Impact d'un extrait végétal « Origanum majorana » sur les paramètres zootechniques et l'état de santé du poulet de chair
Résumé
Dans le cadre de la recherche d’alternatives aux antibiotiques, plusieurs méthodes substitutives non thérapeutiques, dont les extraits de plantes, sont de plus en plus proposées et étudiées pour l’augmentation des performances ainsi que le contrôle de la coccidiose de poulets de chairs. L’objectif de la présente étude et d’évaluer l’efficacité de la supplémentation en extrait de plante Origanum majorana à améliorer les performances zootechniques et contrôler la coccidiose de poulet de chair. Durant 54 jours, un lot expérimental A (1200 poussins) recevant de l’eau additionnée d’un anticoccidien à base d’extrait végétal (OREGO-STIM, 150 ml pour 1000 L) a été comparé à un lot témoin C (1200 poussins) recevant dans l’eau de boisson un anticoccidien chimique, ainsi qu’à un lot B (1200 poussins) recevant dans l’eau de boisson les deux anticoccidiens. Les résultats relatifs aux performances zootechniques ont montré un écart de poids en faveurs du lot A (lot: A 3182 g, lot B: 2610 g, lot C: 3050) en fin de période d’élevage. Les indices de consommation ont été semblables jusqu’au 35ème jour. Par, après, le lot A a présenté un écart significatif comparativement aux lots B et C. Le taux de mortalité cumulé enregistré en fin de période d’élevage a été similaire (5-6 %) dans les trois lots. Les scores lésionnels obtenus chez les sujets du lot B à l’autopsie ont montré des signes plus importants que ceux du lot A et C révélateurs de formes clinique et subclinique de la coccidiose. Dans les conditions expérimentales présentes, l’ajout d’un extrait d’Origanum majorana dans l’eau de boisson a amélioré les performances zootechniques des poulets de chairs. Néanmoins, l’impact de cette supplémentation nécessite des études ultérieures pour confirmer ou infirmer leur efficacité dans le contrôle de la coccidiose.
Mots clés: Coccidiose, Eimeria, Origanum, Poulet de chair, Performances zootechniques
INTRODUCTION
L’aviculture, du fait de ses nombreux atouts (espèces à cycle court, accessibles à tous, de production plus facile et nécessitant peu d’investissement) et de son importance sociale, économique et nutritionnelle, occupe aujourd’hui dans la plupart des pays en voie de développement tels ceux d’Afrique, une place de choix dans les stratégies de développement et de lutte contre la pauvreté et visant l’autosuffisance alimentaire en protéines animales.
Le modèle d’élevage adopté par notre pays est un modèle intensif basé sur une technologie moderne, une organisation de la production et une planification rigoureuse. Cependant, l’envol de ce secteur d’élevage se trouve encore confronté à plusieurs obstacles dont principalement la dépendance de notre aviculture du marché extérieur de l’aliment, du médicament et de l’équipement, l’augmentation des charges, le désengagement de l’état et les fluctuations de la commercialisation. Ceci a poussé un bon nombre d’éleveurs à changer de profil, ce qui laisse le secteur avicole actuellement en crise et en proie aux maladies aviaires. Parmi ces maladies d’élevage avicole figure en bonne place la coccidiose aviaire responsable d’importantes baisses de production et de nombreuses pertes économiques en aviculture (Yvore, 1992).
La coccidiose aviaire est due à la présence et à la multiplication de diverses coccidies du genre Eimeria dans les cellules épithéliales de l’intestin (Fortineau et Troncy, 1985).
Cette maladie entraîne une diminution du gain de poids, un mauvais indice de consommation, des infections secondaires et une mortalité importante. Son contrôle s’impose alors pour un véritable développement de l’aviculture. Pour ce, plusieurs molécules à activité anticoccidienne ont été développées et utilisées depuis plusieurs années.
L’utilisation abusive d’anticoccidiens dans la production avicole a favorisé l’émergence et la dissémination de l’antibiorésistance ainsi qu’un accroissement important du coût de la médication.
Afin d’en réduire les coûts exorbitants et proposer une alternative aux phénomènes de résistance des coccidies, il s’avère nécessaire de trouver d’autres solutions, en dehors des produits pharmaceutiques, pour la lutte contre les coccidioses aviaires.
