Dépistage des résidus de quelques antibactériens dans le lait et les œufs produits dans les régions de Dakar et de Thiès au Sénégal
Résumé
Dans le but de contribuer à la sécurité chimique des aliments, une étude a été réalisée sur les résidus d’antibactériens dans le lait et les œufs produits dans les régions de Dakar et de Thiès (Sénégal). Soixante-quatorze (74) échantillons de lait et 81 échantillons d’œufs ont été prélevés dans les régions de Dakar et de Thiès et analysés par la méthode du CHARM TEST II au laboratoire de contrôle des médicaments vétérinaires (LACOMEV) de Dakar. Les résultats issus des analyses ont donné des prévalences générales de 12,2%, 17,6% et 35,1% respectivement pour les résidus des streptomycines, des tétracyclines, et des betalactamines dans le lait. Les résultats par région montrent que les prévalences des résidus dans le lait sont plus élevées à Thiès qu’à Dakar pour l’ensemble des antibiotiques recherchés. Les résultats issus des analyses ont donné des prévalences nulles pour les résidus des betalactamines et des streptomycines et 3,75% pour les résidus des tétracyclines dans les œufs. Cette étude révèle ainsi la présence des résidus d’antibactériens dans les produits d’élevage destinés à la consommation humaine dans les régions de Dakar et de Thiès au Sénégal et donc l’exposition des consommateurs à des risques dus aux résidus.
Mots-clés : Sénégal, résidus, antibactériens, lait, Œufs
Introduction
L'utilisation des médicaments vétérinaires dans les élevages est inévitable car ils sont essentiels pour le traitement des maladies (thérapeutiques), la prévention des maladies (prophylaxie), la modification des fonctions physiologiques (comme les tranquillisants, les anesthésiques), l'amélioration de la croissance et de la productivité ( promoteurs de croissance) ainsi que pour assurer la sécurité alimentaire (Akimoladun, 2019). Les médicaments vétérinaires sont ainsi utilisés dans le monde entier et comprennent une grande variété de classes thérapeutiques parmi lesquelles les antimicrobiens en général et les antibiotiques en particulier jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les maladies infectieuses qui minent la santé animales et la santé humaine. L'utilisation de ces antibiotiques chez les animaux de production conduit à la présence des résidus d'antibiotiques dans les aliments fréquemment consommés et ces résidus d’antibiotiques dans les aliments peuvent avoir des effets néfastes sur la santé humaines en provoquant directement des maladies via une exposition prolongée à de faible dose ou des dommages indirects via la résistance aux antibiotiques (Chen et al., 2019). Les préoccupations concernant les résidus vétérinaires dans les aliments sont aussi d’ordre économique. Par exemple, le lait contaminé par la pénicilline peut affecter les cultures utilisées pour fabriquer des produits laitiers fermentés tels que le fromage ce qui peut entraîner des pertes économiques pour les transformateurs (Darko et al., 2017). Les résidus d’antibiotiques dans les denrées alimentaires d’origine animale (DAOA) proviennent généralement des mauvaises pratiquent d’utilisation des antibiotiques comme le non-respect des modalités (voie d’administration et posologie) et des temps d’attente après l’administration d’un médicament vétérinaire contenant des antibiotiques à un animal en production (Victor et al., 2016).
En Afrique, et particulièrement en Afrique de l'Ouest, seul certains contaminants tels que la contamination par les microorganismes (bactéries), les résidus de pesticides et les résidus d’aflatoxines sont perçus comme dangers pour le consommateur et classés comme grande menace pour la santé publique d’après Mensah et al., (2014). La contamination par les résidus d’antibiotique bien que préoccupante semble être relégué au second plan. Pour preuve, Les pays de l’UEMOA (Bénin, Burkina-Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo) par exemple ne disposent toujours pas de système opérationnel pour détecter les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments d'origine animale (Mensah et al., 2014). Ainsi, à ce jour, il y a eu très peu d'études sur les résidus d'antimicrobiens affectant la sécurité alimentaire dans ces pays. Cependant, l’existence du marché parallèle des médicaments vétérinaires et le non-respect des délais d'attentes par les éleveurs, permettent de supposer une forte exposition des consommateurs aux résidus d'antimicrobiens.
