Résumé

Face à la baisse progressive de la fertilité des sols et les effets néfastes des changements climatiques sur les activités agricoles, l’intégration des systèmes de production végétales et animales constitue l’un des moyens permettant aux agriculteurs et aux éleveurs d’améliorer considérablement la qualité des sols à partir des déjections animales et de nourrir les animaux à partir des sous-produits agricoles. La présente étude, conduite sur un échantillon de 160 producteurs sélectionnés aléatoirement, vise à appréhender les facteurs déterminants de l’adoption de la pratique d’intégration des systèmes de production cultures-élevage au Nord du Bénin. Cette étude a été dans les communes de Bembèrèkè et de Sinendé. Les données collectées ont été analysées sur la base de statistiques descriptives, de modèle logit et du text ANOVA. Les résultats de terrain ont révélé trois catégories de systèmes mixtes cultures-élevage dans les communes d’étude dont le système «Agriculture dominante - Élevage» qui est le plus développé dans la commune de Bembèrèkè contrairement à la commune de Sinendé où le système dominant est «Élevage - Agriculture de subsistance» et enfin le système «Codominance Élevage - Agriculture». Par ailleurs, les facteurs qui influencent le choix de l’un des différents systèmes mixtes cultures-élevage sont les changements climatiques, la disponibilité des ressources fourragères, les pressions anthropiques et la taille du cheptel bovin. Les systèmes de production mixtes cultures-élevage apparaissent comme un excellent moyen d’adaptation des agriculteurs et des éleveurs aux effets néfastes des changements climatiques au Nord du Bénin. La prise en compte de ces résultats dans une politique d’accompagnement des agriculteurs et des éleveurs renforcerait les différentes options d’adaptation des producteurs et permettrait une gestion durable des ressources agricoles et pastorales.


Mots clés: Intégration, cultures-élevage, changements climatiques, Bembèrèkè, Sinendé, Bénin

INTRODUCTION

La production agricole est d’une grande importance pour la croissance économique des pays en développement et pour la sécurité alimentaire dans le monde. Pour la Banque Mondiale (2018), l’agriculture est la principale source de revenu de 80 % de la population pauvre dans le monde. Comme dans les autres pays de l’Afrique subsaharienne, au Bénin, cette production occupe environ 70 % de la population active et contribue à 33 % au PIB (PSDSA, 2017) en fournissant environ 75 % des recettes d’exportation et 15 % des recettes de l'État (MAEP, 2018). Ce qui justifie son importance dans le développement économique du Bénin.

Cependant le secteur agricole subit des transformations majeures au cours des dernières années suite aux effets néfastes de la dégradation des sols, de la biomasse et de l’eau (Bénagabou et al., 2017). Ainsi, la pression croissante des populations rurales sur les ressources naturelles, l’accentuation des aléas climatiques et les capacités d’investissement limitées des exploitations familiales ont contribué progressivement à une dégradation des agrosystèmes tropicaux et méditerranéens (Dugué et al., 2015). Ces dégradations engendrent une baisse de la quantité de nutriments et de matières organiques avec comme séquelle l’appauvrissement de la fertilité des sols, représentant ainsi l’une des causes profondes qui contribue d’une part au ralentissement de la croissance de la productivité agricole et d’autre part de l’insécurité alimentaire continue en Afrique subsaharienne (FAO et ITPS, 2015). Pour ProSol (2016), environ 2,2 millions d’hectares de terres agricoles se sont dégradées, soit 19 % du territoire national béninois et 21 % de la superficie de forêts détruite en 10 ans au profit des terres agricoles et des habitations qui ne sont que le résultat des impacts de la dégradation des sols. La production de coton, la déforestation, ainsi que les pratiques agricoles inadéquates, mènent à une perte de matière organique par érosion et sur minéralisation, avec pour conséquence la recherche permanente des terres forestières plus fertiles par les producteurs agricoles (Assogba et al., 2017).

