider à la compréhension des données satellitaires, puis de points de vérité terrain pour la validation de la classification récente de 2017.

La caractérisation de ces points sur la base de la Nomenclature de l’Occupation des Sols du Niger (NOS Niger) élaborée en 2006 a permis de dresser la légende qui a été retenue dans les cartes et d’identifier les signatures spectrales des points jugés incertains. Les points qui n’ont pas pu être identifiés sur le terrain l’ont été par photo interprétation à l’aide de Google Earth.

Classification

Compte tenu de la connaissance de la zone d’étude suite aux nombreuses missions effectuées dans la forêt dans le cadre de nos recherches en plus de la mission de vérité terrain (17 points vérifiés), nous avions opté à la classification non supervisée. Dans ce cas, l’objectif est de classer l'ensemble des pixels d'une image à partir d'un certain nombre de classes que l’analyste spécifie dans l’algorithme iso cluster.

Afin de mieux discriminer les différentes signatures spectrales des compositions colorées, il a été réalisé initialement une classification de 20 classes. Ces classes ont ensuite été agrégées selon la structure, la texture et la signature.

Post traitement

Cette partie a permis d’individualiser à travers la numérisation visuelle à l’écran (CILSS, 2016) certaines unités d’occupation et d’utilisation des sols. En effet, il existe une forte variabilité au sein des valeurs de réflectance spectrale associées à divers types d’occupation des terres (Lillesand et al., 2008).

La photo interprétation via les images très haute résolution de google Earth a permis d’améliorer la qualité de la classification.

Finalement, les classes d’occupation du sol retenues sont: les cordons ripicoles, les savanes arborées, les savanes arbustives, les cultures pluviales, les jachères, ainsi que les sols nus et les ravins.

RESULTATS 

Caractérisation des types de végétation

A travers l’ensemble des investigations, de la numérisation à la validation en passant par la vérité terrain, une carte de végétation de la forêt protégée de Baban Rafi a été élaborée suite à la discrimination des différentes unités d’occupation de la zone (Figure 3). Au total, 8 classes ont été définies et elles constituent la légende de la carte établie (Figure 4). D’après cette figure, les formations forestières occupent plus de 87% de la superficie de la forêt. Par contre, les cultures pluviales et les sols nus occupent respectivement 11,89% et 1,02%.

Les principaux types de formations forestières sont le cordon ripicole, la savane arborée et la savane arbustive :

Le cordon ripicole couvre une superficie de 1170 ha soit 2,86%. Le couvert arboré peut être très dense de 70 à 90%. Il est rencontré dans les dépressions et le long des cours d’eau à écoulement temporaire sur des sols à texture argilo-limoneuse. Sa végétation reste verte plus ou moins toute l’année. Les principales espèces ligneuses de cette formation sont: Mitragyna inermis (Willd.) Kuntze, Terminalia avicennioides Guil. & Perr., Acacia erythrocalyx Brenan et Crossopteryx febrifuga (Afz.) Benth. Le tapis herbacé peu dense est composé des espèces comme Cenchrus pedicellatus, Aristida mutabilis Trin. & Rupr et Digitaria horizontalis Willd.

La savane arborée est caractérisée par une dominance de la strate arborée avec peu d’arbustes. Elle couvre une superficie de 6 975 ha soit 17,05% de la forêt. Le recouvrement ligneux est compris entre 30 et 60%. Les principales espèces rencontrées sont Anogeissus leiocarpa (DC.) Guill. et Perr., Adansonia digitata L., Vitellaria paradoxa Gaertn., Lannea microcarpa Engl. & K. krause, Combretum glutinosum. et Prosopis africana (Guill. & Pen.) Taub. Il existe un tapis herbacé peu dense majoritairement composé de Zornia glochidiata Reichb. Ex DC. et Spermacoce stachydea DC.

