La régulation du partenariat public-privé en irrigation: Cas du projet El Guerdane dans la région du Souss-Massa

Auteurs-es

  • Nassreddine MAATALA Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, Rabat, Maroc
  • Mohammed Taoufiq CHATI Expert en PPP en irrigation, Rabat, Maroc
  • Majid BENABDELLAH Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II, Rabat, Maroc
  • Philippe LEBAILLY Faculté de Gembloux Agro Bio-Tech, Ulg, Gembloux, Belgique

Résumé

Le recours au partenariat public-privé dans le domaine de l’irrigation par le Maroc a été initié 2005 dans le cadre du projet El Guerdane dont l’objectif est de sauvegarder un périmètre agrumicole de 10 000 ha. L’objectif de cet article est de décrire le rôle du département de l’Agriculture en tant qu’autorité délégante et l’organisation du service chargé du suivi et de la régulation des projets de partenariat public-privé, les différents risques liés à ce projet de partenariat et ses différents indicateurs de performance. Aussi, une comparaison entre les périmètres El Guerdane et Issen en matière de régulation a été effectuée. La méthodologie suivie s’est basée sur les entretiens réalisés avec les différentes parties prenantes du projet. Il ressort de cette analyse que le projet s’est doté de moyens efficaces pour assurer le contrôle, le suivi et la régulation du projet en amont et en aval. En effet, il s’est doté en amont au niveau de l’autorité délégante d’un service exclusivement dédié à ce contrôle et en aval d’une commission qui se réunie annuellement ou siègent les représentants des bénéficiaires.En matière des performances de gouvernance, le partenaire privé a pris en charge une partie des risques d’investissement et d’exploitation pour assurer la pérennité de l’outil d’irrigation. Aussi, la qualité du service de l’eau a été améliorée, la disponibilité de la ressource en eau est devenue meilleure et repose sur la demande, le coût du service de l’eau d’irrigation est pris en charge par les usagers, ce qui a permis d’éviter les transferts du budget de l’Etat (subventions annuelles) pour la maintenance complémentaire ou le besoin de réhabilitation. Cependant, la délégation d’un service de l’eau ne doit pas se limiter à la mise en place d’un dispositif commercial et contractuel de distribution d’eau d’irrigation, mais plutôt instaurer un système de conseil pour prodiguer aux agriculteurs les messages techniques permettant de gérer au mieux l’eau d’irrigation et leur système de production pour faire face aux exigences de ce nouveau mode de gestion.

Mots clés: Partenariat Public-Privé, irrigation, régulation

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INTRODUCTION

Le premier projet du partenariat public-privé en irrigation réalisé par le Maroc est le projet de sauvegarde de la zone agrumicole d’El Guerdane dans le Souss (10 000 ha) qui était l’aboutissement d’une étude visant l’examen approfondi de la faisabilité d’une multitude d’options envisagées par le Ministère de l’Agriculture pour l’amélioration du secteur irrigué au Maroc. Les trois options examinées ont été les suivantes: (i) l’autonomie du service de l’eau au sein des Offices Régionaux de Mise en Valeur Agricole (ORMVA), (ii) le transfert de la gestion aux agriculteurs et (iii) la gestion déléguée dans un cadre privé. L’examen avait conclu à l’opportunité de l’option de la gestion déléguée dans un cadre de partenariat public-privé.

En absence de tout texte de loi réglementant les contrats de partenariat public-privé entre l’État et le privé, et en se référant à la loi 54-05 et des pratiques internationales, une convention de gestion déléguée a été signée en 2005 entre le Ministère de l’Agriculture et un opérateur privé (Société Amensouss) pour cofinancer, réaliser et gérer les infrastructures d’irrigation. Effectivement, la construction a été achevée en juillet 2009 et la gestion par le délégataire a démarré en octobre 2009.

Vu le succès de cette expérience inédite, le Plan Maroc Vert (PMV), initié en 2008 en tant que stratégie nationale visant le développement d’une agriculture performante grâce à son ouverture aux investissements privés, a adopté le partenariat public-privé en irrigation comme réforme institutionnelle importante.

Le partenariat public-privé en irrigation a consisté à intéresser les opérateurs privés à investir et gérer les infrastructures hydro-agricoles dans les périmètres irrigués dans le cadre de contrats de gestion déléguée/concession. Le service de l’eau d’irrigation dans ces périmètres étant un service public pouvant être délégué en vertu de la loi.

L’objectif de ce mode de collaboration est d’améliorer les conditions techniques, économiques et financières de la gestion du service de l’eau d’irrigation dans ces périmètres, en l’occurrence:

• Une meilleure efficacité hydrique et énergétique.

• Une optimisation de l’utilisation des ressources en eau et des coûts d’exploitation et de maintenance.

• Une durabilité des aménagements réalisés.

• Une amélioration du service de l’eau.

• Une réduction des transferts budgétaires de l’Etat pour la gestion des périmètres d’irrigation.

Dans ce contexte, l’État marocain a pris des mesures d’accompagnement des projets de partenariat public-privé en irrigation dans le cadre de la restructuration du Ministère de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts dans le cadre du PMV. Il a ainsi institué une division dédiée exclusivement à la promotion et la régulation des projets d’irrigation réalisés sous cette forme institutionnelle. La mission du suivi et de régulation a été confiée à l’un de ses services. Il intervient dans le cadre de sa mission de suivi et de régulation depuis le démarrage de l’étude de faisabilité du projet au terme de laquelle le choix du mode de partenariat à adopter et la conception des infrastructures sont effectués. Il entame les négociations pour la conclusion du contrat ; sa mission continue pour le contrôle et la régulation du projet au cours de la réalisation des infrastructures et l’exploitation du projet par l’opérateur privé.

DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE

Dans cet article, nous allons pouvoir cadrer les concepts à la fois généraux et spécifiques de la régulation étant donné que le terme prend plusieurs sens selon les domaines. Nous devons définir le terme «régulation» dans le sens de la réglementation incluant la supervision active dans le domaine du partenariat public- privé en irrigation dans le périmètre d’El Guerdane, qui a pris au cours de l’exécution du contrat et l’exploitation du projet une forme définissant une régulation ex-ante et ex-post spécifique à ce projet et qui a constitué un modèle de référence pour les autres projets de partenariat public-privé réalisés au Maroc dans le domaine de l’irrigation.

Les résultats d’enquêtes auprès des services du Ministère et de l’opérateur vont nous permettre de décrire le rôle du Ministère en tant qu’autorité délégante et l’organisation du service chargé du suivi et de la régulation des projets de partenariat public-privé. Au fur et à mesure de cette description certains concepts seront définis et détaillés concernant les rôles joués par le partenaire privé et les usagers.

CONCEPT DE «RÉGULATION»

Définir et donner un sens qui s’accorde avec le concept adopté dans le cadre du projet El Guerdane, est notre objectif ultime de notre analyse bibliographique. Aussi, en plus du sens du concept de régulation, on découvrira le type de régulation et les instances qui peuvent faire de la régulation.

A travers cette analyse nous allons remarquer la spécificité du projet El Guerdane dont la genèse a débuté en l’absence de textes de loi et de toute expérience antérieure sur laquelle le projet pouvait capitaliser. Le but est aussi de définir globalement le terme de régulation adopté dans le sens du dit projet.

Il faut signaler que le projet Guerdane est régulé par l’État et non par une collectivité locale comme il doit l’être du fait que le projet est une Délégation du Service Publique (DSP) et que la loi 54-05 (Dahir n° 1-06-15 du 14 février 2006) définit dans son premier article tous contrats de gestion déléguée de services et d’ouvrages publics passés par les collectivités locales ou leurs groupements et par les établissements publics. La loi est donc claire que la régulation devrait être confiée à un établissement public et non à l’État.

