Résumé

Prunus avium (Rosaceae) est une composante de la biodiversité dans les écosystèmes forestiers; ses fruits sont consommés par de nombreux oiseaux et sa floraison précoce lui confère une grande valeur esthétique. Arbre à usages multiples, il est présent dans la forêt du nord-ouest tunisien. Cette espèce est exploitée comme porte-greffe pour le cerisier et comme bois pour l’ébénisterie par les populations locales. Les peuplements naturels, en constante diminution depuis quelques dizaines d’années, sont menacés par diverses pressions anthropiques, de plus en plus fortes, réduisant les capacités de régénération naturelle de l’espèce. L’étude de ses populations est indispensable pour disposer d’une bonne connaissance de l’habitat écologique de cette espèce afin de déterminer les conditions dans lesquelles elle se développe et mettre en place des règles appropriées de gestion. Prunus avium a une répartition spatiale agrégative. Certains facteurs liés au sol jouent un rôle dans sa régénération. En effet, Prunus avium préfère les sols limono-argileux, riches en azote, avec un rapport C/N faibleb et un pH acide (4,3 à 6,7). Cette espèce résiste assez bien au froid (Tmin = 3°C) et est très sensible à la sécheresse estivale (Tmax = 24°C). Au nord–ouest tunisien, la présence de Prunus avium est rare au-dessous de 150 m d’altitude, alors qu’on le trouve régulièrement en situation ripicole, entre 180 et 620 m, avec un maximum aux alentours de 550 m. Les résultats obtenus sur cette espèce montrent qu’elle a une affinité pour les pentes faibles (0-5%) et moyennes (10-15%). Le merisier présente un bois de cœur dont la coloration naturelle varie de miel clair à brun rougeâtre en passant par des teintes orangées. Ce type de bois est destiné à des emplois «nobles» comme la menuiserie intérieure et l’ébénisterie. Nos études permettent de formuler des recommandations sur la gestion de Prunus avium par la production des plants du merisier en utilisant la technique de bouturage de segments de racine pour permettre la plantation de cette espèce au niveau des stations les plus favorables pour la production du bois.


Mots clés: Habitat écologique, Prunus avium, bois du merisier, nord-ouest tunisien

INTRODUCTION 

La Tunisie est caractérisée par une importante diversité écologique et floristique, essentiellement liée à la diversité des ambiances bioclimatiques (de l’humide au saharien), de la géomorphologie et des sols. Le premier inventaire de la flore tunisienne consiste en une synthèse des explorations sur plus d’un siècle. Par la suite, de nombreux autres botanistes, parmi lesquels Desfontaines, Cosson, Letourneux, Doumet-Adonson, Battandier et Trabut, ont exploré le pays, mais il a fallu attendre la seconde moitié du 20ème siècle pour voir paraître la Flore de Tunisie (Pottier-Alapetite, 1979). Le même auteur a montré que la flore vasculaire de la Tunisie comporte 2103 espèces auxquelles il conviendrait d’ajouter 37 espèces cultivées et sub-spontanées décrites dans la flore mais non numérotées, et 22 espèces nouvellement découvertes par différents auteurs. Parmi ces espèces nouvellement découvertes en Tunisie, on parle du merisier (Prunus avium). Cette espèce présente un intérêt économique pour l’Homme: elle est exploitée en sylviculture pour son bois de qualité, en arboriculture pour ses fruits, en horticulture pour sa capacité de porte-greffe des variétés de Prunus ornementaux ou encore comme essence favorable au développement et à la fixation de gibiers (Jdaidi et Hasnaoui, 2017b; Jdaidi et Hasnoui, 2018a). Le merisier est une espèce de demi-ombre à croissance rapide (Tessier et Bernatchez, 1999). Selon Thibaut et al. (2009), cette espèce nécessite une bonne richesse minérale alliée à une bonne alimentation en eau.