La savane arbustive est une formation végétale qui est dominée par les arbustes, avec une densité élevée. Elle couvre une superficie de 27 281 ha soit 66,67%. La savane arbustive est caractérisée par une strate ligneuse dense avec un tapis herbacé composé essentiellement de graminées vivaces denses. Le recouvrement ligneux varie de 15 à 30% dont moins de 10% pour les arbres (Mahamane et Saadou, 2008). Les principales espèces qu’on y rencontre sont Piliostigma reticulatum (D.) Hochst, Guiera senegalensis, Combretum nigricans, Acacia sieberiana DC. et Combretum micranthum.

Figure 3: Carte d’occupation des sols de la forêt protégée de Baban Rafi (2016)

Figure 4: Proportions des différents types d’unités d’occupation des sols de la forêt de Baban Rafi (2016)

Etats de l'occupation des terres en 1996, 2005 et 2016

La cartographie de l’occupation des terres en 1996 montre que le cordon ripicole ne représentait que 2,92% (1 140 ha) de la forêt; comparativement aux savanes qui représentent, à elles seules, 92,05% (35 900 ha). Cela dénote de la forte dominance de ce faciès dans cette forêt (Figure 5a). Avec 1 473 ha, les cultures pluviales et les jachères occupaient 3,78% de la superficie totale cartographiée (figure 5a). Le sol nu ne représente que 0,76%.

La même tendance est observée sur la carte de 2005 (Figure 5b). A ce niveau, la superficie du cordon ripicole est légèrement moins importante (2,67%). Celle des savanes représentait 86,31% de la forêt. La superficie des cultures pluviales et des jachères devient plus importante avec une proportion de 9,57% de la forêt.

En 2016, les formations végétales représentent 86,58% de la superficie totale de la forêt (Figure 5c). Elles sont essentiellement constituées de cordon ripicole (1 116 ha), savane arborée (6 648 ha) et savane arbustive (26 002 ha). La superficie du cordon ripicole représente 2,86% de la superficie de la forêt contre 83,72% pour les savanes. Les zones de culture pluviale et des jachères, avec une superficie de 4 650 ha occupent 11,92% de l’ensemble de la forêt. La superficie du sol nu est de 400 ha soit 1,02%.

Figure 5: Cartes d'occupation des terres de la forêt en 1996 (a), en 2005 (b) et en 2016 (c)

Dynamique végétale de la forêt

Les résultats cartographiques et statistiques obtenus ont permis de mettre en évidence l’évolution progressive de certaines classes d’occupation des terres de la forêt de Baban Rafi entre 1996; 2005 et 2016 (Tableaux 3 et 4). La savane arbustive est le type de végétation qui a connu la plus forte augmentation de sa surface (Tableau 3). Elle est passée de 15 496 ha en 1996 à 23 036 ha en 2005, soit une augmentation annuelle de 19,33%. Les zones de cultures pluviales ont connu aussi une augmentation de 2 264 ha entre 1996 et 2005, passant ainsi de 1351 ha à 3615 ha. Les sols nus ont enregistré une augmentation de 54 ha sur la même période. Contrairement aux autres classes d’occupation des terres; le cordon ripicole, la savane arborée et la jachère sont en recul entre 1996 et 2005. Ainsi, le cordon ripicole et la savane arborée ont perdu respectivement 97 ha et 9 778 ha en 10 ans. Enfin, la classe jachère a perdu 2 ha entre 1996 et 2005, soit une régression de 0,01% par an.

Tableau 3: Matrice de transition de l’occupation des terres (ha) entre 1996 et 2005 dans la forêt de Baban Rafi

Entre 2005 et 2016, à l’exception de la savane arborée et de la jachère qui ont connu des pertes respectives de 3 978 ha et 108 ha, les autres classes d'occupation des terres ont connu une progression (Tableau 4). Une évolution positive de l’ordre de 4 063 ha en 10 ans soit 10,55% est notée dont 296,6 ha; 102,4 ha et 7,3 ha et 5 ha par an, respectivement pour la savane arbustive, les cultures pluviales, le cordon ripicole et les sols nus. Ainsi, les sols nus ont augmenté en superficie.

