Résumé

Les bronchopneumonies infectieuses enzootiques (BPIE) bovines demeurent l’un des problèmes majeurs de l’élevage bovin moderne. Ce complexe morbide parfois mortel, est responsable de pertes économiques considérables tant en termes de production que de productivité. La multiplicité des agents étiologiques de cette entité pathologique et des facteurs de risque pouvant y être associés rend difficile sa maîtrise. La présente revue bibliographique discute les approches préventives et curatives d’actualité pour la lutte contre les BPIE.


Mots-clés: Bronchopneumonies infectieuses enzootiques (BPIE), bovins, traitement, prévention.

INTRODUCTION

Les bronchopneumonies représentent l’une des entités pathologiques multifactorielles les plus fréquentes et les plus préjudiciables économiquement en élevage bovin à travers le monde. Ces affections sont essentiellement des broncho-pneumopathies infectieuses qui peuvent toucher plusieurs individus d’un même lot chez les naisseurs et les engraisseurs. Plusieurs nomenclatures ont été proposées pour qualifier ce groupe de pathologies, ce qui dénote de la complexité de la problématique.

Les troubles des jeunes bovins en lots, qui feront l’objet du présent article, appelés complexe maladie respiratoire bovine (Le terme anglo-saxon étant «Bovine Respiratory Disease Complex», BRD) ou encore Broncho-pneumonies Infectieuses Enzootiques (BPIE), sont déclenchés par le concours de facteurs extrinsèques, comme l’environnement, les conditions de vie de l’animal, le stress et divers agents pathogènes, et intrinsèques, comme la race, le poids et le statut immunitaire.

Ces pathologies, de loin les plus fréquentes chez le jeune après sevrage, entraînent des pertes économiques considérables. L’objectif de cet article, étant donné la diversité des agents pathogènes en cause et la complexité des conditions d’apparition, est de présenter et discuter des stratégies préventives et curatives à même de permettre un meilleur contrôle.

CAUSES DES BPIE

Éléments infectieux

Les agents microbiens agissent en général en interaction pour déclencher ce que l’on appelle les BPIE. Leur capacité de multiplication et de diffusion est très élevée dans des conditions favorables (confinement, promiscuité, affaiblissement des animaux, etc.). Il en résulte une contagiosité souvent élevée via le milieu de vie ambiant ou par le contact étroit entre animaux. Plusieurs catégories d’agents pathogènes peuvent être à l’origine des maladies respiratoires.

Les virus

• Le virus respiratoire syncitial bovin (BRSV) est un paramyxovirus. Ces effets cytopathiques caractéristiques sur les cultures cellulaires (la formation de syncytia) lui ont valu sa dénomination. La durée d’incubation est de 2 à 10 jours. C’est un agent fréquent des BPIE provoquant des dégâts assez importants lors de la primo-infection (Sacco et al., 2014).

• Le virus Para-influenza 3 (PI3V) est un paramyxovirus. Contrairement au pouvoir pathogène intrinsèque du BRSV, le PI3V ne provoque que des infections subcliniques ou relativement bénignes. Le principal risque demeure les surinfections bactériennes après une infection par le PI3 (Newcomer et al., 2017).

• Le virus la Rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR) est un herpesvirus bovin de type 1 (BoHV-1) caractérisé par le phénomène de latence chez les animaux porteurs. Les symptômes cliniques sont principalement respiratoires avec une inflammation des voies respiratoires supérieures (Rhinotrachéite) pouvant évoluer en une pneumonie grave et entraîner la mort de l’animal (Newcomer and Givens, 2016).

• Le virus de la diarrhée virale bovine (BVDV) est un pestivirus. Il jouerait un rôle aggravant dans les pathologies respiratoires par l’immunodépression qu’il entraîne ce qui favoriserait le développement d’autres agents pathogènes (Newcomer and Givens, 2016).