Nous avons donc testé l’effet de l’origan (OREGO-STIM) incorporé dans l’eau de boisson dans ce travail qui vise à évaluer, dans des conditions locales, son effet coccidiostatique pour améliorer les performances zootechniques et le contrôle de la coccidiose chez le poulet de chair.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Matériel
Lieu d’étude
L’étude a été effectuée dans trois élevages de poulet de chair des communes d’Adekar et d’Akfadou (wilaya de Bejaia) sur une période allant du 1er août au 30 octobre 2015.
Animaux
Les animaux ont été répartis en 2 lots:
A/ Lot A: composé de 1200 poussins d’un jour d’espèce Gallus gallus domesticus, de souche Cobb500.
B/ Lots B et C: composés chacun de 1200 poussins d’un jour d’espèce Gallus gallus domesticus, de souche Arbor Acres.
Aliment
Un aliment de type farineux est consommé. L’aliment est composé de maïs, tourteaux de soja, son de blé, phosphates bicalciques, calcaire et des concentrés minéralo-vitaminés.
- Un aliment «démarrage» distribué du 1er au 15ème jour.
- Un aliment «croissance» du 16ème au 40ème jour.
- Un aliment «finition» du 41ème jour jusqu’à l’abattage.
Eau de boisson
L’eau de boisson distribuée aux trois lots provenait de l’eau de source où s’approvisionnent de nombreuses familles. Cette source est recensée par les services de l’hydraulique et contrôlée par le bureau d’hygiène communal.
ORIGO-STIM
C’est un produit naturel extrait par distillation d’une plante nommée Origanum majorana, sous forme liquide. Les sujets des lots A et B, recevant de l’eau additionnée d’un anticoccidien à base d’extrait végétal (OREGO-STIM) à 150 ml pour 1000 L ont été comparés à ceux d’un lot témoin C.
Le contrôle de la température et de l’hygrométrie est effectué au moyen d’un thermomètre couplé à un hygromètre placé à 1,5 m du sol.
Plan de prophylaxie
Un calendrier de vaccination a été établi comme suit :
- 7ème jour contre la Newcastle avec un rappel au 28éme jour,
- 14ème jour contre le Gumboro.
Protocole expérimental
La répartition des lots est réalisée comme suit:
Lot A: recevant un aliment de type farine adapté à chaque âge et de l’eau de source additionnée d’Origo-stim.
Lot B: recevant un aliment de type farine adapté à chaque âge et de l’eau de source additionnée d’Origo-stim. Après observation de résistances, nous avons eu recours à des anticoccidiens chimiques (Algicox et Joprox).
Lot C: recevant un aliment de type bouchon adapté à chaque âge et de l’eau de source additionnée d’anticoccidiens chimiques (Algicox).
Paramètres étudiés
- Les performances zootechniques: le poids vif, l’indice de consommation et le taux de mortalité.
- L’effet de l’Origo-stim sur les maladies bactériennes et sur la coccidiose.
Étude lésionnelle
Après sacrifice, les prélèvements (intestins) sont destinés à l’étude lésionnelle. L’intestin, prélevé dans sa totalité (de la jonction gésier-duodénum jusqu’au côlon) avec les 2 caeca (détachés au niveau de la jonction iléocæcale), ont été juxtaposés et la longueur totale a été mesurée.
Les scores lésionnels ont été déterminés par autopsie de trois (3) sujets prélevés à différents endroits et sacrifiés, lors d’apparition de signes suspects de coccidiose (diarrhée et mortalité), selon la méthode de Johnson et Reid (1970). La recherche des lésions a été systématiquement effectuée par autopsie de tous les cas frais de mortalité.
Après autopsie des sujets sacrifiés ou retrouvés morts, l’intestin est étalé sur une table après observation de la séreuse. Des incisions sont faites sur diverses parties de l’intestin pour l’observation de la muqueuse sous la lumière du jour.
Johnson et Reid (1970) ont établi des scores lésionnels de 0 à 4 pour évaluer la gravité de l’infection coccidienne. Ces scores sont utilisés en routine pour le diagnostic des coccidioses et l’évaluation de l›efficacité des anticoccidiens.
Le risque de coccidiose existe pour un score lésionnel supérieur à 2. Cependant, l’établissement de l’indice lésionnel des coccidioses de l’intestin se réalise par la division du tube digestif en 4 segments (rectum excepté). Toutefois, dans notre étude, nous avons aussi tenu compte du rectum (lésion due à E. brunetti), l’intestin a donc été divisé en 5 segments.
