Résumé

Des prospections ont été menées dans les différentes régions vignobles du Maroc en vue d’identifier les principaux nématodes phytoparasites associés à la vigne. Le nématode du genre Xiphinema a été détecté dans la région de Ain Taoujdate, Meknes, Ben Slimane et Ouled Ben Hamadi. Deux espèces du genre Xiphinema (X. pachtaichum et X. index) ont été identifiées sur la culture de la vigne. Le virus de l’enroulement des feuilles de la vigne (GFLV) a été détecté par le test ELISA à partir des échantillons provenant de Ain Taoujdate, Meknès et Ouled Ben Hamadi. Aussi, les nématodes du genre Meloidogyne ont été rencontrés dans toutes les localités vignobles prospectées. Par ailleurs, d’autres nématodes ont été identifiés, notamment : Pratylenchus spp. Paratylenchus spp., Tylenchus spp., Criconemoide spp. et Helicotylenchus spp.


Mots clés: Nématodes phytoparasites, virus, vignes, Maroc

INTRODUCTION

Au Maroc, la viticulture occupe une place assez importante dans le tissu socio-économique marocain. La superficie plantée en cette culture a connu une grande évolution en matière de superficie et de production durant ces dernières années grâce aux efforts déployés dans le cadre du Plan Maroc Vert. Elle est répartie sur une superficie d’environ 49 000 ha avec une production annuelle de 230 000 tonnes de raisins toutes variétés confondues (Anonyme, 2016). Sur cet ensemble 38200 ha et 172000 T concernent les raisins de table et 10800 ha et 58000 T concernent la vigne de cuve (Anonyme, 2016).

Il est à souligner qu’à côté des obstacles abiotiques, plusieurs contraintes biotiques peuvent être répertoriées comme sources de limitation de la productivité de vignobles marocains. Il s’agit, notamment, des maladies virales et cryptogamiques, des ravageurs et des mauvaises herbes (Achbani et Habbadi, 2016). Dans le présent article, notre travail a été axé principalement sur les nématodes phytoparasites. Plusieurs genres de nématodes phytoparasites peuvent s’attaquer aux vignobles, certains sont d’une importance économique considérable, comme les nématodes à galles (Meloidogyne spp.) et les nématodes du genre Xiphinema (Pinkerton et al., 1999; Zasada et al., 2012) . Plusieurs études ont montré que le genre Xiphinema cause chez la vigne des dégâts primaires directs (dus au puisement de la sève de la plante) et des dégâts secondaires indirects en transmettant des virus du genre Nepovirus (Demangeat, 2005a,b). L’espèce Xiphinema index est de loin à une très grande répartition mondiale. En plus des dégâts directs, ce nématode est vecteur du virus de l’enroulement des feuilles de la vigne (GFLV) (Demangeat, 2005a).

Au Maroc, des prospections dans les vignobles de différentes régions ont montré la présence de plusieurs genres de nématodes à savoir Meloidogynes, Criconemoides, Helicotylenchus, Pratylenchus, X. index ,X. pachtaichum, Trichodorus, Paratylenchus et Heterodera. L’espèce X. index a été signalée sur des échantillons prélevés des régions de Ouled Frej, Ain Taoujdate, Meknès et El Hajeb (Abbad Andaloussi et al., 2006; Mokrini, 2008).

L’objectif de cette étude est de compléter les données disponibles sur la distribution des nématodes phytoparasites des vignes au Maroc en menant une enquête nématologique dans différentes régions du Maroc.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Régions viticoles étudiées et méthodes d’échantillonnage

Les prospections à la recherche de nématodes de la vigne ont concerné les régions viticoles de Tifelt, Khémisset, Meknès, Ain Taoujdate, Sebaa Ayoune, Ouled Ben Hamadi, Bouznika, Benslimane et Marrakech. En effet, sur une période de cinq mois l’échantillonnage a été constitué. Ainsi, du mois d’avril à août de la même campagne, les prélèvements des échantillons ont été réalisés de manière aléatoire dans chaque vignoble prospecté. En se basant sur les symptômes foliaires et/ou racinaires, cinq pieds de la vigne ont été aléatoirement choisis. A l’aide d’une tarière, six échantillons de sol ont été prélevés entre 0-40 cm de profondeur et à 50 cm du tronc au niveau de chaque souche de la vigne considérée. Les prélèvements du sol effectués dans différents horizons du sol ont été soigneusement mélangés et homogénéisés pour constituer un seul échantillon par pied de la vigne puis. Les traitements et les analyses de l’ensemble des échantillons formés ont été suivis au laboratoire.