Dans le contexte actuel de promotion de la sécurité sanitaire des aliments et d’un usage prudent des antibiotiques pour réduire les risques d’antibiorésistances (OIE, 2019), la recherche des résidus d’antibiotiques dans le lait permet de fournir des données scientifiques pouvant conduire à la prise des mesures allant dans le sens de la protection du consommateur en particulier et de la santé publique en général. C’est dans ce contexte qu’a été mené la présente étude dont le but était de rechercher la présence des résidus d’antibiotiques dans les denrées alimentaires notamment le lait et les œufs produits à Dakar et à Thiès au Sénégal.
Matériel et Méthodes
Présentation de la zone d’étude
L’étude s’est déroulée dans deux régions du Sénégal à savoir la région de Dakar et celle de Thiès. Le Sénégal compte 14 régions au total. La région de Dakar est située dans la presqu’île du Cap Vert et s’étend sur une superficie de 550 km² avec une population estimée en 2013 à 3 137 196 habitants, soit près du quart de la population du Sénégal (23,2%) qui se chiffre à 13 508 715 habitants. La région de Dakar est à la tête de toutes les autres régions du pays sur le plan démographique et économique (Senegal: ANSD, 2016). Située à 70 km de Dakar, la région de Thiès s’étend sur une superficie de 6. 601 km2 et est limitée au Nord par la région de Louga, au Sud par la région de Fatick, à l’Est par les régions de Diourbel à l’Ouest par la région de Dakar et l’Océan Atlantique. Ces deux régions concentrent la plus grande partie des fermes laitières et des élevages avicoles modernes.
Echantillonnage
Le prélèvement des échantillons d’œufs et de lait a été fait de février à mai 2017 dans plusieurs exploitations dans les régions d’étude. Les exploitations ont été choisis de manière aléatoire dans plusieurs localités des deux régions afin d’obtenir un échantillonnage représentatif. La formule de (Schwartz, 1964) : (196 : n= [(t2 x p (1-p))/m2 ] a été utilisé pour le calcul des tailles d’échantillon où : n =taille d'échantillon ; t= niveau de confiance à 95% (valeur type de 1,96) ; m = marge d'erreur à 10% (valeur type de 0,1) ; p = prévalence attendue basée sur les données antérieures (24% pour le lait (Garba-Issa, 2012) ; 30% pour les œufs (Niyibizi, 2012). Ainsi, un minimum de 70 échantillons de lait et 81 échantillons d’œufs étaient requis pour l’étude.
Une enquête descriptive dans les fermes au moyen d’une fiche d’enquête a été réalisée au moment des prélèvements. Dans les exploitations laitières, 50 ml de lait de mélange a été prélevé dans les tubes de centrifugation et acheminé sur carboglace au laboratoire de contrôle des médicaments vétérinaires (LACOMEV) de l’Ecole Inter Etats des Sciences et Médecine Vétérinaires (EISMV) de Dakar puis conservé à -80°C avant les analyses. Le lait était issu aussi bien des exploitations de types extensifs que des exploitations de types intensifs et semi-intensifs. Pour les œufs de consommation, 03 à 05 unités d’œufs ont été prélevées ou payées respectivement pour les fermes avicoles et pour les points de ventes (marchés et supermarchés).
