Résumé

La végétation contractée des plateaux de l’ouest du Niger subit des pressions anthropiques et climatiques qui menacent son existence, sa préservation et sa pérennisation. L’objectif de cette étude est d’évaluer l’état actuel de cette végétation, dans trois sites situés le long d’un gradient pluviométrique et d’anthropisation afin de déterminer lequel des facteurs, anthropique ou climatique, l’impacte le plus. Une enquête a été menée auprès des populations riveraines pour identifier les facteurs de pression. Sur chaque site, cinq (5) transects ont été choisis de façon aléatoire suivant la succession des bandes nues et bandes boisées. Huit (8) placettes de 2500 m2 ont été posées par transect, soit quarante (40) par site. Au total, 120 placettes ont servi à la collecte des données dendrométriques. Celles de la pluviométrie ont été acquises auprès de la Direction Nationale de la Météorologie du Niger. Les résultats montrent que la pression anthropique influe plus l’état de la végétation. De toutes les pressions anthropiques, la coupe du bois est celle qui pèse le plus sur cette végétation. Le gradient pluviométrique quant à lui détermine le dessèchement partiel et la mortalité sur pied. La préservation et la durabilité de ces formations végétales contractées doivent impérativement faire appel à de nouvelles politiques plus inclusives, intégrant tous les acteurs dans la préservation, la gestion et l’exploitation rationnelle des ressources.


Mots clés: Végétation contractée, anthropisation, gradient pluviométrique, Niger

INTRODUCTION

Au Sahel, ces dernières décennies, les écosystèmes ont connu des transformations progressives (Abdou et al., 2016). Parmi les changements, la conversion des formations ligneuses en zones agricoles et la surexploitation du bois sont les plus spectaculaires (Hamidou et al., 2012; Moussa, 2014; Idrissa et al., 2019). Cela a entraîné la modification des conditions écologiques, la structure, la conformation et la diversité floristique (Abel et al., 2019). L’influence anthropique sur l’évolution de la végétation constitue une source de menace pour la survie de nombreuses espèces utilitaires (Lykke et al., 1999; Hahn-Hadjali et Thiombiano, 2000) et accentue localement les causes de déséquilibre écologique. Au plan climatique, la région a connu des chocs de sécheresses qui ont contribué à la vulnérabilité des écosystèmes. Au Niger, particulièrement dans sa partie ouest, l’évolution paysagère s’est traduite par un recul important des formations végétales naturelles (brousses tigrées et steppes) au profit des paysages aménagés et sols dénudés (Issoufou et al., 2018). La variation de l’occupation des sols peut être liée à plusieurs facteurs dont les activités anthropiques et les aléas climatiques (Abel et al., 2019). La composition et la structure de la végétation ligneuse varient considérablement d’une localité à l’autre en fonction des facteurs environnementaux et des perturbations anthropiques (Lilian et al, 2000) qui agissent sur la conformation et déterminent l’état de la végétation. Des stratégies d’adaptation aux chocs ont été développées (Kiéma et al., 2012), mais la tendance n’est toujours pas inversée. Le besoin croissant en bois énergie consécutif à la croissance démographique et les avantages économiques tirés de la commercialisation du bois constituent les facteurs majeurs qui influencent la structure, la composition et le stock en bois de la végétation contractée des plateaux de l’ouest nigérien. La consommation annuelle totale en bois-énergie au Niger fluctue entre 2 et 3 millions de tonnes pour un chiffre d’affaires de 16 milliards de FCFA par an, avec 3,5 milliards pour la seule ville de Niamey, dont l’essentiel provient des formations contractées (Ichaou, 2004). Le bois représente plus de 83 % de l’énergie domestique consommée au Niger (Ministère des mines et de l’énergie, 2002).

