Résumé

La galle de la tomate, occasionnée par Meloidogyne incognita, est un fléau du maraîcher en Côte d’Ivoire. Cette étude est une contribution à l’amélioration de la production des petits producteurs par la recherche de méthodes simples et replicables. Pour se faire, un sol infesté par M. incognita a été traité par un extrait de ricin, de la bouse de vache et un nématicide (carbofuran), seuls ou combinés. Les traitements ont réduit par rapport au témoin (sans traitement) les galles et les symptômes foliaires des plants de tomate après 45 j. Les traitements bouse de vache + nématicide et ricin + bouse de vache ont été les plus efficace avec une incidence quasiment égale à 0%. par ailleurs, outre son action nématicide, le ricin pourrait promouvoir la croissance des plants de tomate.


Mots clés: Tomate, Meloidogyne incognita, extrait de ricin, bouse de vache, carbofuran, incidence.


 

INTRODUCTION

La tomate est le légume le plus consommé en Côte d’Ivoire. C’est une culture des zones urbaines et péri-urbaines des grandes villes en Côte d’Ivoire. La production annuelle fluctue entre 22 000 et 35 000 tonnes (Anonyme, 2009). La culture de la tomate est aujourd’hui une activité économique viable pour de nombreux producteurs ruraux, urbains et péri urbains (Didji et al., 2010). Cependant, cette culture est confrontée à de nombreuses contraintes biotiques dont les nématodes. Ces ravageurs, bien que moins intégrés dans les programmes de recherche, font partie des plus importantes causes de réduction du rendement des cultures. Il est estimé qu’approximativement 11 % de pertes mondiales de récoltes sont occasionnées par les nématodes (Agrios, 2005). Le climat chaud et humide de la Côte d’Ivoire fait de ces régions de production des zones propices au développement des nématodes, surtout Meloidogyne spp.

La lutte contre les nématodes est généralement chimique avec les pesticides tels que le Carbofuran, le Phénamiphos, l’Ethoprop et l’Isazophos. Cependant, cette lutte nécessite une intervention permanente (Vilardebo, 1981) d’où des moyens conséquents pour maintenir les nématodes à un niveau acceptable. De plus, ces pesticides occasionnent des pollutions de l’air, du sol et de l’eau (Alam, 1987). Bien que l’utilisation de méthodes biologiques de lutte ait donné des réductions significatives de la maladie, elles connaissent des limites (climat, interaction avec d’autres organismes, etc.). C’est pourquoi la recherche s’oriente vers lutte intégrée combinant plusieurs techniques de lutte (antagonistes, plantes pièges, inondation, techniques culturales…). C’est dans cette optique que cette étude se propose d’évaluer la capacité du ricin seul ou associé à la bouse de vache à réduire l’apparition de galle sur la tomate.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Matériel

Semences de tomate

Les semences de tomate certifiées UC 82B, achetées dans un point de vente phytosanitaire, ont été utilisées pour les essais. Cette variété à une pureté de 99 % et un taux d’humidité de 10 %.

Extrait de ricin

Les graines de ricin récoltées à travers la ville ont été séchées et ont servi à préparer l’extrait de ricin.

Bouse de vache

La bouse de vache utilisée pour les tests a été collectée dans les parcs animaliers. Celle déjà minéralisée a été choisie pour minimiser les populations pathogènes éventuelles.

Le sol utilisé pour les essais provenait d’un champ où l’incidence de M. incognita sur le gombo est de 100 %.

Matériel chimique

Trois pesticides ont été utilisés lors de ces tests. Les fongicides Mancozèbe et Nuralate (Méthalaxyl + oxychlorure de cuivre) ont été utilisés pour traiter le sol contre les fontes de semis et autres champignons pathogènes du sol. Le troisième pesticide est un nématicide appelé Furadan (Carbofuran).

Méthodes

Préparation du sol de culture, de la bouse de vache et de l’extrait de ricin

La mise en place des essais a nécessité l’utilisation de 400 g de sol dans par pot de culture. Un traitement fongicide (Mancozèbe et Nuralate) du sol des pots a été effectué une semaine avant la conduite des essais. La bouse de vache collectée a été séchée au soleil (35-42° C) pendant deux semaines. Elle a été ensuite minéralisée (par compostage) et réduite en poudre et mélangée au sol pour les essais qui le nécessitaient à la proportion 2/3 de sol et 1/3 de bouse de vache. Pour obtenir l’extrait de ricin, 50 g de graines de ricin ont été broyés au blinder puis infusés dans 2 l d’eau distillée stérile.

