Résumé

Cette étude a pour objectif global d’identifier les différentes stratégies d’adaptation des maraichers de la ville de Kisangani face aux changements climatiques. Nous avons analysé les perceptions des maraichers sur les effets des changements climatiques, répertorié les spéculations légumières cultivées dans la ville ainsi que relevé les raisons qui motivent les maraichers à les cultiver. Les enquêtes ont été effectuées dans la ville de Kisangani et les résultats de cette étude montrent que les maraichers ont perçu les effets du changement climatique au cours de ces cinq dernières années tels qu’une forte intensité de pluie (88,3%); un léger prolongement de la saison de pluie (8,3%) et autres effets selon 3,3% des enquêtés. Les résultats de cette étude ont aussi montré que les stratégies mises en œuvre par les maraichers pour faire face aux changements climatiques sont entre autres la modification des pratiques culturales (45%); l’introduction des nouvelles spéculations (40%); le changement des variétés (5%); l’association des cultures (6,7%) et autres (3,3%). Les spéculations légumières les plus cultivées sont la ciboulette (40%); l’amarante (33,3%); le céleri (21.7%) et la tomate (5%). Enfin, les raisons qui poussent les maraichers à pratiquer ces spéculations sont notamment la génération de profit après-vente (48,3%); le cycle court des cultures (21,7%); le rendement élevé (5%) et le faible besoin de la culture en main d’œuvre et produits phytosanitaires (3.3%), et autres (10%).


Mots clés: Perturbation climatique, perception, stratégies d’adaptation, maraichers, Kisangani

INTRODUCTION

En Afrique, l’agriculture est l’activité principale. Malheureusement, cette activité dépend fortement de la pluviométrie. Les perturbations climatiques augmentent de plus en plus, ce qui a un impact négatif sur les cultures et sur l’activité agricole de manière générale (Jans, 2019).

En République Démocratique du Congo (RDC), où environ 70 % de la population vit essentiellement de l’agriculture de subsistance (Chaussé et al., 2012), les perturbations climatiques sont venues s’ajouter à d’autres problèmes existants pouvant agir de cause à effet tels que l’insécurité, l’impraticabilité des routes de desserte agricole, la pauvreté, la croissance démographique galopante entraînant ainsi une compétition d’accès aux ressources (PNUD, 2013). L’adaptation de l’agriculture aux aléas et la gestion du risque sont partout prises en compte dans les systèmes agraires traditionnels. En effet, la perturbation climatique globale se traduit localement par plusieurs évolutions qui modifient les conditions de production agricole (Vodounou, 2016). Les perturbations climatiques se manifestent par une mauvaise distribution spatio-temporelle des précipitations, des inondations, des poches de sécheresse de plus en plus fréquentes et une augmentation des températures (Mindri et al., 2017).

L’impact sur l’agriculture est multiple, la baisse des rendements des végétaux et animaux, l’impossibilité de faire jouer les mécanismes traditionnels de gestion du risque et la très grande incertitude fragilisent les systèmes et induisent des stratégies de court terme qui sont souvent dommageables à l’environnement voire à la durabilité économique des exploitations (Dugue, 2012). Cet impact est particulièrement important dans les pays en développement où l’agriculture est à 100% pluviale sans aucune alternative d’irrigation et constitue la principale source d’emplois et de la population (Agossou et al., 2012).

Le maraîchage est marqué par une forte saisonnalité, une imprévisibilité et parfois une pénibilité assez grande (Evens, 2011). Ce type d’agriculture désigne une des formes d’organisation de la production agricole regroupant des exploitations caractérisées par des liens organiques entre la famille et l’unité de production, par la mobilisation du travail familial excluant le salaire permanent (Bosc, 2014).

Ainsi, le GIEC (2007), déclare que les perturbations climatiques observées de nos jours constituent des défis auxquels l’humanité a et aura à faire face. Des nombreux problèmes auxquels se trouve confronté de nos jours, l’humanité figure au premier plan celle de la perturbation climatique. Quelles qu’en soient les causes, qu’elles soient liées à l’activité humaine ou à la dynamique naturelles, les perturbations climatiques affectent surtout l’agriculture, car celle-ci se pratique en plein air et dépend de facteurs climatiques comme le rayonnement, la pluviométrie, la température, etc. Les perturbations climatiques qui résultent de l’augmentation des gaz à effet de serre et donc de la température planétaire constitue une menace pour l’agriculture familiale (Kabore et al., 2019).