Au Niger, les études antérieures sur la végétation contractée ont plus porté sur la dynamique, le fonctionnement, les paramètres édaphiques, la structure et la composition floristique. Les aspects liés à l’état de la végétation qui englobent le nombre de tiges par pied, le niveau d’exploitation, l’affectation de la forme des ligneux, le dessèchement partiel et la mortalité sont insuffisamment développés et /ou pas assez contextualisés, malgré leur importance dans le cadre d’une gestion efficiente et durable des écosystèmes. La présente étude a pour objectif d’étudier le niveau d’anthropisation et la durabilité des formations végétales contractées de l’ouest du Niger soumises aux pressions climatiques et anthropiques. A fin atteindre cet objectif, il est question de mieux appréhender les facteurs de pression et d’analyser les impacts climatiques et anthropiques sur ces formations végétales.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

La zone d’étude

L’étude a été réalisée dans les formations contractées des régions de Dosso et Tillabéry au Niger occidental. Dans cette partie du Niger, les plateaux constituent l’essentiel du paysage caractérisé des formations végétales contractées. La pluviosité moyenne varie de 350 mm à l’extrême nord au voisinage de la 15e parallèle à 800 mm à l’extrême sud (Ichaou, 2000). Afin de mieux appréhender l’état actuel de cette végétation, l’étude est conduite sur trois (3) sites disposés le long d’un gradient pluviométrique et d’anthropisation (Figure 1). Le plateau de Kouré, fortement anthropisé située dans la commune rurale de Kouré (Tillabéry) à la latitude 13°19′35″ N et la longitude 2°37′15″ E. Le plateau de Guittodo, moins anthropisé que celui de Kouré dans la commune rurale de Farey (Dosso) à la latitude 12°31’45’’N et la longitude 3°15’07’’E. La forêt classée de Gourou Bassounga partagée entre les communes de Gaya et Tanda (Dosso) à l’extrême sud-ouest du Niger à la frontière Niger-Bénin à la latitude 11°58′04″N et la longitude 3°22′48″ E.

Enquête sur les facteurs déterminants l’état actuel de la végétation

Afin de déterminer les facteurs qui peuvent être à la base de l’état actuel de la végétation, une enquête a été menée auprès des populations riveraines. Cette enquête a permis de disposer d’un maximum d’informations diversifiées sur la base du savoir local né d’une longue expérience sur la connaissance du milieu. Elle a porté sur les changements survenus dans l’état de la végétation et les facteurs déterminant ces changements. Pour éviter l’effet du groupe et recueillir le maximum d’informations diversifiées, les entretiens ont été individuels.

L’âge et la catégorie socioprofessionnelle (tradi-praticiens, bûcherons, forgerons, charbonniers, éleveurs, vendeurs) ont été les principaux critères de choix des répondants. Pour se faire, 25 personnes de plus de 30 ans d’âge (Figure 2) hommes et femmes ont été ciblées et enquêtées par site. Les principaux points abordés sont (i) la connaissance de la végétation contractée, (ii) les indicateurs d’état de la végétation et (iii) les facteurs qui déterminent cet état.

Extraction et calcul du NDVI et SPI

Les indices de différence normalisée de végétation ont été extraits dans les données en format HDF renfermant le NDVI, et les bandes (du visible et proche infrarouge). Pour se faire, l’algorithme Toolkit a été utilisé pour géo-référencer la végétation contractée. Les statistiques basiques des valeurs de NDVI ont été calculées grâce à la commande Quick statist sous ENVI. L’Indice Standardisé des Précipitations, ou en anglais Standardized Precipitation Index (SPI) (Mckee et al., 1993) a été calculé à travers la formule SPI= (Xi-Xm)/Si, où Xi est le cumul de pluie de l’année i, Xm et Si respectivement la moyenne et l’écart type des pluies annuelles observées pour une série donnée. Les valeurs d’index (Tableau 1) indiquent les détails sur l’humidité ou la sécheresse environnementale (Baggnian et al., 2021). Les données pluviométriques des communes de Kouré, Farey, Tanda et Gaya ont été obtenues à la Direction Nationale de la Météorologie du Niger. Le test de corrélation a permis de mieux apprécier le lien entre le SPI et le NDVI.

Relevé de la végétation

Pour prendre en compte la plus grande diversité du milieu, L’échantillonnage a été basé sur des transects aléatoires (Gounot, 1969). Sur chaque site, cinq (5) transects ont été choisis de façon aléatoire suivant la plus grande pente et la succession des bandes nues et bandes boisées. Des placettes rectangulaires de 100 m x 25 m ont été placées dans les bandes végétalisées perpendiculairement à celles-ci, comme recommandé par (SUN-UE, 2008) pour les formations contractées. Ce qui permet la prise en compte de la variation de la densité des ligneux (Thiombiano et al., 2016). Huit (8) placettes ont été posées par transect, soit quarante (40) par site. Au total 120 placettes de 2500 m2 ont servi à la collecte des données.

