Flore aquatique et des zones inondables du Parc National des Oiseaux du Djoudj (Sénégal)
Résumé
Ce travail a été réalisé dans le Parc National des Oiseaux du Djoudj (PNOD) qui est une zone humide d’importance internationale ou site Ramsar depuis 1977. Cette étude vise à caractériser la structure de la flore aquatique et des zones inondables du milieu. L’utilisation de la méthode des relevés floristiques nous a permis de caractériser la flore du site. Les résultats indiquent que la flore aquatique du parc est constituée de 88 espèces réparties dans 63 genres et 26 familles. La classe des Dicotylédones (64,3%) est plus importante. Cette flore est dominée par les thérophytes (45,2%). Du point vue répartition biogéographique, les espèces pantropicales (46,4%) sont plus importantes suivie des espèces africaines (19,0%). Les familles des Fabaceae (17,9 %), des Poaceae (16,7%), des Cyperaceae (9,5%) sont les plus diversifiées. Ces résultats sont important dans la gestion des ressources végétale du parc et dans l’élaboration d’un plan de gestion.
Mots clés: Flore, Zone humide, Parc National des Oiseaux du Djoudj
Introduction
Le Parc National des Oiseaux du Djoudj est considéré comme étant l’un des trois sanctuaires d’Afrique occidentale pour les oiseaux migrateurs mais également l’un des principaux sites de convergence des espèces d’oiseaux paléarctiques et afro tropicales (Treca, 1989 in Noba et al, 2010). Le parc joue ainsi un rôle important dans le processus de reproduction et d’hivernage pour plusieurs espèces d’oiseaux aquatiques mais également contribue à la création des emplois verts et au développement socio-économique de cette zone par des activités génératrices de revenus (MEPN, 1999). Il est actuellement la principale zone caractéristique de l’écosystème deltaïque originelle c’est-à-dire avant la modification du fonctionnement hydrologique du fleuve Sénégal suite à la mise en place des barrages de Diama et de Manantali. Avant l’installation de ces ouvrages hydroagricoles, le régime naturel hydrologique du fleuve était caractérisé par l’alternance d’une période de crue et d’une période d’étiage (Cogel,1997). Ainsi, le cycle naturel des inondations du fleuve étant rompu dans toute l’étendue du delta, est reproduit artificiellement dans le parc par un système d’ouverture et de fermeture de vannes. Cependant, les modifications observées dans la végétation aquatique indiquent que les conditions hydrologiques originelles n’ont pu être reconstituées de façon suffisante surtout en ce qui concerne le niveau d’eau et la variation interannuelle des inondations (DPN, 2017). En effet, la distribution des communautés végétales dans les cours d’eau est très sensible aux discontinuités induites par les ouvrages hydrauliques tels que les barrages. Ces plantes de type macrophytes sont connues pour être les constituants vitaux des milieux aquatiques (Yasar et al., 2019). Elles jouent un double rôle fonctionnel dans les hydrosystèmes (Breugnot et al., 2004). Ces végétaux assurent les productions primaires qui participent directement aux cycles biogéochimiques des nutriments dans le milieu qu’ils occupent (Carpenter et lodge, 1986). Elles sont des biotopes pour d’autres organismes végétaux (périphyton) et animaux (invertébrés, poissons), influant sur la qualité physique et biologique des habitats et micro-habitats (Breugnot et al., 2004). Ces macrophytes jouent également un rôle important dans la chaîne alimentaire et servent de source de nourriture et d’énergie pour les invertébrés (Vardanyan et Ingole, 2006), les oiseaux granivores et certaines espèces de poisson herbivores. À l’inverse, ils peuvent être considérés comme nuisibles en cas de prolifération. En ce qui concerne le parc, des études sur la flore vasculaire (Noba et al., 2010), la flore algale (Gueye, 2009) et sur les impacts de la prolifération de Ceratophyllum demersum (Ndour, 2019) ont été menées. Toutefois, des études de caractérisation de la flore et de la végétation aquatique et des zones inondables sont rares ou presque inexistantes. Or la connaissance de ces végétaux aquatiques et de leur distribution dans les différents plans d’eau sont indispensable pour une meilleure gestion des ressources du parc. Cette étude vise à caractériser la flore aquatique et des zones inondables du parc et plus particulièrement : 1) de déterminer les spectres taxonomique, biologique et chorologique des espèces du PNOD ; 2) de déterminer la distribution des espèces en fonction des cours d’eau.