Certes, les causes des perturbations climatiques découlent d’un facteur majeur de destruction de l’environnement par leurs effets, mais les comportements de nature socio-économique ou culturelle augmentent la vulnérabilité de l’environnement de production. Suite à certaines de ses caractéristiques physiques et socio-économiques, notamment la fragilité de son économie, l’Afrique est l’une des régions les plus vulnérables de la planète en termes de perturbation climatique, celle-ci la prédispose à être touchée de manière disproportionnée par les effets néfastes des changements climatiques (Niasse, 2004). Cette vulnérabilité prend de l’ampleur dans les pays de l’Afrique subsaharienne, notamment en République Démocratique du Congo, où l’agriculture du type pluvial est fortement tributaire des saisons. En ce qui concerne les cultures maraîchères, ces perturbations climatiques rendent difficile le respect du calendrier cultural qui permet de produire aussi bien en contre saison et en saison des pluies. Avec tantôt des pluies et parfois des arrêts incessants des pluies, les maraîchers sont obligés d’arroser ou d’irriguer voire même de drainer leurs parcelles presque toute la saison.

En République Démocratique du Congo en général et plus particulièrement dans la ville de Kisangani, toute production maraîchère constitue une source appréciable de revenu pour des nombreuses familles, chômeur, illettrés, femmes et jeunes, permettant ainsi à la plupart des ménages de survivre (Bognini, 2011). Les perturbations climatiques constituent un des défis majeurs que l’humanité est appelée à relever au cours du vingt et unième siècle, et chez les maraîchers ils sont appelés à trouver ou monter des stratégies d’adaptation aux perturbations climatiques. Sa perception varie d’une société à l’autre et dépend des moyens d’existence des populations et du niveau de développement du pays (Malicki et al., 2010; IPCC, 2001). Ainsi, nous nous sommes intéressé à analyser la perception et les stratégies d’adaptation des maraîchers de la ville de Kisangani. Ce qui nous pousse à nous poser les questions de recherche telles que: Quels sont les changements frappants observés ces cinq dernières années dans leurs activités ? Quelles sont les stratégies d’adaptation aux changements climatiques qu’utilisent les maraîchers de la ville de Kisangani ? Quelles sont les cultures les plus exploitées et pour quelles raisons ?

MÉTHODOLOGIE 

La démarche méthodologique utilisée pour mieux comprendre la perception aux perturbations climatiques des maraîchers de la ville de Kisangani et les stratégies d’adaptations qu’ils développent, est une combinaison d’approches qualitative et quantitative.

Ville de Kisangani

Administrativement, la ville de Kisangani est le chef-lieu de la Province de la Tshopo et compte six communes urbaines. Étant à cheval sur deux rives du fleuve Congo, elle compte cinq communes sur la rive droite et une seule commune sur la rive gauche. Les communes Kabondo (449 km2), Kisangani (276 km2), Makiso (25 km2), Mangobo (18 km2) et Tshopo (489 km2) sont sur la rive droite et la commune de Lubunga sur la rive gauche (Figure 1).

Elle a comme coordonnées géographiques 0°31’ de latitude Nord et 25°11’ de longitude Est. De par ses coordonnées géographiques, Kisangani se trouve à cheval sur l’équateur. Sa côte altimétrique moyenne est de 396 m et varie de 376 m à 450 m (plateau arabisé au Sud-Est et plateau médical à l’Ouest) et 460 m (plateau Boyoma au Nord-Est). Selon le rapport de l’Institut National de la Statistique (INS), les données relatives à sa superficie totale varient de 1.910 km2 à 2.109 km2 (Nyakabwa, 1982).

Présentation des communes de l’étude dans la ville de Kisangani

Commune de Makiso

L’histoire de la Commune Makiso s’élève depuis le 1er Décembre 1885, date à laquelle les journalistes et navigateurs H.M. Stanley, après son prédécesseur collègue Livingston David, s’est pointé sur l’île Wanari habitée par les dignes pêcheurs Enya et baptisait celle-ci de son nom «Stanley-Falls» qui signifie les chutes de Stanley et transformée après en Stanley-Ville qui était devenue poste de colonisation européenne reconnu officiellement le 13 Juillet 1888 (INS, 2018).

La commune Makiso est limitée:

• A l’Est: par les Communes de Kabondo et de Kisangani,

• A l’Ouest: par la Commune de Mangobo et la rivière Lindi,

• Au Nord: par la Commune de la Tshopo et la rivière Tshopo,

• Au Sud: par le fleuve Congo qui la sépare avec la Commune de Lubunga.