Traitement et Analyse des Données

Les données d’inventaire et celles collectées lors des enquêtes ont été saisies à l’aide du tableur Excel qui a servi au calcul et traçage des graphiques. Les données d’inventaire ont été utilisées pour calculer les paramètres suivants :

L’indice d’anthropisation: Il est égal au rapport entre le nombre d’individus adultes présentant au moins un dégât sur le nombre total d’individus dans le peuplement inventorié. Sont considérés comme dégâts anthropiques, les coupes (abattage, élagages, émondages, étêtage), les écorçages et les prélèvements de racine constatés au niveau de chaque individu inventorié du peuplement, exprimé en pourcentage. L’indice d’anthropisation est calculé par la formule suivante:

Ia= (Nombre d'individus présentant au moins un dégâts)/(Nombre total d'individus) x 100 (Biga et al., 2021)

Le nombre moyen de tiges par pied est le rapport entre le nombre total de tiges inventoriées et l’effectif total des pieds, exprimé en pourcentage. Il est calculé par la formule suivante:

TP = (Nombre total de tiges inventoriées )/(Effectif total des pieds du peuplement) x 100

Le taux d’exploitation par niveau (Tex) est le rapport entre le nombre total d’individus portant un niveau d’exploitation donné et l’effectif total du peuplement. Il est noté en appréciant l’ampleur du niveau d’exploitation à partir de la codification suivante: 0= pas de trace d’exploitation, 1= 1 trace, 2 = 2 traces, 3= 3 traces, 4 = 4 traces, 5 = plus de 4 traces.

Tex = (Nombre total d’individus portant un niveau d’exploitation donné )/(Effectif total du peuplement) x 100

Le taux d’affectation de la forme (Taf) est le rapport entre le nombre total d’individus dont la forme est affectée et l’effectif total du peuplement. Cette variable est notée à partir de la codification suivante: 1=forme normale, 2= forme affectée, 3= forme très affectée.

Taf = (Nombre total d’individus à forme affectée )/(Effectif total du peuplement) x 100

Le taux de dessèchement partiel est le rapport entre le nombre des individus partiellement desséchés et l’effectif total du peuplement (Elycée et al., 2015). Il est calculé à partir de la formule:

Tdp= (Nombre total d' individus partiellement desséchés)/(Effectif total du peuplement ) x 100

Le taux d’individus morts sur pied est le rapport entre le nombre d’individus morts sur pied et l’effectif total du peuplement (Elycée et al., 2015). Ce taux est calculé à partir de la formule:

Tmp = (Nombre de pieds morts)/(Effectif total du peuplement) x 100

Pour faire l’analyse statistique, les données ont été d’abord soumises au test de vérification de normalité. Ces dernières ne suivent pas une distribution normale et une transformation a été effectuée pour rechercher la normalité. Cette normalité n’étant pas toujours retrouvée, les tests de Kruskal-wallis et de Mann-Whitney ont été utilisés pour la comparaison des moyennes au seuil de significativité de 5%.

RÉSULTATS

Facteurs déterminants l’état actuel de la végétation contractée

Les résultats de l’enquête (Figure 3) montrent que 54% des personnes enquêtées de Kouré, 50% de Guittodo et 48% de Gaya et Tanda ont cité la coupe du bois comme facteur déterminant l’état actuel de la végétation contractée. Le défrichement pour l’extension et la création des nouveaux champs est cité par 24% des enquêtés à Kouré, 27 % à Guittodo et 22% à Gaya et Tanda et la péjoration des conditions climatiques à 17%, 16% et 14%. L’installation en saison des pluies des éleveurs qui exploitent le bois de feu destiné à la commercialisation et la confection d’abris temporaires est citée par 1% des enquêtés à Kouré, 4% à Guittodo et 3% à Gaya et Tanda contre 4%, 3%, et 3% pour les sécheresses des 30 dernières années. Le contrat de culture et le feu de brousse ne sont cités qu’à Gaya et Tanda avec des fréquences de citation respectives de 8% et 2%).