D’après Henon (2008) et Jdaidi (2023), le merisier est une essence forestière recherchée pour la valeur commerciale de son bois de couleur brun rosé clair à jaunâtre, parfois utilisé en placage pour remplacer l’acajou ou d’autres bois précieux. Il est recherché en ameublement, tant en massif qu’en placages. L’importance de cette demande pour l’ébénisterie marginalise d’ailleurs les autres utilisations du bois (sculpture, tournage). Le merisier, comme tous les arbres fruitiers, offre un bois ayant de bonnes propriétés mécaniques (résistance à la compression, traction ou flexion); néanmoins, il présente un retrait moyen au séchage et peut être quelques fois assez nerveux. Selon Gautier (2001), le Prunus avium est une espèce fortement menacée d’extinction malgré son importance de point de vue bois, qui est très apprécié en sciage, en ébénisterie et même en placage. Il présente également un intérêt agronomique certain par son utilisation comme porte-greffe du cerisier, et intéresse au plus haut niveau les agriculteurs producteurs de cerises.

La régénération naturelle du merisier est actuellement très faible, voire absente, car les graines sont caractérisées par une profonde dormance embryonnaire et tégumentaire. De plus, le nombre des arbres semenciers est très faible en Kroumirie. Les jeunes plantules issues des semis et des drageons sont systématiquement utilisé par la population locale comme porte greffe pour le cerisier (Jdaidi et Hasnaoui, 2017a; Jdaidi et Hasnaoui, 2017b; Jdaidi et al., 2021a; Jdaidi et al., 2021b). En Tunisie, le merisier (Prunus avium) présente un intérêt économique élevé de même que des qualités de bois rares. Sa croissance est relativement rapide, ce qui permet d’espérer une récolte en 40-50 ans environ. Il est très sensible aux périodes de sécheresse. Une température moyenne annuelle inférieure à 9°C limite sa croissance. Il s’adapte à des conditions climatiques variées, mais demeure exigeant pour assurer une production de bois de qualité (Jdaidi et Hasnaoui, 2017a; Jdaidi et Hasnaoui, 2018a; Jdaidi et Hasnaoui, 2018b; Jdaidi, 2021).

Le merisier a connu au fil des temps d’importantes perturbations liées essentiellement à l’action de la population locale se traduisant par l’utilisation du bois pour l’ébénisterie et comme porte-greffe pour le cerisier. Afin de mieux protéger et restaurer ces merisiers, il est très utile d’avoir des connaissances approfondies sur les mécanismes de la régénération naturelle de cette espèce. En plus des pressions anthropiques qui se sont exercées sur les merisiers, il existe aussi l’influence des facteurs topographiques, édaphiques et climatiques au nord-ouest de la Tunisie (Jdaidi, 2016; Jdaidi et al., 2019; Jdaidi, 2021).

L’objectif de ce travail est de réaliser une synthèse bibliographique sur les travaux scientifiques réalisés dans le monde et en Tunisie sur le merisier depuis 1979 jusqu’à maintenant pour étudier l’écologie de l’espèce, la multiplication, la phénologie et évaluer les caractéristiques technologiques du bois de Prunus avium.

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DU MERISIER DANS LE MONDE ET EN TUNISIE 

Le merisier est originaire du Moyen-Orient. Cette espèce a été plantée pour la première fois en Europe. Il pousse toujours en association avec d’autres espèces. A partir du Moyen-âge, ses fruits firent une entrée en force sur les tables et les horticulteurs créèrent des espèces hâtives (Robbe, 2005). Dans les années 1980, le merisier fût beaucoup utilisé en reboisement en France. Jusqu’à 1,5 million de plants du merisier furent plantés en France entre 1990 et 1991. Les semences utilisées alors ne provenaient pas de peuplements classés ce qui a entraîné une diversité intra-peuplement parfois très faible (Fernandez et al., 1994). La domestication du merisier, Prunus avium, a donné le cerisier doux duquel sont issues les guignes, à chair molle, et les bigarreaux, à chair ferme. Deux autres espèces de cerisiers sont cultivées, il s’agit de Prunus Cerasus, le cerisier à fruits acides et Prunus x gondouinii provenant du croisement entre P. avium et P. cerasus (Tavaud, 2002).