Matériel et Méthodes
Présentation du site d’étude
Le PNOD a été créé par le décret n°71-411 du 14 avril 1971. Sa superficie est passée de 12 000 à 16000 hectares depuis 1975 par décret N° 75-1222 du 10 décembre 1975 abrogeant et remplaçant les articles 2 et 3 du décret de 1971. Le parc est situé dans la commune de Diama à près de 15 kilomètres de Ross-Béthio et 60 kilomètres au Nord-Est de Saint- Louis, dans le delta du fleuve Sénégal (Figure 1). Le parc est classé site Ramsar et patrimoine de l’UNESCO respectivement en 1977 et 1980 et faisant partie intégrante de l’un des noyaux centraux de la Réserve de Biosphère Transfrontalière du Delta du Fleuve Sénégal créée en juin 2005.
Figure 1 : Carte du Parc National des Oiseaux du Djoudj
Réalisation des relevés
La méthodologie utilisée pour l’étude de la flore et de végétation a été effectué sur la base d’un maillage complet de la carte du réseau hydrographique du Parc National des Oiseaux du Djoudj pour l’échantillonnage. Cet échantillonnage a pour but d’obtenir une image représentative du tout à partir d’une fraction. Dans le cadre de notre étude, l’outil fishnet d’Arc Toolbox a été utilisé pour définir des mailles de 1km/1km et les centres de chaque maille sont générés par le logiciel qui nous ont permis d’extraire les coordonnées géographiques de tous les centres de maille. Ainsi, sur la base d’un échantillonnage aléatoire, 38 mailles caractéristiques ont été inventoriées pour cette étude. Une maille est dite caractéristique si elle est entièrement incluse dans l’unité d’occupation des terres c’est-à-dire homogène (Diouf et al., 2019).
Dans chaque maille ciblée, la méthode d’inventaire systématique a été appliquée pour chaque placette ou relevé. Sur chaque surface d’échantillonnage, les taxons présents sont répertoriés. L’identification des taxas a été réalisée à l’aide des flores de Berhaut (1967), de Mugnier (2008), des manuels de Poilecot (1995 et1999) et des collections de l’Herbier Dakar.
La nomenclature utilisée suit celle de la base de données du Conservatoire et Jardin Botanique de la ville de Genève et celle de the Plantlist. La classification utilisée est celle d’APG III (2009).
Traitement des données
Les données obtenues ont fait l’objet d’analyse qualitative et quantitative. L’analyse de la flore a permis de dresser la liste des espèces à partir du croisement des différents relevés effectués dans les cours d’eau du parc. La caractérisation de la flore a été faite par l’élaboration des spectres taxonomique, biologique et chorologique.
Le spectre biologique a été réalisé par le classement des espèces dans leur type biologique qui ont été déterminés à partir de la flore de Berhaut et du catalogue des plantes du Bourkina Faso de Thiombiano et de la base de données de Genève et les travaux du laboratoire de Botanique - Biodiversité. La classification de Raunkiaer, (1934) adaptée aux zones humides par Trochain, (1940) a été utilisée. La phytogéographie étudie la répartition des espèces végétales à la surface du globe (Lacoste et Salanon, 1969). Pour ce spectre, les espèces sont classées en fonction de leur aire de répartition géographique. Les types de distribution géographique représentent un reflet des traits biologiques de l’espèce en réaction aux conditions du milieu sur une aire bien déterminée. Les types phytogéographiques retenus dans le cadre de notre étude ont été établis suivant les subdivisions chorologiques généralement admises pour l’Afrique (White, 1986) :
Ces affinités biogéographiques ont été déterminées à l’aide de la flore de Berhaut, (1967); Hutchinson et al., (1954) et aux travaux de Poilecot, (1999, 1995) et Trochain, (1940).
Résultats
Structure globale de la flore
Spectre taxonomique
Le tableau 1 présente la liste globale des espèces inventoriées. Chaque espèce est notée par son type biologique (TB) et son affinité biogéographique (AB), sa présence ou son absence dans les cours d’eau.