Nous allons constater de prime à bord que le terme prend différents sens selon les disciplines considérées. En effet, nous allons voir que la définition prend un sens différent selon les disciplines: économique, sociale, technique, juridique, etc. Toutefois, dans tous les cas on peut dire qu’il garde un sens dont l’objectif est le maintien d’un équilibre ou la stabilité d’un système

Pour Reynaud (1988), la régulation est la capacité à produire des règles. Elle est employée au sens large et recouvre aussi bien le domaine de la règle juridique à ses différents niveaux (loi, règlement) que de la règle morale, de la norme formelle que de la norme informelle.

Larousse introduit dans la définition le sens de la comparaison de deux niveaux à savoir une grandeur qu’on essaye de régler et une grandeur de référence ou consigne. La définition générale de la régulation est le fait d’assurer un fonctionnement correct, un rythme régulier et un mode de fonctionnement qui, en comparant les valeurs simultanées d’une grandeur réglée et d’une grandeur de référence, oblige la grandeur réglée à se rapprocher de la valeur de consigne.

Le terme de régulation renvoie dans son sens général et concret à une discipline technique. Il tend à réduire ses écarts à la consigne. Dans le domaine des procédés industriels concerne, il concerne la mise en œuvre de l’ensemble des moyens théoriques, matériels et techniques pour maintenir chaque grandeur physique essentielle égale à une valeur désirée, appelée consigne, par action sur une grandeur réglante.

Le terme régulation peut avoir d’autres sens. Dans un sens général, la régulation est l’ensemble des techniques permettant de maintenir le bon fonctionnement d’une machine ou l’état d’un système.

En économie, il y a lieu de signaler que le terme a été adopté pour définir une nouvelle théorie économique née vers la fin des années trente et nommée la théorie de la régulation qui se base, dans son fondement, sur la stabilité d’un système. Le fondement de cette théorie repose sur la désignation du mode de régulation comme l’ensemble des institutions qui permettent le développement et la stabilité de l’économie du marché. Cet ensemble formant un système cohérent car elle comporte en son sein le sens que nous voulons adopter à savoir la stabilité ou le bon déroulement d’un système.

La régulation désigne aussi l’ensemble des mécanismes et des moyens dont dispose un État ou une instance nationale ou internationale et qui ont pour objectif soit la régulation de l’économie dans sa globalité soit le maintien de l’équilibre d’un marché de biens ou de services. Ces mécanismes apparaissent comme un besoin dans les secteurs d’activité où les conditions de marché favorisent la formation de monopoles ou d’oligopoles. La régulation a alors pour but de combattre le monopole d’une activité ou un service.

En économie la régulation est souvent confiée à une autorité de régulation, à la fois indépendante des autorités publiques et des acteurs économiques, avec pour mission de veiller à ce que la concurrence s’exerce de manière effective, loyale et durable.

Reynaud (2003) considère dans sa théorie sociale de régulation que cette dernière est en premier lieu la capacité de prendre des initiatives et d’élaborer des règles. Bréchet (2008) se pose les questions suivantes: qui dispose du pouvoir d’initiative? Où se localise-t-il? Qui a droit à la parole et peut modifier les règles ou leur sens? Il conclut que la distribution du pouvoir d’initiative est une facette essentielle de la construction des régulations.

Certains auteurs ont différencié la régulation selon les lieux d’origine et qui peuvent l’exercer ou qui ont ce pouvoir d’initiative pour sa construction. Reynaud (2003) distingue trois grands types de régulation: les «régulations autonomes», produites par les collectifs de base (par exemple la norme du freinage dans une organisation taylorisée, qui est produite et exercée par les opérateurs de base de l’organisation), les «régulations de contrôle», émises par les supérieurs hiérarchiques et/ou les responsables politiques (les tenants du pouvoir) et les «régulations conjointes»: systèmes institutionnalisés, coopératifs, et donc relativement stables, de combinaison des deux premiers types de régulation.

Pour certains auteurs cités par Demailly, (2011) l’origine des régulations peut provenir: (i) du niveau international, national, intermédiaire, local, etc. et la manière dont elles s’articulent et (ii) du niveau des acteurs source de régulation, dont autrement dit les acteurs hégémoniques ou susceptibles d’hégémonie: l’État, le marché, les professions établies, les syndicats, les usagers, l’opinion publique, les experts, etc. Les instruments utilisés pour produire, légitimer, imposer les règles qu’il s’agisse d’outils symboliques, intellectuels ou d’outils matériels, qui peuvent être normatifs (viser directement l’orientation des pratiques) ou systémiques (favoriser, grâce à un certain nombre de règles structurelles, qui jouent sur les jeux d’intérêts, l’émergence de certaines normes des conduites). L’ensemble de ces éléments et leur articulation définit un mode, une configuration particulière de régulation. Les modes de régulation organisent les rapports d’hégémonie entre des opérateurs qui peuvent prétendre à être coproducteurs d’un service public. Ils sont donc liés à un régime de légitimité, et notamment un régime de connaissance définissant l’articulation connaissance-pouvoir. Les moyens dont doit disposer une autorité de régulation sont:

• Connaissance précise des besoins des usagers, des évolutions économiques, des marchés, des évolutions techniques, etc.

• Analyse approfondie des coûts des opérateurs auxquels sera confié un service public.

• Outils juridiques, institutionnels, humains pouvant assurer le pouvoir de contrôle qu’il soit partiel ou total.

La question de régulation demeure délicate, mais en partenariat et selon l’objet du contrat, c’est-à-dire soit un partenariat pour la construction d’ouvrages uniquement ou un contrat global concernant la conception, la construction, le cofinancement et l’exploitation d’ouvrages destinés à assurer un service public, il va falloir s’assurer de la compatibilité de la logique d’équipement et de leur gestion avec les besoins des bénéficiaires. Autrement dit, au-delà de la qualité et de la fiabilité technique des opérations engagées, on doit satisfaire et assurer pleinement la mission assignée à l’opérateur auquel le projet est confié.

Cela induit une double logique de contrôle qui tient à la satisfaction des usagers et à la réalisation de ce qui est pensé comme la recherche de l’équilibre social et politique. Cependant, c’est à la qualité de ce contrôle que se constituera le service public, en amont dans la définition des objectifs et en aval dans la détermination des impacts (Duran, 1995).

L’évaluation ex post et ex ante est un outil vital pour la qualité de la gestion d’un service public, toutefois sa nécessité ne doit pas pour autant conduire à sous-estimer les procédures de contrôle. Celui-ci est peut être considéré comme un effort pour conserver la maîtrise des opérations qui peuvent être confiées aux services de contrôle compte tenu de leur dépendance des entreprises intervenant dans la fourniture d’un service.

La philosophie centrale en est le nouveau management public. Il s’agit d’une transformation de l’administration d’Etat qui rompt avec le modèle bureaucratique pyramidal (Hood, 1995), pour viser l’efficience et la «bonne gouvernance». Décentralisée, déconcentrée, utilisant des agences, cette philosophie s’appuie sur le projet /contrat /évaluation comme mode de formalisation de ses rapports avec des organisations «autonomes». Le développement de la logique de service, des relations clients/fournisseurs et de celle de la responsabilité des acteurs dans l’usage des ressources en sont les principales caractéristiques normatives.