Le merisier est une espèce médio-européenne et subméditerranéenne (Figure 1). Il est indigène dans toute l’Europe centrale et occidentale, dans les Balkans, de l’Asie Mineure jusqu’au Caucase et, moins fréquemment, dans la région méditerranéenne. Il semble que les activités humaines ont fortement élargi la limite de l’aire en direction du nord. L’essence a été aussi acclimatée en Afrique du Nord, en Inde occidentale et dans l’Est de l’Amérique du Nord. On admet que les premières formes cultivées étaient apparues en Asie Mineure, qu’elles ont passé par les Grecs chez les Romains, et que ces derniers les ont propagées au-delà des Alpes en Europe centrale. Nord des Alpes suisses. Les noyaux de répartition se trouvent dans les régions chaudes de basse altitude, le long du pied sud du Jura, dans le Jura tabulaire, le long des cours d’eau du Plateau et dans le fond des vallées. On est frappé par une forte présence dans les vallées grisonnes du nord des Alpes: dans ces régions, comme d’ailleurs dans l’ensemble de l’arc alpin, le merisier occupe des lisières bien exposées et joue souvent le rôle de pionnier dans l’envahissement des pâturages abandonnés (Scholz et al., 1995).

Selon Jdaidi et Hasnaoui (2018b), cette espèce n’est pas collectée dans l’inventaire forestier tunisien. Pour cela, ils ont sélectionné les stations pour échantillonnages d’une manière subjective en se basant sur des informations apportées par la population forestière, ainsi que celle recueillie au cours des travaux précédents d’Ecosson (1883) et Debasac (1959). Au total, on a 15 stations qui ont été réparties sur la totalité du foret du nord-ouest tunisien (Figure 2).

HABITAT ÉCOLOGIQUE DU MERISIER 

Habitat climatique

L’habitat climatique central des populations de Prunus avium en Tunisie (Figure 3) se caractérise par des précipitations moyennes totales qui varient entre 890 et 1200 mm, avec des précipitations estivales entre 40 et 80 mm. Selon la même figure, l’habitat climatique central du merisier se caractérise par une température moyenne annuelle qui varie entre 11,0 et 16,5°C, tandis que la température annuelle maximale se situe entre 17 et 23 °C. Comme le facteur pluviométrie, la température exerce une influence importante sur la répartition naturelle spatiale et la croissance de cette espèce. L’habitat climatique marginal de cette espèce met en évidence l’existence des stations à précipitations estivales faibles (30 mm), à température annuelle minimale 3°C et à maximale supérieure à 24°C. Cette espèce est très sensible à la sécheresse estivale et à la température minimale de la saison froide. Les résultats obtenus dans le cadre de ce travail montrent effectivement que les facteurs climatiques agissent sur l’habitat écologique du merisier (Jdaidi et Hasnaoui, 2018a; Jdaidi et Hasnaoui, 2018b). En Europe, la majeure partie des merisiers se trouvent dans des zones avec des précipitations totales moyennes entre 650 et 1800 mm, avec une température moyenne annuelle entre 7 et 13,6°C (Ducci et al., 1998). Selon Gonzalez (2004), l’habitat climatique central du merisier en Espagne se caractérise par une précipitation totale annuelle qui varie entre 692 et 1375 mm, tandis que la température moyenne se situe entre 8 et 11,9°C.