Tableau 1: Liste des espèces avec leur famille, type biologique et affinité biogéographique
NG = Nombre d’espèces ; NE = Nombre d’espèce ; TB = Type Biologique ; AB = Affinité Biogeographique ;D = Dicotylédones ; M = Monocotylédones ; P = Ptéridophytes ;T = Thérophyte ; C = Chaméphyt ; Hy = Hydrophyte ; G = Géophyte ; Hém = Hémicryptophyte ; Hél = Hélophyte ; P = Nanophanérophyte ;Afr = Africaines ; Pal = Paléotropicales ; Pant = Pantropicale ; Cosm = Cosmopolites ; As = Asiatiques ; AfAs = Afro-asiatiques ; Mas = Afro-malgaches et asiatiques ; Masue = Afroasiatiques-asiatiques-australiennes ; Am = Américaines ; AmAs = Américaines et Asiatiques ;GL = Grand Lac ; KH = Khar ; LM = Lamentin ; MD = Marigot Djoudj ; CC = Canal de Crocodile ; G =Gorom ; + = Présence ; - = Absence
La flore aquatique et des zones inondables du PNOD est constituée essentiellement des représentants de l’embranchement des Spermaphytes (Sous embranchement des Angiospermes) et de l’embranchement des Ptéridophytes (Tableau 2). Elle est constituée de 88 espèces réparties dans 63 genres et 26 familles. Du point de vue de la structure générale, cette flore (Tableau 2) est dominée par les Angiospermes qui représentent 97,62% des espèces contre 2,38% pour les Ptéridophytes. Chez les spermaphytes (angiospermes), les Dicotylédones sont majoritaires aussi bien sur les familles, les genres mais aussi sur les espèces qui représentent 64,29% de la flore globale tandis que les espèces de monocotylédones représentent 33,33%. Les ptéridophytes ne constituent que 2,38% des espèces.
Tableau 2 : Structure de la flore des plantes aquatiques et zones inondables du PNOD
Le tableau 3 donne des informations sur l’importance des différentes familles de cette flore du parc. Les résultats montrent que cinq (5) familles dominent cette flore aussi bien sur les genres (55%) que sur les espèces (59,55%). Ce sont respectivement les Fabaceae (17, 86%), les Poaceae (16,67%), les Cyperaceae (9,52%), les Amaranthaceae (8,33%) et enfin les Malvaceae (7,14%). Deux (2) autres familles sont relativement bien représentées en termes de diversité spécifique, il s’agit des Onagraceae (5,95%) et des Convolvulaceae (4,76%). Les familles représentées par une seule espèce dans le PNOD constituent à elle seule un cumul de 17,85% de la flore globale.
Tableau 3 : Proportion des familles
Spectre biologique
La figure 2 présente les proportions des différents types biologiques des espèces :
Figure 3: Types biologiques des espèces
Cette flore est principalement dominée par les espèces annuelles (thérophytes) qui regroupent 45,25% des espèces suivie des chaméphytes (15,48%). Le groupe des cryptophytes est relativement bien représenté avec un cumul de 21,42% des espèces. Elles sont réparties entre les hydrophytes (10,71%), les géophytes (8,33%) et les hélophytes (2,38%).
Spectre chorologique
La figure 4 présente la répartition biogéographique des espèces
Il ressort de l’analyse des résultats que la flore est dominée par les espèces pantropicales (46,43%) suivi des espèces africaines (19,05%) soit 65,48% de la flore globale. Les espèces afro-malgaches et asiatiques, les espèces asiatiques et les espèces cosmopolites occupent une proportion relativement importante avec un cumul de 21,52% alors que les espèces afro-asiatiques, paléoasiatiques, afro-asiatiques-asiatiques, américaines, américaines – asiatiques sont faiblement représentées soit un total de 13,09%.