RÉGULATION DU PARTENARIAT PUBLIC-PRIVE AU MAROC

Le Maroc s’est doté en 2015 d’une loi réglementant le processus de conclusion des contrats PPP. Cette loi 86-12 a défini le contrat de partenariat public-privé comme un contrat de longue durée, à travers lequel la personne publique (l’État, les établissements publics, les entreprises publiques) confie à un partenaire privé la responsabilité de réaliser une mission globale de conception, de construction, de financement de tout ou partie, de maintenance ou de réhabilitation et d’exploitation d’un ouvrage ou infrastructure nécessaire à la fourniture d’un service public. Ce cadre réglementaire mis en place devrait permettre d’encadrer cette pratique, en sécurisant les intérêts des citoyens, de l’économie nationale et le développement des entreprises locales et veiller à ce que l’État reste l’unique et l’ultime responsable de l’accès et de la qualité des services publics.

L’objectif affiché derrière cette loi est de renforcer la fourniture des services et d’infrastructures administratives, économiques et sociales de qualité, en phase avec les contraintes des finances publiques, de l’accroissement des besoins et des impératifs de développement territorial, bénéficier des capacités d’innovation et de financement du secteur privé pour réaliser des projets publics, développer une nouvelle culture de la gestion de la commande publique basée sur l’évaluation préalable des besoins, l’analyse des performances, la maîtrise des coûts et le contrôle des réalisations et garantir la disponibilité, l’effectivité et la qualité des services et leurs paiements en fonction des critères de performance.

Ainsi, cette loi renforcée par la publication d’un décret de son application n° 2-15-45 du 13 mai 2015 a donné la priorité au renforcement des mécanismes de gouvernance permettant une régulation et un contrôle durant toutes les phases du projet de sa préparation à sa réalisation.

En effet, les mesures de contrôle standardisé ont été prévues de façon ex ante et ont prévues donc une évaluation préalable (article 2 de la loi) et un contrôle ex post pendant la phase de réalisation et les mesures de contrôle au cours de l’exploitation des projets. Selon le texte de loi, l’évaluation préalable du projet est menée par l’institution étatique concernée par la réalisation du projet avant le lancement du projet de passation de contrat de PPP. Cette évaluation préalable fait l’objet d’un rapport qui expose une analyse comparative des autres formes de réalisation du projet, pour justifier le recours aux contrats de partenariat public- privé. Ce rapport d’évaluation est soumis à la décision du ministre chargé des finances qui se réfère à l’avis motivé de la commission interministérielle instituée auprès de lui et placée sous sa tutelle dénommée «Commission du partenariat public-privé» sur l’opportunité de réaliser le projet dans le cadre d’un contrat de partenariat public-privé. Le ministre chargé des finances notifie sa décision à l’autorité compétente concernée. La procédure s’achève par l’approbation officielle d’un comité interministériel.

Après la réception de l’avis favorable, le contrôle continue, il est exercé par l’autorité compétente concernée qui doit instituer un comité de pilotage pour le projet PPP concerné. Ce comité est chargé de superviser le déroulement de la procédure de passation du contrat de partenariat public-privé depuis la préparation des cahiers de charges, du texte du contrat, le lancement de l’appel d’offres et le choix de son mode et jusqu’au choix de l’opérateur privé et la conclusion du contrat. Il doit en outre aviser, le cas échéant, l’autorité compétente concernée de toute irrégularité ou vice entachant ladite procédure.

Au cours de l’exécution du contrat PPP la personne publique procède à son contrôle grâce aux modalités de son exercice prévues par le contrat (article 18 du décret). Celui-ci prévoit aussi la façon dont le partenaire privé respecte les objectifs de performance et la qualité de service convenus, ainsi que les conditions dans lesquelles le partenaire privé fait appel à d’autres entreprises pour l’exécution du contrat. Le partenaire privé met, à cet effet, à la disposition de la personne publique tout document ou information nécessaire pour le contrôle de l’exécution du contrat de partenariat public-privé. Il rend compte, de façon régulière, à la personne publique de l’exécution du contrat de partenariat public-privé par des documents financiers, techniques, annuels qu’il lui transmet.

En capitalisant sur le retour d’expériences, au Maroc, dans le domaine de l’irrigation, et pour permettre l’évaluation des contrats, des indicateurs de mesure des performances sont prévus pour s’assurer que les services fournis sont conformes aux spécifications du contrat. En effet, l’opérateur privé pourvoyeur d’infrastructures ou de services doit être soumis à un système de régulation institué au niveau du Ministère de l’Agriculture. Pour faire preuve d’efficacité, l’opérateur privé et l’État rendent compte de leurs performances et d’activités à travers un système de reporting où sont publiés régulièrement des indicateurs clés de performances.

RÉSULTATS ET DISCUSSIONS

Le climat aride que la Maroc a connu ces dernières années, influe sérieusement l’activité agricole. Les ressources en eau superficielles et souterraines ont été impactées par ce climat, par conséquent, l’État marocain a opté pour le développement de l’agriculture irriguée afin d’assurer une intensification agricole et contribuer à maintenir une sécurité alimentaire au niveau du pays. Pour ce faire, plusieurs efforts ont été déployés depuis les années soixante aussi bien sur le plan légal et institutionnel que sur le plan technique et financier.

L’évolution des contextes climatique, économique, social et international, a imposé à l’agriculture irriguée de relever les défis majeurs de valorisation des ressources en eau, de productivité, de compétitivité et de durabilité. Les dits contextes nous poussent à conclure que le cadre institutionnel actuel de la gestion des infrastructures d’irrigation, notamment dans les grands périmètres d’irrigation gérés par les Offices Régionaux de Mise en Valeur Agricole (ORMVA), est dans la pratique peu adapté pour assurer la pérennité de ces infrastructures. Il en est de même pour le service de l’eau qui n’atteint pas la qualité souhaitée.

En effet, plusieurs anomalies ont été constatées à plusieurs niveaux: (i) une faible tarification de l’eau d’irrigation et par conséquent un coût qui ne couvre pas les charges de production, de distribution et de la maintenance des réseaux d’irrigation, (ii) des faibles taux de recouvrement des redevances de l’eau d’irrigation, (iii) une dégradation constante des infrastructures d’irrigation et (iv) des programmes de réhabilitation et de maintenance très coûteux financés par le budget de l’État. Ces anomalies se sont aggravées suite à une mauvaise allocation des ressources financières en accordant celles relatives au service de l’eau à d’autres missions régaliennes des ORMVA.

Les financements publics importants destinés à l’aménagement hydro-agricole n’ont jamais pu suivre un rythme permettant à ces aménagements d’être à jour par rapport aux barrages. La conséquence, aujourd’hui, est un décalage de 150 000 ha dominés par des barrages existants et non équipés entraînant un manque à gagner économique en termes de valeur ajoutée agricole estimé à près de 3 Milliards de Dh/an (MAPMDREF, 2016).

Face à ces constats, plusieurs réflexions ont été menées par le département de l’Agriculture depuis la fin des années 1990 en vue d’identifier les meilleures solutions institutionnelles pour assurer une gestion efficace et un développement harmonieux du secteur irrigué. Dans ce cadre, il a été démontré que le partenariat public-privé pourrait apporter des réponses à la hauteur des défis relevés. L’intérêt de ce mode de collaboration a été démontré à travers la réalisation du projet de sauvegarde de la zone agrumicole d’El Guerdane dans la région du Souss-Massa.