Habitat topographique

En ce qui concerne l’habitat topographique central, il faut savoir que l’optimum du merisier est observé sur les stations à moyenne altitude (300-550 m) (Figure 4). Les densités les plus élevées sont observées sur des terrains de faibles et moyennes pentes (0-10 %) (Jdaidi et Hasnaoui, 2018a; Jdaidi et Hasnaoui, 2018b; Jdaidi et al., 2023). Il semble que le degré d’inclinaison du terrain peut avoir des effets sur la répartition spatiale et la croissance de cette espèce. Selon les mêmes auteurs, cette espèce s’installe sur les versants nord-est et sud-est, elle préfère la lumière. Il en résulte que les orientations nord-est et sud-est, d’une manière générale et par la zone d’étude, d’où l’effet probable sur la distribution naturelle de notre espèce et sur l’écosystème dans son ensemble. En ce qui concerne l’habitat topographique marginal, il est important de signaler l’existence des populations de Prunus avium dans des stations alticoles (620 m), sur des terrains inclinés (30 %) et sur des versants Sud. Les sols limono-argileux sur lesquels Prunus avium s’est installée en populations couvrent les altitudes moyennes (400-550 m) (Figure 4). Cette espèce se développe préférentiellement sur les plateaux (0- 10% de pente) à expositions nord-est. La majeure partie des merisiers tunisiens se localise dans des zones de pente faible à moyenne et dans des bas versants, occupant des lieux de moyenne altitude avec des orientations nord-est. Gonzalez (2004), Gonzalez et al. (2005) et Laurrieu et al. (2012), par exemple, ont étudié l’habitat écologique du merisier respectivement en Espagne et en France. Ces auteurs ont déduit les relations entre l’eau, la fertilité des sols et la position topographique. Ils ont cependant conclu que cette espèce est très dense sur les terrains plats (0-5 %), à moyenne altitude moyenne (430 - 1200 m) et à une exposition nord-ouest.

Habitat édaphique

L’habitat édaphique central de cette espèce est observé sur des sols à textures limoneuses (15-23%), à textures limono-argileuses et d’acidité faible (4,8 - 6,2). Le merisier craint les sols très argileux maux structurés ou à faible porosité, ainsi que les sols sableux et d’acidité élevée (Figure 5). Cette espèce est observée sur des sols riches en matière organique (4,41 et 9,59 %), avec un rapport C/N varie de 4,48 à 8,80. À cette échelle, ce rapport carbone-azote indique une minéralisation rapide de la matière organique qui se caractérise par un humus libérant beaucoup d’azote. Les densités les plus élevées de cette espèce sont observées sur les sols riches en azote (0,45 - 0,65 %) (Jdaidi et Hasnaoui, 2018a; Jdaidi et Hasnaoui, 2018b; Jdaidi et al., 2022). L’analyse de l’habitat écologique de Prunus avium en fonction des variables physico-chimiques du sol a permis d’établir des relations entre certaines de ces variables et la densité de cette espèce. Les stations les plus denses sont les plus riches en limon, en azote, en matière organique et avec un rapport C/N bas (inférieur à 10). Ces résultats suggèrent que, en plus de la lumière, certains paramètres du sol (comme la texture, teneur en azote, matière organique et rapport C/N) peuvent également conditionner la répartition naturelle de Prunus avium. Cette espèce semble préférer un sol riche en limon et en azote.

De nombreuses études mettent en évidence la relation entre l’azote, le pH, la matière organique, le rapport C/N et la répartition naturelle de certaines espèces d’arbres en forêts méditerranéennes (Russo et al., 2005; Potts et al., 2006; Jones et al., 2006). Dans leurs études sur l’étude de l’habitat écologique de Prunus avium en Espagne et en France, Gonzalez (2004) et Laurrieu et al. (2012) ont conclu que cette espèce était associée à un gradient de pH se situant entre 4,6 et 7,5. Cette espèce a été trouvée sur des sols riches en azote (0,11 à 0,84 %) et donc avec un rapport C/N entre 3,64 et 13,5). Cette espèce est très fréquente sur les sols à textures limoneuses ou limono-argileuses. Elle est très sensible au tassement et à une forte compacité du sol, elle préfère les sols bien structurés. Selon Castroviejo (1988), la relation C/N est relativement constante, aussi bien dans l’ensemble du profil, où elle oscille entre 9,0 et 19,5, qu’en surface où elle est légèrement plus élevée, oscillant entre 12,6 et 23,8. Malgré ceci, à cause des basses valeurs de pH, nous n’arrivons pas aux conditions optimales d’humification, c’est pourquoi l’humus est de type mull-moder.