La coupe du bois, plus citée comme facteur déterminant l’état actuel de la végétation contractée dépend du type d’utilisation (Photos 1). Les résultats des enquêtes sur l’ensemble des sites investigués indiquent que l’exploitation du bois de feu contribue à 88,7% et la confection des (hangars, clôture, abris temporaire des éleveurs, écorçage) et l’artisanat à (11,2%).

Impacts du climat

L’analyse de l’Indice Standardisé des Précipitations calculé à partir d’une série chronologique des précipitations sur 23 ans (Tableau 2) montre que, la commune de Kouré (Plateau de Kouré) a connu 1 an de sécheresse extrême, 4 ans de forte sécheresse, 8 ans de sécheresse modérée, 6 ans d’humidité modérée, 2 ans de forte humidité et 2 ans d’humidité extrême. Celle de Farey (Plateau de Guittodo) a connu 1 an de sécheresse extrême, 5 ans de forte sécheresse, 7 ans de sécheresse modérée, 8 ans d’humidité modérée, 3 ans de forte humidité et 1 an d’extrême humidité. Gaya (Forêt classée de Gorou Bassounga) a connu 1 an de sécheresse extrême, 5 ans de forte sécheresse, 6 ans de sécheresse modérée, 7 ans d’humidité modérée, 1 an de forte humidité et 3 ans d’extrême humidité. Les années de sécheresse 12 à 13 ans selon la commune ont été plus fréquents que les années humides (10 à 12). L’indice de végétation (NDVI) qui a des valeurs théoriques extrêmes comprises entre -1 (pas de végétation) et 1 (végétation très dense) (Baggnia et al., 2021) est resté positif même durant les années d’extrême sécheresse. Le test de corrélation (Tableau 2) fait ressortir une corrélation positive entre le SPI et NDVI avec un coefficient de corrélation plus élevé sur le plateau de Guittodo (0,46) suivi du plateau de Kouré (0,15) et la forêt classée de Gorou Bassounga (0,09). Ces valeurs positives indiquent que ces deux indices (SPI et NDVI) évoluent dans le même sens. Ces résultats montrent que l’indice standardisé de précipitation (SPI) influence positivement l’indice de végétation (NDVI). Cependant, cette influence n’est pas significative sur le plateau Kouré et la forêt classée de Gorou Bassounga (P>0,05) (Tableau 2). Par contre sur le plateau de Guittodo, le SPI influence significativement le NDVI (P<0,05).

Impacts de la pression anthropique

Indice d’anthropisation, densités et nombre moyen de tiges par pied

L’analyse des résultats (Tableau 3) montre que le nombre moyen de tiges par pied croit du plateau de Kouré à la forêt classée de Gorou Bassounga suivant le gradient pluviométrique. En effet, il varie de 3,25 ± 1,57 tiges/pied sur le plateau de Kouré, 4,32 ± 2,89 tiges/pied sur le plateau de Guittodo et 6,15 ± 4,28 tiges/pied dans la forêt classée de Gorou Bassounga avec différence significative (P<0,025) au seuil de 5%. La densité totale et celle d’individus ayant au moins un dégât sont respectivement de 550,1 ± 55,9a et 481,3 ± 49a pieds/ha sur le plateau de Kouré, 1247,9 ± 47,2 b et 943,4 ± 35,7b pieds/ha sur le plateau de Guittodo et 1632,9 ± 55,6b et 1018,9 ± 34,8b pieds/ha dans la forêt classée de Gorou Bassounga. Ces densités présentent aussi une différence significative avec (p˂ 0,035) pour la densité totale et (p ˂ 0,030) pour les individus ayant au moins un dégât, au seuil de 5%. Cependant, ces trois paramètres diminuent lorsque l’indice d’anthropisation est plus élevé. Cet indice est de 87,5% sur le plateau de Kouré, 75,6% sur le plateau de Guittodo et 62,4 % dans la forêt classée de Gorou Bassounga avec une différence significative entre les trois sites au seuil de 5%.