Analyse des échantillons
L’analyse des échantillons s’est faite durant la même période que les prélèvements c'est-à-dire de février à mai 2017 au Laboratoire de Contrôle des Médicaments Vétérinaires (LACOMEV) de l’Ecole Inter-Etats des Sciences et Médecine vétérinaires (EISMV) de Dakar (Sénégal). Le LACOMEV est un laboratoire partenaire de l’UEMOA et des directions de l’élevage de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et du centre notamment pour les questions relatives aux dossiers d’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) et d’enregistrement des médicaments vétérinaire. Le LACOMEV est aussi un laboratoire de référence de l’Organisation Mondiale de la Santé Animale (OIE)
Le matériel utilisé au laboratoire était constitué de verreries de différentes capacités et d’appareillages dignes d’un laboratoire de contrôle des résidus de médicaments vétérinaires. La technique du CHARM TEST a été utilisé avec un équipement spécifique comprenant des appareils comme le lecteur CHARM TEST II 7600 LCS, incubateur type CHARM TEST INC, broyeur type CHARM, une centrifugeuse de type ROTOFIX 32A, un agitateur électrique type VORTEX. Les réactifs utilisés étaient des kits pour le CHARM TEST qui sont spécifiques à chaque matrice et à chaque antibiotique recherché (Un kit pour les tétracyclines dans le lait/œufs, un kit pour les streptomycines dans le lait/oeufs et un kit pour les betalactamines dans le lait/œufs).
Principe du test utilisé et seuils de détections des résidus
Le CHARM TEST II est une méthode qui utilise le principe des liaisons spécifiques et compétitives entre un ligand et les résidus. Le ligand contient des sites récepteurs spécifiques à l’antibiotique recherché. Le ligand est ajouté à un échantillon exempt de marqueurs radioactifs. Tout résidu de médicament dans l’échantillon est en compétition pour la fixation aux sites récepteurs du ligand avec un autre type de résidu qui sont des traceurs radioactifs marqués au carbone 14 ou à l’ion tritium. La quantité du traceur marqué liée aux sites récepteurs du ligand est révélée par un liquide de scintillation (opti-fluor) qui transforme les rayonnements ionisants en lumière détectable et quantifiable par le lecteur « CHARM test ». Plus la quantité de traceur fixé au liguant est grande, plus la concentration des résidus est faible dans l'échantillon. Plus la quantité de traceur fixé au liguant est petite, plus la concentration des résidus dans l'échantillon est grande. La quantité du traceur lié aux sites récepteurs est donc mesurée et comparée à une limite seuil précédemment déterminée appelée Seuil de Positivité (SP). Les Seuils de Positivité ont été établis en suivant les protocoles du fabricant après analyse et lecture de 3 réplications d’un standard positif ou négatif. Ces seuils de Positivités constituent la limite entre un échantillon positif (dont le taux de résidus est au-dessus de la Limite Maximale de Résidus fixé par l’Union Européenne pour cet antibiotique) et un échantillon négatif (dont le taux de résidus est en-dessous de la Limite Maximale de Résidus fixé par l’Union Européenne pour cet antibiotique).
RESULTATS
Suivis sanitaire et utilisation des antibiotiques dans les exploitations
L’analyse de 50 fiches d’enquêtes issues des fermes laitières et de 30 fiches issus des fermes avicoles où ont été effectués les prélèvements de lait et d’œufs a montré un taux de suivis sanitaire de 52% pour les fermes laitières. Pour les fermes avicoles le taux de suivis par un agent de la santé animale était de 83%. Dans les fermes ne disposant pas d’agent chargé de la santé, l’éleveur s’occupe lui-même de la santé des animaux et administre de lui-même les médicaments vétérinaires sans aucune forme de prescription. Par rapport aux antibiotiques utilisés dans les fermes laitières, les plus fréquemment cités sont les Tétracyclines et les Pénicillines alors que dans les fermes avicoles la gamme d’antibiotique utilisée par les éleveurs était assez variée avec la Colistine, les Tétracyclines, la Norfloxacine et l’Enrofloxacine comme molécules plus fréquemment rencontrés. Enfin, par rapport aux Délais d’Attentes (DA), 66% des enquêtés dans les fermes laitières et 93% dans les fermes avicoles ont affirmés ne pas respecter ces délais d’attentes.