Le développement agricole dans cette région a toujours été lié à l’extension des secteurs modernes d’irrigation par pompages individuels au niveau de la nappe. En effet, 70% des superficies irriguées de la région sont alimentées par des eaux souterraines (MAPMDREF, 2016).

Il faut signaler que les études de préfaisabilité et de faisabilité du projet El Guerdane ont duré cinq années. Cette longue période est justifiée par la nouveauté de l’expérience dans le domaine de l’irrigation et la non disponibilité d’expériences à travers le monde qui pouvaient permettre un benchmark et constituer un référentiel pour la mise en œuvre du projet (plusieurs projets en irrigation ont été réalisés avant sous cette forme de collaboration mais ils ne comprennent malheureusement pas les mêmes composantes de ce projet). Pour cette raison, le Maroc a eu recours aux experts de la SFI (Société Financière Internationale filiale de la Banque Mondiale) et aux experts internationaux pour réaliser l’étude de faisabilité.

Cette étude, et notamment l’analyse stratégique a permis d’abord d’identifier parmi plusieurs modèles de structuration de partenariat public-privé celui qui était le plus adapté au cas du périmètre irrigué d’El Guerdane. Ce choix avait abouti à l’adoption d’un type du partenariat public privé BOT (Build - Operate and Transfer) et la désignation de l’Etat comme une autorité délégante (choix entre Etat ou l’ORMVA du Souss-Massa). Ce choix était dicté par la nécessité de centraliser la mission de mise en œuvre et du suivi ainsi que la capitalisation des acquis dans le domaine et la régulation de tous les projets du partenariat public-privé qui devaient être réalisés dans l’avenir.

Cette étape franchie, il a fallu élaborer les documents contractuels notamment le cahier des charges et les contrats annexes à signer avec les autres partenaires (Agence du Bassin Hydrique pour la fourniture d’eau et le contrat de mandatement entre l’État et l’ORMVA du Souss-Massa).

Le cahier des charges a spécificité clairement toutes les obligations des contractants en ce qui concerne le financement du projet, la construction des ouvrages, les responsabilités de chacun, les relations entre le délégataire, les usagers et l’État, les moyens et les rôles de contrôle, les modalités d’exploitation en périodes normale et de crise (inondation, déficit hydrique, etc.), les responsabilités en termes de maintenance et d’entretien des ouvrages etc. Parmi les aspects analysés, on trouve les risques encourus par le projet et l’identification de la partie qui devait les assumer. Ainsi, l’État cherchait à transférer tous les risques liés à la construction et l’exploitation au partenaire privé sauf dans les cas extrêmes où l’équilibre financier du projet était menacé. A ce propos, l’étude de faisabilité avait permis de réaliser une analyse financière du projet qui avait conclu que l’équilibre nécessitait l’application, au démarrage du projet, d’un tarif de l’eau minimal de 1,40 Dh/m3. Ce tarif prenait en compte les charges d’exploitation et d’investissement et la marge bénéficiaire du délégataire. Une enquête avait été réalisée pour analyser la capacité de paiement des bénéficiaires et avait conclu que la majorité des agriculteurs étaient en mesure de payer ce tarif qui constituait le seul critère de sélection du futur délégataire lors de l’appel d’offres international qui a été lancé.

Le choix du périmètre El Guerdane pour une première expérience pilote a été justifiée par la capacité de ses agriculteurs, possédant des vergers agrumicoles dont la production était destinée à l’export vers l’Europe, la Russie et les pays d’Amérique du Nord, de payer ce tarif grâce à une bonne valorisation de l’eau d’irrigation.

Ainsi, le Gouvernement marocain a décidé de réaliser ce projet en partenariat avec un opérateur privé. En se référant principalement aux directives de la Banque Mondiale qui était le conseiller principal du gouvernement pour la structuration du projet.

Le seul texte juridique réglementant toute forme de transaction entre une entité étatique et un partenaire privé, en particulier la délégation du service publique, est la loi 54-05 relative à la gestion déléguée.

L’État a lancé une procédure de concurrence internationale pour le choix d’un opérateur privé. Ce choix a privilégié une société marocaine qui a créé une société dédiée exclusivement à la gestion du projet (société Amensouss). En effet, dans son offre, la société retenue devait s’engager à créer une société filiale qui se charge de la gestion et l’exploitation du projet. Ainsi, une convention de gestion déléguée a été signée en 2005 entre le Ministère de l’Agriculture (Autorité Délégante) et l’opérateur privé (Délégataire), pour cofinancer, réaliser et gérer les infrastructures. La construction par le délégataire a été lancée en 2007, elle a été achevée en juillet 2009 et la gestion par le délégataire a démarré en octobre 2009. En 2018 le projet est toujours opérationnel, ce qui a poussé à envisager une évaluation d’impact. Le financement du projet a été assuré par l’État (48%), le délégataire (44%) et les agriculteurs (8%).

Régulation du projet El Guerdane

L’autorité délégante dispose à l’égard du délégataire d’un pouvoir général de contrôle économique, financier et technique et de gestion du service public délégué, notamment la qualité du service fourni aux usagers. Elle contrôle également la gestion rationnelle des ressources en eau et la protection de l’environnement. L’autorité délégante fixe aussi les modalités et exerce le contrôle conformément aux dispositions de la convention de gestion déléguée, aux lois et aux règlements régissant l’activité du délégataire.

L’autorité délégante peut déléguer, en intégralité ou en partie, l’exercice de son contrôle à une ou plusieurs personnes ou se faire assister par toute personne, conseil et expert de son choix. Elle peut, chaque fois qu’elle le juge nécessaire ponctuellement ou de façon permanente, recourir à une expertise externe à laquelle elle délègue ses attributions en matière de contrôle. Le délégataire, dès la réception de la notification de cette délégation et de son étendue, est, en matière de contrôle, tenu aux mêmes obligations à l’égard de cette expertise externe qu’à l’égard de l’autorité délégante.

Ce contrôle est exercé dans le but d’évaluer, sur pièce et sur place, le respect par le délégataire de ses obligations au titre de la convention de gestion déléguée et notamment, des objectifs de performances techniques, commerciaux et financiers. Le délégataire ne peut, en aucun cas, invoquer l’exercice de ce contrôle pour se soustraire à l’une des quelconques obligations mises à sa charge par la convention de gestion déléguée et le cahier des charges. Ainsi, il s’engage à tout mettre en œuvre, spontanément, pour que l’autorité délégante puisse exercer son contrôle dans des conditions normales et il s’interdit d’entraver l’exercice de ce contrôle.

Pour permettre à l’autorité délégante d’exercer sa mission de contrôle, le délégataire s’engage à lui communiquer tous documents comptables, techniques, financiers ou autres et à lui permettre de prendre connaissance, sur place, de toutes pièces ou écritures relatives au service public délégué.

Le suivi du projet El Guerdane est assuré par une direction technique en charge de l’irrigation du Ministère de l’Agriculture avec l’appui local de l’Office Régional de Mise en Valeur Agricole de Souss-Massa (ORMVASM). En effet, le Ministère de l’Agriculture a institué en 2009 au sein de ladite Direction une division dédiée exclusivement à la promotion et au développement du partenariat public-privé en irrigation. Cette division est composée de deux services l’un est chargé de la mise en œuvre des projets par leur identification, le lancement des études de leur faisabilité jusqu’à leur aboutissement, notamment le choix de l’opérateur privé, la conclusion du contrat et l’exécution et le lancement de l’exploitation du projet. Le deuxième service est chargé du suivi et de la régulation de ces projets au cours de l’exécution et de son exploitation sur la base d’indicateurs spécifiés par le cahier des charges signés par les différentes parties prenantes du projet.