Coordonnées géographiques:

• Une Latitude de 0°30’,

• Une longitude de 24° Est, et

• Une Altitude de 396 m, une densité de 325 habitants/km2, superficie totale varient de 1910 km2 à 2019 km2.

Commune de Kabondo

La commune de Kabondo est l’une des six communes de la ville de Kisangani. Elle se limite entre les communes Kisangani, Makiso et Tshopo. Cette commune a une superficie de 368 km2; elle est délimitée:

• A l’Est par la commune Kisangani au quartier Malek,

• A l’Ouest par le quartier plateau boyoma/commune Makiso,

• Au Nord par la commune Tshopo PK8 ancienne route buta, et

• Au Sud par le bloc artisanal/commune Makiso (Hôpital de Référence) (Eungi, 2014).

Conditions climatiques

La ville de Kisangani est située près de l'Équateur et est caractérisée par un climat chaud et humide, dont les températures sont élevées et quasi-constantes toute l’année.

Les températures moyennes oscillent entre 23,5°C et 23,3°C soit une amplitude thermique annuelle faible de 18°C (Upoki, 2001) et la moyenne des températures du mois le plus froid est supérieure à 18°C. La ville de Kisangani jouit d’un climat du type Af de la classification de Koppen caractérisé par une faible variation annuelle de température et des précipitations. La moyenne mensuelle varie entre 42,6 mm (juin) à 37,6 mm (octobre) avec une moyenne de 139,5 mm. Cette pluviosité permet de diviser l’année en 4 périodes à savoir:

• Une saison de très faible pluviosité en janvier-février,

• Une saison pluvieuse bien marquée en mars-mai,

• Une saison relativement sèche en juin-août et

• Une période de pluie en septembre-novembre.

Cette distribution est assez relative étant donné que le régime pluviométrique varie d’une année à l’autre (Nyongombe, 1993). La moyenne de précipitation est élevée toute l’année, mais la répartition n’est nullement uniforme. Deux petites saisons sèches caractérisées par une réduction des précipitations respectivement en décembre-janvier-février et juin-juillet-août, correspondant à deux petites saisons sèches de faibles pluviosités (Nyakabwa, 1982).

Végétation

La végétation de Kisangani se place selon Mate (2001) dans le secteur forestier central de la région guinéenne. Ce secteur est caractérisé par des forêts denses, humides et groupements végétaux de dégradation diverse suite à l’action anthropique. Cette végétation est essentiellement constituée des forêts secondaires jeunes, des recrûs forestiers, de forêts primitives et marécageuses.

Collecte et analyse des données

La méthodologie utilisée est basée sur la sélection de producteurs avec une durée d’expérience minimale de 5 ans. Cette durée se justifie par le fait que le maraîcher ayant déjà été sujet à de perturbations climatiques. L’expérimentation s’est déroulée sur les communes de Makiso et celle de Kabondo enfin d’enquérir des réalités du terrain et d’évaluer leurs perceptions et leurs expériences d’adaptation aux aléas de variabilités du climat et sa gestion. Les données concernant les impacts aux perturbations climatiques sur les cultures maraîchères et pluviales sont relatives aux variables impactées telles que les semences utilisées, le cycle des cultures, la croissance des cultures, les problèmes phytosanitaires, les rendements des cultures et la disponibilité en eau (Olouwafèmi, 2020; Mushagalusa, 2021). La méthodologie a consisté à l’administration du questionnaire à 60 maraîchers dans les 2 communes. Le traitement et l’analyse des données ont permis d’étudier les perception et stratégies d’adaptations des maraîchers de la ville de Kisangani aux perturbations climatiques. Les visites aux champs ont permis de comprendre les dégâts, l’ampleur et les effets des perturbations climatiques et la mise en place des stratégies d’adaptation par les maraîchers. Sur terrain, nous avons utilisé la technique d’interview qui nous a permis de dialoguer avec les enquêtés à l’aide d’un certain nombre de questions conçues. En fait cette technique a été suivie d’un échantillonnage à choix raisonné et celle-ci nous a permis de mener cette investigation sur une partie de la population des communes de Makiso et celle de Kabondo ayant la même caractéristique et exerçant la même activité, qui est la culture maraîchère.

Les données récoltées ont été encodées sur un tableur Excel, nettoyées et transférées sur IBM SPSS.25.0 pour les analyses descriptives.

RÉSULTATS

Effets du changement climatique

Comme le changement climatique est un facteur majeur et sa perception varie d’un lieu à un autre, il était question d’analyser les perceptions et déterminer les effets de changement climatique que ressentent les maraîchers de la ville de Kisangani dans leurs pratiques du maraîchage. Ces perturbations ont été désignés par la presque totalité des enquêtés, soit 98,3% qui ont observé les effets du changement climatique et 2,73% affirment n’avoir constaté aucun effet du changement climatique (Figure 2).