Dans un tel contexte, les producteurs développent des stratégies ou technologies de conservation du sol, de l’eau et de restauration de la fertilité des sols pour freiner la dégradation des sols, réhabiliter les sols dégradés et contribuer ainsi à améliorer la productivité des cultures à l’échelle des exploitations agricoles (Bossuet et Vadez, 2016). Dans la même logique, plusieurs projets/programmes tant nationaux qu’internationaux ont promu et mis en œuvre des mesures de gestion durable des terres (GDT) afin de protéger, réhabiliter les terres agricoles (Nkonya et al., 2016). La gestion durable des terres constitue un moyen important pour accroître la productivité et améliorer la sécurité alimentaire (Adébiyi et al., 2019; Kohio et al., 2017).

Au Bénin, les mesures de la Gestion Intégrée de la fertilité des Sols (GIFS) restent les plus vulgarisées par les services de conseils agricoles et les différents projets et programmes de protection de l’environnement (Adékambi et al., 2021). Cette gestion durable des terres englobe plusieurs gammes de technologies comme l’agroforesterie, l’association et la rotation culturales et les technologies de lutte antiérosive mis en lumière dans les travaux de Yabi et al. (2016). Le processus d’intégration entre les activités agricoles et d’élevage, constitue donc l’un des moyens permettant d’améliorer l’exploitation des ressources (Vall et al., 2011). Néanmoins, il est noté une faible adoption au Nord-Bénin des modèles agronomiques, dont l’intégration de l’élevage à l’agriculture qui pendant longtemps a été considéré comme amélioratrice de la performance des exploitations (Afouda et al., 2020). Pour contribuer à l’amélioration du taux d’adoption de ces pratiques, il est crucial d’identifier les facteurs déterminants de l’adoption des systèmes de production mixtes cultures-élevage sur lesquels il faut agir. La présente étude se propose donc d’appréhender les différents facteurs déterminants de l’adoption des systèmes de production mixtes cultures-élevage dans les communes de Bembèrèkè et de Sinendé au Nord du Bénin.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Milieu d’étude

La présente étude a été conduite dans les communes de Bembèrèkè et de Sinendé au Nord du Bénin (Figure 1). Les communes d’étude sont situées dans le département du Borgou, entre 10°06’00’’et 10°36’00’’ latitude nord et entre 2°06’00’’et 3°06’00’’ latitude Est. Elles sont limitées au nord par la commune de Gogounou, à l’ouest par la commune de Pehunco, à l’est par la commune de Kalalé et au sud par les communes de N’Dali et Nikki.

La zone d’étude s’étend sur une superficie de 5637 km2 soit 21,8 % de la superficie du département du Borgou et 4,91 % du territoire national. En outre, la zone d’étude est caractérisée par un climat de type soudano-guinéen avec deux saisons: une saison pluvieuse s’étendant d’avril à octobre et une saison sèche allant de novembre à mars, avec des hauteurs d’eau annuellement enregistrée entre 1.000 mm et 1.200 mm (Kora, 2006 ; Djohy et al., 2016). L’amplitude thermique de la commune de Sinendé est de 5 °C avec une température moyenne au cours de l’année qui varie entre 24,2 °C en septembre et 29,5 °C au mois de mars (Djohy et al., 2016). Ce climat favorise la production agricole ainsi que l’élevage. La végétation est de type soudano-guinéen faite de savane boisée avec vestige de forêts le long des cours dégradés par endroit par l’Homme (Kora, 2006). Les sols sont de type ferrugineux tropicaux peu lessivés hydromorphes (29,5 %) et ferrugineux tropicaux lessivés à concrétions (25,4 %). Ces sols conviennent aux cultures de l’igname, du maïs, de l’arachide et du niébé, qui représentent les spéculations les plus cultivées dans la région (Djohy et al., 2016; Pouya, 2013).

