Évaluation des bonnes pratiques d’hygiènes et des procédés d’abattage pour la production et la distribution des carcasses de lapin au Sud Bénin
Résumé
L’abattage est considéré comme l’étape où les plus grandes opportunités de contamination des viandes existent. De ce fait, l’hygiène doit primer sur les intérêts économiques pour assurer la sécurité et la salubrité de la viande. Le but de cette étude a été d’évaluer les pratiques d’hygiènes observées par les producteurs de carcasses de lapins au Bénin. L’étude a été réalisée dans 24 sites de production de carcasses de lapins. Les données collectées ont été analysées avec le logiciel SAS et le test bilatéral de Z a permis de comparer les pourcentages deux à deux. La majorité des personnes enquêtées ne dispose pas de bâtiment et abattent les lapins dans un environnement insalubre. Les carcasses étaient aussi traitées dans des conditions moins satisfaisantes. Le mode de traitement des déchets sur le lieu de productions a été non satisfaisant (p<0,05). Les lieux d’entreposage des matériels d’abattage sont dans la majorité inappropriés. Les opérations telles que le ressuage, l’inspection ante mortem et post mortem ne sont pas réalisées sur les sites d’abattage. Les conditions d’abattage des lapins au Sud Bénin ne sont pas satisfaisantes et les producteurs doivent être sensibilisés sur l’hygiène d’abattage.
Mots clés: Abattage, bonnes pratiques d’hygiènes, carcasse de lapin, Bénin
INTRODUCTION
Chaque année, à travers le monde, des millions de personnes souffrent d’intoxications alimentaires de toute sorte. Les aliments consommés par l’homme contiennent malheureusement parfois, en plus des nutriments, des substances nuisibles. Ces substances peuvent pénétrer accidentellement ou intentionnellement dans les aliments pendant la production, la transformation ou la préparation (Eymar et al., 2016). Les micro-organismes peuvent également être introduits directement dans les aliments à partir des animaux malades, du transformateur, d'autres aliments ou de l'environnement lors de la préparation des aliments (Eymar et al., 2016; Gupta, 2018). De même, des substances toxiques peuvent être produites par la croissance de bactéries et de moisissures dans les aliments (Eymar et al., 2016; Gupta, 2018). Les aliments incriminés le plus souvent dans les intoxications alimentaires sont les œufs, la viande, les poissons, les fruits de mer, les céréales et les produits laitiers (Eymar et al., 2016; Gupta, 2018). Les viandes sont classées deuxièmes dans la liste des aliments en causes dans les toxi-infections alimentaires collectives (Cohen, 2013) après les légumes et les fruits. En raison de ses qualités nutritionnelles, elles constituent un terrain très favorable à la plupart des contaminations microbiennes (Hennekinne et al., 2015). Les dangers liés à la contamination des viandes sont facilement transmis à l’homme par la consommation de ces viandes (Hennekinne et al., 2015). Ces dangers dépendent des conditions d’élevage, de transport des animaux avant l’abattage, de la contamination pendant les opérations d’abattage, de développement et de la croissance des flores contaminantes pendant le refroidissement, le stockage et la distribution (Dennaïn et al., 2001; Salifou et al., 2013c; Terlouw et al., 2015; Trocino et al., 2018). De toutes ces sources de contamination, l’abattage est l’étape où les plus grands risques de contamination sont constatés et l’abattoir constitue l’un des points critiques majeurs de l’hygiène des viandes. Ainsi, pour limiter la contamination de la viande et préserver la santé publique, des normes d’hygiènes et l’inspection des animaux et des viandes ont été instaurées dans les abattoirs. Contrairement aux pays développés, dans les pays africains comme le Bénin, les abattoirs ne sont pas disponibles dans toutes les localités et s’ils existent, ils sont réservés aux grands animaux comme les bovins, les ovins, les caprins et les porcs (Mravili et al., 2013; Belco Latifou et al., 2017). Si les dispositions sont prises pour améliorer la qualité des viandes de ces espèces, rien n’est fait pour l’amélioration de la qualité de la carcasse des petits animaux comme le lapin et la volaille. De ces deux espèces, la viande de lapin est plus appréciée par la population à cause de ses propriétés nutritionnelles et diététiques élevées. La viande de lapin est considérée comme très saine, étant faible en gras, en cholestérol et en sodium et riche en protéines (Dalle Zotte & Szendrő, 2011). Les grands acheteurs de lapin au Bénin sont des bars, des restaurants, des hôtels et des particuliers qui se procurent la viande pour la restauration ou pour les ateliers, fêtes et autres (Yo et al., 2018). Ils achètent le plus souvent les produits finis (carcasses) et l’absence d’abattoirs pour lapins oblige les éleveurs à transformer sans aucun contrôle les lapins produits dans les exploitations. Cette pratique ne garantit pas la qualité des carcasses produites et une amélioration du procédé d’abattage et de transformation de ces viandes est indispensable. L’objectif de cette étude est de contribuer à l’amélioration de la qualité sanitaire des carcasses de lapins vendues au Bénin.