CARACTÈRES BOTANIQUES DU MERISIER 

Le merisier est un arbre dont la hauteur peut osciller de 15 à 35 mètres (Figure 6). Il se développe tout seul dans les friches, où les oiseaux assurent facilement sa propagation. Le merisier (Prunus avium) appartient à la famille des rosacées et se nomme également «cerisier sauvage», «cerisier des oiseaux» et «guignier sauvage». Il s’agit d’un arbre vigoureux, à port légèrement pyramidal. Son tronc est droit, avec une tendance à s›élever pour chercher la lumière, d’où son aspect élancé. Son écorce est rugueuse, brillante et se détache par lanières horizontales. Ses feuilles caduques, de 12 à 13 centimètres de longueur, sont alternes, ovales, pendantes, dentées avec deux glandes à la base du limbe. En avril et avant le développement du feuillage, ses fleurs s’épanouissent en bouquets blancs sur un long pédoncule. Ses fruits, les merises (ou guignes), sont de petites drupes globuleuses rouges qui noircissent en mûrissant (Stoeckel, 2006; Jdaidi, 2016).

PHENOLOGIE DU MERISIER

Un suivi de la phénologie du merisier au nord ouest tunisien a été effectué durant la campagne 2011/2014. Notons que le début de feuillaison varie avec les années d’observations, il se situe aux alentours du 20 mars (2011), 10 mars (2012), 8 mars (2013) et 15 mars (2014). La feuillaison a atteint son maximum au cours de la période 15 mai avec un maintien jusqu’à la fin d’août durant la période d’observation. On note une période de chute partielle des feuilles à partir de 20 septembre. Cette défeuillaison se poursuit jusqu’à début novembre, date à laquelle moins de 8 % des individus du merisier porte encore leurs feuilles (Jdaidi et Hasnaoui, 2016; Jdaidi et Hasnaoui, 2017c).

Les mêmes auteurs ont montré que les boutons floraux au niveau du nord ouest tunisien s’ouvrent au cours des mois de mars-avril. La durée de la floraison de cette espèce au cours de cette période d’observation (2011-2014) pourrait être très courte. Durant les années d’observations, le pourcentage d’individus ayant des fleurs au niveau des stations de Tabarka augmente du 15 mars et atteint son optimum au mois d’avril à partir duquel il décroît jusqu’à sa valeur minimale au début du mois de mai.

La floraison du merisier est précoce, elle arrive au terme d’une phase hivernale de dormance, correspondant à la satisfaction des besoins en froid, suivie d’une phase de réactivation des tissus, correspondant à la satisfaction de besoins en chaleur. Ces besoins en froid et en chaleur sont considérés comme stables. Le merisier commence à fleurir à température moyenne journalière supérieure à 9°C (Itikava, 1965).

La fructification a été très importante (durant la période juin et juillet) a débuté pendant la fin avril ± 5 jours, s’est poursuivie jusqu’au mois d’août durant la période d’observation. On constate une réduction du taux de fruits par rapport au taux de floraison au niveau des stations d’observations durant la période d’observation 2011-2014. Cette réduction peut être expliquée par l’influence des facteurs environnementaux (vent, gelées tardives) (Jdaidi et Hasnaoui, 2016). La fructification du merisier est extrêmement rapide puisque terminée environ deux mois après la fécondation, ce qui laisse d’ailleurs supposer qu’il y a une mobilisation importante d’éléments nutritifs dont une grande partie doit provenir des réserves de l’arbre. A partir de la véraison, stade où le fruit change de couleur, le fruit évolue vers sa maturité (Ulrich, 1952). La phénologie est liée à la disponibilité en eau, les pluies irrégulières combinées avec une hausse de la température en été accentuent fortement le stress hydrique estival durant la saison d’été, qui se traduit par l’augmentation de l’intensité de la chute des fruits.