Taux d’exploitation par niveau de dégâts

L’analyse des résultats (Figure 4) révèle que le taux d’individus n’ayant aucune t race d’exploitation et celui d’individus ayant une seule trace d’exploitation croissent du plateau de Kouré à la forêt classée de Gorou Bassounga, mais diminuent avec le niveau d’anthropisation. Ces taux sont respectivement de 12,5% et 8,6 % sur le plateau de Kouré, 24,4% et 15,9% sur le plateau de Guittodo et 37,6% et 29,8% dans la forêt classée de Gorou Bassounga. Les taux d’individus ayant deux, trois, quatre et plus de quatre traces d’exploitation prédominent sur le plateau de Kouré avec (33,8%, 23,4% et 15,0 % et 6,74%) suivi du plateau de Guittodo (27,7 %, 18,0 % et 11,6% et 2,35%) et la forêt classée de Gorou Bassounga (16,9 %, 10,3 % et 4,41% et 1,05%) avec une augmentation suivant le niveau d’anthropisation.

Le taux d’exploitation exprime le degré d’anthropisation à travers la pression exercée par l’homme sur les ligneux (Photo 2). Son ampleur est exacerbée par le type d’utilisation du bois qui varie d’un site à l’autre en fonction des considérations socio-économique et culturelle.

Taux d’affectation de la forme

Le taux d’affectation de la forme des ligneux est la résultante surtout des actions de l’homme sur les ligneux. L’examen des résultats (Figure 5) montre que 57,6% des ligneux ont la forme normale sur le plateau de Kouré, 67,1% sur le plateau de Guittodo et 83,0% dans la forêt classée de Gorou Bassounga. Ce taux augmente avec le gradient pluviométrique et régresse avec le niveau d’anthropisation. Le taux d’individus dont la forme est peu affectée est de 36,7% sur le plateau de Kouré, 28,7% sur le plateau de Guittodo et 14,5% pour la forêt classée de Gorou Bassounga. Le taux des ligneux dont la forme est très affectée est de 5,76% pour le plateau de Kouré, 4,14 % pour le plateau de Guittodo et 2,46% pour la forêt classée de Gorou Bassounga.

Taux de dessèchement partiel et Taux d’individus morts sur pied

Les taux de dessèchement partiel et d’individus morts sur pied permettent d’apprécier l’état sanitaire actuel du peuplement. Les résultats (Figure 6) montrent que le taux de dessèchement partiel régresse suivant le gradient pluviométrique croissant et augmente avec le niveau d’anthropisation. Il est de 2,64% sur le plateau de Kouré, 1,72% sur le plateau de Guittodo et 1,15% dans la forêt de Gorou Basounga. Le taux de mortalité sur pied ne suit pas systématiquement le gradient pluviométrique ou le niveau d’anthropisation. Il est plus élevé sur le plateau de Guittodo (0,009%), suivi de la forêt de Gorou Bassounga (0,004%) et le plateau de Kouré (0,0024%).