Répartition des espèces suivant les cours d’eau
La figure 4 donne des informations sur la répartition des espèces en fonction des cours d’eau. Le traitement des données par l’AFC (Analyse Factorielle des Correspondances) a été réalisé à partir d’un tableau croisé des espèces de flore et des six (6) variables représentants les différents cours d’eau du parc (Figure 4). L’information globale est portée par l’axe 1 et l’axe 2 qui exprime 55,07% de l’inertie totale. Les axes Dim1 (31,98%) et Dim2 (23,09%) de l’AFC individualisent quatre groupes. Les groupes I, II, III sont constitués d’espèces exclusives et le groupe IV d’espèces commune à tous les plans d’eau. Le premier groupe comprend les espèces répertoriées majoritairement dans le Grand Lac, le Khar et le lac Lamentin. Il est composé des espèces comme Salsola baryosma, Salvadora persica, Suaeda vermiculata, Bolboschoenus maritimus, Salicornia senegalensis Nitraria retusa, Sesivium portulacrastrum, Blutaparon vermiculare, Cressa. cretica, Echinocloa stagmina… Le deuxième groupe concentre les espèces du Gorom comme Oryza barthii, Salvinia molesta, Ludwigia hyssopifolia, Ludwigia leptocarpa, Ludwigia stolonifera, Oxycaryum cubense… Le troisième groupe qui regroupe essentiellement les espèces du Marigot du Djoudj et du Canal de crocodile. On y rencontre les espèces d’eau douce comme Pistia stratiotes, Sesbania rostrata, Ceratophyllum demersum, Cyperus iria, Hygrophila auriculata, Sesbania rostrata, Phaseolus adenanthus. Les espèces communes aux trois groupes qui se retrouvent vers l’intersection des deux axes sont Typha domingensis, Tamarix senegalensis.
Figure 4: Répartition des espèces en fonction des cours d'eau
Discussion
Les résultats de cette étude sur la flore aquatique et des zones inondables du Parc National des oiseaux du Djoudj montrent qu’elle est constituée de 88 espèces réparties dans 63 genres et 26 familles. Cette flore est moins diversifiée que les résultats de Noba et al., (2010) dans le parc qui ont répertorié 132 espèces répartit dans 99 genres et 48 familles. Cette différence pourrait s’expliquer par le fait que l’étude de Noba et al (2010) concernait la flore vasculaire de toute l’étendue du parc. Comparée aux résultats de Thiam, (1998) sur la flore du lac de Guiers ; de Mbaye, (2015) sur la flore aquatiques au niveau des axes hydrauliques de la délégation de Dagana de la SAED et de Mballo, (2018) sur la flore adventice du riz irrigué dans la vallée du fleuve Sénégal, la flore du Djoudj est également moins importante. Le nombre d’espèce réduit dans le parc pourrait être lié à plusieurs facteurs qui peuvent être biotiques ou abiotiques. Ces facteurs déterminent la richesse en termes du nombre d’espèces dans un cours d’eau (Sugier et al., 2010). Ainsi, la maitrise de l’hydrologie et la diversité écosystémiques du parc seraient les caractéristiques qui influencent le développement des espèces. Le régime hydrologique du Djoudj est contrôlé par un système de vanne qui alimente le parc et régule les entrées d’eau pour reproduire les conditions hydrologiques d’origine de l’écosystème deltaïque avant la mise en service des barrages de Diama et Manantali et la construction de la digue de protection. Ainsi, ces nouvelles conditions sont capables de favoriser le développement de certains taxons aux détriments d’autres créant ainsi des peuplements monospécifiques qui a des répercussions sur la diversité spécifique du site en termes de nombre d’espèces.