• Autres virus: au niveau du tractus respiratoire on peut également retrouver le réovirus, l’adénovirus, le rhinovirus bovin, le coronavirus et le virus influenza D, etc. Il est à noter ici que la circulation du virus influenza D, dont le pouvoir pathogène reste méconnu, a récemment été rapportée au Maroc (Salem et al., 2017).

Les Bactéries

• Les pasteurelles Mannheimia haemolytica, capable de provoquer des bronchopneumonies sans intervention virale, est une bactérie habituellement résidente du tractus respiratoire supérieur des bovins cliniquement sains. Mais, suite à des conditions de stress ou à une infection virale primaire, cette bactérie colonise les poumons, se développe et sécrète des toxines. Celles-ci provoquent de sérieuses lésions du parenchyme pulmonaire (Gershwin et al., 2015; Singh et al., 2011). D’autres pasteurelles pathogènes telles Pasteurella multocida et Histophilus somni sont isolées lors de BPIE (Corbeil, 2007; Dabo et al., 2007).

• Les mycoplasmes: la part des mycoplasmes dans l’incidence des infections respiratoires s’avère de plus en plus grandissante. Mycoplasma bovis est un germe qui a montré beaucoup de résistance aux antibiotiques avec un risque considérable de rechutes après la guérison clinique (Lysnyansky and Ayling, 2016). Les infections mycoplasmiques sont souvent associées à d’autres signes cliniques notamment les arthrites, les otites, les atteintes oculaires et mammaires (Gagea et al., 2006).

D’autres bactéries peuvent être à l’origine de surinfections: Mycoplasma autres que bovis, Salmonella sp, Trueperella pyogenes, les pneumocoques, les colibacilles, etc.

Éléments climatiques, environnementaux et ambiance des bâtiments d’élevage

Plusieurs facteurs non-infectieux favorisent le déclenchement des BPIE dont les plus importants sont:

• Le Froid: les microbes se conservent mieux par temps froid et leur transmission est beaucoup plus facilitée ; ce qui explique une plus grande fréquence des pathologies respiratoires en hiver. De même, les grands écarts de températures et le stress thermique, dans des pays comme le Maroc, surtout dans des bâtiments d’élevage inadaptés font qu’un deuxième pic estival est à redouter.

• Les courants d’air: ils assèchent et favorisent l’irritation des voies respiratoires.

• La mauvaise ventilation et le confort thermique: Les germes se multiplient plus rapidement et se retrouvent concentrés en suspension dans l’air des milieux humides d’où l’accélération de la transmission des microbes. Certains gaz (ammoniac), irritent les muqueuses, et donc facilitent les infections. Tous ses facteurs concourent, avec les facteurs infectieux, à l’émergence des BPIE chez des animaux naturellement handicapés sur le plan de la fonction respiratoire (Lekeux, 1988).

Deux autres facteurs d’apparition des bronchopneumonies chez les jeunes bovins sont importants à signaler:

• La cohabitation entre jeune animaux, très sensibles, et les animaux adultes, plus résistants et porteurs de germes potentiellement dangereux,

• Les divers stress auxquels sont soumis les animaux (stress lié au transport, au changement alimentaire, au parasitisme etc..).

SYMPTÔMES ET DIAGNOSTIC

Selon la prédominance de tel ou tel agent infectieux on constatera:

• De l’inappétence voire de l’anorexie,

• De la toux,

• L’augmentation de la température rectale,

• De la polypnée et de la tachycardie,

• L’écoulement nasal, d’abord clair puis muco-purulent ou franchement purulent.

La mort n’est pas exceptionnelle dans certaines formes suraiguës.

Ces observations sont souvent évaluées par un score clinique sur la base de la sévérité des signes et des symptômes relevés comme dans la classification de Lekeux et Coghe (2004) qui propose quatre stades:

• Stade 1: Maladie subclinique,

• Stade 2: Maladie clinique compensée,

• Stade 3: Maladie clinique non compensée,

• Stade 4: Maladie clinique irréversible.

Les méthodes comme celle-ci sont utilisées pour instaurer un traitement adéquat, sans présomption de l’agent pathogène en cause (Perino and Hunsaker, 1997).