MATERIELS ET METHODES
Milieu d’étude
L’étude a été réalisée dans le sud du Bénin dans les départements de l’Atlantique, du Littoral et de l’Ouémé.
Le département de l’Atlantique est situé au sud du Bénin et couvre une superficie de 3233 km2. Il s’étend de Godomey à la lisière de Sèhouè. La population du département de l’Atlantique est estimée à 1398229 habitants (INSAE, 2015). Les données ont été collectées dans les communes d’Abomey-Calavi et de Ouidah de ce département (figure 1).
Avec une superficie de 79 km², le département du Littoral est le plus petit des douze départements que compte aujourd’hui le Bénin. Situé au croisement des 6°20 de parallèle Nord et de 2°20 méridien Est, ce département est limité par le lac Nokoué au nord, l’océan Atlantique au sud, la commune de Sèmè-Kpodji (du département de l’Ouémé) à l’Est et la commune d’Abomey-Calavi (du département de l’Atlantique) à l’ouest. La population du département du Littoral dénombrée est de 679 012 habitants (INSAE, 2015). Les données ont été collectées dans la commune de Cotonou (figure 1).
Le département de l’Ouémé est situé au sud-est du Bénin. Il s'étend sur une superficie totale de 1865 km2 et se trouve entre 6° 40' 0" Latitude Nord et 2° 30' 0" Longitude Est, avec une population de 1 100 404 habitants et une densité de 423hab/km2 (INSAE, 2015). Les travaux ont été conduits dans la commune de Porto-Novo (figure 2) de ce département.
Matériels
Le matériel utilisé est constitué d’une fiche d’enquête élaborée à l’endroit des sites d’abattage de lapin, et d’un appareil photo pour la prise des photos. La fiche d’enquête a été élaborée en vue d’avoir le maximum d’informations sur les opérations et conditions d’abattage du lapin, de même que sur les pratiques hygiéniques observées lors du processus de transformation de lapin sur ces différents sites.
Figure 1: Zone de l’étude
Méthodologie
Enquête sur les bonnes pratiques d’hygiène d’abattage des lapins
Une enquête a été réalisée auprès de 24 éleveurs de lapin dont 5 dans la commune de Cotonou, 5 à Ouidah, 12 à Abomey-Calavi et 2 à Porto-Novo, du 9 novembre 2018 au 12 janvier 2019. Les données collectées ont été obtenues par observations personnelles et par entretien avec l’enquêté. Une grille d’évaluation a été construite à cet effet sur la base des points que nous avons jugés importants pour l’assurance de l’hygiène du produit fini selon la norme de spécification technique ISO/TS 22002-1:2009(F). Cette grille a été structurée en neuf grands points, qui à leur tour ont été décomposés en un ensemble de critères d’évaluation. Chaque critère a été évalué par les mentions suivantes: Satisfaisant (S), Peu satisfaisant (PS), Non satisfaisant (NS) et zéro (0), si rien n’est fait. La note satisfaisante est attribuée si les normes d’hygiène sont respectées, non satisfaisante si les normes sont mal appliquées et peu satisfaisante si certaines exigences de l’hygiène sont satisfaites et d’autres non. Les principaux points ayant faire l’objet d’évaluation ont été entre autres: l’hygiène de l’environnement des locaux, l’hygiène des matériels d’abattage, la séparation dans le temps et dans l’espace des différentes opérations d’abattage, l’aération, l’alimentation en eau et en énergie ; les mesures de lutte contre les nuisibles, le caractère approprié des équipements et leur accessibilité pour leur nettoyage, leur entretien et leur maintenance préventive, les services annexes, notamment pour l’élimination des déchets et des eaux usées.