Collecte des données

L’approche méthodologique adoptée dans le cadre de cette étude consiste en la collecte des données auprès des agriculteurs et des éleveurs des communes de Bembèrèkè et de Sinendé au Nord du Bénin. Les investigations de terrain sont portées sur 160 producteurs choisis suivant une méthode d’échantillonnage non probabiliste (boule de neige) par convenance dans les deux communes d’étude. Cette méthode d’échantillonnage a été utilisée vu qu’il n’existe pas une liste exhaustive des producteurs adoptant les systèmes de production mixtes cultures-élevage dans les communes d’étude. Pour constituer cet échantillon des critères ont été définies: avoir au moins 30 ans; résider dans les communes d’étude depuis 10 ans et pratiquer les systèmes de production mixtes cultures-élevage. Ces critères ont été définis afin d’identifier des producteurs maîtrisant la zone d’étude et ayant une expérience avérée dans la production mixte culture-élevage. L’entretien individuel a été la technique utilisée dans le cadre de l’étude et a été réalisé à travers un questionnaire standardisé conçu sur une plateforme digitale KoboToolbox. Par ailleurs, quatre (04) focus groupes de sept personnes en moyenne ont été organisés avec les producteurs adoptant les systèmes de production mixtes cultures-élevage et ont permis de compléter et de confronter les diverses informations recueillies à partir des questionnaires lors des entretiens individuels.

Analyse des données

Dans le cadre des études d’adoption des innovations agricoles, il est utilisé souvent les deux principaux modèles de régression logistique qui sont le logit et le probit (multi nominaux ou uni-varié selon le nombre de variables dépendantes) (Afouda et al., 2020). Ils sont d’ailleurs très proches du point de vue des caractéristiques et ne présentent pas de différence significative en ce qui concerne la qualité des estimations faites. Dans le cadre de cette étude, vu que les producteurs ne peuvent adopter plusieurs formes de système de production mixte à la fois, le modèle choisi est le logit. Ce modèle a permis d’identifier les facteurs qui influencent l’adoption des systèmes de production mixtes cultures-élevage dans les communes de Bembèrèkè et de Sinendé au Nord du Bénin. Dans ce modèle, on définit une variable y comme suit:

yi = α + xi β + εi

où yi représente l’intérêt tiré par le producteur de son engagement dans le choix d’adoption d’une forme de système de production mixte; xi est une variable qui peut influencer la pratique d’adoption des systèmes de production mixtes cultures-élevage; β les coefficients associés aux différentes variables du modèle et εi l’erreur associée à la variable.

La variable yi n’étant pas observable, il est nécessaire de générer une variable observable exprimant le choix d’une stratégie par l’exploitant: y = 1, si le producteur adopte une forme de système de production mixte, y = 0, si le producteur n’utilise pas cette forme de système de production mixte. Ainsi, vu que les exploitants ne peuvent adopter plusieurs formes de système de production mixte à la fois, trois régressions ont été faites en fonction des formes de systèmes de production mixtes cultures-élevage qui sont identifiées sur le terrain. L’estimation des coefficients α et β dans la régression a été faite par la méthode du maximum de vraisemblance (Salé et al., 2014). Le tableau 1 présente les variables dépendantes impliquées dans les estimations des modèles.

De ce tableau 1, il est remarqué que les variables dépendantes incluses dans les modèles estimés sont toutes binaires. Les différentes variables indépendantes utilisées dans l’estimation du modèle logit sont décrites dans le tableau 2.

Les variables indépendantes utilisées dans l’estimation du modèle sont binaires ou continues ou catégorielles. Par ailleurs, les données collectées ont été traitées et analysées avec les logiciels STATA 13 et SPSS 21. Ces logiciels ont servi à la réalisation des diagrammes, la modélisation et aux calculs des indices statistiques.

RÉSULTATS

Caractéristiques socio-économiques des enquêtés

Le tableau 3 présente les caractéristiques socio-économiques des producteurs enquêtés dans les communes de Bembèrèkè et de Sinendé au Nord du Bénin.