Les familles des Fabaceae (17, 86%), Poaceae (16,67%), Cyperaceae (9,52%) sont les plus diversifiées avec un cumul total de 44,05% soit un nombre de 37 espèces de la flore de cette étude. Ces résultats sont similaires à ceux de Thiam, (1998) avec un cumul de plus de 50% de la flore globale, Mbaye, (2015) avec 36, 65% des espèces listées et de Mballo, (2018) avec 44,69% des espèces. Cette forte diversité observée dans la famille des Fabaceae est liée à la longévité de leurs graines qui peuvent rester viable pendant une longue période dans le sol alors que l’importance (Ka, 2019) des Poaceae est surtout liée à la grande capacité de production de graine même dans les conditions hostiles. A cela s’ajoute l’utilisation de la nomenclature APGIII dans cette étude qui renforce la diversité de certaines familles dont la famille des Fabaceae avec le reversement des Mimosaceae et des Caesalpiniaceae. Comparé aux études de Noba et al . (2010), la famille des Onagraceae présente une diversité spécifique beaucoup plus importante (six (6) espèces du genre Ludwigia contre deux (2)). A cela s’ajoute la présence de C. demersum, une espèce caractéristique des eaux douces qui jusque-là n’a pas été inventoriée dans le parc lors des études antérieures. Ce qui témoigne d’un important processus d’adoucissement de certains de ces plans d’eau mais également de modification du milieu. La présence de cette espèce correspond également à une richesse en élément trophique ainsi qu’à une minéralisation importante de l’eau (Breugnot et al., 2004). En effet le parc est entouré par des aménagements rizicoles et certains de ces eaux de drainage sont déverser directement dans ces plans d’eau. Vu l’interconnexion dans le réseau hydrographique, ces produits riches en élément minéraux pourraient être à l’origine de cet important phénomène d’eutrophisation. Ces modifications sont confirmées par le développement important dans le site de T. domingensis, une espèce pionnière indicatrice des perturbations dans un milieu engendrant également des changements dans la structure de la végétation (Trochain, 1940). Cette étude a également permis d’inventorier une espèce non répertoriée dans la flore du Sénégal, Fagonia latifolia, appartenant à la famille des Zygophyllaceae.
Les Dicotylédones (64,29%) sont plus importantes que les Monocotylédones (33,33%) dans cette flore. Ces résultat sont similaire à ceux de Mballo, (2018), Mbaye, (2015) et Noba et al., (2010) qui ont montré une dominance des dicotylédones tant au niveau des familles, des genres et des espèces. Cette similarité peut s’expliquer par le fait que toutes les études ont été menées dans la même zone c’est-à-dire l’écosystème deltaïque.
Le spectre biologique de la flore est dominé par les thérophytes qui constituent 45,25% des espèces suivi des Chaméphytes (15,48%). Ces résultats sont similaires à ceux de Noba et al, (2010) dans le parc. Les résultats de Mballo, (2018) dans la même zone écologique indique que les espèces répertoriées sont des thérophytes (62,5%). Cette dominance de ces espèces de thérophytes peut s’expliquer par le fait que les thérophytes sont des espèces annuelles dont le développement s’accomplit en une seule saison favorable et passe la mauvaise saison sèche à l’état de graine. En raison de la courte durée de leur cycle de vie individuelle, qui ne dépasse souvent pas l’espace de quelques semaines, ces plantes sont particulièrement appropriées aux climats très rigoureux (Raunkiaer, 1934). Elles s’adaptent ainsi à la fois à la faiblesse de la pluviométrie de la zone (Mbaye, 2015), et à l’hydrologie du parc caractérisée par l’assèchement progressif des différents plans d’eau (pendant une grande période de l’année). En effet, les thérophytes représentent le stade ultime de l’adaptation aux perturbations (Ka, 2019). La présence relativement importante des chaméphytes est liée du fait que ces espèces sont surtout répandues dans les régions à saison sèches trop rude ou dans les pays ou une couche de neige couvre le sol pendant l’hiver, protégeant ainsi les bourgeons contre le vent froid ou desséchant (Raunkiaer, 1934). Les paramètres physico-chimiques du milieu apparaissent ainsi comme étant les principaux facteurs qui déterminent la présence de ces espèces dans la flore. Le groupe des cryptophytes est relativement bien représenté avec un cumul de 21,42% des espèces. En effet les cryptophytes s’adapte bien aux conditions actuelles du parc, car pouvant passer les période d’émersion à l’état de souches ou rhizomes (Trochain, 1940).
Les espèces d’affinités pantropicales (46,43%) sont plus importantes suivi des espèces africaines (19,05%). Ces résultats sont comparables à ceux de Mballo, (2018) où les espèces pantropicales occupent 36,20% de la flore suivi des espèces africaines (27,93%). L’importance accrue des espèces pantropicales semble être liée d’une part à la position géographique du Sénégal qui occidentale et océanique (Traoré et Maillet, 1992 ; Noba, 2002) et d’autre part à la position géographique du Parc qui est un carrefour de quatre zones biogéographiques au moins : le domaine saharien, le domaine tropical sahélien, les domaines caractéristiques des milieux aquatiques et semi-aquatiques d'eau douce d'une part liés à la proximité du Fleuve Sénégal et ceux des zones côtières et marines plus ou moins saumâtres, résultat de la remontée de la langue salée (Noba et al., 2010). Les espèces ont donc une très large répartition géographique.