Analyse du procédé d’abattage sur la base des 5M
Un suivi du diagramme de production des carcasses a été fait sur chaque site, dans le but de prendre connaissance des différentes opérations d’abattage pratiquées par les abatteurs depuis la préparation de l’animal à abattre jusqu’à la découpe. Les visites de site ont été faites en fonction des jours d’abattage programmés. Une description de la procédure de travail sur la base des 5M a été également faite. Ainsi, l’hygiène de la matière première, du matériel utilisé, de la méthode de travail, du milieu de travail et de la main d’œuvre a été analysée. Pour cela, une fiche de collecte des données a été établie afin de recueille le maximum d’informations nécessaires sur le procédé d’abattage.
Identification des points critiques de contamination des carcasses de lapin
La recherche des points critiques de contamination (CCP) a été faite par application de l’arbre de décision (Codex alimentarius, 2003), mais également par une réflexion à chaque étape tout en prenant en compte les constats faits lors des enquêtes. Un CCP est toute étape où l’apparition d’un principal danger est évidente et a des conséquences certaines.
Analyses statistiques
Après le dépouillement et l’encodage, les données ont été analysées avec le logiciel SAS (SAS, 2013). Les fréquences observées ont été calculées par la procédure Proc FREQ pour chaque modalité. La comparaison des fréquences relatives entre les modalités deux à deux a été faite par le test bilatéral de Z. Pour chaque fréquence relative, un intervalle de confiance (IC) à 95% a été calculé suivant la formule :
Où P est la fréquence relative et N la taille de l’échantillon.
RESULTATS
Évaluation des bonnes pratiques d’hygiènes
Hygiène des lieux d’abattage des lapins au sud Bénin et services généraux
La majorité des personnes enquêtées (83,33 %) ne dispose pas de bâtiment d’abattage. Ces producteurs font l’abattage à l’air libre et les viscères sont parfois enterrés dans des fosses (figure 2) creusées à chaque abattage. Contrairement à ces personnes, une minorité (16,67 %) dispose de bâtiments d’abattage non satisfaisants (8,33 %), peu satisfaisant (4,17 %) et satisfaisant (4,17 %) (figure 3) de point de vue normes de bâtiments d’abattage. Les environnements d’abattage étaient non satisfaisants chez certains, satisfaisants et peu satisfaisants chez d’autres. La proportion des personnes (66,67 %) qui abattent les lapins dans des environnements non satisfaisants (non propres) a été significativement supérieure (p<0,05) à celle des personnes installées dans un environnement peu satisfaisant (25 %). En général, très peu de personnes (8,33 %) étaient dans un environnement satisfaisant (propre) et la proportion de ces individus a été significativement inférieure à celles des personnes abattant des lapins dans des environnements peu ou non satisfaisants. La majorité des personnes enquêtées (95,83 %) ne dispose pas des stratégies de contrôle des espèces animales nuisibles et la viande destinée à la consommation est exposée aux mouches, rats, chiens et chats. La majorité des personnes enquêtés (54,17 %) dispose d’un dispositif de lavage des mains sur les lieux d’abattage. Très peu de ces dispositifs (8,33 %) sont satisfaisants. Ainsi, la majorité de ces dispositifs est non satisfaisante (41,67 %) et a été significativement supérieure (p<0,05) aux dispositifs satisfaisants et peu satisfaisants. La majorité des enquêtés (91,67 %) ne fait pas une séparation entre les différents secteurs liés à l’abattage des animaux.