D’autre part, le projet est piloté par un comité de suivi de l’exploitation (CSE) dont les actions sont spécifiées par un règlement interne. Ce comité a une mission consultative mais décisionnelle dans les conditions de crise surtout les périodes de déficit hydrique. Le comité se réunit une fois par an à la fin de la campagne d’irrigation. Il comprend 11 acteurs concernés par le projet (départements ministériels concernés, autorités locales, agence du bassin hydraulique de la région, ORMVASM, représentants des agriculteurs et le délégataire). Au cours de ces réunions, le comité examine les performances du délégataire à la lumière des cinq rapports qu’il a l’obligation de remettre au terme de l’exercice. Il écoute les réclamations des bénéficiaires et leurs propositions et défend éventuellement des décisions surtout au profit des usagers. Le suivi se concentre sur les risques que le projet peut affronter et sur une batterie d’indicateurs définis dans le cahier des charges de la gestion déléguée concernant tous les aspects du projet: la construction de l’infrastructure d’irrigation, la fourniture et la tarification de l’eau d’irrigation, la gestion du service de l’eau (exploitation, maintenance, recouvrement, etc.), la relation délégataire – usagers, etc.

Comité de suivi de l’exploitation du projet El Guerdane

Le comité de suivi d’exploitation est présidé par le représentant de l’autorité délégante. Il est chargé du suivi de la convention de gestion déléguée. Ce comité est composé du directeur de l’Office Régional de Mise en Valeur Agricole du Souss-Massa (ou de son représentant), de deux (2) représentants du Ministère de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts, d’un (1) représentant du Ministère de l’Économie et des Finances, d’un (1) représentant de l’agence du bassin hydraulique, de deux (2) représentants du délégataire, de deux (2) représentants des usagers nommés par les associations des usagers de l’eau agricole du périmètre et d’un (1) représentant du gouverneur de la province de Taroudant.

Ainsi, l’analyse et le suivi du projet au cours des sept (07) campagnes d’irrigation écoulées depuis le démarrage de l’exploitation du projet en 2009, ont été riches en résultats. Effectivement, le projet a affronté de nombreuses difficultés qui ont confirmés les hypothèses soulevées par les études de faisabilité concernant les risques auxquels le projet serait confronté au cours de son exploitation. La partie suivante nous donnera un aperçu sur cet aspect des risques et leur nature illustrés par des exemples auxquels le projet a fait face au cours de son exploitation.

Gestion des risques du projet El Guerdane

Pour réussir le projet, celui-ci devait bénéficier d’un mécanisme de partage des risques exploitable, viable et efficace. Les parties prenantes du projet ont des intérêts et des objectifs différents, par conséquent, une répartition efficace du risque a constitué l’élément essentiel de l’élaboration du cahier des charges.

En effet, pour qu’un partenariat public-privé soit efficace et durable, les parties prenantes doivent accepter un certain degré de risque. Chacun des risques afférents au contrat doit être supporté par la partie la mieux apte à le maîtriser, du point de vue technique, économique et financier en prenant en considération l’intérêt général et les caractéristiques du projet conformément aux dispositions et aux modalités prévues dans le cahier des charges conçu à cet effet.

Pour mieux comprendre la démarche adoptée pour la gestion des risques liée au projet du partenariat public-privé pour la sauvegarde du périmètre irrigué d’El Guerdane, nous allons donner des exemples des risques rencontrés pris en compte aussi bien dans la mise en place que dans la gestion et l’exploitation du projet et les dispositions prises par les parties concernées pour y faire face.

Les risques politique, juridique et institutionnel

L’état devrait être en mesure d’assurer un cadre stable pour le développement du projet durant toute sa durée de vie (30 ans), de disposer d’un cadre légal, réglementaire et institutionnel approprié pour garantir la sécurité juridique, financière et économique du projet, car tout changement du cadre juridique peut être perçu comme un risque au projet.

A cet effet, c’est le risque juridique et le statut des terres qui constituaient l’assiette du projet. En effet, afin de pouvoir installer les ouvrages d’irrigation, le projet devait exproprier des terres nécessaires à leur construction. C’est ainsi qu’un projet de décret d’expropriation pour cause d’utilité publique visant à acquérir les terres nécessaires à la construction de l’adducteur (Aoulouz-El Guerdane) et le réseau de distribution a été créé. Une opération d’évaluation des propriétés concernées par l’expropriation a été établie. Grâce aux efforts entrepris par toutes les parties prenantes ainsi que les moyens financiers pris en charge par l’État, aujourd’hui tous les usagers expropriés ont été indemnisés bien qu’avec un certain retard causé par la lourdeur des procédures réglementaires d’expropriation.

Risque financier

Le montage financier du projet El Guerdane a été réalisé sous un objectif de minimisation du risque financier. En effet, ce projet met à contribution l’État, les usagers et le partenaire privé. Le coût du projet a été estimé à 987 millions de Dirhams. Le montant de la contribution étatique s’élève à 475 millions de Dirhams (Fonds de Développement Économique et Social Hassan II a participé avec une subvention de 237,5 millions de Dirhams et un prêt concessionnel de 237,5 millions de Dirhams avec un taux d’intérêt de 1% et une période de grâce de 20 ans). La contribution des agrumiculteurs du périmètre souhaitant se connecter au réseau est de 8 000 Dh/ha, soit un montant total de 80 millions de Dirhams. Le co-financement du délégataire a atteint 432 millions de Dirhams, soit 43% du coût global du projet.

Risque de conception

Pour permettre au délégataire une conception optimale du réseau d’irrigation bien qu’une conception de base a été préalablement établie, il devait identifier les usagers souhaitant adhérer au programme de partenariat public-privé, et ce grâce à un mécanisme de souscription des propriétaires qui désirent être connectés au réseau. La souscription a été accompagnée du paiement d’un montant de souscription forfaitaire à l’hectare.

Cette opération a rencontré de nombreuses difficultés à cause du peu de confiance de la part des usagers inscrits au départ du projet. La souscription finale a concerné d’autres usagers qui ont exprimé leur désir et leur souhait de bénéficier du projet. Cette opération a permis, après son achèvement, la révision et la finalisation de la conception du projet.

Risque de construction

Le délégataire a la responsabilité de la réalisation technique du projet. Le cahier des charges fixe des normes et des critères techniques précis indispensables pour assurer une bonne qualité du service de l’eau d’irrigation et minimiser l’impact de construction. Le choix des matériaux, le tracé du réseau de distribution, certaines modalités de service sont du ressort de la responsabilité du partenaire privé. A ce sujet, le suivi a été assuré rigoureusement par les techniciens du Ministère de l’Agriculture ce qui a permis finalement d’éviter tout problème de qualité des infrastructures.

Risque de la demande

Pour faire face au risque lié à une demande insuffisante en eau de surface, le gouvernement a contribué par une subvention à l’investissement initial atteignant un montant de 475 millions de Dirhams (soit presque 50% du coût total du projet). Ce montant a permis à l’opérateur privé d’appliquer un tarif raisonnable permettant de maintenir la rentabilité financière du projet. Un tel tarif devait être accessible au plus grand nombre d’agriculteurs qui souhaitaient recevoir une dotation en eau de surface. En plus de cette disposition prise par l’État, le cahier des charges exigeait que Le délégataire ne puisse démarrer la construction des infrastructures tant que les souscriptions n’avaient pas couvert, au moins, 80% de la superficie initiale du projet ou un volume égal à 80% du volume d’eau alloué au projet.