Calcul et interprétation des indices lésionnels
Dans notre étude, le calcul et l’interprétation de l’indice lésionnel final moyen (ILFM), pour chaque semaine dans le lot, s’effectuent comme suit:
ILFM=Somme des indices lésionnels des sujets/sujets autopsiés
Les résultats sont interprétés selon le barème donné ci-après:
ILFM < 1: Excellente protection contre la coccidiose.
ILFM < 2: Protection correcte.
ILFM < 2,5: Protection à surveiller.
ILFM > 2,5: Risque de coccidiose clinique (prévoir à titre préventif un anticoccidien).
ILFM > 3: Problèmes sérieux de coccidiose clinique avec des lésions sévères (traitement curatif immédiat).
Analyse statistique
Des tests de comparaison des poids moyens, indice de consommation et taux de mortalité entre les 3 lots ont été réalisés en se basant sur le calcul du rapport critique RC. Les différences ont été considérées significatives à p<0,05.
L’analyse a été établie sur SAS ou Statistica 10 de Statsoft Inc., USA, les moyennes sont données sous forme moyenne ± SE.
RÉSULTATS ET DISCUSSION
Paramètres zootechniques
Gain de poids
L’évolution du gain de poids moyen des sujets durant la période d’élevage est rapportée en figure 1.
Les résultats obtenus ont montré une prise de poids légèrement plus élevée au 52ème jour chez les sujets expérimentaux du groupe A≈ 3042 g par rapport aux lots C (témoin) ≈ 2847 g et B≈2466 g.
A travers nos observations des poids moyens hebdomadaires réalisés de la première semaine à la fin de l’élevage, les meilleurs poids sont en faveur du lot A.
Il est établi que le gain de poids est en étroite relation avec la qualité de l’alimentation et au respect des conditions d’élevage. Le type d’aliment utilisé pour les trois phases de l’élevage est de type farineux alors que le type granulé, fortement appètent et mieux homogénéisé conserve au mieux ses valeurs nutritives, et est recommandé dans les deux dernières phases.
La bonne croissance obtenue dans le lot A est sans doute imputable à l’efficacité de l’anticoccidien utilisé en l’occurrence OREGO-STIM se traduisant par l’absence de coccidiose clinique, car celle-ci déprime les performances zootechniques en diminuant la vitesse de croissance et en augmentant l’indice de consommation (Yvore, 1992).
Indices de consommation (IC)
La consommation d’aliment est rapportée en figure 2.
Nos résultats montrent que l’indice de consommation à la fin de chaque phase d’élevage:
- Lot A: 1,93
- Lot B: 2,1
- Lot C: 1,93
Les résultats relatifs à l’indice de consommation montrent que les lots A et C (1,93) sont meilleurs par rapport au lot B (2,1). En terme numérique, il est constaté un meilleur indice de consommation pour les lots A et C par rapport au lot B. L’augmentation de ce dernier fait suite à la survenue d’épisodes pathologiques au cours de l’élevage (coccidiose et autres complications telles que les maladies respiratoires) et qui ont contribué à ces mauvaises performances.
Les animaux atteints de la coccidiose clinique ou subclinique ont été prédisposés car il est reconnu et établi qu’un organisme parasité est vulnérable aux affections microbiennes et autres stress. L’anticoccidien à base de plante naturelle utilisé dans le lot A a donc induit un effet positif sur l’efficacité alimentaire.
Taux de mortalité
Les résultats du taux de mortalité sont rapportés en figure 3.
Les résultats obtenus montrent des taux de mortalité de 5;45; 5,83 et 6,50% respectivement pour les lots A, B et C. Il est à noter que les taux de mortalité enregistrés chez les lots A et B sont comparables à la norme rapportée par Villate (2001) et qui est de 5%. On peut expliquer ces résultats par les bonnes conditions d’élevage dans lesquelles s’est déroulée notre expérimentation. Bien que ces dernières ne soient pas rigoureusement respectées sur le terrain algérien (isolation thermique du bâtiment, ventilation, densité, respect de la barrière sanitaire, équipements et type d’alimentation).
Le taux de mortalité légèrement élevé observé pour le lot C (de la 6ème à la 7ème semaine) pourrait être du a la fragilisation du système immunitaire des sujets par la coccidiose et l’apparition des maladies respiratoires (colibacillose).