L’eau utilisée par la majorité des personnes enquêtées est propre. Ainsi, 70,8 % des enquêtés disposent de l’eau en qualité satisfaisante (eau potable) contre 29,17 % qui disposent de l’eau de qualité non satisfaisante (eau de puits non traitée) (p<0,05). Le bâtiment et l’environnement d’abattage sont bien aéré chez certains enquêtés et non aéré chez d’autres (tableau 2). La proportion des lieux d’abattage avec une aération et une ventilation satisfaisante (16,67 %) a été significativement inférieure (p<0,05) à celle des lieux à aération peu satisfaisante (45,83 %).
Figure 2: Abattage et manipulation de carcasse à l’air libre
Figure 3: Bâtiment d’abattage satisfaisant
Tableau 1: Hygiène des lieux d’abattage des lapins au sud Bénin
Tableau 2: Services généraux (air, eau et énergie) sur les lieux d’abattage de lapin au sud Bénin
Nettoyage et désinfection des lieux d’abattage de lapin au sud Bénin
La majorité des personnes enquêtés (66,67 %) dispose d’un système d’évacuation des eaux de lavage des carcasses, des mains et du matériel de travail non satisfaisant (Tableau 3). La proportion de ces personnes est significativement supérieure (p<0,05) à celle des personnes disposant d’un système d’évacuation satisfaisant (29,17 %). Le mode de gestion des déchets est satisfaisant chez certains et peu ou non satisfaisant chez d’autres. Le mode de gestion des déchets et sous-produits d’abattage est plus (p<0,05) non satisfaisant (50 %) que satisfaisant (20,83 %) et peu satisfaisant (29,17 %). Le matériel d’abattage est bien entretenu par les producteurs. Ainsi, la proportion des personnes (41,67 %) chez qui l’état d’entretien du matériel est satisfaisant et peu satisfaisant a été significativement supérieure (p<0,05) à celle des personnes chez qui l’état d’entretien du matériel est non satisfaisant. Ces matériels sont facilement nettoyés dans la majorité des élevages. Les lieux d’entreposage des matériels sont dans la majorité des cas inappropriés. La majorité des enquêtés dispose d’un programme de nettoyage. Ce programme n’est pas souvent bon parce que le nettoyage n’est pas régulier. Le programme n’est pas satisfaisant dans la majorité (70,83 %) des lieux d’abattage enquêtés.
Tableau 3: Nettoyage et désinfection des lieux d’abattage de lapin au sud Bénin
Hygiène des producteurs de carcasses de lapin au sud Bénin
Les personnes qui abattent les animaux ne s’habillent pas convenablement. Aucune note de satisfaction n’a été donnée à la conformité de leur tenue avec celles portées dans les lieux d’abattage des animaux (tableau 4). La majorité (83,33 %) a ainsi une note de non-satisfaction pour la conformité des tenues contre une minorité (16,67 %) qui a une note peu satisfaisante. La proportion des individus chez qui la propreté des tenues est peu satisfaisante (54,17 %) a été significativement supérieure (p<0,05) à celles des personnes avec des tenues de propreté satisfaisante (25 %) et non satisfaisante (20,83 %). La majorité des personnes enquêtées (95,83 %) respectent les interdits sur les lieux d’abattage. En cas de blessure, toutes les personnes enquêtées prétendent disposer des mesures de protection satisfaisantes des plaies. La majorité des personnes enquêtés (58,33 %) n’ont reçu aucune formation sur l’hygiène. Les formations reçues par certains producteurs de carcasses de lapin sont plus (p<0,05) non satisfaisantes (20,83 %) que satisfaisantes (4,17 %).
Tableau 4: Hygiénique des producteurs de carcasses de lapin au sud Bénin
Evaluation du procédé d’abattage de lapin au Sud Bénin
Diagramme de production des carcasses de lapin
En considérant les séances d’abattage suivies, le transport des lapins de l’élevage vers un site d’abattage est rarement observé (13,64 %) et les lapins sont abattus sur le lieu d’élevage. Dans tous les cas, les animaux sont d’abord pesés. Les lapins sélectionnés pour l’abattage (ayant un poids de 1,6 à 2 kg) sont mis dans des cages et parfois dans des sacs de jute ou d’aliments. Certains éleveurs (13,64%) font déplacer les lapins à l’aide d’un engin à 3 roues ou d’une moto.