Dès le 2ème ou 3ème jour de la maladie, les lésions pulmonaires deviennent importantes et parfois irréversibles, sous forme de foyers congestifs plus ou moins purulents pour les lésions bactériennes, ou sous forme de foyers emphysémateux pour certaines lésions virales.

Le diagnostic clinique est relativement facile à poser. Le diagnostic étiologique est, par contre, plus difficile car les symptômes ne sont pas spécifiques d’un agent causal donné. Seules l’autopsie des animaux morts et les analyses de laboratoire, souvent indispensables, permettront de cerner les vraies causes des troubles observés.

TRAITEMENT

Le traitement curatif proprement dit a pour objectifs de lutter contre les conséquences de l’inflammation et de maîtriser une éventuelle infection ou surinfection bactérienne. Il dépendra de la nature de l’atteinte et du stade d’évolution. Il est basé sur l’utilisation d’anti-inflammatoires, et en cas de nécessité d’antibiotiques, voire de tonicardiaques et de diurétiques.

Le traitement anti-infectieux reste important dans tout schéma thérapeutique curatif en cas de surinfection bactérienne. Du point de vue du praticien, la réussite d’un traitement signifie la réduction des symptômes et des signes cliniques dans des délais raisonnables (24-48h). Elle est souvent attribuée, parfois à tort, à la seule efficacité de l’antiinfectieux utilisé, alors qu’en réalité plusieurs facteurs contribuent au succès ou à l’échec du protocole thérapeutique choisi, comme, entres autres, la précision du diagnostic, la précocité du traitement, le choix de l’antibiotique par rapport aux germes présumés responsables, ainsi que les propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques des molécules en question (Thomson and White, 2006). Il est nécessaire de rappeler que la réussite d’un traitement anti-infectieux est également conditionnée par l’amélioration des conditions d’élevage des animaux traités (e.g. gestion du problème des courants d’airs et du confinement, etc.).

La précision du diagnostic

Dans la plupart des cas le diagnostic des BPIE est posé sur la base des seuls critères cliniques (Température, jetage, toux etc..). Ces critères sont jugés insuffisants pour préciser l’étendue des lésions, leur nature et encore moins leurs étiologies (Bryant et al., 1999; Taylor et al., 2010a, 2010b). A cet égard, il est intéressant de signaler que même le diagnostic microbiologique a montré ses limites, particulièrement dans les infections bactériennes, et que seul le bilan lésionnel de l’autopsie permet de préciser la nature de la pneumonie lorsqu’elle est avérée (Allen et al., 1992; Thomas et al., 2002).

Choix de l’anti-infectieux

L’arsenal thérapeutique en matière de traitement curatif des BPIE est large. Pas moins de cinq familles d’antibiotiques sont à la disposition du clinicien et de nombreux essais documentés existent pour le choix de tel ou tel antibiotique (Tableau 1). Il est néanmoins très difficile de prédire l’efficacité d’une molécule par rapport à une autre en se basant sur des essais terrains souvent incomparables sur les plans des objectifs et des méthodes suivies pour les réaliser. Selon la Liste CIA OMS (2017) et Lignes Directrices de l’OMS (2017) pour l’utilisation chez les animaux de rente destinés à l’alimentation humaine des antimicrobiens important pour la médecine humaine (2017), les bêtalactames, les tetracyclines, les phénicolés et les macrolides sont des antibiotiques de choix pour un traitement en première et deuxième intentions. Les fluoroquinolones et cépahlosporines de la 3ème et 4ème génération devraient être réservés exceptionnellement aux traitements de dernier recours. Le vétérinaire optera pour la molécule adéquate sur la base de ses suspicions, basées sur sa connaissance des élevages et par les expériences accumulées, et, quand les conditions s’y prêtent, sur la base des résultats de la nécropsie voire d’un bulletin d’analyse microbiologique (bactériologie, virologie, PCR, etc). Idéalement le choix de l’antibiotique doit sur faire conformément à l’évaluation in vitro de la susceptibilité du germe responsable de l’infection par la réalisation d’un antibiogramme et ou la détermination des CMI. Sur le vivant, plusieurs techniques de prélèvement d’échantillons en vue d’analyses microbiologiques peuvent être envisageables (e.g. écouvillonnage nasal profond, aspiration transtrachéale, lavage bronchoalvéolaire, etc.). Le choix des animaux à prélever doit être le mieux représentatif possible tout en privilégiant les animaux en début d’évolution (e.g. début d’hyperthermie). Les conditions de cheminement des prélèvements au laboratoire doivent être maîtrisées et les résultats obtenus interprétés prudemment en tenant compte de tous les éléments suscités.