Risque de recouvrement

Il s’agit notamment de la possibilité que le délégataire ne réalise pas des recettes suffisantes à atteindre la rentabilité du projet. Pour minimiser ce risque, une structuration binomiale du tarif a été prévue.

Le tarif comprend une part fixe annuelle sous forme d’abonnement (prépaiement de 20% du montant correspondant au volume souscrit par chaque agriculteur) et une redevance de consommation liée au volume consommé. Une telle structure tarifaire permet de réduire les risques de non-paiement, en autorisant le délégataire à ne pas délivrer la dotation en eau aux agriculteurs qui ne paieraient pas leur abonnement en début de campagne, ou leur redevance de consommation. Le tarif est ajusté annuellement pour tenir compte de l’inflation nationale. Aujourd’hui, le tarif du service de l’eau appliqué est arrêté à 1.8 Dh/m³ TTC.

La formule de révision tarifaire est présentée comme suit:

Tn=Tn-1(0,06 Sn-1/Sn-2+ 0,30 In-1/In-2 + 0,64)

Où:

n représente l’année en cours, 1 représentant la première année du projet ;

Tn: représente le tarif d’un mètre cube de l’eau à l’année n ;

T1: représente le tarif à la première année du projet;

Sn: représente l’indice du coût de la vie publié par le Haut-Commissariat au Plan, calibré pour être égal à 1 à l’année précédant la première année du projet (S0=1); et,

In: représente l’indice d’inflation des prix du secteur industriel tel qu’il sera publié par le Haut-Commissariat au Plan, calibré pour être égal à 1 à l’année précédant la première année du projet (I0=1).

Le taux de recouvrement des redevances volumétriques a connu une baisse durant la campagne d’irrigation 2013-2014 par rapport aux campagnes précédentes (93% au cours des 3 premiers trimestres et 28% au cours du dernier trimestre) soit un taux global de 76%. Cette baisse est due essentiellement au problème de disponibilité de trésorerie dont ont souffert les usagers, causée par un effondrement des prix et du tonnage à l’export. Pour faire face à cette situation, le comité de suivi de l’exploitation du projet, en concertation avec la société délégataire «Amensouss», a recommandé lors de la réunion annuelle de juin 2014 de prolonger le délai de paiement des factures de trois mois en faveur de quatre-vingts usagers. Cette situation nous a permis de constater un cas de risque économique provoqué par des conditions du marché international des agrumes auxquelles les usagers ont apporté une solution en changeant la destination de leur production et en prenant des mesures nécessaires pour améliorer la qualité de leur production.

Risque de pénurie

Le risque du déficit est supporté par les trois parties prenantes du projet (l’autorité délégante, le délégataire et les usagers). Le déficit du revenu lié au manque d’eau lors d’une année donnée est limité pour le délégataire à un maximum de 15% du revenu en une année normale. Les usagers en assumeront une partie (au-delà d’un volume de déficit de 15% du volume alloué au projet qui est de 45 Millions m³) par le biais d’une surtaxe tarifaire. L’État indemnisera le délégataire pour tout déficit au-delà d’un volume de 22,75%.

Par exemple, la situation hydrologique de l’année 2013-2014 a connu un certain déséquilibre. En effet, les apports au cours de cette année au niveau du barrage Aoulouz ont été jugés insuffisants ce qui a augmenté le risque d’un arrêt de service d’irrigations et aussi la menace des conséquences graves sur les plantations d’autant que ce déséquilibre ait intervenu à un stade crucial des besoins en eau d’irrigation des agrumes (juin-juillet-aout).

Compte tenu de cette situation critique, le comité de suivi de l’exploitation du projet, après plusieurs réunions de concertation, avec toutes les parties prenantes du projet, a recommandé le transfert d’un volume de 1,5 Mm³ à partir du barrage Mokhtar Soussi vers le barrage Aoulouz pour sauver la campagne agricole.

Cette situation de déficit hydrique a fait jaillir un problème qui n’a pas été envisagé auparavant et qui aurait pu avoir de lourdes conséquences sur l’équilibre financier du projet. En effet, dans cette situation les usagers ont commencé à envisager le recours à d’autres spéculations telles que les cultures maraîchères tout en abandonnant l’activité agrumicole. Cette situation aurait pu avoir des conséquences imprévisibles sur les recettes des usagers étant donné le temps qu’il leur faudrait pour arracher les arbres, pour se doter et maîtriser les nouvelles techniques culturales et surtout rechercher les circuits et les marchés commerciaux pour écouler leur production principalement à l’étranger pour maintenir un même niveau de recettes que celui permis par les recettes des agrumes qui sont, dans la plupart des cas, exportés.

Risque de force majeure

Des événements échappant au contrôle des parties prenantes du projet peuvent se produire rendant l’exécution de leurs obligations très difficile, voire impossible. Les cas de force majeure comprennent, entre autres, les guerres, les tremblements de terre, les tempêtes, les inondations et les actions revendicatives des salariés, à l’exception des cas où de telles actions concernent exclusivement le délégataire.

Par exemple, on peut citer le cas concret des dégâts qui ont été enregistrés suite aux crues et aux inondations exceptionnelles survenues après les fortes intempéries qui ont eu lieu durant la période allant du 18 au 26 décembre 2009. Le complexe hydraulique Aoulouz a enregistré des taux de remplissage qui dépassaient de 100% les apports normaux. Le barrage a déversé et le débit lâché a atteint 1070 m³/s engendrant ainsi des crues exceptionnelles qui ont causé des dégâts au niveau de certaines parties de l’adducteur d’El Guerdane.

Pour faire face à cette situation, le délégataire a réalisé sous sa responsabilité et son propre financement une étude d’exécution pour la réparation des dégâts de crues enregistrés au niveau de l’ouvrage de tête et au niveau d’un tronçon de l’adducteur et a entamé des travaux de réparations sous contrôle de l’autorité délégante. La société délégataire a repris le service d’irrigation du périmètre le 20 février 2010. Ces travaux n’auraient pu être réalisés dans ces délais par l’État car les procédures suivies pour engager des dépenses auraient pris au moins une année le temps pour disposer des fonds nécessaires et d’entamer les procédures d’appel d’offres pour le choix des sociétés de travaux.

Risque environnemental

Pour éviter tout problème environnemental, le projet a adopté des mesures conformes à la législation en vigueur en matière d’environnement. En effet, le délégataire a réalisé une étude d’impact environnemental afin de soumettre à l’approbation de l’autorité délégante un plan d’action pour réduire les risques environnementaux du projet. Ce plan a notamment concerné: la sécurité et la réduction des nuisances durant les travaux, les mesures pour assurer la sécurité de l’ouvrage pendant l’exploitation et la protection de la faune et la flore.

L’un des problèmes environnementaux auquel le projet est régulièrement confronté concerne les périodes de fortes pluies en amont du barrage. Cette situation provoque des crues plus ou moins importantes et entraîne l’arrivée de grandes quantités d’eau chargées en éléments de différentes dimensions au niveau de la retenue du barrage, ce qui nécessite un arrêt des lâchers d’eau. Ces eaux chargées doivent être retenues pour leur permettre une décantation et par conséquence répondre aux exigences de la qualité des eaux d’irrigation qui doivent être conformes aux normes adoptées au Maroc, tel que le prévue le contrat.