DISCUSSION

L’analyse des résultats d’enquête révèlent que les trois sites étudiés subissent de coupes plus que les autres types de pression. Des résultats similaires ont été rapportés par (Biga et al., 2021) dans les parcs agroforestiers des communes de Tagazar, Gothèye et Toro dans l’ouest du Niger. Les résultats sur l’indice d’anthropisation montrent une forte pression anthropique dans les trois sites, mais à des degrés divers. La densité, le nombre moyen de tiges par pied et le nombre d’individus ayant au moins un dégât augmentent suivant le gradient pluviométrique. Ces résultats confirment ceux d’Elise et al. (2022) qui rapportent que les plantes, grâce à leur plasticité phénotypique mettent en place par accommodation des réponses aux contraintes environnementales. Cependant, ces paramètres diminuent lorsque l’indice d’anthropisation croit. On note une différence significative pour la densité, le nombre moyen de tiges par pied et le nombre d’individus ayant au moins un dégât. L’indice d’anthropisation qui est de 87,5% sur le plateau de Kouré, 75,6 % sur le plateau de Guittodo et 62,4% dans la forêt Classée de Gorou Bassounga sont légèrement au-dessus de ceux de Biga et al. (2021) qui ont trouvé, 86,6 % à Torodi, 74,7% à Tagazar et 64,9% à Gothèye dans les parcs agroforestiers. Ces différences sont dues au fait que les plateaux dominés par les combrétacées sont plus anthropisés que les parcs agroforestiers à cause de la plus grande disponibilité du bois et sa qualité. En effet, tous les trois sites étudiés ont un indice d’anthropisation supérieur à 60%. Le facteur d’anthropisation le plus constaté sur les ligneux est la coupe et ceci sur l’ensemble des sites d’étude. Cette situation pourrait s’expliquer par le fait que les sites font partie du bassin d’approvisionnement en bois d’énergie des villes de Niamey, Dosso, Gaya et Malanville au Bénin. Le taux d’exploitation sont comparables ou largement au-dessous de ceux trouvés par Elycée et al. (2015) au Burkina Faso, est de 8,6 % dans les inselbergs et 12,3 % aux environs selon le niveau de dégât. En effet le taux d’individus n’ayant aucune trace et celui d’individus ayant une seule trace d’exploitation sont plus élevés dans les milieux le moins anthropisé. Par contre, le taux d’individus ayant plus plusieurs traces (deux, trois, quatre et plus de quatre) sont plus élevés sur les plateaux de Kouré et Guittodo plus anthropisés. Ceci confirme les résultats d’Ali (2009) qui soutient que dans les zones anthropisées, la plupart des pieds rencontrés sont coupés. Les taux élevés des pieds sans trace d’exploitation et avec une seule trace d’exploitation, et la faible proportion de pieds ayant plus de quatre traces dans la forêt classée de Gorou Bassounga s’explique par son statut de forêt classée. Ces résultats, dus au statut du site, traduisent l’importance de la protection, la préservation et la conservation des ressources forestières, contrairement aux mauvaises pratiques d’exploitation qui selon Adjonou et al. (2010) impactent considérablement la durabilité des ressources. Mais l’exploitation du bois est omniprésente sur les trois sites étudiés et se fait aux mépris des principes d’aménagement forestier durable avec un risque évident de dépérissement des peuplements. Nos résultats sont similaires à ceux de Rabiou (2016) qui, dans la même zone notifie que dans les peuplements naturels de Pterocarpus erinaceus, le prélèvement sélectif menace dangereusement le devenir des peuplements naturels. Sur ces deux plateaux, l’essentiel des pieds ont au moins une trace d’exploitation. D’une part, cette situation est aussi liée à une exploitation anarchique née d’un dysfonctionnement des Structures Locales de Gestion (SLG) de marchés ruraux dont la création s’est accompagnée de l’établissement de normes techniques d’exploitation du bois pour assurer la gestion durable des écosystèmes forestiers (Peltier et al., 1994). Aussi, les mesures de contrôle administratif s’amenuisent de plus en plus. Le taux de contrôle, jadis très faible a atteint 25% en 2000 puis rabaissé à 18% en 2002 (Ichaou, 2004). D’autre part, ces faits s’expliquent par l’utilisation pour la confection des clôtures, hangars et abris temporaires et en artisanat pour la fabrication des petits objets (lit, chaise, table, panier). Tous ces résultats corroborent ceux d’autres auteurs (Baggnian et al., 2013; Abdou et al., 2014) qui soutiennent que certains facteurs de pression anthropique comme la création des marchés de bois, l’insécurité alimentaire, le vol de bois, les coupes frauduleuses, les tradi-praticiens, les éleveurs locaux, les transhumants, les cordonniers, le manque de leadership de certains chefs de village, les bûcherons et la vente d’arbre vivant étaient à la base ce type de phénomène. Cette surexploitation des ressource ligneuses dans ces sites traduit une gestion anarchique qui, selon Louppe et al. (1994), conduirait à coup sûr à un amenuisement du potentiel des espèces exploitées. Malgré l’intérêt économique tiré, il faudrait éviter un problème d’épuisement et de dépérissement des ressources forestières pour satisfaire les besoins de plus en plus croissants en bois-énergie. L’appréciation de la forme et l’état sanitaire des sujets est très importante dans tout inventaire. Elle permet de connaître les proportions de l’état des différents individus (sain, malade ou mort) en vue d’une bonne gestion des stocks (Thiombiano et al., 2016). En effet, la forme des ligneux permet d’apprécier la conformation des individus et d’espèces. Nos résultats montrent que les taux d’individus dont la forme est peu affectée et ceux dont la forme est très affectée sont respectivement de (36,7% et 5,76%) sur le plateau de Kouré, (28,7% et 4,14%) sur le plateau de Guittodo et (14,5% et 2,46%) dans la forêt classée de Gorou Bassounga. Il en est de même pour le taux de dessèchement partiel qui est de 2,64% sur le plateau de Kouré, 1,15% sur le plateau de Guittodo et 1,72% dans la forêt classée de Gorou Basounga. Le taux de mortalité sur pied ne suit systématiquement ni le gradient pluviométrique ni le niveau d’anthropisation. Il est plus élevé sur le plateau de Guittodo (0,009%), suivi de la forêt classée de Gorou Bassounga (0,004%) et le plateau de Kouré (0,0024%). Nos résultats sont en inférieurs à ceux de Biga et al. (2021) qui ont obtenu un taux de mortalité de 6% dans un parc agroforestier à Tagazar. Elycée et al. (2015) ont trouvé des taux de dessèchement partiel (12,5 %) et de mortalité (4,23 %) largement supérieurs à nos résultats dans les inselbergs du sahel burkinabé. Ces différences s’expliquent par le vieillissement du parc agroforestier et le déracinement fréquents dans les inselbergs. Aussi nos sites étant plus anthropisés, les sujets trouvés morts ou avec des signes de dessèchement sont systématiquement exploités. Les taux d’affectation de la forme et de dessèchement partiel sont élevés sur les sites les plus anthropisés et diminuent avec le gradient pluviométrique. Ce gradient semble favoriser la conformation des ligneux en ce sens qu’ils ont tendance à mieux régénérer après les coupes et reprendre leur forme initiale plus facilement en milieu mieux arrosé qu’aride. Sur les plateaux de Kouré et Guittodo plus anthropisés, l’exploitation anarchique a perturbé la conformation naturelle globale du peuplement et des sujets exploités. Ce phénomène compromet les bases d’une gestion efficiente en modifiant les informations sur la forme des ligneux qui, selon Thiombiano et al. (2016), sont capitales pour identifier les sujets à prélever et ceux à conserver pour assurer des peuplements meilleurs au plan architectural. L’évaluation de la mortalité permet de détecter des problèmes sylvicoles, écologiques, sanitaires et adapter des techniques de gestion appropriées (Thomas, 2010). Les résultats de la forêt classée de Gorou Bassounga pourraient s’expliquer par la forte humidité qui crée des conditions favorables au développement et à l’émergence des vecteurs et germes de maladies préjudiciables pour la santé des plantes. Le faible taux d’individus morts sur pieds sur le plateau de Kouré pourrait s’expliquer par la forte présence humaine qui accentue le ramassage du bois mort.