Les animaux ne subissent pas d’inspection ante mortem ni de diète hydrique avant l’abattage. Les sujets transportés sont également abattus dès leurs arrivées sans repos ni diète hydrique. La diète hydrique s’observe chez certains si la commande est reçue deux jours à l’avance. Il faut également noter que le délai d’attente pour l’abattage en cas de traitement vétérinaire n’est pas respecté. Toutes les personnes enquêtées sauf un, étourdissent les animaux avant la saignée. La saignée est réalisée par tous les enquêtés. Pour réaliser la saignée, certaines personnes (31,82 %) suspendaient l’animal avec du fil de fer rattaché à un support. Certaines personnes (13,64%) douchent l’animal avant le dépouillement (tableau 5). Le motif du douchage était d’éviter l’accolement des poils aux mains pendant le reste du processus. Le dépouillement est suivi immédiatement de l’éviscération et elle est réalisée par tous les enquêtés. Après l’éviscération, 59,09% des enquêtés lavent la carcasse avant le conditionnement. Suite au lavage, les carcasses sont mises directement en sachet chez les uns, ou sont suspendu à des crochets chez d’autres, le temps de les sécher un peu. Les carcasses sont conditionnées dans des sachets plastiques blancs de préférence avec ou sans étiquette, mais sans aucune marque de salubrité. L’inspection post mortem et le ressuage/réfrigération ne sont pas réalisés sur les différents sites d’abattage. La figue 4 présente le digramme de production de la carcasse de lapin au Sud Bénin.
Figure 4: Diagramme de production des carcasses de lapin au Sud Bénin
Tableau 5: Opérations d’abattage réalisées par les producteurs de carcasses de lapin
Distribution des carcasses produites
Les carcasses produites sont destinées soit à une poissonnerie, un super marché, un restaurant ou à une consommation directe. Les carcasses de lapin produites sont convoyées dans la majorité des cas, des lieux de production à ces différents points de livraison, dans des sacs de jute, parfois, dans des glacières ou dans des seaux en plastique munis de couvercle sans respect de la chaîne de froid, et au moyen d’une motos ou par des véhicules taxi lorsque la distance est trop grande. Le temps qui sépare le conditionnement et la livraison varie entre 2 et 3 heures.
Analyse du procédé d’abattage des lapins par la méthode des 5 M
Une description par la méthode des 5M, du procédé d’abattage des lapins sur les différents sites, a permis d’identifier quelques pratiques des abatteurs occasionnant une contamination des carcasses.
Matière première
La peau des lapins était quelque fois salie par les crottes molles. Pendant le processus d’abattage, le contact entre les carcasses, le contact des viscères, ou du contenu avec les carcasses était parfois observé. Parfois, la présence de poils sur les carcasses est pratiquement inévitable. Les carcasses étaient lavées par certains avec de l’eau de puits de qualité hygiénique non connue. Certaines personnes, pour gagner du temps, font l’étourdissement et la saignée de plusieurs lapins à la fois, mais ils ne sont pas dépouillés et éviscérés en même temps. Les crochets permettant de suspendre les carcasses sont réutilisés sans être nettoyés ni désinfectés.
Matériel
Avant l’abattage, le matériel (couteau, crochets, corde, sécateurs, chiffions, récipient, passoires et lames) n’est pratiquement pas nettoyé et à la fin de l’abattage il est lavé avec du savon et rincé avec de l’eau simple sans être désinfectés à l’eau chaude ou par d’autres techniques de désinfection. Pour d’autres, le matériel est nettoyé en fin de journée. Sur les sites d’abattage, un seul couteau est utilisé sans désinfection pour toutes les opérations de saignée, habillage, éviscération, et ce, d’un sujet à un autre. D’autres personnes après la saignée, essuient le couteau recouvert de sang sur la fourrure du sujet. À défaut d’un poste de distribution d’eau près du lieu d’abattage, un récipient avec de l’eau est prévu pour le lavage des mains et du couteau en cas de souillure. Cette eau reste pratiquement inchangée jusqu’à la fin de la séance. Le matériel d’abattage est laissé dans le local d’élevage chez certains.