D’autres critères, aussi importants que la sensibilité in vitro, doivent être pris en considération lors du choix d’un antibiotique comme les propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques de la molécule, les délais d’attente, la voie d’administration, les effets secondaires et le coût du traitement.

Précocité du traitement

La précocité et le choix de l’anti-infectieux lors du traitement de première intention permettent d’avoir un taux de réussite acceptable (>80 %). Or, la dite précocité est conditionnée par les signes et symptômes cliniques relevés qui doivent être objectifs et précoces également. En effet, il a été montré que les animaux à risque de faire une BPIE pouvaient montrer des élévations de température, prise à l’aide de bolus intra-ruminaux ou par thermographie infrarouge, 4 à 6 jours avant le début des premiers symptômes respiratoires plus tardifs, (perte d’appétit, larmoiement, écoulement nasal, etc.) (Duff et al., 2000; Schaefer et al., 2007). Plusieurs seuils de température ont été proposés (39,5°C à 40°C) pour discriminer les animaux en incubation des animaux sains sans qu’aucun consensus puisse être dégagé (Duff et al., 2000). Cependant, une température de 39,7°C est considérée comme étant le seuil thermique qui précède souvent les premiers signes des BPIE. La prise de température doit être réalisée sur des animaux au repos.

Antibiothérapie ciblée

Les pasteurellaceae sont les germes les plus isolés en matière de BPIE, en conséquence, pour un traitement empirique, faute de test de sensibilité, la molécule de choix doit être théoriquement efficace contre ces bactéries. Néanmoins, il faut également tenir compte des germes pathogènes associés, particulièrement Mycoplsama bovis, dont le rôle et l’implication dans les BPIE est encore sujet à discussion. En effet, Mycoplasma bovis peut agir seul ou en s’associant à d’autres pathogènes pour initier une BPIE (Caswell et al., 2010). Comme ils sont dépourvus de paroi, les mycoplasmes sont naturellement résistants aux bêtalactames. Ainsi, lorsqu’une composante mycoplasme est suspectée, l’antibiotique choisi doit être efficace contre ces bactéries. Trueperella pyogenes et les salmonelles (Salmonella typhimurium et S. dublin) sont également isolées lors de BPIE (Autio et al., 2007). Une attention particulière devrait être également accordée à tous ces agents de complications afin d’éviter l’échec thérapeutique.

Schéma thérapeutique

L’état actuel des connaissances permet de recommander un traitement de 3 à 5 jours (ou de continuer le traitement 48 h après la rémission des signes et symptômes cliniques) pour les antibiotiques à administration quotidienne. Pour les spécialités longue action, 72 heures en moyenne, il est préférable de répéter l’administration selon les recommandations décrites dans l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Certaines spécialités de durée d’action très longue allant de 7 à 10 jours ne nécessitent qu’une seule injection e.g. macrolides nouveaux. Cependant, certains antibiotiques concentration dépendants comme les fluoroquinolones peuvent être utilisés, par voie intraveineuse, en une injection unique selon le concept ‘Single Injection Short Acting Antibiotic’ ou SISAAB), développé pour les maladies respiratoires bovines aiguës. Il s’agit d’une administration à forte dose pour minimiser le risque d’antibiorésistance. Lorsqu’une mycoplasmose associée est suspectée, il est généralement admis que le traitement doit être plus long (10 jours, voire plus) sans qu’aucune durée précise ne fasse consensus (Godinho et al., 2005).