A ce propos, l’autorité délégante avait lancé une étude d’expertise pour analyser ce problème de la turbidité (origines, causes, impacts, etc.) de ces eaux chargées du barrage pour l’irrigation et examiner les variantes d’amélioration de la qualité de ces eaux et proposer la solution adéquate en termes de choix du meilleur procédé de filtration de cette eau et de son emplacement. Cette étude n’a pas permis d’aboutir à des solutions convaincantes. La solution relative à la construction des deux grands bassins à l’aval du barrage constituait une solution inconcevable techniquement et financièrement.

Exemple des performances du projet El Guerdane

Jusqu’en 2014, l’autorité délégante publiait à la fin de chaque campagne d’irrigation un reporting de suivi des performances d’exploitation du projet. Celui-ci résume l’évolution des indicateurs de suivi par rapport aux précédentes campagnes qui traduisent les efforts du délégataire pour améliorer le service de l’eau. Le dernier reporting date de la campagne d’irrigation 2014-2015.

La superficie raccordée a atteint 9 547 ha (Figure 1) avec un nombre de bénéficiaires de 567. Il faut rappeler qu’en raison du non-respect de la part de certains usagers des exigences de leurs contrats relatifs au règlement des frais de raccordement, de consommation ou d’abonnement annuel, le délégataire peut recourir à la résiliation des contrats avec les usagers. Par exemple, au titre de la campagne 2013-2014, 30 contrats, représentant une superficie de 409 ha, ont été résiliés définitivement.

Comme on a déjà vu, le tarif du service de l’eau assuré par le délégataire est soumis à une indexation annuelle qui tient compte de l’évolution du niveau de vie au Maroc. Comme le montre la figure 2, le tarif du service de l’eau peut baisser comme durant la campagne d’irrigation 2010/2011. Mais généralement, selon les stipulations du cahier des charges, l’indexation du tarif ne peut permettre une baisse ou une augmentation de plus de 3% par rapport au prix de référence indiqué.

Le montant de la redevance volumétrique est un indicateur important pour le suivi des performances financières du délégataire. La figure 3 décrit l’évolution de la redevance volumétrique ainsi que celle du taux de recouvrement des recettes par le délégataire.

Le délégataire procède périodiquement à des mesures de suivi de la qualité de l’eau. Pour la lutte contre le phénomène de développement des algues au niveau des bords de bassin de décantation des ouvrages de brises charges, il a été jugé nécessaire de procéder à l’empoissonnement des bassins. Cette opération est jusqu’à présent très concluante. Le nombre des réclamations de la part des usagers au sujet de colmatage des filtres a baissé d’environ 50 % (Figure 4). Cela est dû à plusieurs facteurs dont principalement l’efficacité et la rapidité d’intervention, au dispositif d’information par SMS mis en place informant les usagers tous les 15 jours de l’état de leur consommation et aussi par l’ensemble des mesures de suivi et de vérification préventives adoptées pour examiner l’état de marche des compteurs suite à chaque opération de relevé d’index et de l’ensemble du réseau.

Quelle différence de régulation entre les périmètres El Guerdane et Issen

Dans le cadre du suivi du projet El Guerdane, nous avons entamé une analyse pour comparer les performances du projet réalisé sous forme de partenariat public-privé avec ceux d’un périmètre géré par un établissement public. Ainsi, un benchmark a été réalisé pour comparer les performances du périmètre El Guerdane et du périmètre Issen géré par l’Office Régional de Mise en Valeur Agricole. Cette comparaison nous a permis d’obtenir des éclaircissements sur les améliorations apportées par ce nouveau mode de gouvernance des périmètres irrigués et aussi sur les impacts éventuels sur la population rurales concernée.

Il faut rappeler que les systèmes de culture et le niveau de technicité des agriculteurs des deux zones du projet se distinguent et ne sont pas au même niveau, l’approche adoptée compare des systèmes de cultures semblables et au niveau de performance très proche. Sur la base de ces critères nous n’avons considéré que les exploitations agrumicoles. La comparaison des indicateurs d’exploitation dans les deux zones irriguées (El Guerdane et Issen) nous montre que tous les indicateurs d’exploitation enregistrés au niveau d’El Guerdane dépassent largement ceux du périmètre Issen. Le tableau 1 indique un taux de mise en valeur au niveau du périmètre Issen plus faible (37%) par rapport au périmètre El Guerdane, alors que la dotation en eau qui lui est accordée par l’ORMVA est assez conséquente et doit permettre la satisfaction des besoins en eau du périmètre (13 000 ha). Elle assure environ 6000 m3/ha ce qui couvre largement les besoins des cultures à l’hectare (il y a lieu de préciser que cette situation est vraie quand l’état du réseau d’irrigation le permet).

Dans le périmètre Issen, on constate que les volumes facturés représentent 45% du volume lâché du barrage et assurent à peine 3000 m³/ha, ce qui démontre que les usagers ont plutôt recours au pompage malgré la faiblesse du tarif (0.60 Dh/m³) comparé au tarif appliqué au niveau d’El Guerdane (1,80 Dh/m³) (Tableau 2). Les causes de ce comportement ont été identifiées et indiquent que les usagers ne peuvent dépendre du réseau public à cause des longues périodes d’arrêt et un mauvais entretien des ouvrages.

Il faut signaler que, par exemple, l’âge des compteurs au niveau du périmètre El Guerdane ne dépasse pas en moyenne 4 ans et le délégataire est dans l’obligation de les changer en cas de détérioration. Alors qu’au niveau du périmètre Issen, ils sont sous la responsabilité de l’agriculteur et la plupart datent de plus de 15 ans. Les usagers ont recours au pompage privé pour assurer continuellement et durablement leurs besoins en eau d’irrigation. Les usagers au niveau du périmètre El Guerdane consomment, malgré le tarif élevé, leur dotation (4000 m³/ha) et font souvent des demandes pour disposer de volumes supplémentaires ou pour raccorder d’autres parcelles leur appartenant. La facturation au niveau d’El Guerdane atteint un taux moyen de 84% et un taux de recouvrement moyen de 98% et dépasse largement le périmètre Issen qui atteint respectivement un niveau de 45% et 80% (Tableau 2).

Les recettes de l’ORMVA permettent à peine de couvrir les dépenses de fonctionnement dont la part des dépenses du personnel atteint 68%. Le ratio du personnel par rapport à la superficie dans le périmètre Issen atteint le double de celui du périmètre El Guerdane (Tableau 3). Il y a lieu de signaler que le personnel de l’ORMVA n’est pas assigné à des tâches de gestion de l’eau contrairement au délégataire dont le personnel est assigné exclusivement à la tâche du service de distribution de l’eau, il est doté des moyens logistiques et de communication (télé relève, télégestion, parc auto nouveau, etc.), ce qui explique une meilleure qualité du service du partenaire privé.

Pour la réalisation de ses programmes d’investissement, l’ORMVA reçoit annuellement des subventions d’investissement, tandis que le délégataire assure son équilibre financier grâce aux recettes exclusives du service de l’eau. Il verse en outre annuellement à l’ORMVA un montant annuel représentant 1% de son chiffre d’affaire pour le financement des opérations de suivi et de contrôle du projet que mène l’autorité délégante. Cette comparaison dégage parfaitement la supériorité des performances du projet El Guerdane en termes de qualité du service public par rapport au périmètre d’Issen.

Nous constatons que les objectifs pour lesquels l’État a adopté le mode de partenariat public-privé ont été atteints, notamment la prise en charge par le partenaire privé d’une partie des risques d’investissement et d’exploitation pour assurer la pérennité de l’outil d’irrigation. Ainsi, la qualité du service de l’eau a été améliorée, la disponibilité de la ressource en eau est devenue meilleure et repose sur la demande, le coût du service de l’eau d’irrigation est pris en charge par les usagers, ce qui a permis d’éviter les transferts du budget de l’État (subventions annuelles) pour la maintenance complémentaire ou le besoin de réhabilitation.