Milieu
Les abattages ont lieu pour la majorité des cas dans les élevages qui se trouvent parfois dans les conceptions. Pour la plupart, les sols sont nus (sableux par toujours salubre), ou cimentés. Le nettoyage du milieu avant et après abattage, est souvent mal exécuté et non accompagné de désinfection ou parfois même absent. L’eau de lavage est directement jetée sur le lieu d’abattage. On note également la présence de quelques animaux domestiques (chien, poule) et aussi la présence des mouches.
Méthode de travail
Les abattages étaient réalisés par deux personnes. Ils sont réalisés par une personne lorsque l’éleveur dispose d’un support permettant de maintenir l’animal en suspension. Du début jusqu’à la fin, l’abattage est effectué avec des mains non protégées (figure 5) ainsi qu’avec des couteaux de propreté insuffisante. À défaut de suspendre les carcasses, une bassine est prévue pour y déposer les carcasses de lapin. On assiste régulièrement au contact des carcasses entre elles. Parfois, toutes les carcasses sont rincées dans une même eau. Ces différentes opérations sont pratiquées à l’air libre et ce, sans qu’aucune disposition soit prise pour éviter que la carcasse ne tombe dans le sable.
Figure 5: Manipulation des carcasses avec les mains nues
Main-d’œuvre
L’abattage est réalisé en tenue de maison ou de ville suivant les occasions qui s’offrent à eux. Parfois, des séances d’abattage servaient de séances de causerie. L’abatteur peut recevoir un appel ou serrer les mains à des proches, et continuer son travail sans prendre le temps de laver ses mains.
Identification des points critiques
En utilisant l’arbre de décision, on s’aperçoit que les étapes de douchage et de lavage de la préparation des viandes de lapin sont considérées comme des CCP. L’étape d’éviscération abdominale pour laquelle toute erreur de manipulation entraînera une contamination immédiate et importante de la carcasse est également considérée comme un CCP pour ceux qui ne réalisent pas l’opération de lavage après l’éviscération. Aucune des étapes, à l’exception du douchage et du lavage, n’est conçue de manière à réduire au maximum l’apparition d’une contamination bactérienne. De plus, aucune mesure préventive n’est prise pour les autres étapes alors qu’elles sont nécessaires pour garantir la sécurité du produit.
DISCUSSION
Hygiène pour la production des carcasses de lapin
Dans le cadre de l’hygiène pour la production des carcasses de lapin au Sud du Bénin, la majorité des personnes enquêtées ne dispose pas de bâtiment d’abattage et l’abattage est réalisé à l’air libre, ce qui expose la viande à des sources de contamination extérieures (air, mouches, insectes, etc.). Ces mêmes pratiques sont rapportés par Yougbare (2014) dans les abattoirs et dibiteries de Dakar au Sénégal. Ce risque de contamination est élevé parce que la plupart des lieux d’abattage sont situés dans des environnements malpropres (non satisfaisants), souillés par les eaux de lavages des mains, des matériels et des carcasses. Le manque de bâtiments doublé par l’environnement malpropre entraine une contamination rapide de la viande, car l’air pourrait véhiculer et déposer sur les viandes diverses bactéries notamment E. coli pathogène, Salmonella enterica, Staphylococcus aureus, Clostridium botulinium, Clostridium perfringens, Bacillus cereus, Listeria monocytogenes, etc (Salifou et al., 2012). Pour garantir la qualité de la viande, il faut encourager la construction des bâtiments d’abattage. L’exposition de la viande aux nuisibles sur la majorité des lieux d’abattage expose le consommateur à des contaminations, car ces animaux et insectes véhiculent des parasites et des microbes nuisibles pour l’homme (FAO, 2007). Le manque de postes d’hygiène permettant le lavage des mains souillées, de même, l’usage de l’eau de puits dont la qualité hygiénique n’est pas connue par certaines personnes, représente également une source de contamination de la viande. Ainsi, la mauvaise hygiène des mains favorise la contamination de la viande par les colibacilloses par le passage des mains souillées sur la surface des carcasses (Chaiba & Filali, 2011; Yougbare, 2014; Belco Latifou et al., 