CONCLUSION

Cette étude a permis de comparer les paramètres d’état de la végétation contractée de l’ouest du Niger sur trois sites situés le long d’un gradient pluviométrique et d’anthropisation. Ces paramètres diffèrent en fonction des conditions spécifiques à chaque site. Ces sites subissent des pressions qui risquent de compromettre leur état et leur durabilité. Parmi ces pressions, l’étude fait ressortir la pression humaine au centre de la dégradation de ces écosystèmes. La coupe de bois, notamment le bois énergie, est le principal facteur qui compromet le plus la densité, la configuration, la structure de ces formations. La situation est compromettante sur l’ensemble des sites étudiés, mais plus alarmante sur le plateau de Kouré plus anthropisé suivi de celui de Guittodo. Elle est plus viable dans le site de Gorou Bassounga à statut de forêt classée. Il s’avère impératif de développer de nouvelles stratégies intégrant tous les acteurs (populations riveraines, structures locales de gestion, exploitation du bois, revendeurs, tradi-praticiens, municipalités, autorités coutumières, services techniques) dans la préservation de ces reliques de végétation contractées. Des mesures telles que le contrôle forestier, la sensibilisation, la création des activités génératrices de revenu doivent être renforcées dans la zone pour une prise de conscience générale facilitant une gestion basée sur une exploitation rationnelle des ressources.

RÉFÉRENCES

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