Prévalence des résidus dans le lait
Sur 74 échantillons de lait analysés par la méthode du CHARM TEST II, 26 ont été positifs aux résidus de betalactamines (soit 35.14%), 13 aux résidus des Tétracyclines (soit 17.58%) et 9 aux streptomycines (soit 12.16%). Les prévalences dans les élevages intensifs vont de 10,53% pour les résidus des Tétracyclines à 15,79% et 42,11% respectivement pour les résidus des Streptomycines et des Betalactamines alors que les prévalences dans les élevages extensifs vont de 11,91% pour les résidus des streptomycines à 20% et 32,27% respectivement pour les résidus des tétracyclines et des betalactamines (Figure 1). Les résultats obtenus montrent alors qu’en fonction du type d’exploitation la prévalence des résidus est plus élevée dans les élevages intensifs que dans les élevages extensifs pour tous les antibiotiques recherchés sauf pour les tétracyclines qui ont une prévalence plus élevé dans les élevages extensifs. En fonction des régions (figure 1), on remarque que sur 36 échantillons analysés à Dakar, les prévalences étaient de 11,11% pour les résidus de streptomycines, 13,89% pour les résidus des tétracyclines et 27,78% pour les résidus des betalactamines. A Thiès 38 échantillons ont été analysés et les prévalences en résidus vont de 13,16% pour les résidus de streptomycines à 21,05% et 42,11% respectivement pour les résidus des tétracyclines et des Betalactamines. On remarque que pour chaque type d’antibiotique recherché, la prévalence des résidus à Thiès est supérieure à la prévalence des résidus à Dakar.
Figure 1: prévalences des résidus en fonction des régions (à gauche) et du type d’exploitation (à droite)
Prévalence des résidus dans les œufs
L’analyse de 80 échantillons d’œufs a donné les résultats représentés à la figure 2. En effet, aucun échantillon n’était positif aux résidus de betalactamines et de streptomycines soit 0,00%. Seulement 03 échantillons étaient positifs aux résidus des tétracyclines soit 3,75% répartie en 1 échantillon positif parmi les 48 échantillons pris sur les marchés de Dakar et deux échantillons positifs parmi les 32 échantillons prélevés directement dans les fermes avicoles de Dakar et de Thiès.
Figure 2: Prévalence des résidus d’antibiotiques dans les œufs en fonction du site de prélèvement des échantillons
DISCUSSION
Il existe trois catégories de méthodes analytiques utilisées pour déterminer la présence de résidus d'antibiotiques dans les aliments: qualitative, quantitative et semi-quantitative (Chen et al., 2019 ; Mitchell, 1998 ; Zhu et al., 2016 ; Brabander et al., 2009). (i) Dans l'analyse qualitative, une valeur seuil prédéterminée est utilisée pour classer un échantillon comme positif ou négatif par rapport à une concentration d'antibiotique spécifique. (ii) L'analyse quantitative nécessite la réponse d'antibiotiques spécifiques et la courbe standard de la substance standard, ce qui nécessite des instruments avec une sensibilité élevée et une valeur de réponse élevée. L'analyse quantitative nécessite que des contrôles positifs couvrant une large gamme de concentrations de médicaments soient testés avec chaque ensemble d'échantillons, permettant ainsi la quantification du résidu par extrapolation à partir d'une courbe standard. (iii) L'analyse semi-quantitative est similaire à l'analyse quantitative, mais les résultats du test sont interprétés par rapport à une gamme de concentrations de médicament (par exemple, négative, faiblement positive et fortement positive) reflétée par la gamme de contrôles positifs exécutés avec les échantillons de test. Six types de méthodes de détection sont couramment utilisés pour tester les résidus d'antibiotiques dans les aliments: tests d'inhibition de la croissance microbienne, tests de récepteurs microbiens, tests colorimétriques enzymatiques, tests de liaison aux récepteurs, méthodes