Les enquêtés dans la commune de Bembèrèkè sont tous des hommes mariés, praticiens de la religion musulmane (98%). Parmi eux, 71 % sont des Gando contre 25 % et 4 % qui sont respectivement de la communauté Bariba et Peule. Ils sont majoritairement (63 %) non alphabétisés. Dans la commune de Sinendé par contre, plus de la moitié sont des hommes mariés dont 20 % sont des Bariba, 28 % sont des Gando et 52 % des Peuls. 93 % de ces enquêtés sont de la religion musulmane contre 7 % qui sont des chrétiens. Comme dans la commune de Bembèrèkè, 63 % sont non alphabétisés dans la commune de Sinendé. Du tableau 3, l’âge moyen des producteurs enquêtés est de 36 ans dans la commune de Bembèrèkè et de 40 ans dans la commune de Sinendé. La taille moyenne du cheptel dans la commune de Bembèrèkè est supérieure à celle de la commune de Sinendé, soit 47 ± 32 contre 36 ± 26. La superficie emblavée en moyenne dans la commune de Bembèrèkè est de 11 ± 14 hectares contre 13 ± 14 hectares dans la commune de Sinendé. Le nombre d’années d’expériences des enquêtés dans le domaine de la production agricole varie d’une commune à une autre. Ainsi, les enquêtés de la commune de Bembèrèkè ont en moyenne une ancienneté de 23±12 ans contre 14 ± 9 ans dans la commune de Sinendé.

Systèmes de production mixtes cultures-élevage

Les investigations de terrain ont révélé que les caractéristiques des systèmes de production mixtes cultures-élevage varient d’un enquêté à un autre. Ce qui a contribué à la classification des systèmes de production mixtes cultures-élevage en trois catégories. Le tableau 4 présente cette classification des systèmes de production mixtes cultures-élevage.

Il ressort du tableau 4, trois catégories de systèmes de production mixtes dans les deux communes d’étude. Il s’agit des systèmes de production mixtes «Agriculture dominante - Élevage - Agriculture de subsistance» et «Codominance Élevage - Agriculture». Il est observé du tableau 4 que le système «Agriculture dominante - Élevage» est plus adopté (68 %) dans la commune de Bembèrèkè contrairement à la commune de Sinendé où le système dominant est «Élevage - Agriculture de subsistance» (66 %). Le système de production mixte de «Codominance Élevage - Agriculture» est partagé entre les deux communes d’études. L’analyse des correspondances multiples effectuée sur la matrice des données issues des enquêtes de terrain révèle comment les variables sont dispersées et la discrimination de l’information contenue dans la matrice. Le modèle est expliqué à 78,3 % en dimension 1 et à 50 % en dimension 2. La valeur de l’indice d’alpha de Cronbach au niveau de la dimension est proche de 1. Ce qui justifie qu’en dimension première, l’ensemble des éléments est homogène. Les systèmes de production mixtes «Agriculture dominante - Élevage» et «Élevage - Agriculture de subsistance» sont plus développés dans les communes de Bembèrèkè et de Sinendé au Nord du Bénin.

Par ailleurs, en comparant les variables quantitatives (taille du troupeau, taille du ménage et superficies emblavées) par système de production mixte, il est constaté que la taille moyenne du cheptel des producteurs adoptant «Agriculture dominante - Élevage» est inférieure à celle des producteurs adoptant «Codominance Élevage - Agriculture» et «Élevage - Agriculture de subsistance». Par contre en comparant les superficies emblavées, il est observé que l’emblavure moyenne des producteurs adoptant «Codominance Élevage - Agriculture» et «Élevage - Agriculture de subsistance» est inférieure à celle des producteurs adoptant «Agriculture dominante – Élevage».

Il ressort du tableau 5 que la superficie emblavée et la taille du cheptel constituent les facteurs de classification des types de systèmes dans les communes de Bembèrèkè et de Sinendé. Ainsi, la pratique du système mixte se manifeste par la combinaison de la production animale et végétale. Ce qui fait appelle à une interaction entre les deux systèmes de production.

Déterminants de l’adoption de la pratique d’intégration cultures-élevage

Plusieurs facteurs expliquent l’adoption des systèmes de production mixtes cultures-élevage dans les communes de Bembèrèkè et de Sinendé au Nord du Bénin. Le tableau 6 présente les résultats des estimations du modèle logit. Il est remarqué que les trois modèles de régression logit sont tous significatifs au seuil de 5 %. Aussi est-il remarqué que trois variables influencent significativement l’adoption des systèmes de production mixtes cultures-élevage.