Traitements effectués

Une semaine après l’application des fongicides, les sols des pots, en fonction des lots, ont été traités soit avec le Furadan (5 g par pot) soit avec la bouse de vache ou avec l’extrait de ricin (40 ml par pot). Une semaine après ces traitements, le semis de la tomate a été effectué. Trois semences par pot ont été mises en terre. Après la levée, 2 pieds par pot ont été sélectionnés pour la conduite des essais. Les plantules ont été suivies pendant 45 jours au laboratoire avec un arrosage chaque 2 jour. Les différentes combinaisons de traitement ont été les suivantes:

- Sol infesté de nématodes (SI);

- Sol infesté de nématodes + nématicide (SIN);

- Sol infesté de nématode + bouse de vache (SIBV);

- Sol infesté de nématodes + bouse de vache + nématicide (SIBVN);

- Sol infesté de nématodes + bouse de vache + extrait de ricin (SIBVER);

- Sol infesté de nématodes + extrait de ricin (SIER).

L’expérience a été répétée trois fois.

Paramètres mesurés et analyses statistiques

Après le temps d’incubation, les plantes ont été dépotées puis les mesures du nombre de plant atteint de galle, de la sévérité de la maladie (galle), de la taille des plants et du nombre de plant atteint de jaunissement foliaire ont été consignées. Ces mesures ont permis d’évaluer l’incidence de la maladie (galles sur les racines et jaunissement foliaire) et l’indice de galle. L’incidence a été estimée par la formule suivante:

L’indice de galle (indice de sévérité) a été évalué selon l’échelle d’indexation pour les nématodes à galles de Bridge et Page (1980) qui part de 0 (pas de galle sur racine) à 10 (toutes les racines sévèrement gallées, plus de système racinaire).

Ces paramètres mesurés ont permis d’évaluer chaque variable (la taille, l’incidence, l’indice de galle et les symptômes foliaires) en fonction des six traitements (ANOVA 1). En cas d’effet significatif, un test de comparaison des moyennes de Fisher (LSD) a été associé pour distinguer les groupes homogènes selon les valeurs moyennes de la variable à tester. Le seuil de signification est de 5%. Le logiciel Statistica 7.1 a été utilisé.

RÉSULTATS 

Incidence des traitements sur la formation des galles dues aux nématodes

Tous les traitements effectués ont significativement réduit l’impact de M. incognita (Figure 1) sur la formation des galles sur la tomate. En effet, l’incidence de la maladie a varié de 0 à environ 37 % pour tous les traitements contre une incidence de 99.7 % pour le témoin (sol infesté sans traitement). Selon les analyses statistiques effectuées, les traitements individuels de nématicide, de bouse de vache et de Ricin ont eu le même effet sur la réduction de l’incidence de la maladie (33-36 %). Cependant, lorsqu’on a combiné ces traitements deux à deux (nématicide+bouse de vache et Ricin+bouse de vache), la protection de la tomate contre les galles a été quasi-totale (99.7 %) (Figure 2). Après seulement 45 jours, il a été observé que 50 % des racines du témoin ont été atteintes et les galles ont entamé les racines principales. Le système racinaire a été fortement réduit (niveau 5 de l’échelle). A la même durée d’observation, la sévérité a été de niveau 1 à 2 pour les traitements individuels de nématicide, de bouse de vache et de ricin. A ce stade, certaines galles ont commencé à être visible tandis que pour d’autres plantes elles ont été peu et difficiles à voir. Lorsque les traitements ont été combinés, les galles ont été réduites à 0 et très difficiles à voir (Figure 2 et 3).

Figure 1: Meloïdogyne sp (femelle) isolé des racines de gombo et de tomate

Impact des différents traitements sur les symptômes foliaires et sur la croissance végétative

Les essais ont montré que près de 80 % des plants de tomate issus du sol non traité ont présentés des jaunissements suivis de nécroses marginales (Figure 4).

Une réduction d’environ 75 % des symptômes par rapport au contrôle a été observée lorsqu’on a traité le sol avec le nématicide ou la bouse de vache. Le traitement avec le ricin n’a réduit que de 50 % les symptômes de jaunissement et nécrose par rapport au témoin. Cependant, lorsqu’on a traité simultanément le sol avec le ricin et la bouse de vache ou le nématicide avec la bouse de vache, 93 à 100 % de réduction a été obtenu (Figure 5).