En règle générale, lors du traitement de première intention, le taux de réussite attendu devrait atteindre plus de 80 % (Perino et Hunsaker, 1997; Schelcher et Valarcher, 1999). Les signes et symptômes cliniques devraient en principe s’améliorer en 24 à 48 h. Passé ce délai, et si aucune amélioration n’est observée, un antibiotique alternatif doit être proposé. Le traitement des animaux sévèrement atteints (score 4) et des cas chroniques est souvent décevant et la réforme doit être rapidement envisagée.

Traitement anti-inflammatoire

L’inflammation qui accompagne les maladies infectieuses respiratoires est une donne importante dont il faut tenir compte dans tout schéma thérapeutique. En effet, les germes impliqués provoquent des complications fort préjudiciables à l’efficacité du traitement et à la reprise de la fonction respiratoire normale. A titre d’exemple, la leucotoxine de Manheimia haemolytica, cytotoxique pour les granulocytes, et le LPS (lipopolysacharaide) contribuent à une exsudation de fibrine et une thrombose vasculaire avec comme conséquence une mauvaise diffusion de l’antibiotique au niveau du foyer infectieux. Ces complications peuvent être réduites par l’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les glucocorticoïdes étant à éviter en raison de leurs effets immuno-suppresseurs. Les AINS sont également antipyrétiques et analgésiques et permettent de ce fait à l’animal malade de reprendre rapidement une activité normale (reprise d’appétit, reprise de croissance) et au final un résultat zootechnique appréciable (Guzel et al., 2010; Lockwood et al., 2003; Wallemacq et al., 2007). En pratique, l’administration des AINS se fait généralement en une injection unique au moment de l’antibiothérapie.

MÉTAPHYLAXIE 

La métaphylaxie, au sens européen du terme, consiste à traiter l’ensemble d’un lot (malades, sains ou en incubation) au-dessus d’un certain seuil de morbidité. Elle vise donc à empêcher l’apparition de nouveaux malades (Catry et al., 2008). Elle est à nuancer de la «metaphylaxis» nord-américaine qui répond parfois à la définition suscitée mais peut également signifier traitements de masse ou «mass medication» (Step et al., 2007). La décision d’avoir recours à la métaphylaxie doit absolument être réfléchie et entreprise après avis du vétérinaire à cause des risques liés à l’usage abusif et incontrôlé des antibiotiques menant inévitablement à l’apparition d’antibiorésistance. L’instauration d’un programme de métaphylaxie doit être justifiée économiquement. Il est à recommandé de le mettre en œuvre à partir de 10 % de morbidité dans les élevages de plus de 50 jeunes bovins. Un seuil d’alerte plus bas chez les veaux de seulement 3 % peut être retenu (Taylor et al., 2010b). Beaucoup d’études ont montré les avantages de l’utilisation d’un programme de métaphylaxie dans la réduction de la morbidité (jusqu’à 50 %) et de la mortalité (jusqu’à 25%) (Urban-Chmiel et Grooms, 2012). Pour plus d’efficacité dans la lutte contre les BPIE, certains auteurs ont suggéré le recours à la métaphylaxie en même temps qu’un programme de vaccination adapté (Thomson and White, 2006).

APPROCHE PRÉVENTIVE

Maîtrise des facteurs de risque

La prévention fait appel à plusieurs actions qui se complètent pour minimiser le risque d’apparition des BPIE et particulièrement :

• Le transfert correct de l’immunité passive par la prise précoce du colostrum de très bonne qualité et en quantité suffisante;

• La séparation des animaux de classes d’âge différentes : avec l’âge, les animaux peuvent devenir plus résistants à certains germes mais constituent une source de contamination potentielle pour les plus jeunes;

• Pour les lots d’engraissement il faut adopter le concept de «All in/All out» c’est-à-dire le principe de la bande unique avec désinfection entre les bandes;

• L’hygiène générale et le nettoyage quotidien des lieux de stabulation des veaux est primordial;

• Le passage par une quarantaine lors d’achat des animaux est capital;

• Effectuer une transition lors de tout changement alimentaire. Les changements alimentaires rapides constituent un stress qui provoque une baisse de l’immunité;

• L’isolement et le traitement des animaux malades et le renforcement de la biosécurité;

• Une alimentation équilibrée et une vermifugation adaptée;

• Le bâtiment doit être adapté à l’élevage des veaux, confortable, bien aéré et sans courants d’air.