2017). Ce risque de contamination des viandes par les mains est élevé puisque la même personne réalise toutes les opérations liées à l’abattage y compris l’éviscération. Cette pratique peut être à l’origine de contaminations croisées. Le mode de gestion des déchets n’est pas satisfaisant et les déchets sont jetés dans l’environnement, ce qui favorise la multiplication des mouches qui se posent sur les carcasses. En dehors des mouches, ces eaux usées peuvent s’infiltrer dans les eaux de puits utilisées dans certains élevages (Saizonou et al., 2010). Le matériel utilisé pour l’abattage est bien entretenu, ce qui limite le risque de contamination de la viande par le matériel. Malheureusement, ces matériels sont souvent entreposés dans des endroits inappropriés. Les producteurs de carcasses de lapin doivent aussi faire attention à la matière première ayant servi à la fabrication du matériel d’abattage, car celle-ci peut être une source de prolification microbienne (Bendeddouche & Bensid, 2009). Le mauvais entretien du matériel observé chez certains peut également favoriser la contamination de la carcasse par Salmonella enterica, Bacillus cereus, Clostridium botulinum, Clostridium perfringens, Listeria monocytogenes, etc (Salifou et al., 2012). Les personnes qui abattent les animaux ne s’habillent pas convenablement et les abattages sont faits dans les vêtements d’élevage et de ville. Ces vêtements d’élevage sont souvent sales et ne garantissent pas une qualité suffisante de la viande. Le même constat a été fait au Sénégal lors des abattages par Yougbare (2014). La majorité des enquêtés n’ont reçu aucune formation sur les bonnes pratiques d’hygiène et ce manque de formation constitue un obstacle à l’application des mesures hygiéniques au cours du processus d’abattage. Les mauvaises pratiques d’hygiènes observées sur ces différents sites sont dues à une insuffisance de qualification, de compétence, de formation et/ou de sensibilisation sur les bonnes pratiques d’hygiènes nécessaires pour la production et la commercialisation des carcasses de lapins. Cette situation favorise la contamination de la viande surtout lors des pratiques d’abattage (Daube, 2002). Selon Broutin et al. (2011), un personnel formé à l’hygiène est un facteur déterminant pour la qualité, s’il est peu formé ou peu attentif, il peut constituer une importante source de contamination par son état de santé, sa tenue vestimentaire ou par ses pratiques de travail.
Analyse du procédé d’abattage
La diète hydrique n’est pas observée avant l’abattage. Cette absence de diète hydrique peut entrainer une bactériémie préjudiciable à la qualité hygiénique de la viande, car le risque de contamination est élevé (Salifou et al., 2012; Yougbare, 2014). Il en est de même pour la non-observation du repos avant l’abattage en cas de transport des animaux. Ainsi, le transport stresse les lapins et ce stress influence négativement la qualité de la viande (Trocino et al., 2018). Pour minimiser les effets de ce stress et préserver la qualité de la viande, il est recommandé un long repos (3h) après un court trajet de transport et un court repos après un long trajet avant l’abattage des lapins (Trocino et al., 2018). Le plus souvent, plusieurs lapins sont abattus, ce qui entraine l’arrêt du procédé d’abattage après la saignée et cette pratique peut entrainer également une bactériémie, car, le cœur de l’animal continue à battre quelques instants après les sections vasculaires. Il peut aspirer puis disséminer dans l'organisme les germes de souillure de la plaie (Matouty, 1992; Salifou et al., 2012; Linton, 2015). Sur les différents sites, certaines phases de la technologie d’abattage telles que l’inspection sanitaire et de salubrité ainsi que la réfrigération des carcasses ne sont pas réalisées. L’absence de l’inspection post et ante mortem peut exposer les consommateurs à des risques de contaminations car les animaux malades peuvent être abattus. Ainsi, l’inspection des viandes permet de retirer les viandes impropres de la consommation humaine (Salifou et al., 2012; Yougbare, 2014). L’absence d’inspection des carcasses de lapin a été également rapportée au Sénégal par Hanne (2011).