L’analyse de la figure 2 montre que la forte intensité de la pluie (soit 88,3%) est donc l’unique manifestation de ces perturbations climatiques la plus reprise par la quasi-totalité des enquêtés de ces deux communes (Makiso et Kabondo). Une partie des enquêtés, soit 8,3% disent observer un petit prolongement de la saison de pluie, du fait que certaines périodes qui autrefois sont connue comme saisons sèches deviennent pluvieuses comme le mois de Février et le mois de Juillet. Enfin, une petite partie des enquêtés, soit 3,3% n'ont observé aucun effet dans le décalage du calendrier climatique.

Conséquences des perturbations climatiques

Les perturbations climatiques ont des effets néfastes sur la vie sociale et plus particulièrement l’agriculture qui se pratique en plein air. Sur la vie des pratiquants (maraîchers), les résultats de cette étude nous montrent que deux conséquences sont majeures sur la vie de maraîchers de la ville de Kisangani. D’abord la majorité des enquêtés, soit 60% disent avoir subi plus de pauvreté, car une forte intensité de pluie cause le jaunissement des plantes cultivées (cas d’amarante) induisant ainsi à une faible récolte. En second lieu, 23,3% disent avoir subi d’autres conséquences sur leur vécu quotidien comme le découragement une fois le climat change.

L’analyse de la figure 3 renseigne que, quand il y a perturbation climatique, les maraîchers sont victimes de multiples difficultés. Ils ne sont plus au contrôle de leur source de revenue (soit 60%), ils convertissent leurs activités (soit 6,7%), ils connaissent de l’insécurité alimentaire (soit 3,3%) ou de la migration (soit 1,7%), la rupture de la société (soit 5%) et d’autres conséquences sont affirmées par 23,3%.

Moyens d’information

Les résultats de cette étude montrent que 51,7% des enquêtés sont informés du changement climatique par la Radio. Par contre, 23,3% par leur propre observation sur terrain et 13,3% par la télévision et 11,7% de bouche à l’oreille.

Il ressort de l’analyse de la figure 4 que la radio est le moyen le plus important qui a permis aux enquêtés d’acquérir les informations sur le changement climatique.

Stratégies d’adaptation

La lecture de la figure 5 montre que deux principales stratégies sont les plus fréquentes dans les zones de cette étude et signalées par une majorité des enquêtés, soit 45% modifient leurs pratiques culturales et 40% disent introduire des nouvelles spéculations.

Hormis ces deux principales stratégies, trois autres stratégies sont également mises en place par les maraîchers pour faire face aux aléas du changement climatique qu’on peut qualifier des rares, présentes ou moins pratiquées. Il y a 6,7% de personnes enquêtées qui affirment procéder à l’association de cultures, 5% recherchent les variétés qui s’adaptent mieux à une saison donnée et 3,3% mettent en place d’autres types de stratégies pour faire face aux perturbations climatiques. Ces autres stratégies peuvent aller de l’installation des ombrières et l’incorporation de compost.

Les spéculations exploitées

Les résultats montrent aussi que principales les cultures dans les sites d’étude sont selon l’ordre d’importance, la culture de ciboulette qui est la plus cultivée et affirmée par 40,0% des enquêtés suivi de celle d’amarante par 33,3%, céleri par 21,7% et enfin la tomate par 5,0%. Notons que ces spéculations ne sont pas les seules cultivées, mais ces dernières sont plus pratiquées que d’autres cultures par les maraîchers.

DISCUSSION

On note que les paysans d’Afrique subsaharienne sont loin d’être restés passifs face aux aléas climatiques et à leur accentuation depuis les années soixante dix. La prise en compte de leurs pratiques et stratégies d’adaptation peut être extrêmement utile pour définir des problématiques de recherche pertinentes pour lutter contre ces aléas et faire en sorte que les stratégies des acteurs de développement soient plus en cohérence avec celles des agriculteurs (Jouve, 2010). Plus de dix ans après l’analyse de cet auteur, on constate que peu d’études analysent les stratégies sur le plan local des maraîchers ou des agriculteurs face aux perturbations climatiques et leur perception (précipitation et température) par les maraîchers. Ainsi, notre recherche a été effectuée pour comprendre leur connaissance actuelle de perturbation du climat dans la ville de Kisangani. Les mêmes perturbations climatiques examinées ont été étudiées au Sud du Sénégal, au Nord du Togo et au Bénin pour comprendre les perceptions des agriculteurs vivriers du changement climatique (Agossou et al., 2012; Sanou et al., 2018; Mballo et al., 2019).