En effet, nous constatons que le délégataire a pris en charge toutes les opérations de maintenance et d’entretien des ouvrages, ce qui assure une pérennité exemplaire et un meilleur service public de distribution de l’eau d’irrigation. Ces dispositions s’améliorent d’une campagne à une autre grâce aux contrôles exercés par l’autorité délégante et l’ORMVASM. Nous constatons également que les réclamations baissent avec le temps.

Quant à la situation du périmètre Issen, et en l’absence de statistiques fiables sur cet aspect, nous avons pu nous rendre compte de la situation lors des réalisations de nos enquêtes sur le terrain. Nous avons constaté des coupures d’eau prolongées à cause des pannes au niveau des bornes d’irrigation qui alimentent les exploitations. Nous avons constaté aussi qu’en cas de panne des ouvrages, c’est l’usager qui doit remplacer le matériel détérioré, contrairement au périmètre El Guerdane où le délégataire est tenu d’assurer le bon fonctionnement des ouvrages et de les remplacer en cas de détérioration selon les conditions du contrat d’abonnement.

Financièrement, nous constatons que l’ORMVA demeure largement tributaire des subventions de l’État pour réaliser ses grands projets d’investissement (76% du budget d’investissement). Les recettes de l’ORMVASM assurent à peine les frais d’exploitation et surtout les charges du personnel. Par contre, le projet El Guerdane s’autogère, se permet même une marge de 12%, et verse une partie de ses recettes au délégataire (1% du chiffre d’affaire pour le contrôle et le suivi du projet). D’un autre côté, le projet verse à la fin de son exercice comptable à la trésorerie de l’État 7% de son chiffre d’affaire relatif à la part de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) sur les ventes de l’eau aux usagers. Alors que l’ORMVA jusqu’à présent trouve des difficultés à facturer la TVA aux usagers. Cette réalité pose actuellement de sérieux problèmes relatifs à la fiscalité de l’ORMVA et prive l’État de recettes conséquentes.

Il est clair que le délégataire s’expose à de nombreux risques de différentes formes depuis le démarrage du projet. Au cours de sa première campagne d’irrigation (2009-2010) des inondations d’une rare force classée millénaire ont détérioré des ouvrages de tête du projet et ont causé l’arrêt du service durant 4 mois, le temps requis pour la réparation et le rétablissement du service. Les travaux ont couté environ 30 millions de Dirhams totalement financés par le délégataire et en un temps record.

Le délégataire a aussi été confronté au cours des deux campagnes d’irrigation (2013/2014 et 2014/2015) au problème de paiement par les usagers des redevances de l’eau. Cette situation a eu un effet très significatif sur la trésorerie de la société du projet puisque le montant avait atteint la somme de 14 millions de Dirhams ce qui représente 20% du chiffre d’affaire annuel moyen de la société. L’État a été contraint d’intervenir en tant que régulateur pour proposer des solutions acceptables à la fois par les usagers et la société. Cette dernière, consciente des problèmes auxquels agriculteurs sont confrontés pour commercialiser leur production, a tenue à échelonner le paiement durant deux campagnes successives. Toutefois certains usagers ont été dans l’incapacité de payer, ce qui a obligé la société à résilier leur contrat et à les remplacer par d’autres usagers qui figurent sur la liste d’attente.

Le déficit hydrique est un autre type de risque que ne devrait pas être négligé. En effet, une sécheresse sévère a causé un grand déficit en disponibilité en eau au niveau du barrage puisqu’au cours du trimestre estivale ou la demande était très forte, les volumes d’eau que pouvaient satisfaire le barrage représentaient à peine 13% de la demande. Cette situation a obligé les parties concernées à tenir des réunions pour prélever des dotations réservées à d’autres secteurs, rendant la situation du projet très critique et l’exposant à prendre une mesure extrême, celle de déclarer l’année de déficit. Cette situation devait aboutir à la prise de lourdes dispositions notamment l’augmentation du tarif de l’eau et la réduction de dotations d’eau des agriculteurs. L’un des impacts du projet, qui relève des aspects environnementaux auquel le projet est confronté, est le fait que les usagers du périmètre El Guerdane exploitent une nappe très profonde et qu’au niveau de certaines zones la surexploitation est allée très en profondeur.

De ce constat, il ressort que le périmètre El Guerdane connaît une forte redynamisation de son activité agricole grâce au projet de partenariat public-privé malgré les problèmes qui ont surgis au cours des deux dernières campagnes d’irrigation relevés de la crise que connaît le secteur de commercialisation des produits agricoles à l’échelle internationale. Cette crise ne s’est déclarée qu’après que l’Union Européenne ait décidé de soumettre les produits marocains à des nouvelles mesures en termes de qualité et de taxes pour l’accès aux marchés européens. En terme financier, nous constatons que le projet assure, par les recettes perçues auprès des usagers seulement, son équilibre financier et se permet une marge annuelle conséquente. Quant à la qualité du service, les usagers en témoignent et les indicateurs de suivi sont toujours en hausse d’une campagne à une autre. Cependant, il va falloir prendre d’autres mesures pour que les performances des usagers s’améliorent et que les risques diminuent.

CONCLUSION

Le suivi du projet révèle, qu’au cours des années de son exploitation, tous les indicateurs continuent leur évolution croissante, certains ont même atteint un niveau record, notamment les volumes prélevés et distribués aux usagers. Mais en l’absence d’une évaluation effective de ce projet au cours de cette période qui pourrait permettre de se prononcer sur la réussite et l’atteinte des objectifs fixés auparavant, et par conséquent sur la pertinence de ce mode de partenariat en irrigation au Maroc, l’autorité délégante a lancé en 2017 une étude d’évaluation du projet El Guerdane.

L’étude permettra l’appréciation de tous les effets du projet sur les usagers et les institutions ayant un lien de causalité direct ou indirect avec le projet, effets aussi bien positifs que négatifs, prévus ou imprévus, sur les plans gouvernance, économique, social, et environnemental. En outre l’étude devrait évaluer la satisfaction des usagers vis-à-vis de l’opérateur privé en termes de qualité de service, de disponibilité des ressources en eau, de diligence des actions d’interventions, de qualité des eaux d’irrigation, d’accompagnement, d’écoute, d’équité et de transparence des relations entre opérateur et usagers, etc. Elle doit permettre in fine de juger, à la lumière des résultats de l’évaluation du projet El Guerdane, de la cohérence et la pertinence du partenariat public-privé dans le secteur de l’irrigation.

Il ressort de notre analyse que la délégation d’un service de l’eau ne doit pas se limiter à la mise en place d’un dispositif commercial et contractuel de distribution d’eau d’irrigation, mais plutôt instaurer un système de conseil pour prodiguer aux agriculteurs les messages techniques permettant de gérer au mieux l’eau d’irrigation et leur système de production pour faire face aux exigences du nouveau mode de gestion qui est le partenariat public-privé.

Ainsi, un système de surveillance (police des eaux) et de suivi (équipes techniques équipées en matériel scientifique d’analyse) devrait être mis en place pour le suivi de l’environnement (qualité des eaux et des sols, éventuels impacts du projet sur le milieu, etc.) pour permettre la préservation de la nappe comme le préconise la réglementation en vigueur (loi sur l’eau).

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Publié-e

20-03-2019

Numéro

Rubrique

Économie Agricole et Rurale