Changements climatiques

Les changements et variabilités climatiques influencent considérablement au seuil de 5 % les différents systèmes de production mixtes «Codominance Élevage - Agriculture» et «Agriculture dominante - Élevage». Ainsi, les mauvaises répartitions spatiales et temporelles des précipitations associées à la hausse des températures dans les communes d’étude influencent fortement l’adoption des systèmes de production mixtes cultures-élevage. Ainsi, lorsqu’il y a une mauvaise répartition des pluies et les températures extrêmes les producteurs tendent vers l’adoption du système de production mixte «Codominance Élevage - Agriculture».

Pressions anthropiques

Les pressions anthropiques influencent également au seuil de 5 % l’adoption des systèmes de production mixtes notamment «Élevage - Agriculture subsistance» et «Agriculture dominante - Élevage». L’augmentation des populations agricoles dans les communes d’étude au cours des dernières années a favorisé des pressions remarquables sur la terre, la faune et la flore. Dans ces conditions de disponibilité limitée des terres cultivables et de la baisse progressive de la fertilité des sols, les enquêtés ont adopté différents systèmes de production mixtes cultures-élevage. Ce qui justifie les influences considérables au seuil de 5 % des pressions anthropiques sur les systèmes de production mixtes «Élevage - Agriculture subsistance» et «Agriculture dominante - Élevage» dans les communes de Bembèrèkè et de Sinendé au Nord du Bénin.

Disponibilité des ressources fourragères

La disponibilité des ressources fourragères influencent significativement l’adoption du système de production mixte «Codominance Élevage - Agriculture». Cela est justifié par le fait que la baisse de la productivité des pâturages naturels et la diminution progressive des ressources fourragères les plus appétées excitent les éleveurs à opter pour le système de production mixte «Codominance Élevage - Agriculture» dans l’espoir de disposer des cultures fourragères et des résidus de récolte pour l’alimentation du bétail. Quant aux producteurs, face à la baisse progressive de la fertilité des sols associée aux diverses contraintes qui entravent la production agricole, ils adoptent le système de production mixte «Codominance Élevage - Agriculture» dans l’intention de diversifier leurs sources de revenus.

Taille du Troupeau

L’effectif du cheptel bovin influence négativement le système de production mixte «Codominance Élevage - Agriculture». Ainsi, face à la diminution de l’effectif du cheptel due aux contraintes climatiques, anthropiques et organisationnelles, les agriculteurs adoptent le système de production mixte «Codominance Élevage - Agriculture» pour non seulement diversifier leurs sources de revenus, mais également pour subvenir au besoin de la famille. Il est à retenir de ces régressions que les facteurs qui influencent l’adoption de l’un des systèmes de production mixtes cultures-élevage sont les changements climatiques, la disponibilité des ressources fourragères, les pressions anthropiques et l’effectif du cheptel bovin.

DISCUSSION

Les déterminants de l’adoption des systèmes de production mixtes cultures-élevage sont mis en exergue dans les différents résultats obtenus. Trois catégories de systèmes de production mixtes ont été considérés suivant les observations du terrain. Il s’agit des systèmes de production mixtes «Agriculture dominante - Élevage», «Élevage - Agriculture de subsistance» et «Codominance Élevage - Agriculture». La superficie emblavée et la taille du cheptel constituent les principaux facteurs de classification des différents types de systèmes de production mixtes dans les communes de Bembèrèkè et Sinendé au Nord du Bénin. Ainsi, la pratique du système mixte se manifeste par la combinaison de la production animale et végétale. Ce qui fait appel à une interaction entre les deux systèmes de production. Ces résultats corroborent ceux obtenus par Bechir (2010) dans lesquels il a montré que les systèmes de production se caractérisent par une complémentarité structurelle entre activités agricoles et pastorales. Ces résultats confirment également ceux de Ryschawy et al. (2014), Totin et al. (2016), Djohy et al. (2022), Djohy et al. (2023) qui ont montré que dans les systèmes de production mixtes cultures-élevage, les effluents d’élevage sont utilisés pour fertiliser les sols et améliorer ainsi la productivité des cultures, tandis que les sous-produits des cultures servent à alimenter les troupeaux. Ces auteurs appréhendent les niveaux d’intégration entre élevage et cultures par des flux de matières entre système technique de culture et système technique d’élevage. Le système mixte de production se construit généralement autour de trois grandes pratiques: la traction animale, le stockage de fourrage et la production de fumure organique (Blanchard et al., 2011; Vall et al., 2017; Bénagabou et al., 2017; Havet et al., 2018; Moraine et al., 2018; Afouda et al., 2020; Mischler et al., 2020) et se caractérise par une interdépendance entre les activités de l’agriculture et de l’élevage (Kamuanga, 2010; Fiorelli et al., 2018; Choisis et al., 2018).