Dans la zone d’étude, contrairement au Burkina Faso, Bele et al., (2014) et Kabore et al., (2019), les résultats ont montré que l’irrégularité des précipitations et la réduction du nombre des jours des pluies ainsi que la baisse de la quantité de pluie constituent des indicateurs incontestables du changement climatique si cela persiste dans le temps. Cette situation perturbe sans doute le calendrier agricole (Kosmowski et al., 2015). Les perceptions des agriculteurs des marais par rapport au climat sont à prendre en compte en ce sens que ces informations peuvent aider les pouvoirs publics et les animateurs du développement rural à élaborer des scénario permettant la gestion durable des bas-fonds (Faye et al., 2018).

En agriculture, la connaissance de ces variables à l’échelle non seulement régionale mais aussi locale permet de prévenir le risque, de planifier et d’optimiser les opérations culturales comme le sarclage, l’application des pesticides, l’épandage des engrais et la récolte (Gommes, 2011). Les résultats obtenus montrent que les maraîchers fondent leurs perceptions de la perturbation climatique sur le début et la durée de la saison de pluies et l’occurrence de la saison sèche, caractérisée par des températures fluctuantes. Cette perception est en accord avec Mballo et al. (2019) qui ont trouvé que les agriculteurs sénégalais s’appuient aussi sur des tendances pluviométriques et thermométriques ainsi que la durée des saisons pour caractériser le changement dans leurs zones agricoles. La même tendance a été observée au nord du Bénin où 98 % des populations locales percevaient le changement climatique dans leur milieu à travers le retard dans le démarrage de la saison des pluies, les périodes de sécheresse au cours de la saison pluvieuse ou la mauvaise répartition spatiale des pluies (Minengu et al., 2014).

Cependant, les maraîchers éprouvent des difficultés à accéder aux prévisions météorologiques et à l’information climatique, ce qui les amène à travailler selon les connaissances endogènes de leur environnement (Kolawole et al., 2014; Kasongo et Mosombo, 2017). En République Démocratique du Congo, l’accès des maraîchers à l’information climatique reste un grand défi car de nombreuses de stations météorologiques ne fonctionnent plus, suite aux problèmes techniques ou faute d’appui financier pour permettre une collecte continue des données. A cela, s’ajoute aussi les services de vulgarisation qui fonctionnent à peine. C’est aussi la conclusion d’étude menée par Lebailly et al., (2014) selon laquelle le faible niveau de la productivité est le résultat d’une multitude de facteurs endogènes, dont les principaux sont liés au caractère extensif de l’agriculture avec un niveau technique peu avancé, au manque d’intrants de qualité (par exemple les semences, outils, etc.), à l’absence de crédit agricole et à la défaillance du système de vulgarisation agricole. Dans certaines régions du pays, ces facteurs sont encore accentués par la dégradation de la fertilité des sols et par les attaques parasitaires.

CONCLUSION

Le changement climatique est une réalité en République Démocratique du Congo. Les principales zones de production agricole, dont les milieux urbains et péri-urbains souffrent du glissement des saisons avec des pluies abondantes et de grande intensité. Cette situation affecte la production agricole et la sécurité alimentaire des ménages en termes de faible rendement et de l’insuffisance des vivres. Pour y faire face, il s’avère judicieux d'avoir la perception des agriculteurs en particulier les maraîchers et les diverses stratégies d’adaptations. C’est ainsi que la présente étude a été initiée afin d'évaluer si réellement les maraîchers de la ville de Kisangani, particulièrement ceux de la commune de Makiso et Kabondo, ressentent les effets des changements climatiques ainsi que la manière avec laquelle ils font face à ce fléau. Les résultats de cette étude font remarquer que les maraîchers subissent les effets des changements climatiques et mettent en place certaines stratégies d’adaptations. Ils ont adopté de nouvelles stratégies d’adaptation telles que la modification des pratiques culturales avec 45% des maraîcher enquêtés; l’introduction des nouvelles spéculations avec 40%, l’association des cultures avec 6,7%, le changement des variétés exploitées avec 5% et autres stratégies avec 3% des maraîchers interviewés. Certaines cultures intéressent les maraîchers telle que l’amarante, la ciboulette, et le céleri suite à leurs écoulement facile et rapide sur le marché et leurs susceptibilités de générer des profits intéressants.

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