INTÉRÊT DU MERISIER 

D’après Robbe (2005), les merises sont des petits fruits de couleur pourpre-sombre. Ils sont comestibles mais amers. La domestication de l’espèce a privilégié des fruits plus gros, moins amers et plus sucrés (bigarreaux et guignes). Les merises sont très appréciées «nature», en confiture, en tartes etc. Elles sont également utilisées en distillerie pour la fabrication de kirsch. La merise est réputée comme diurétique de par sa forte teneur en potassium. Elle est également riche en vitamines A, B et C et en sels minéraux (potassium, sodium, magnésium, calcium, fer et phosphore). Les queues de merises présentent des propriétés diurétiques et astringentes. Les infusions de queues avec un bâton de cannelle, du sirop ou des pruneaux pour masquer le goût amer sont de vieux remèdes. Les mêmes auteurs on montré que les feuilles et les graines contiennent du cyanure d’hydrogène en faible quantité et ne peuvent donc faire aucun mal. En faible quantité, il est d’ailleurs connu pour stimuler la respiration et améliorer la digestion. En excès par contre, il peut créer une rupture respiratoire et même la mort. Selon Henon (2008), le merisier est une essence forestière recherchée pour la valeur commerciale de son bois de couleur brun rosé clair à jaunâtre, parfois utilisé en placage pour remplacer l’acajou ou d›autres bois précieux. Il est recherché en ameublement, tant en massif qu’en placages (meubles et sièges de style). Cette utilisation exige des arbres de belle conformation. L’importance de cette demande pour l’ébénisterie marginalise d’ailleurs les autres utilisations du bois (sculpture, tournage). Le merisier, comme tous les arbres fruitiers, offre un bois ayant de bonnes propriétés mécaniques (résistance à la compression, traction ou flexion); néanmoins, il présente un retrait moyen au séchage et peut être quelques fois assez nerveux. Nepveu (1992) a montré que le merisier présente un bois de cœur dont la coloration naturelle varie de miel clair à brun rougeâtre en passant par des teintes orangées. Quoiqu’assez dur, il se travaille bien à tous les niveaux de transformation: sciage, rabotage, ponçage, tournage, sculpture et tranchage. Son grain fin permet d’obtenir un poli apprécié en ébénisterie. Le merisier se confine à des usages intérieurs et c’est en mobilier qu’il acquiert ses lettres de noblesse, aussi bien en bois massif réservé aux fabrications haut de gamme, qu’en meubles plaqués où la production industrielle emploie de fines feuilles obtenues par tranchage de belles billes cylindriques de haute qualité: ces débits de quelques dixièmes de millimètres n’autorisent l’existence d’aucun défaut ni de quelque singularité que ce soit, aussi peut on leur reprocher leur caractère un peu impersonnel.

CARACTÉRISTIQUES TECHNOLOGIQUES DU BOIS DU MERISIER 

Une étude sur les caractéristiques du bois sur pied du merisier au nord oust tunisien réalisé par Jdaidi (2023) a montré que la densité moyenne des arbres est plus importante au niveau des stations de Tabarka qu’à celui des stations d’Ain Draham et est évaluée respectivement à 45 ± 3,6 arbres/ha et à 35 ± 1,1 arbres/ha. Les diamètres moyen et dominant des arbres sont respectivement évalués à 13,2 ± 5,6 cm et 32,2 ± 2,7 cm (stations Tabarka) et à 15,6 ± 5,5 cm et 42,1 ± 1,7 cm (stations Ain Draham). La hauteur totale moyenne des arbres est évaluée à 9,0 ± 3,6 m (stations Tabarka) et à 11,5 ± 1,6 m (stations Ain Draham). Quant à la hauteur dominante, elle est égale à 13,7 ± 1,9 m au niveau des stations d’Ain Draham et à 15,0 ± 1,1 m dans les stations de Tabarka. La hauteur marchande ou de découpe des arbres est plus importante dans les stations d’Ain Draham où elle est évaluée à 4,6 ± 2,5 m que dans les stations de Tabarka où les arbres n’ont qu’une hauteur de découpe estimée à 3,8 ± 1,9 m. Cette étude a montré que la moitié des pieds du merisier inventoriés sont droits (57 %). En revanche, les arbres à tiges avec courbures simples sont caractérisés par un taux de 28 % du nombre total des individus inventoriés. L’inclinaison ou la courbure basale des arbres du merisier est souvent liée au phénomène de pente et de déformation de la neige dans le jeune âge. Ainsi, les résultats obtenus ont a montré que seulement 40% des pieds comptés ont des tiges saines. En revanche, la plupart des pieds âgés de merisier (DHP > 30 m) sont affectés par un nombre de pourritures important (35%). On en conclue que cette espèce est tout particulièrement sensible aux blessures et aux pourritures du tronc. Au niveau de notre zone d’étude, il est très difficile de retrouver des merisiers sains, de gros diamètres et de bonnes dimensions.