chromatographiques et tests immunologiques. Ces méthodes reposent toutes sur une analyse qualitative ou semi-quantitative pour un petit nombre d'antibiotiques. Une méthode d’analyse idéale pour la détection des résidus d'antibiotiques dans les aliments doit être rapide, efficace et peu coûteuse tout en répondant aux exigences qualitatives et quantitatives d'une large gamme d'antibiotiques (c'est-à-dire, tous les antibiotiques qui peuvent avoir des résidus dans les aliments). Une telle méthode constituerait une protection pour la santé humaine en détectant tous les résidus d’antibiotiques qui restent réellement dans les aliments, et n'affecterait pas négativement les transactions commerciales normales en raison de faux positifs. Malheureusement, aucune méthode de ce type n'existe sauf les techniques de chromatographie liquide (LC) - spectrométrie de masse (MS) qui ont par contre l’inconvénient d’être onéreuses. La présente étude a utilisé une méthode qualitative calibrée sur les Limites Maximales de Résidus (LMR) de l’Union Européenne et utilisant le principe de la liaison aux récepteurs. L’inconvénient de la méthode réside dans son incapacité à détecter de faibles doses de résidus c’est-à-dire en dessous des Limites Maximales de Résidus. Les échantillons négatifs de l’étude n’indiquent pas alors l’absence de résidus mais des taux de résidus probablement faibles et en dessous des limites détectables par le test. Ainsi, les prévalences rapportées ici pourraient bien être en dessous des prévalences réelles que l’on obtiendrait avec des méthodes quantitatives détectant de très faibles quantités de résidus comme la méthode HPLC.
D'un point de vue nutritionnel, le lait est un aliment important et bénéfique et une source indispensable de protéines de haute qualité pour l'homme, en particulier les enfants et les adolescents. De plus, c'est la matière première de nombreux produits laitiers, tels que le yogourt, le fromage et le beurre. Les principales raisons de la présence d'antibiotiques résiduels dans le lait sont l'utilisation intensive d'antibiotiques en médecine vétérinaire pour le traitement de la vache tarie et le traitement de la mammite chez les vaches en lactation. Les prévalences de 12 à 35% obtenues dans les échantillons de lait témoignent bien de l’utilisation abusive des antibiotiques dans les fermes de Dakar et de Thiès et peuvent s’expliquer par les résultats issus du questionnaire qui ont montré que 48% des exploitations laitières ne sont pas suivis par des agents de santé et pratiquent l’automédication ; ces résultats s’expliquent aussi par le taux de non-respect des délais d’attente très élevé de 66% obtenu dans l’ensemble des exploitations enquêtés. Ces prévalences obtenues sont comparables aux résultats obtenus par d’autres auteurs qui ont étudiés la prévalence des résidus dans le lait. En effet, (Kouamé-Sina et al., 2010) ont trouvé une prévalence de 24,7% en Côte d’Ivoire ; (Bonfoh et al., 2003) ont trouvé des prévalences de 16% au Mali. (Egide et al., 2014) au Benin ont trouvé des prévalences supérieures aux notre allant de 0 à 100%. Nos résultats sont supérieurs à ceux de (Laminou Zabeirou, 2016) qui a obtenu une prévalence de 9,89% dans 192 échantillons de lait provenant des Régions de Niamey et de Tillabéry au Niger. Les différences avec ces auteurs s’expliqueraient par : la taille des échantillons plus grande dans ces études (Laminou Zabeirou, 2016) la nature des études menées : étude longitudinale avec deux passages après administration d’antibiotique pour l’étude de Egide et al., (2014) enfin par la méthode d’analyse des échantillons utilisée qui était pour toutes les deux études citées des méthodes qualitatives d’Eclipse Farm3G ou de Delvotest® , qui sont des tests peu spécifiques par rapport à la nôtre plus spécifique qui détecte une seule famille d’antibiotique à la fois.