L’adoption de l’un des systèmes de production mixtes cultures-élevage est influencée par de nombreux facteurs notamment les changements climatiques, la disponibilité des ressources fourragères, les pressions anthropiques et les dynamiques foncières. Ces différents facteurs impactent négativement les systèmes de production agricole et pastorale. C’est ce qui justifie l’adoption des systèmes de production mixtes cultures-élevage par les agricultures et éleveurs des communes de Bembèrèkè et de Sinendé au Nord du Bénin. Les résultats des modèles de régression logit ont révélé que les changements climatiques, la disponibilité des ressources fourragères, les pressions anthropiques et la taille du cheptel bovin constituent les principaux facteurs qui influencent le choix de l’un des systèmes de production mixtes cultures-élevage. Ces résultats trouvés vont dans le même sens que ceux obtenus par d’autres auteurs ayant travaillé sur l’intégration cultures-élevage. Ainsi, Vall et al. (2011) ont trouvé qu’en Afrique sub-saharienne, compte tenu des aléas pluviométriques, de la faiblesse du pouvoir d’achat et de l’augmentation généralisée de la pression anthropique sur les ressources naturelles, on est passé d’une logique d’extension des cultures et des troupeaux à une logique d’intensification et de valorisation des sous-produits de l’agriculture et de l’élevage (Vall et al., 2006). Les résultats corroborent également ceux obtenus par Idrissou et al. (2020), Idrissou (2021) qui ont rapporté une influence positive de la taille du cheptel sur l’adoption du système de production mixte culture-élevage par les éleveurs. Aussi, les résultats sont-ils conformes à ceux obtenus par Danne et Musshoff (2017) qui ont conclu que la taille du cheptel bovin affecte significativement la décision des agro-éleveurs à adopter un système de production mixte culture-élevage.

CONCLUSION

Le système mixte constitue un modèle agronomique qui favorise le développement des activités agricoles et pastorales. Il est caractérisé par l’utilisation des sous-produits fournis par l’un des systèmes comme intrants pour l’autre système et s’appuie sur l’utilisation de la traction animale, la production de fumure organique et celle des fourrages. Les différentes analyses notamment le test de comparaison des moyennes et l’analyse multiples des correspondances en lien avec l’identification des systèmes de production mixtes adoptés par les enquêtés des deux communes d’étude, ont révélé que le système de production mixte «Agriculture dominante - Élevage» est le plus adopté (68 %) dans la commune de Bembèrèkè contrairement à la commune de Sinendé où le système de production mixte dominant est «Élevage - Agriculture de subsistance» (66 %). Par ailleurs, plusieurs facteurs influencent l’adoption de l’un de ces systèmes par les enquêtés. Les résultats des modèles de régression logit ont indiqué que les changements climatiques, la disponibilité des ressources fourragères, les pressions anthropiques et la taille du cheptel bovin constituent les principaux facteurs qui influencent le choix des systèmes de production mixtes. Dans ces conditions, il est donc important de renforcer les producteurs dans l’adoption et le développement des systèmes de production mixtes pour la diversification et la sécurisation de leurs revenus et la protection de l’environnement. Ainsi, une attention particulière doit être accordée aux différents facteurs déterminants de l’adoption des systèmes de production mixtes cultures-élevage par les décideurs politiques et les différents services de vulgarisation pour assurer non seulement une gestion durable des ressources agricoles et pastorales, mais également pour protéger l’environnement.

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