Conditionnement et conservation des carcasses produites
La viande non réfrigérée est directement vendue aux consommateurs et cette absence de réfrigération peut entrainer une multiplication bactérienne dans la viande (Merle, 2005; Yougbare, 2014; Freitas et al., 2016). Par ailleurs, le type de conditionnement utilisé peut représenter une source de contamination des carcasses de lapin par des micro-organismes, mais également par des substances chimiques, en ce sens qu’aucun règlement ne certifie de la qualité hygiénique, ou d’une utilisation adaptée de ces emballages en sachets pour l’usage qui en ai fait. Pour préserver la qualité hygiénique de la viande de lapin, il est préférable d’utiliser le conditionnement dans des scellés sous vide ou sous atmosphère modifiée parce qu’ils préservent mieux la qualité de la viande que les sachets en plastique (Cullere et al., 2018; Dal Bosco et al., 2018). Les producteurs de carcasses doivent faire attention à l’usage des emballages en sachets parce qu’ils sont perçus dangereux par les consommateurs et cette perception influe sur la commercialisation du produit (Wikström et al., 2014; Steenis et al., 2017). Ces carcasses emballées sont acheminées au niveau des différents points de vente, sans utilisation d’une chaîne de froid, et ceci sur des motos, ou dans les véhicules taxis. Or, le transport sans utilisation de source de froid est un élément favorisant la prolifération bactérienne (Salifou et al., 2013a). En effet, la réfrigération limite l’activité des germes susceptibles de provoquer des intoxications alimentaires. Par conséquent, les conditions de transport des carcasses vers les différents lieux de vente peuvent favoriser la multiplication des microorganismes qui peuvent nuire à la santé des consommateurs. Les inspections sanitaire et de salubrité ne sont pas faites et les carcasses sont envoyées sans être accompagnées d’un certificat de salubrité. Cette pratique n’offre aucune garantie de sécurité pour le consommateur.
Points critiques de contamination des carcasses de lapin
Le douchage, l’éviscération et le lavage sont les seules étapes identifiées comme points critiques de maîtrise. En effet, nous avons remarqué que certaines personnes utilisent l’eau de puits dont la qualité hygiénique n’est pas connue. Cette pratique constitue déjà un risque de contamination pour les carcasses. Si entre-temps, une contamination surgissait par utilisation d’eau souillée, il n’existe aucune étape ultérieure permettant d’éliminer ou de réduire le danger à un niveau acceptable. Au contraire, le risque de contamination s’ajoute étape après étape. Ces points critiques ont été aussi rapportés par Salifou (2009) dans les abattoirs de Cotonou et Porto-Novo.
Il est également noté que tous les éleveurs ne nettoient pas les carcasses après éviscération. Si d’éventuelles mesures préventives ne sont pas prises et qu’une contamination devait survenir, aucune autre étape ultérieure de la production ne pourrait permettre d’élimer ou de ramener le danger à un niveau acceptable.
CONCLUSION
L’étude sur l’évaluation des bonnes pratiques d’hygiènes et des procédés d’abattage pour la production et la distribution de carcasses de lapin au Sud Bénin montre que les producteurs ne disposent pas de bâtiments d’abattage. L’abattage se réalise à l’air libre dans la majorité des lieux parcourus. Les environnements d’abattage étaient non satisfaisants chez certains, satisfaisants et peu satisfaisants chez d’autres. Ils disposent des dispositifs de lavage des mains non satisfaisants. Les opérations telles que le ressuage, l’inspection ante mortem et post mortem ne sont pas réalisées sur les sites d’abattage. La production de carcasses de lapin se fait suivant un diagramme précis mais la méthode de 5M y relève des insuffisances sur le plan hygiénique. D’où la nécessité de l’améliorer pour la préservation de la santé des consommateurs.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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