Méthode d’extraction des nématodes

Extraction des nématodes à partir du sol (Technique de Baermann)

Arrivé du laboratoire et dans un bac en plastique, chaque échantillon de sol formé est mélangé de nouveau puis un échantillon de 100 cm³ de sol est constitué et rapidement étalé sur un papier filtre sur un tamis à grande maille. Par la suite, l’ensemble est posé sur une assiette remplie d’eau afin que les nématodes puissent y passer. Après 48 h, l’eau et son contenu sont récupérés dans un bêcher puis filtrés dans un tamis de 5 µm tenu en position inclinée. La solution obtenue est par la suite examinée sous une loupe binoculaire.

Extraction des nématodes à partir des racines

Les racines échantillonnées sont bien lavées sous l’eau du robinet puis coupées en petits morceaux. Un échantillon de 10 g de racines est étalé sur un papier filtre qui est déposé sur un tamis à grande maille. Le tout est ensuite posé sur une assiette remplie d’eau afin que les nématodes puissent passer dans l’eau. Après deux jours, les nématodes ont été recueillis dans un tamis de 5 µm.

Détection du virus du court noué de la vigne

Principe du Test

Le test ELISA est un test immunologique destiné à détecter et / ou doser une protéine ou un antigène dans un liquide biologique. Dans la technique de dosage, les puits d’une microplaque sont tapissés avec un anticorps de capture capable de lier spécifiquement l’antigène recherché.

Protocole expérimentale pour la détection du virus de la maladie du court noué

• Un volume de 13 µm du tampon de fixation de l’antisérum simple a été déposé dans chaque puits de la plaque. Les puits vides ont été remplis avec de l’eau. La plaque a été recouverte et incubée à 30°C pendant 4 heures.

• La plaque est rincée une seule fois avec de l’eau de robinet. Ensuite elle est rincée 4 fois avec un tampon de rinçage pour éliminer l’excès d’anticorps. Le jus de feuilles est pipeté et distribué dans les puits. La plaque est ensuite recouverte et incubée à 30°C pendant une nuit.

• Un volume de 13µl du tampon conjugué et 13µl de l’antisérum conjugué est déposée dans chaque puit. La plaque est recouverte et incubée à 30°C pendant 4 heures.

• Le substrat de l’enzyme PNP (Penitrophényl Phosphate) est ajouté dans les puits et laissé à température ambiante pendant une heure.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Cette étude menée dans les différents vignobles marocains, a permis de révéler la présence de plusieurs nématodes phytoparasites associés à la culture de la vigne qui sont inventoriés dans le Tableau 1. Ces nématodes appartiennent aux genres Xiphinema, Meloidogyne, Pratylenchus, Helicotylenchus, Paratylenchus et Tylenchus. Toutefois, il y a lieu de préciser qu’à la lecture des résultats obtenus que les nématodes du genre Meloidogyne et Xiphinema sont les plus fréquents dans la totalité des échantillons analysés. Pour les autres nématodes, ils sont moins nombreux avec une répartition localisée.

Les nématodes du genre Xiphinema

Les nématodes du genre Xiphinema sont les plus redoutables sur vigne et ils ont été rencontrés au niveau des zones viticoles suivantes: Ouled Ben Hamadi, Meknès, Ain Taoujdate et Benslimane (Tableau 1). Ainsi, deux espèces Xiphinema index et X. pachtaichum ont été identifiées. L’espèce Xiphinema index qui est le vecteur du virus de l’enroulement des feuilles de la vigne (GFLV) a été trouvée dans les échantillons du sol collectés au niveau des vignes d’Ain Taoujdate, Meknès et Ouled Ben Hamadi. Ces nématodes sont présents dans les sols viticoles (argileux et sablonneux) avec des niveaux d’infestations inférieurs au seuil de nuisibilité fixé par (Mc Kenry, 1992) (3 nématodes par 100 cm³). Afin de confirmer la présence du virus du court noué GFLV (Grapevine FanLeaf Virus) transmis par l’espèce X. index, un test Elisa a été effectué sur les feuilles échantillonnées de vigne (Photo 1). Les résultats du test ont été observés directement au dessus d’un support de lumière à l’œil nu. Trois résultats positifs ont été détectés sur des échantillons prélevés des régions de Ain Taoujdate, Meknès et Ouled Benhamadi. Les résultats de notre enquête et ceux obtenus par Abbad Andaloussi et al.,(2006) montrent que X. index est largement distribuées dans les régions de Ain Taoujdate et Meknès.

Demangeat et al., (2005a) ont signalé que le virus GFLV est transmis spécifiquement par l’espèce X. index et que ce virus a été détecté dans les adultes et J4. Les échantillons suspects ou douteux présentant des symptômes dus au genre Xiphinema ont été analysés minutieusement au laboratoire par le test séro-enzymatique (ELISA). Le résultat obtenu a été négatif, il n’y avait pas de coloration jaune indiquant la présence du virus (GFLV). Ce résultat pourrait être expliqué par une faible multiplication du virus dans le matériel végétal infecté n’est pas encore suffisante pour que la coloration jaune puisse apparaître.