De manière générale, nous pouvons tiré des résultats obtenus que les œufs de consommation sont très peu contaminés par les résidus d’antibiotiques car les prévalences trouvées sont nulles pour les betalactamines et les streptomycines et très faibles pour les tétracyclines (3,75%). Nous pouvons expliquer ce résultat général par la forte couverture des exploitations avicoles par les agents techniques et les vétérinaires chargés du suivi sanitaire (83% de couverture). Les prévalences nulles des betalactamines et des streptomycines et non-nulles pour les tétracyclines reflètent aussi l’ordre de fréquence des antibiotiques utilisés dans les exploitations. En effet, d’après les résultats de l’enquête, les antibiotiques les plus utilisés sont la colistine, les tétracyclines et les floxacines ; les betalactamines sont utilisés très rarement. Nos résultats de 0,00% pour les résidus des betalactamines et des streptomycines s’expliquent alors par la faible utilisation de ces antibiotiques dans les élevages avicoles de Dakar et Thiès selon les résultats de notre enquête. La période de collecte des échantillons (saison non pluvieuse) est une période de faible pression pathologique. Ces résultats sont similaires aux résultats obtenus par (Adesiyun, 2015) qui ont trouvé une prévalence nulle aux résidus des bétalactamines en utilisant le CHARM test II que nous avons utilisé. Le résultat de 3.75% aux résidus des tétracyclines se rapproche d’abord de (Fagbamila, 2010) au Nigeria qui a trouvé sur 900 échantillons d’œufs analysés en utilisant le test de diffusion sur disque 32 échantillons positifs soit une prévalence de 3,6% ; ces résultats sont ensuite légèrement différents de (Donkor et al., 2011) au Ghana qui ont rapporté la présence des résidus d’antibiotiques dans 15 œufs soit 6,8% sur un échantillon de 220 œufs en utilisant le test qualitatif par inhibition de Bacillus subtilis ; et enfin ces résultats sont supérieurs à ceux de(Kabir, 2004) dans l’Etat de Kaduna au Nigeria qui a eu une prévalence de 1% sur 200 œufs examinés à l'aide d'un test de l'inhibition microbienne de la diffusion de Bacillus cereus ATCC 11778.
Les résultats rapportés ici bien que probablement non représentatifs de la situation générale en fonction de son caractère ponctuel (étude transversale) et de la faible taille des échantillons sont cependant utiles et reflètent une mauvaise utilisation des antibiotiques surtout en élevage laitier bovin. Cette mauvaise utilisation est à craindre car elle a pour conséquence première le développement des résistances aux antibiotiques et une exposition du consommateur au risque de sélection de bactéries résistantes aux antibiotiques. Cette situation nécessite alors une continuité des études au plan national avec un échantillonnage plus large et surtout la mise en place d’un plan national ou communautaire de surveillance et de contrôle des résidus afin de préserver la santé publique.
Conclusion
Au Sénégal, le secteur de l’élevage constitue un maillon essentiel de l’économie à travers les exportations, la création d’emplois et surtout la satisfaction des besoins alimentaires des populations rurales et urbaines. L’importance des filières lait et œufs de consommation dans ce rôle de l’élevage est primordiale. Cependant, les potentialités de ces filières sont sans cesse menacées par des contraintes d'ordre sanitaire et donc leur pleine contribution au développement du pays doit passer par la lutte contre les différentes maladies animales. Les contraintes pathologiques que rencontrent les deux filières et le désire de surmonter ces contraintes font que les producteurs ont recours à une utilisation abusive des médicaments vétérinaires notamment les antibiotiques dans un but préventif, curatif. L’objectif général de cette étude était de déterminer les niveaux de contamination par les résidus d’antibiotiques du lait et des œufs de consommation provenant des élevages laitiers et avicoles des régions de Dakar et Thiès. Ces prévalences assez élevées et supérieures aux LMR pour le lait doivent tirer une sonnette d’alarme et attirer l’attention des autorités car les risques liés à la présence des résidus dans les denrées alimentaires d’origine animales (DAOA) sont assez importants. C’est pour cela que nous formulons ici la recommandation à l’endroit des pouvoirs publics du Sénégal de mettre en place un plan national de surveillance des résidus.
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