Le marigot Djoudj est le plus diversifié en termes de richesse spécifique des six (6) sites et regroupe 48,81% des espèces. Cette diversité relativement importante pourrait être liée aux paramètres hydrologiques qui caractérisent ce plan d’eau. En effet, le marigot du Djoudj, principal axe de drainage de la cuvette du même nom (DPN, 2017) présente une humidité relativement importante pendant toute l’année ce qui donne des conditions propices au développement et à la survie des espèces.
L’étude de la variabilité des espèces en fonction des cours d’eau par l’AFC a permis de distinguer quatre groupes :
Le groupe halophile (végétation littorale des eaux saumâtres et salés et des sols salins temporairement submergés) (Trochain, 1940) constitué des espèces dont S. baryosma, S. senegalensis, S. vermiculata, B. maritimus, S. portulacrastrum … caractéristique du Grand lac, du lac Lamentin, du marigot et lac Khar. Ces espèces sont retrouvées dans les plans d’eau inondés temporairement. Ils s’assèchent complétement vers le mois de Mars (DPN, 2017) et ces espèces apparaissent pendant cette période. Les sols salés, reste très humides en surface (Kuiseu et al., 2001).
Le deuxième groupe constitué de C. iria, H. auriculata, S. rostrata, P. adenanthus, …qui sont des plantes d’eau douce situées dans les plans d’eau moins profonds et inondés de façon temporaire également. Ces espèces font la transition entre la limnophytie et l’halohydrophytie. Ce groupe est retrouvé essentiellement dans le Marigot du Djoudj et le Canal de crocodile. Il parait intimement lié à l’existence d’une grande artère fluviale submergeant périodiquement des bassins d’inondation largement ouverts et sur lesquels s’étend une nappe d’eau douce, aérée et profonde. Cependant, si les espèces caractéristiques du groupe acceptent une faible salure et une couche d’eau profonde, les espèces compagnes tolèrent des doses salines beaucoup plus élevés et des sols marécageux. C’est le cas de S. robustus.
Le groupe limnophyle (végétation d’eau douce) des Pistia stratiotes, C. demersum, O. barthii, S. molesta, L. hyssopifolia, L. leptocarpa, L. stolonifera, O. cubense, P. schweinferii retrouvées dans le Gorom. Ce sont des espèces situé sur le lit majeur du fleuve (Trochain, 1940) à des profondeurs plus importantes. Ce groupe est submergé en permanence par le fleuve Sénégal.
Et enfin les espèces communes à tous les plans T. domingensis, T. senegalensis. Ces espèces se développent à la fois dans les milieux d’eau douce mais également dans les milieux avec une salinité importante. Cependant, la contribution totale ou l’inertie totale des axes est de 55,07% montrant ainsi que l’hydrologie (paramètres physico-chimiques) n’est pas le seul facteur intervenant dans la distribution des espèces dans le parc (Barbe, 1984).
Conclusion
Cette présente étude a permis de caractériser la flore aquatique et des zones inondables du Parc National des Oiseaux du Djoudj. Elle est constituée de 88 espèces réparties dans 63 genres et 26 familles. Les familles des Fabaceae (17, 86%), des Poaceae (16,67%), des Cyperaceae (9,52%) sont les plus diversifiées. La classe des Dicotylédones (64,29%) est la plus importante. Cette flore est dominée par les thérophytes (45,25%). Du point de vue répartition biogéographique, les espèces pantropicales (46,43%) sont plus importantes suivie des espèces africaines (19,05%). Il ressort de l’analyse factorielle de correspondance l’existence de trois groupes d’espèces caractéristiques des plans d’eau du Parc National des Oiseaux du Djoudj. Cette étude montre clairement qu’il existe un changement dans la composition floristique du milieu avec une dominance de quelques taxons avec la formation de peuplement monospécifique. Ainsi donc la mise en place d’un bon plan d’aménagement et de gestion pourrait permettre de sauvegarder ce patrimoine.
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