Tableau 4: Matrice de transition de l’occupation des terres (ha) entre 2005et 2016 dans la forêt de Baban Rafi

DISCUSSION

Description de la végétation et traitements d'images

L’approche cartographique de l’occupation des terres à travers les classifications d’images satellitaires Landsat LT055, Landsat LE07 et Landsat T32PKV couplée à une vérité terrain confirme l’importance de la connaissance du milieu et de l’acquisition des données auxiliaires pour l’amélioration de la qualité des traitements d’images (Mama, 2014; Trepanier et al., 2002). Les résultats cartographiques ont permis d’identifier 8 classes d'occupation des terres dans la forêt de Baban Rafi. Parmi ces 8 classes, trois (3) classes de végétation confirment les descriptions faites sur le terrain (cordon ripicole, savane arborée et savane arbustive). Ce qui signifie que les classes thématiques sont bien définies. Une meilleure définition des classes d'occupation des terres permet de faire une classification de qualité (Inoussa, 2011). Mais, l’inconvénient de la méthode des classifications dirigées utilisée est qu’elle ne permet pas toujours de bien différencier les classes d’occupation surtout les classes de petites superficies. Cette confusion est due à des réponses spectrales proches pour ces formations ligneuses (Diallo et al., 2011). Ces mêmes difficultés ont été signalées par d’autres auteurs (N’Dia et al., 2008; Tankoano et al., 2015). En plus, la confusion pourrait être liée à la définition des parcelles homogènes lors du choix des sites d’entraînement. Malgré ces difficultés, les résultats cartographiques obtenus sont satisfaisants. Ces cartes peuvent être validées, car les indices de Kappa et les taux de classification global sont supérieurs à 50% (Ozer, 2004 ; Kabba, 2011). Quant aux confusions observées entre la classe des zones de cultures et la classe de savane arbustive, cela est lié au fait que les arbres utiles épargnés dans les champs donnent à cette classe par endroits l’aspect d’une savane arbustive. Cette dernière a un recouvrement ligneux variant de 15 à 30% dont moins de 10% pour les arbres (Mahamane et Saadou, 2008).

Dynamique de la végétation de la forêt et activités anthropiques

Il ressort de cette étude que les formations savanicoles sont bien représentées et couvrent 32 649 ha soit 83,72% de la superficie ce qui confirme l’appartenance de la forêt à la zone de savanes ouest africaine. Cette forte proportion des savanes a été déjà soulignée par d’autres auteurs (Inoussa, 2011; Couteron et al., 1992; De Wispelaere, 2002) au niveau de la végétation du Parc National et de la réserve de faune. Mais, la superficie de certaines formations boisées (cordon ripicole et savane arborée) a connu une régression entre 1996 et 2005 de l’ordre de 25,32%. Cette régression pourrait être liée aux activités humaines (exploitation de bois-énergie et service, surpâturage, défrichement, feux de brousse). Cette pression anthropique sur les savanes boisées a déjà été signalée (Inoussa, 2011; Mama, 2014; Kouassi et al., 2012). La pression anthropique sur la forêt protégée est plus perceptible par l'installation des activités agricoles à sa périphérie dont la superficie avoisine 4 639 ha en 2016. La présence de zones de culture dans la forêt s'explique par une forte pression foncière à la périphérie et à la présence des hameaux installés par certains transhumants sédentarisés. En plus, le passage régulier des feux ne favorise pas la reconstitution de la végétation naturelle (Diallo et al., 2011). Outre les activités humaines, il y a le facteur climatique qui pourrait expliquer cette dynamique régressive de ces formations arborées. En effet, la contrainte climatique principale n’est pas simplement la rareté des précipitations, mais également la variabilité dans la distribution et l’imprévisibilité des précipitations, qui s’augmentent du sud au nord (Ouoba, 2006). Plusieurs études ont montré les impacts négatifs de la sécheresse sur la végétation (Dillo et al., 2011; Ouoba, 2006). En Afrique, certaines études ont montré que les sécheresses répétées des années 1980 ont entraîné la mortalité des espèces ligneuses des écosystèmes sensibles (Koné et al., 2007 ; Kossi et al., 2009). Les effets de la sécheresse en milieu de savane sont observés à travers les variations de la couverture ligneuse qui sont très indicatrices des changements climatiques à l’échelle locale (Kouassi et al., 2012, Diallo et al., 2011). Aujourd’hui, dans la forêt, les espèces les plus sensibles à la sècheresse comme Pterocarpus erinaceus, Vitellaria paradoxa, Parkia biglobosa caractéristiques de la savane arborée disparaissent progressivement. Elles sont remplacées par des espèces les plus rustiques comme Guiera senegalensis, Combretum glutinosum et Combretum nigricans dominantes dans les savane arbustive (Diallo et al., 2011).