Photo 1: Test Elisa effectué sur les feuilles de vignes

Les nématodes à galles (Meloidogyne spp.)

L’analyse nématologique a révélé l’existence des nématodes du genre Meloidogynes dans tous les vignobles prospectés (Khemissat, Tifelt, Ouled Benhamadi, Ain Taoujtate, Sebba Ayoune, Meknès, Benslimane et Bouznika). Ce genre de nématode a été rencontré dans les deux types de sols (argileux et sablonneux) avec des niveaux d’infestions élevés dépassant le seuil de nuisibilité fixé par (Mc Kenry, 1992) qui est de 20 Meloidogyne spp. par 100 cm³ de sol. Les symptômes caractéristiques relatifs à ce genre de nématode, se manifestent par la présence des galles au niveau des racines (Photo 2). Selon Nicol et al., (1999), plus de 50 espèces de Meloidogyne ont été identifiées sur vignes dont Meloidogyne javanica, M. arenaria, M. hapla et M. incognita sont les plus nuisibles sur cette culture.

Photo 2: Galles causées par le genre Meloidogyne sur les racines de vigne (Meknès)

Autres nématodes

D’autres nématodes phytophages moins importants ont été également trouvés associés aux vignobles marocains à savoir, Pratylenchus spp., Helicotylenchus, Paratylenchus spp et Tylenchus spp. dans la totalité des vergers prospectés.

CONCLUSION

Les prospections réalisées au niveau des régions étudiées ont montré la présence de deux espèces de Xiphinema. L’espèce X. index, qui est le vecteur du virus de l’enroulement des feuilles de la vigne (GFLV), a été identifiée dans les échantillons collectés au niveau des régions de Ouled Ben Hamadi, Meknès et Ain Taoujdate. C’est une espèce particulièrement redoutable et qui demande à ce que d’autres recherches se focalisent sur les conditions environnementales qui favorisent son développement sur la vigne. Dans le cas du GFLV, du matériel de plantation indemne peut être réinfecté par l’espèce X. index. Si des nématodes X. index virulifères sont présents dans le sol (par ex. dans la situation courante où une vigne infectée par le GFLV est détruite et remplacée). Donc, des mesures doivent être prises pour éliminer l’infection avant la plantation comme l’utilisation de matériel végétal sain sur un sol n’ayant jamais porté de vigne. Les nématodes à galles sont présents dans toutes les régions prospectées des vignes. La lutte contre ces nématodes doit donc être prise en compte si l’on veut limiter les risques à long terme.

RÉFÉRENCES

Abbad Andaloussi F., Di Vito M., De Luca F., Alaoui Y. (2006). Nematode survey on grape and other important crops in Morocco. Al Awamia 118/119: 42-51.

Achbani E., Habbadi K. (2016). La galle du collet de la vigne au Maroc (Région de Fès-Meknès). Agriculture du Maghreb 99: 101-103.

Anonyme (2016). La culture de la vigne au Maroc: son importance et ses exigences. AgriMaroc.ma.

Demangeat G., Esmenjaud D., Voisin R., Bidault JM., Grenan S., Claverie M. (2005a). Le court noué de la vigne. Phytoma, 587: 38-42.

Demangeat G., Voisin R., Minot J.C., Bosselut N., Fuchs M. and Esmenjaud D. (2005b). Survival of Xiphinema index in vineyard soil and retention of Grapevine fanleaf virus over extended periods of time in the absence of host plants. Phytopathology, 95: 1151-1156.

McKenry M.V. (1992). Nematodes. In: Grape pest management, 2nd ed. D.L. Flaherty, L.P. Christensen, W.T. Lanini, J.J. Marois, P.A. Phillips & L.J. Wilson (eds.). University of California Division of Agriculture & Natural Resources. Publication 3393. pp. 280-293.

Mokrini F. (2008). Les nématodes phytparasites associés aux différentes cultures au Maroc. Rapport de titularisation-INRA, pp 62.

Nicol J.M., Stirling G.R., Rose B.J., May P., van Heeswijk R. (1999). Impact of nematodes on grapevine growth and productivity: current knowledge and future directions, with special reference to Australian viticulture. Australian Journal of Grape and Wine Research 5:109-127.

Pinkerton J.T., Forge T.A., Ivors K.L., Ingham R.E. (1999). Plant parasitic nematodes associated with grapvines, Vitis vinifera, in Oregan vineyards. Supplement to The Journal of Nematology 31(4S): 624-634.

Zasada I.A., Riga E., Pinkerton J.E., Wilson J.H., Schreiner R.P. (2012). Plant-parasitic nematodes associated with grapevines, Vitis vinifera, in Washington and Idaho. American Journal of Enology and Viticulture 63: 522-528