La vaccination et le «preconditioning program»

Les vaccins, mono- et multivalents, contre les agents pathogènes viraux IBR, BVD, PI-3, et le BRSV, et pathogènes bactériens Mannheimia haemolytica, Pasteurella multocida et Histophilus somni sont disponibles au Maroc. En matière de vaccins contre les mycoplasmes, les seuls vaccins actuellement commercialisés le sont aux Etats-unis et leur utilisation est soumise à des restrictions. Beaucoup reste à faire sur ce plan et un bon vaccin contre les mycoplasmes doit tenir compte de leurs forte variabilité antigénique.

Les résultats obtenus lors d’essais cliniques contrôlés sont assez divers quel que soit le vaccin considéré, et vont d’une absence d’effet à un effet protecteur (Martin, 1983; Perino et Hunsaker, 1997). Souvent, pour une telle évaluation, seuls les signes cliniques respiratoires sont retenus comme critères primaires d’efficacité. Les critères zootechniques (GMQ notamment) ne sont retenus que secondairement lieu tandis que les critères économiques sont exceptionnellement pris en compte (Schelcher et Valarcher, 1999).

L’immunité prend 1 à 3 semaines pour se développer, et peut nécessiter plusieurs doses de vaccin avant d’induire une immunité protectrice (Urban-Chmiel et Grooms, 2012). La vaccination des jeunes veaux pose le problème de l’immaturité immunitaire et l’interférence avec l’immunité passive d’origine colostrale, ce qui perturbe l’installation d’une immunité induite par les vaccins administrés (Schelcher and Valarcher, 1999). L’idéal serait de vacciner les veaux avant leur entrée en ateliers de production de génisses ou aux ateliers d’engraissement. Plusieurs vaccins, avec différentes combinaisons de valences, sont disponibles au Maroc. Les seuls vaccins, mono et multivalents, actuellement commercialisés au Maroc sont des injectables inactivés. Ce genre de formulations est basé sur une primovaccination avec deux injections à 4-6 semaines d’intervalle et une immunité acceptable n’est à espérer que deux à trois semaines après l’injection de rappel de primovacciation. Pour ce qui est de l’IBR, le code IBR de l’ONSSA au Maroc prévoit un rappel à 6 mois avec le même vaccin. Par la suite, les programmes de vaccination sont à adapter selon les périodes de risques importantes au sein de l’élevage.

L’une des stratégies adoptées aux États-Unis, connue sous le terme de «preconditionning program» ou programme préventif avant l’allotement pour les bovins soumis à l’engraissement, consiste en un certain nombre d’actions à mettre en œuvre avant le transport vers le site d’engraissement. Il s’agit de vacciner les veaux, en général 35 à 40 jours après sevrage, contre les nombreux pathogènes qui causent les BPIE, de les déparasiter, de les écorner, de les habituer aux mangeoires et abreuvoirs du lieu final de l’engraissement et de les castrer. Idéalement les vaccinations doivent être terminées deux semaines avant le transport pour une meilleure immunisation.

CONCLUSION

Les conséquences économiques des bronchopneumonies peuvent être extrêmement élevées. La diversité des facteurs intrinsèques et extrinsèques en cause dans la genèse de ces affections fait que le traitement curatif à lui seul est insuffisant dans tout programme de lutte. La maitrise des facteurs de risques, de bonnes pratiques d’hygiène, la biosécurité et les programmes vaccinaux adaptés sont quelques éléments importants à considérer pour espérer juguler, autant que faire se peut, ce syndrome complexe.

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