Indice lésionnel
Selon le barème de l’indice lésionnel de Johnson et Reid (1970), les scores lésionnels obtenus chez les sujets du lot B à J15 (0,91), J20 (0,85) et J29 (1,08) montrent des indices plus importants que ceux du lot A (0,80) et révélateurs des formes clinique et subclinique de la coccidiose et ce malgré la présence d’un anticoccidien chimique dans l’aliment et les traitements de l’eau de boisson.
Alors que les scores sont de moindre importance pour le lot A et C comparativement à ceux du lot B. Ceci peut être expliqué par l’absence de signes cliniques de la coccidiose.
Il est clair que les animaux des lots expérimentaux bénéficient d’une meilleure protection contre la coccidiose induite vraisemblablement par l’addition d’OREGO-STIM dans l’eau de boisson.
Sahraoui et al., (2015), travaillant sur l’effet de l’extrait végétal Yucca Schidigera sur l’excrétion oocystale chez le poulet de chair dans les fientes, ont conclu que la supplémentation de cet extrait dans l’alimentation d’un lot expérimental, dès les premiers jours de vie des poussins, a considérablement réduit l’élimination des oeufs de coccidies.
Le nombre d’oocystes par gramme de fèces pour le lot A est beaucoup plus élevé jusqu’à 37 jours où on observe dans le lot B un pic à 160 mille oocystes.g-1 de fèces. Le nombre d’oocystes devient ensuite comparable dans les deux lots jusqu’à la fin de l’expérimentation, cette sécrétion est en relation directe avec ma coccidiose clinique et subclinique.
De plus, l’utilisation de l’armoise en traitement adjuvant de la coccidiose chez le poulet de chair (Messaï, 2015) montre qu’Artemisia herba-alba Asso est dotée d’une activité anticoccidienne intéressante, à travers la prévention de la mortalité, la diminution de l’excrétion d’oocystes et la réduction des lésions induite par Eimeria tenella.
CONCLUSION
Les résultats obtenus dans la présente étude montrent que l’incorporation des anticoccidiens à base d’extraits végétaux «OREGO-STIM» extrait de l’origan (Origanum vulgare) dans l’eau de boisson permet:
- Une amélioration des performances pondérales.
- Une amélioration de l’indice de consommation.
- Une diminution du taux de mortalité tout en préservant un bon état sanitaire des animaux
Par conséquent, et sur la base de ce qui précède, l’addition d’extraits végétaux s’avère une meilleure alternative aux anticoccidiens chimiques et autres antibiotiques car ils permettent de répondre aux problèmes de résistances aux anticoccidiens.
De plus, l’Origan et la marjolaine n’entraînent pas de développement de résistance des coccidies suite à leur utilisation. Ils peuvent être utilisés en volailles (chair, pondeuse, dindons), et devraient être testés chez les ruminants.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Fortineau O., Troncy P.M. (1985). Coccidiose, maladies animales majeures: Les coccidioses du poulet. Rev. Elev. Méd. Vét. Nouvelle Calédonie, 917.
Johnson J., Reid W.M. (1970).1Anticoccidial Drugs: Lesion scoring techniques in battery and flfloor-pen experiments with chicken. Exp. Parasitol. 28:30-36.
Messai A. (2015). Utilisation de l’armoise et de l’eau de riz en traitement adjuvant de la coccidiose chez le poulet de chair. Thèse de Doctorat. Université de Constantine, p100.
Sahraoui N., Brahim Errahmani M., Ammi-Baaziz D., Hezil N., Bennadji M.A., Boulariah H., Chaouadi D., Hornick J.L., Guetarni D. (2015). Effet de l’extrait végétal de Yucca Schidigera sur l’excrétion oocystale chez le poulet de chair. Rev. Mar. Sci. Agron. Vét. 3:53-57.
Villate D. (2001). Maladies des volailles. Édition France Agricole. 2ème édition. 2001.
Yvoré, P. (1992). Les coccidioses en aviculture. Manuel de Pathologie aviaire. J. Brugère-Picoux and A. e. Silim, eds. École Nationale Vétérinaire d’Alfort, Maison-Alfort, France, 312-317.
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© Revue Marocaine des Sciences Agronomiques et Vétérinaires