En vue macroscopique, on observe du centre vers la périphérie: le duramen (foncé), l’aubier (plus clair) (Figure 7), tous deux formés de cernes concentriques et enfin l’écorce (Jdaidi et al., 2021a; Jdaidi et al., 2014). A cet effet, les résultats des essais sur les propriétés physiques et mécaniques du bois de merisier en Tunisie ont montré que les valeurs moyennes de la densité à 12% sont très rapprochées pour les deux stations de Hamdia (632 kg/m3) et de Tbeinia (627 kg/m3). Malgré les différences observées, les valeurs obtenues permettent de classer les bois étudiés comme bois léger (Keller, 1994). De même, les valeurs moyennes de la contrainte de rupture à la flexion statique (f) varient de 94,9 Mpa pour la population de Hamdia et 95,2 Mpa pour la population de Tbeinia (Figure 8). Selon l’échelle de classification suivante du bois à la flexion, seul le bois du merisier des deux populations a une résistance moyenne à la flexion (Keller, 1994). Les résultats de la même étude ont montré que les deux populations étudiées possèdent des bois à résistance à la rupture en compression axiale très proches (48,8 et 49,4 Mpa) (Figure 9), selon Keller (1994) ces valeurs classent les bois de cette espèce en bois à résistance en compression axiale moyenne.

CONCLUSION 

Les différents résultats obtenus au cours de cette étude permettent, d’une part, d’améliorer les connaissances sur l’habitat écologique, description botaniques, la phénologie, l’intérêt et les caractéristiques technologiques du bois du merisier en Tunisie et d’apporter des éléments de réponses aux questions concernant sa valorisation.

D’après les résultats des différents travaux d recherches obtenus, Prunus avium est caractérisé par une répartition spatiale agrégative. Cette agrégation varie selon les stations d’études, elle peut atteindre les 45 m. Cette agrégation est le résultat de la combinaison de facteurs environnementaux, topographiques, édaphiques, mode de multiplication et génétiques. La densité de Prunus avium est corrélée positivement avec l’altitude, l’exposition et la pente. Il préfère les sols à textures limono-argileuses. Des observations phénologiques effectuées durant la période (2011 à 2014) au nord-ouest tunisien, ont permis de déterminer la tendance générale des différents phénomènes phénologiques observés pour cette espèce. L’action des différents facteurs sur la date de réalisation des phénophases ont été abordée. La température et la photopériode sont généralement les principaux facteurs déterminant la régulation de la phénologie du Prunus avium. L’étude des propriétés technologiques du merisier a montré que cette espèce présente un duramen distinct dont la couleur variable se situe dans les teintes roses-orangées. C’est un bois homogène, le bois de printemps est plus riche en vaisseaux que celui du bois d’été. Mentionnons aussi que la maillure du bois du Merisier est assez visible du fait de la largeur assez importante de ses gros rayons ligneux. Ce type de bois peut être utilisé ainsi à des emplois nobles en menuiserie intérieure et en ébénisterie. Du point de vue de la rétractibilité, le merisier est relativement moyen, très proche du Chêne et de Frêne. Ce bois se scie, se tranche, s’usine et se ponce sans difficulté. Il est hors de doute que l’importance de la qualité du bois de merisier destiné à des usages particulièrement nobles devrait motiver un suivi attentif des plantations expérimentales qui se mettent en place en Tunisie.

Enfin, ce travail montre l’intérêt des études ciblées sur une espèce et son environnement, pour comprendre sa dynamique spatiale et en déduire des règles spécifiques de sylviculture. L’exemple de Prunus avium permet d’alimenter des réflexions plus générales sur la dynamique des écosystèmes au nord-ouest tunisien. Ces résultats constituent une base pour la compréhension du fonctionnement des forêts tunisiennes.

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