La maladie des galles des racines de tomate due à M. incognita a entraîné le ralentissement de la croissance des plants de tomate. Par rapport au témoin (contrôle), dont la longueur de tige est de 67,9 cm, les traitements avec le ricin uniquement et le ricin plus la bouse de vache ont permis d’avoir un gain en longueur. Le gain en taille (longueur de tige) est d’environ 30 % par rapport au témoin. Cependant, aucune différence statistique de longueur de tige n’a été observée entre le témoin et les autres traitements (Figure 6).

DISCUSSION

L’utilisation de Furadan, de bouse de vache et d’extrait de ricin réduisent significativement la formation des galles sur les racines de la tomate. Cependant, la combinaison deux à deux de la bouse de vache avec les deux autres produits empêche quasiment la formation des galles. Ce résultat est dû à l’efficacité prouvée du carbofuran contre les nématodes à galles. D’autre part, par la ricine, les composés volatiles de la bouse de vache et la stimulation de parasites et/ou de prédateurs naturelles des nématodes pourrait expliquer l’efficacité des deux produits non chimiques. En effet, Cayrol et al. (1992) ont indiqué que le ricin bloquait le développement et la multiplication des nématodes. L’efficacité de certaines plantes à contrôler les nématodes a été également mise en évidence par Naz et al., en 2015. Ceux-ci ont montré que 30 g/Kg de sol de poudre de racines secs de Fumaria parviflora ont réduit significativement le nombre de galles, d’œufs et de femelles par gramme de racine.

Des chercheurs ont également mis en évidence la capacité de certains engrais verts à inhiber les nématodes par des composés volatiles libérés et la stimulation d’ennemis naturels (Cayrol et al., 1992). En effet, Trichoderma harzianum qu’on trouve dans les compost et autres engrais verts cause 80 % de mortalité des juvéniles J2 de M. incognita après 72 h (Sharma et Sharma, 2015; Feyisa et al., 2016). L’importante efficacité des combinaisons est en somme une addition des effets. Vilardebo (1981) a également rapporté cet effet. Il a montré que quand la re-plantation du bananier se fait avec du matériel végétal « praliné » dans une bouillie de bentonite + nématicide, la ré-infestation était très lente et permet d’économiser 5 à 6 épandage de nématicide.

L’effet des traitements sur l’apparition des symptômes de jaunissement et de nécrose foliaire de la tomate est similaire à l’apparition des galles. En effet, bien que les traitements aient réduits dans l’ensemble le jaunissement des feuilles, les traitements bouse de vache couplée au Furadan ou au ricin se sont montrés très efficaces. L’expression du jaunissement et des nécroses est proportionnelle l’indice de galle. Des résultats similaires ont été observés par Vedie et Lambion (2008). Ils ont montrés que les tourteaux de neem et de ricin utilisés seuls donnent des résultats aléatoires, mais leur combinaison améliore leur efficacité sur plusieurs années. Par ailleurs, Nebih Hadj-Sadok et al., (2014) ont montré que si des combinaisons ont des effets synergiques, d’autres par contre ont des effets antagonistes. C’est le cas de l’effet antagoniste du mélange des feuilles et des racines de Ziziphus lotus sur les M. incognita.

CONCLUSION

L’utilisation des produits non chimiques (antagonistes biologiques et autres substances naturelles) pour combattre les nématodes est prometteuse. Les tests de produits individuels ont montrés certaines insuffisances qui pourront être améliorées par des recherches plus poussées dans les combinaisons de produits. Les faiblesses constatées par ces produits lors d’une importante infestation pourraient être jugulées par des utilisations ponctuelles de nématicide chimiques. L’avenir de la lutte résiderait donc dans une intégration efficiente de différentes méthodes.

La croissance végétative de la tomate est fortement réduite par l’attaque de M. incognita. Les traitements à base de nématicide, de bouse de vache couplée ou non au nématicide n’ont pas améliorés la croissance des tomates par rapport au témoin. Cependant, le ricin seul ou associé à la bouse de vache améliore significativement la croissance végétative des tomates. Le ricin contiendrait donc des substances promotrices de la croissance des plants de tomate.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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