Par contre, la classe de la savane arbustive a connu un accroissement très important passant de 39,73% en 1996 à 66,67% en 2016 au détriment de la savane arborée. Cette situation peut être considérée comme une forme de dégradation de la végétation de la zone explorée. Toutefois, la sécheresse et les activités humaines ont le plus souvent entrainé la dégradation du couvert végétal surtout en milieu anthropisé (Dai et al., 2004; Fall et al., 2006; Kossi et al., 2009). On note également, une forte progression des classes de végétation à l'exception de la savane arborée entre 2005 et 2016. Cela pourrait s'expliquer par une surveillance des services forestiers et les efforts d'aménagements (marchés ruraux de bois) consentis dans la forêt. Mais, les zones de culture ont connu une progression significative au cours de cette même période. Cela pourrait s’expliquer par la forte pression foncière à l’intérieur et à la périphérie de ladite forêt. Cette pression foncière a été mise en évidence par la cartographie qui montre une progression du front agricole de l’ordre de 1 024 ha entre 2005 et 2016. Ce phénomène s’observe aussi dans plusieurs aires protégées des régions d’Afrique de l’Ouest (Sawadogo et al., 2008; Tankoano et al., 2015; Tabopda et Fotsing, 2010).

CONCLUSION 

L’étude a permis de mettre en évidence la dynamique forestière de la forêt de Baban Rafi de 1996 à 2016 au moyen de la télédétection, des données de terrain et des systèmes d’information géographique. La démarche méthodologique adoptée a consisté aux traitements numériques d’images Landsat et Sentinelles couplés aux données de terrain. Cette approche, nous a permis de discriminer les différentes classes d’occupation des terres de la forêt. La cartographie de l’état de changement de ces classes d’occupation des terres entre 1996 et 2016 a révélé quelques modifications du paysage de la zone. Il ressort que les formations végétales ont enregistré des dynamiques variables d’une classe thématique à une autre pendant cette période. Ainsi, la forêt est dominée par les formations savanicoles plus précisément la savane arbustive Les résultats montrent également que la savane arborée a régressé de 14 433 ha entre 1996 et 2016. Ces changements sont principalement dus à des perturbations liées aux activités humaines et au climat. Cela constitue une inquiétude pour la conservation de la forêt.

Toutefois, il reste évident que, dans ce genre d’étude, en particulier sur les impacts de la variabilité climatique sur la végétation, surtout dans la région sahélienne, le changement pourrait intervenir d’abord au niveau de la structure et de la composition floristique des communautés végétales avant d’être perceptible à l’échelle spatiale. Donc, des analyses floristiques et phytociologiques ainsi que des inventaires dendrométriques doivent être menés sur la végétation de la forêt.

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Publié-e

16-03-2021

Numéro

Rubrique

Ressources Naturelles et Foresterie